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 Les Protocoles des Sages de Sion

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mihou
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mihou


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30082006
MessageLes Protocoles des Sages de Sion

© Coll.P.A.Taguieff
Les Protocoles des Sages de Sion, le célèbre faux fabriqué contre les juifs, ont été rédigés en France au début du siècle par un intrigant russe. L’auteur est enfin identifié. Les ravages, eux, continuent


© Coll.M.Lepekjine
Le « fabricant des Protocoles » Mathieu Golovinski, à Paris, en 1907.

C’est la plus célèbre — et la plus tragique — des falsifications du XXe siècle, à la base du mythe antisémite du « complot juif mondial ». Le texte des Protocoles des Sages de Sion vient de livrer son dernier mystère: un historien russe, Mikhail Lépekhine, a établi l’identité de son auteur, grâce aux archives soviétiques. Elle permet de comprendre pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour connaître cet épilogue: le faussaire, Mathieu Golovinski, qui a effectué sa besogne à Paris, au début du siècle, pour le représentant en France de la police politique du tsar, était devenu, après la révolution russe de 1917, un notable bolchevique... La découverte de ce sinistre pied de nez historique permet de combler les dernières lacunes dans l’histoire d’une imposture qui, après avoir fait beaucoup de ravages en Europe, connaît un destin encore florissant dans beaucoup de régions du monde.

© Coll.M.Lepekjine
Serge Alexandrovitch Nilus, écrivain mystique et orthodoxe, premier éditeur des Protocoles.

Historien de la littérature russe, Mikhail Lépekhine est l’un des meilleurs connaisseurs des « publicistes » de la fin du XIXe siècle, ces personnages à la fois écrivains, journalistes et essayistes politiques qui interviennent sous forme de libelles, d’articles et de livres dans les convulsions de la vie publique russe de l’époque. Sa spécialité: les années charnières du règne d’Alexandre III (1881-1894) et du début du règne de Nicolas II (1894-1902), période agitée qui précède les turbulences révolutionnaires. Ancien conservateur des archives de l’Institut de littérature russe et chercheur en histoire des imprimés de la bibliothèque de l’Académie des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg, Mikhail Lépekhine étudie la vie et l’œuvre de tous ces individus, y compris ceux de deuxième et troisième ordre, pour la plupart réunis dans le monumental Dictionnaire biographique russe en 33 volumes, dont il dirige l’édition.

© Coll.M.Lepekjine
Pierre Ratchkovski (à dr.), responsable de la police politique russe à Paris et commanditaire des Protocoles.

C’est en travaillant sur l’un de ces publicistes, Mathieu Golovinski, fils d’aristocrate, avocat radié pour détournement de fonds, journaliste à scandale et intriguant dans les milieux politiques russes de Saint-Pétersbourg et de Paris, qu’il a plongé dans l’histoire des Protocoles, qui, jusqu’alors, ne constituaient pas pour lui un sujet de préoccupation. Dépouillant tous les fonds documentaires concernant Golovinski, il a trouvé dans des archives françaises conservées à Moscou depuis quatre-vingts ans la trace de son rôle dans la fabrication du célèbre faux. Mikhail Lépekhine mesure vite l’importance de sa découverte en faisant le bilan des connaissances actuelles sur l’histoire des Protocoles, dont un chercheur français, Pïerre-André Taguieff, a récemment publié la synthèse la plus complète1. Il vient de trouver le chaînon manquant — l’identité du faussaire — au croisement de deux longues histoires: celle d’un petit arriviste dont ce « travail » ne fut qu’un bref moment de sa vie agitée et trouble et celle d’un faux infâme pour lequel Mathieu Golovinski ne fut qu’un exécutant technique.

Les Protocoles des Sages de Sion, parfois surtitrés Programme juif de conquête du monde, sont un texte connu sous deux versions proches, éditées en Russie, d’abord partiellement, en 1903, dans le journal Znamia, puis, dans une version complète, en 1905 et en 1906. Ils se présentent comme le compte rendu détaillé d’une vingtaine de réunions judéo-maçonniques secrètes au cours desquelles un « Sage de Sion » s’adresse aux chefs du peuple juif pour leur exposer un plan de domination de l’humanité. Leur objectif: devenir «maîtres du monde» après la destruction des monarchies et de la civilisation chrétienne. Ce plan machiavélique prévoit d’utiliser la violence, la ruse, les guerres, les révolutions, la modernisation industrielle et le capitalisme pour mettre à bas l’ordre existant, sur les ruines duquel s’installera le pouvoir juif.

Ce « document secret » est rapidement mis en doute par le comte Alexandre du Chayla, un aristocrate français converti à l’orthodoxie et qui luttera plus tard au sein de l’armée blanche contre les bolcheviques: il avait rencontré en 1909 le premier éditeur des Protocoles, Serge Nilus, pape du mysticisme russe, qui lui avait montré l’ « original ». Pas du tout convaincu, le comte racontera par la suite avoir eu l’impression de rencontrer un illuminé pour qui la question de l’authenticité du texte importait peu. « Admettons que les Protocoles soient faux, lui a déclaré Nilus. Mais est-ce que Dieu ne peut pas s’en servir pour découvrir l’iniquité de ce qui se prépare? Est-ce que Dieu, en considération de notre foi, ne peut pas transformer des os de chien en reliques miraculeuses? Il peut donc mettre dans une bouche de mensonge l’annonciation de la vérité! »

© A.Demianchuk/Reuters pour L’Express
Mikhail Lépekhine, chez lui. Dans ses mains, la première édition parisienne en russe des Protocoles.

Les Protocoles sont en fait « lancés » dans le grand public par le Times de Londres du 8 mai 1920, dont un éditorial intitulé « Le Péril juif, un pamphlet dérangeant. Demande d’enquête» évoque ce « singulier petit livre », auquel il semble accorder du crédit. Le Times se rattrape un an plus tard, en août 1921, en titrant « La fin des Protocoles » et en publiant la preuve du faux. Le correspondant à Istanbul du quotidien britannique avait été contacté par un Russe blanc réfugié en Turquie qui, visiblement bien informé, lui avait révélé que le texte des Protocoles était le décalque d’un pamphlet français contre Napoléon III. Une vérification rapide avait prouvé la falsification: les Protocoles reprenaient effectivement le texte du Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu, publié à Bruxelles en 1864 par Maurice Joly, un avocat antibonapartiste qui voulait montrer que l’empereur et ses proches complotaient pour s’emparer de tous les pouvoirs de la société française. Utilisant ce texte oublié qui avait valu deux ans de prison à Maurice Joly, le faussaire des Protocoles avait remplacé « la France » par « le monde » et « Napoléon III » par « les juifs ». La supercherie, grossière, éclatait par simple comparaison ligne à ligne des deux textes. Le faux était dévoilé, mais le mystère de son origine demeurait. On savait simplement que le texte original était rédigé en français et l’on supposait qu’il avait pu être fabriqué au tout début du siècle, à Paris, dans les milieux de la police politique russe.

C’est dans les archives du Français Henri Bint, agent des services russes à Paris pendant trente-sept ans, que Mikhail Lépekhine a vérifié que Mathieu Golovinski était le mystérieux auteur du faux. Recevant en 1917 à Paris Serge Svatikov, l’envoyé du nouveau gouvernement russe de Kerenski chargé de démanteler les services secrets tsaristes et de « débriefer » — et parfois retourner — ses agents, Henri Bint lui explique que Mathieu Golovinski était l’auteur des Protocoles et que lui-même a notamment été chargé de la rémunération du faussaire. Le dernier ambassadeur du tsar, Basile Maklakov, étant parti avec les archives de l’ambassade, qu’il donnera en 1925 à la fondation américaine Hoover, Serge Svatikov achète à Henri Bint ses archives personnelles. Rompant ensuite avec les nouveaux dirigeants bolcheviques, Svatikov dépose les archives Bint à Prague, dans le fonds privé des « Archives russes à l’étranger ». En 1946, les Soviétiques mettent la main sur ce fonds qui rejoint à Moscou les archives d’Etat de la Fédération de Russie.

Une petite ruse de l’Histoire
Le secret de Golovinski est donc préservé jusqu’à l’effondrement du communisme et l’ouverture générale des archives, en 1992. Le faussaire antisémite étant en effet devenu « compagnon de route » des bolcheviques dès 1917, les Soviétiques n’ont eu aucune envie de révéler cette petite ruse de l’Histoire, qui semble encore gênante aujourd’hui, puisque la découverte de Mikhail Lépekhine, révélée en août dernier par Victor Loupan dans Le Figaro Magazine, n’a suscité aucun intérêt dans la grande presse française.
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Les Protocoles des Sages de Sion :: Commentaires

mihou
Re: Les Protocoles des Sages de Sion
Message Mer 30 Aoû - 1:14 par mihou
© J-P Couderc/L’Express
Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS et auteur de l’étude la plus complète sur les Protocoles.

Grâce à sa connaissance détaillée de l’itinéraire de l’auteur des Protocoles, Mikhail Lépekhine peut aujourd’hui, au terme de cinq années de recherches, retracer complètement les circonstances et les objectifs de la fabrication de ce faux. Né le 6 mars 1865 à Ivachevka, dans la région de Simbirsk, Mathieu Golovinski est issu d’une famille aristocratique descendant d’un croisé, le comte Henri de Mons. Famille bien née, mais turbulente: « Le grand-oncle de Mathieu Golovinski fut condamné à vingt ans d’exil en Sibérie pour sa participation au complot antimonarchiste des décembristes et Basile, son père, proche de Dostoïevski, fut condamné à mort et gracié en même temps que l’écrivain, après un simulacre d’exécution », raconte Mikhail Lépekhine. Libéré après s’être engagé plusieurs années comme soldat dans la guerre du Caucase, Basile meurt dépressif en 1875, laissant le petit Mathieu Golovinski entre les mains de sa mère et d’une gouvernante française qui en fait un excellent francophone. Etudiant en droit désinvolte, mais habile et sans grands scrupules, Mathieu Golovinski semble très tôt doué pour l’intrigue. Le jeune arriviste parvient à entrer en contact avec le comte Vorontsov-Dahkov, proche du tsar et ministre à la cour: convaincu de la menace d’une conspiration, le comte a fondé, après l’assassinat d’Alexandre II, la Sainte-Fraternité, organisation secrète répondant à la terreur par la terreur et la manipulation. La Sainte-Fraternité fut en effet l’une des premières « forgeries » de faux documents, fabricant notamment de faux journaux révolutionnaires.

Nommé fonctionnaire à Saint-Pétersbourg, Mathieu Golovinski travaille dans les années 1890 pour Constantin Pobiedonostsev, procureur général du Saint-Synode et l’un des inspirateurs d’Alexandre III. Chrétien militant, le dignitaire orthodoxe a mis sur pied un programme d’évangélisation d’un peuple païen de la Volga, les Tchauvaches, en compagnie de l’oncle de Mathieu Golovinski et d’Ilya Oulianov, père du futur Lénine. « Constantin Pobiedonostsev est obsédé par l’invasion de l’appareil d’Etat par les juifs, qu’il juge “plus intelligents et plus doués” que les Russes », explique Mikhail Lépekhine. C’est par son intermédiaire que Mathieu Golovinski travaille pour le Département de la presse, officine chargée d’influencer les journaux en remettant à leurs directeurs des articles prêts à publier, voire en les obligeant à salarier certains de ses agents, qui, mi-mouchards, mi-journalistes, censurent de l’intérieur la presse et surveillent sa « ligne ». Le chef de ce Département de la presse, Michel Soloviev, antisémite fanatique, fait de Golovinski son « deuxième rédacteur ». « Golovinski a la plume très facile. Il est doué et assume pendant cinq ans cette fonction trouble avec aisance, en dilettante doué et en jouisseur », précise Mikhail Lépekhine, qui a lu nombre de ses textes de l’époque.

Cette agréable sinécure échappe brutalement à Mathieu Golovinski: Soloviev meurt et Pobiedonostsev n’a plus la même emprise sur le nouveau tsar, Nicolas II, qui paraît désireux d’instaurer un style différent. Les hommes de l’ombre changent et Golovinski se fait traiter publiquement de « mouchard » par Maxime Gorki. Il s’exile à Paris, ville qu’il fréquente depuis longtemps, et trouve le même type de « travail » auprès d’un ancien de la Sainte-Fraternité, Pierre Ratchkovski, qui dirige les services de la police politique russe en France. « Golovinski est notamment chargé d’influencer les journalistes français dans leur traitement de la politique du tsar. Il lui arrive ainsi d’écrire des articles qui passent dans de grands quotidiens parisiens sous la signature de journalistes français! » précise Mikhail Lépekhine. Toujours aussi actif, il complète ces activités en publiant en 1906, aux éditions Garnier, un dictionnaire anglais-russe plagié d’une édition russe, entreprend des études de médecine durant trois ans et connaît une vie aisée à Paris, grâce à une pension que continue à lui verser sa mère, tout en dissimulant cette hyperactivité sous les apparences tranquilles d’un banlieusard résidant à Bourg-la-Reine jusqu’en 1910.

Un intrigant au service des puissants
La propagande contre-révolutionnaire à destination des élites politiques françaises est l’une des activités principales de Ratchkovski, qui a créé à Paris une Ligue franco-russe: les relations entre les deux pays constituent alors un enjeu primordial et l’ancien de la Sainte-Fraternité conserve les obsessions du clan orthodoxe ultra-réactionnaire, qui veut convaincre le tsar qu’un complot judéo-maçonnique se cache derrière le courant libéral et réformateur. Or Nicolas II, moins perméable à cette thématique que ses prédécesseurs, se montre préoccupé par les critiques occidentales relatives à la politique russe de discrimination à l’égard des juifs. Ratchkovski a donc l’idée d’une manœuvre destinée à convaincre le tsar du bien-fondé des préventions antisémites. Sous l’influence d’Ivan Goremykine, ancien ministre de l’Intérieur en disgrâce, il veut notamment que le tsar se débarrasse du comte Sergueï Witte, chef de file des modernisateurs au sein du gouvernement. Il s’agit donc de produire une « preuve » décisive de ce que la modernisation industrielle et financière de la Russie est l’expression d’un plan juif de domination du monde.

D’où la commande de Ratchkovski à Golovinski d’un faux — un parmi tant d’autres, pour ce polygraphe doué — destiné à l’origine à un seul lecteur: le tsar. En effet, Ratchkovski semble avoir imaginé une habile manœuvre: sachant que le mystique Serge Nilus a des chances de devenir le nouveau confesseur du tsar, il pense faire remettre à Nicolas II son faux manuscrit antisémite par cet intermédiaire de confiance. Selon Mikhail Lépekhine, c’est donc à Paris, à la fin de 1900 ou en 1901, que Golovinski rédige les Protocoles en se servant du pamphlet de Maurice Joly contre Napoléon III. Mais le stratagème tombe à l’eau: Serge Nilus n’est pas nommé confesseur. Il conserve cependant le texte, qu’il publiera en 1905 en annexe de l’un de ses ouvrages, Le Grand dans le Petit. L’Antéchrist est une possibilité politique imminente, qui est remis au tsar et à la tsarine. Ce livre explique que, depuis la Révolution française, un processus apocalyptique s’est enclenché, qui risque de déboucher sur la venue de l’Antéchrist.

« La rédaction des Protocoles ne constitue qu’un moment dans l’existence de Golovinski, précise Mikhail Lépekhine. Je ne pense pas qu’il se soit rendu compte de la portée de son travail. Ainsi, lors de leur élaboration, il en parle et en lit des passages à une amie de sa mère, la princesse Catherine Radziwill. Réfugiée aux Etats-Unis, celle-ci est la seule, dans les années 20, à désigner, dans une revue juive, Golovinski comme l’auteur des Protocoles. Mais elle n’a pas de preuve et son témoignage, comportant beaucoup d’erreurs, n’est pas retenu. » Il en est de même lors d’un procès tenu à Berne, en 1934, à la demande de la Fédération des communautés juives de Suisse, qui voulaient établir la fausseté des Protocoles, alors diffusés par les nazis suisses: « Le nom de Golovinski est mentionné tant par Serge Svatikov que par le journaliste d’investigation Vladimir Bourtsev, tous deux témoins cités par les plaignants », ajoute Pierre-André Taguieff.

Mathieu Golovinski poursuit sa vie d’intrigant au service des puissants du jour qui veulent bien employer ses talents. De retour en Russie, il travaille ainsi pour Ivan Tcheglovitov, ministre de la Justice, puis pour Alexandre Protopopov, qui devient ministre de l’Intérieur en 1916. Il publie aussi, en 1914, un ouvrage de propagande, Le Livre noir des atrocités allemandes, signé « Dr Golovinski ». Car il se fait désormais passer pour médecin, sans avoir pourtant obtenu aucun diplôme après ses études parisiennes.

La « preuve » du « complot juif »
La chute du tsarisme ne saurait ébranler un si bon nageur en eau trouble. Il se retrouve dès 1917... député d’un soviet de Petrograd (Saint-Pétersbourg) : le Dr Golovinski est célébré par les révolutionnaires comme le premier des rares médecins russes à avoir approuvé le coup d’Etat bolchevique! La carrière de ce « médecin rouge » est, dès lors, fulgurante: membre du Commissariat du peuple à la santé et du Collège militaro-sanitaire, c’est un personnage influent du nouveau régime dans sa politique de santé. Il participe au lancement des pionniers (les membres d’une organisation d’embrigadement de la jeunesse), conseille Trotski pour la mise en place de l’enseignement militaire et fonde en 1918 l’Institut de culture physique, future pépinière de champions soviétiques, dont il prend la direction. Devenu notable, il ne profite pas longtemps de son nouveau pouvoir et meurt en 1920, au moment précis où ses Protocoles commencent à connaître un grand succès grâce à leurs traductions anglaise, française et allemande.

La Première Guerre mondiale, la révolution russe et le chaos en Allemagne semblent confirmer les prophéties du faux antisémite: l’histoire dramatique dans laquelle sont plongées l’Europe et la Russie ont un effet d’authentification de ce texte, dont un exemplaire est d’ailleurs trouvé dans la chambre de la tsarine après le massacre de la famille de Nicolas II — indice, pour certains Russes blancs antisémites, qu’il s’agit bien d’un crime « judéo-bolchevique »... La démonstration de la falsification apportée par le Times n’entame pas le crédit des Protocoles, qui ne cessent d’être présentés en Europe comme la « preuve » du « complot juif international », tout au long des années 30. Le faux fait l’objet de nombreuses éditions, qui ne se limitent plus aux organes antisémites. Ainsi, en France, c’est une maison d’édition reconnue, Grasset, qui les édite, dès 1921, avec de nombreuses réimpressions jusqu’en 1938. Aux Etats-Unis, c’est le constructeur automobile Henry Ford, qui, croyant à leur authenticité, les diffuse à travers sa presse.

La propagande nazie exploite et diffuse les Protocoles. En 1923, Alfred Rosenberg leur consacre une étude et, dans Mein Kampf (1925), Adolf Hitler écrit que « les Protocoles des Sages de Sion — que les juifs renient officiellement avec une telle violence — ont montré de façon incomparable combien toute l’existence de ce peuple repose sur un mensonge permanent », ajoutant que s’y trouve exposé clairement « ce que beaucoup de juifs peuvent exécuter inconsciemment ». Dès leur arrivée au pouvoir, en 1933, les responsables nazis confient à leur office de propagande la tâche de diffuser les Protocoles et de défendre la thèse de leur authenticité.
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Protocoles, désormais interdits dans la plupart des pays européens, entament une seconde carrière, consécutive à la création de l’Etat d’Israël. Une première édition en arabe paraît au Caire en 1951*. Suivie de nombreuses autres, dans toutes les langues, y compris en français, dans la plupart des pays musulmans. Les Protocoles servent alors à dénoncer un « complot sioniste ». « Selon cette réutilisation, si les fiers et valeureux Arabes ont pu être vaincus par les juifs lâches et fourbes, c’est en raison d’un complot international de forces occultes organisées par les sionistes », explique Pierre-André Taguieff. « Les Protocoles constituent un modèle réduit de la vision antijuive du monde la plus propre à la modernité, vision centrée sur le thème de la domination planétaire. La référence publique aux Protocoles est, par exemple, aujourd’hui présente dans les textes et les discours du FIS algérien et du Hamas palestinien », ajoute le chercheur, qui a établi la plus importante bibliographie des éditions récentes de ce faux insubmersible.

L’ennemi absolu, diabolique et mortel
Bibliographie qui ne cesse de s’enrichir et ne se limite pas aux pays arabes. Le texte reparaît publiquement dans beaucoup d’Etats ex-communistes — il est en vente libre à Moscou — et fait l’objet d’éditions récentes en Inde, au Japon ou en Amérique latine, avec une large diffusion. Loin d’être reclus dans d’obscures officines, comme c’est désormais le cas en Europe, il est, par exemple, en vente dans certains kiosques de Buenos Aires. Dans ces pays, la survie de ce texte n’a pas été affectée par la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout comme la démonstration du plagiat qui le constitue n’avait pas empêché son utilisation contre le « judéo-bolchevisme ». C’est la force de ce « Nostradamus antisémite » que de transcender toute réfutation rationnelle. Pierre-André Taguieff y voit l’expression la plus efficace du « mythe politique moderne » du « juif dominateur »: « Par sa structure — la révélation du secret des juifs par un texte confidentiel qui leur est prétendument attribué — le texte des Protocoles satisfait au besoin d’explication, en donnant un sens au mouvement indéchiffrable de l’Histoire, dont il simplifie la marche en désignant un ennemi unique. Il permet de légitimer, en les présentant comme de l’autodéfense préventive, toutes les actions contre un ennemi absolu, diabolique et mortel qui se dissimule sous des figures multiples: la démocratie, le libéralisme, le communisme, le capitalisme, la république, etc. Le succès et la longévité des Protocoles, fabriqués à l’origine pour des enjeux limités à la cour de Russie, tiennent paradoxalement au manque de précision du texte, qui peut facilement s’adapter à tous les contextes de crise, où le sens des événements est flottant, indéterminable. D’où ses permanentes réutilisations. »

1. Les Protocoles des Sages de Sion, par Pierre-André Taguieff. Tome I : Un faux et ses usages dans le siècle (408 p.); tome II : Etudes et documents (816 p.). Berg International, 1992.


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mihou
Re: Les Protocoles des Sages de Sion
Message Mer 30 Aoû - 1:15 par mihou
* [Note de PHDN] Les premières éditions en arabe des Protocoles datent du début des années vingt, en non de 1951, et leur diffusion « joue un rôle décisif dans l’imprégnation antijuive des élites politiques et culturelles des pays arabes »; Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., tome I, p. 295. En fait, 1951 est la date de la première traduction due à des arabes musulmans (les précédentes traductions en arabes étaient dues à des arabes chrétiens). Voir Bernard Lewis, Sémites et antisémites, Presses Pocket, 1991, p. 258.


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Nous remercions vivement L’Express de nous avoir autorisé à reproduire cet article sur le site PHDN

Bibliographie complémentaire sur les Protocoles

Norman Cohn, Histoire d’un mythe, la « conspiration » juive et les protocoles des sages de Sion, Gallimard, Folio Histoire, 1992 — 1ère édition 1967

Henri Rollin, L’apocalypse de notre temps, Éditions Allia, 1991 — 1ère édition 1939

Renée Neher-Bernheim, « Le best-seller actuel de la littérature antisémite: Les Protocoles des Sages de Sion », Pardès, 8, 1988.

Binjamin W. Segel, A lie and a libel, The History of the Protocols of the Elders of Zion, University of Nebraska Press, 1995 — 1ère édition (en allemand) 1926.

Philip Graves, « The Truth about the Protocols: A Literary Forgery », The Times of London, 16-18 août 1921; Sur le web avec une introduction (2000) de Gordon Fisher: http://www.h-net.msu.edu/~antis/doc/graves/graves.a.html

Liens

Excellent dossier, « Les Protocoles et le “complot juif” » par Paul-Éric Blanrue, sur le site du cercle zéthétique.

L’étude, en anglais de Léon Zeldis, « The Protocols of the Elders of Zion Anti-Masonry and Anti-Semitism ».

Michael Hagemeister, « Sergej Nilus und die “Protokolle der Weisen von Zion” ». Michael Hagemeister est actuellement le meilleur spécialiste de l’histoire des Protocoles des sages de Sion. Il publie principalement en allemand.

Le récit par Alexandre du Chayla de sa rencontre avec Serguéi Alexandrovitch Nilus vers 1909. Nilus lui montra le manuscrit « original » des Protocoles.

L’histoire des Protocoles, sur le site du CICAD.




Depuis le début du vingtième siècle, un très étrange document circule dans le monde entier. Ce texte composé de vingt-quatre parties a pour nom le Protocole des Sages de Sion (programme juif de conquête du monde). Ce texte aurait été rédigé lors du congrès sioniste juif mondial à Bâle en Suisse en 1897. Le Protocole des Sages de Sion ne serait rien d'autre qu'un plan diabolique élaboré par les Juifs afin de détruire les civilisations existantes et prendre ainsi les rennes du pouvoir mondial. En appliquant ce plan, les Juifsauraient dû devenir les maîtres du monde. Morceaux choisis :

Premier Protocole

Emploi de la violence et de l'intimidation, destruction des Etats, instauration d'une autocratie juive, encouragement de l'alcoolisme et de la corruption, destruction des régimes dynastiques,...

Deuxième Protocole

acquisition de l'influence par la presse, nécessité des guerres économiques, accumulation de l'or aux mains des juifs,...

Troisième protocole

opposition entre-eux des partis politiques, interdiction de l'aristocratie, protection des communistes, création d'une crise économique mondiale, protection totale des juifs, éducation faussée des peuples,...

Quatrième protocole

destruction de la foi en Dieu, encouragement de la spéculation pour ruiner les non-juifs,...

Cinquième protocole

instauration d'un gouvernement juif despotique, désunion des peuples chrétiens, monopole des affaires entre les mains des Juifs, manipulation de l'opinion publique,...

Sixième protocole

ruine de l'aristocratie par les impôts, encouragement du luxe,...

Dixième protocole

disparition de la famille, règne mondial d'un souverain juif,...

Douzième protocole

contrôle de la presse et des autres publications, instauration de la censure,...

Quinzième protocole

organisation de coups d'Etat juifs dans tous les pays, faire main-basse sur les services de police, organisation de massacres des non-juifs,...

Seizième protocole

main mise sur l'enseignement, abolition de la liberté d'enseignement, disparition de la liberté de pensée,...

dix-septième protocole

destruction du Vatican et de l'Eglise catholique, instauration d'un Eglise juive universelle,...


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Le Protocole des Sages de Sion va d'abord dès le début du vingtième siècle faire son apparition en Russie, pays où l'antisémitisme était virulent. De quoi provoquer quelques pogroms supplémentaires. Il sera ensuite exporté vers la France et l'Allemagne dans les années 20 où il contibuera à la propagande antisémite des milieux d'extrême-droite. En 1925, dans Mein Kampf, Hitler parlera brièvement de ce document afin de démontrer la "perfidie" et le "danger" constitué par le peuple juif. Hitler détenait-là la "preuve" dont il avait besoin pour justifier sa future politique d'extermination. Débarrassons-nous des Juifs avant qu'ils ne se débarrassent de nous...
Après la seconde guerre mondiale, le Protocole des sages de Sion connaîtra une seconde vie dans les pays arabes. Il y sera largement diffusé en réaction à la création de l'Etat d'Israël, qui selon les élites arabes de l'époque, étaient l'un des aboutissements du Protocole...

Le protocole des Sages de Sion est un faux

Le Protocole des Sages de Sion est un faux. Et il ne faut pas avoir fait de longues études pour le démontrer...

Les méthodes élémentaires de la critique historique suffissent déjà largement pour démontrer que ce document ne peut être authentique :
1. L'original est introuvable.
2. On ignore l'identité des prétendus auteurs juifs de ce document.
3. On retrouve dans le Protocole une ou deux citations latines et même une phrase tirée des Evangiles. Etonnant pour des juifs.
4. Ceux qui ont cru à son authenticité et l'ont diffusé admettent eux-mêmes que la première version de ce texte aurait été écrite en...français.
5. La première parution du texte date de 1901 en...russe.

Ces éléments sont déjà largement suffisants pour jeter un doute important sur l'authenticité du document. Une critique plus appronfondie permet de démontrer que le Protocole est un plagiat d'un livre d'un certain Maurice Joly paru à Bruxelles en 1864 : Le Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu. Ce pamphlet voulait démontrer à l'époque que Napoléon III et sa cour complotaient pour s'emparer du pouvoir absolu. Il suffit tout "bêtement" de comparer les deux textes pour s'en convaincre : près de la moitié du Protocole est pompé quasiment mot pour mot sur l'ouvrage de Joly. Sauf que les faussaires ont remplacé Napoléon III par Juifs et France par Monde. Le reste n'est que pure invention.

Une simple analyse politique permet de conclure définitivement à la manipulation diaboliquement orchestrée. Le sionisme est une philosophie politique préconisant l'établissement d'un Etat juif en Palestine (d'où la création en 1948 d'Israël). Le sionisme n'est certainement pas un projet machiavélique de domination mondiale par les Juifs. On se demande d'ailleurs en quoi à l'heure actuelle les Juifs domineraient notre planète...

Mais si le protocole est un faux, qui donc en est l'auteur et pourquoi?

On sait maintenant avec certitude que l'auteur du Protocole des Sages de Sion est un ressortissant russe établi en France : Mathieu Golovinski. Golovinski était un agent de la police politique du tsar. Il reçut probablement l'ordre par ses supérieurs d'écrire ce texte. Le but était de le diffuser le plus largement possible en Russie pour entretenir l'antisémitisme et rendre les Juifs, éternels boucs-émissaires, responsables aux yeux du peuple russe des malheurs qui les touchaient. C'est un fait que les historiens russes eux-mêmes reconnaissent.

Ce système, cynique, sera ensuite utilisé d'abord en France par une certaine extrême-droite puis par les nazis avec les conséquences que l'on connaît...

Encore et toujours...

Malgré ces évidences, le Protocole des Sages de Sion continuent à se répandre encore de nos jours. Plus vraiment dans les milieux d'extrême-droite européenne car les Juifs ne sont plus leur cible privilégiée mais bien dans les milieux islamiques intégristes. Leur but est de faire monter dans la population des pays arabes un violent sentiment anti-israélien. Le Protocole a été édité des centaines de fois en langue arabe. Il circule librement sur les sites islamiques. Il y a quelques années, de jeunes musulmans mal informés et manipulés distribuaient des extraits du Protocole aux environs de la gare du midi à Bruxelles...
mihou
Re: Les Protocoles des Sages de Sion
Message Mer 30 Aoû - 1:15 par mihou
Ceux qui continuent à croire (ou à faire semblant de croire) à l'authenticité de ce document affirment que certains projets du protocole se sont bel et bien réalisés. Il s'agit-là de ce que l'on pourrait appeler le syndrome de Nostradamus. On relie des morceaux d'un texte ancien à des événements après que ceux-ci se soient déroulés. Il est possible dès lors de relier n'importe quel passage à n'importe quel événement...

A l'heure où l'antisémitisme haineux et virulent refaît une spectaculaire apparition en France et en Belgique sans que cela ne suscite de réactions dans la classe dirigeante (pourquoi?), il était plus que nécessaire de remettre les pendules à l'heure. On n'instera jamais assez sur l'importance de l'information et de l'éducation dans la lutte contre la haine et l'intolérance. Pourquoi dès lors, un texte aussi grossier et scandaleux que le Protocole des Sages de Sion n'est-il pas dénoncé par la presse subsidiée (en Belgique du moins) et pourquoi donc les professeurs d'Histoire n'osent-ils pas aborder le sujet lors de leur cour?

Oui, pourquoi?

LES " PROTOCOLES DES SAGES DE SION "

( extraits )



Ce texte est souvent cité par la propagande antisémite européenne dès la fin du XIXe siècle.Selon l'historien Norman Cohn , il parut pour la première fois à Paris en 1903.Il aurait été probablement rédigé durant l'affaire Dreyfus ( entre 1894 et 1899 ) par un russe , probablement à l'instigation de Ratchkovsky , chef parisien de l'Okhrana , la police politique tsariste .Il fut ensuite traduit dans différents pays d'Europe dans le courant des années 20.



Dans sa version française le texte se présentait comme un petit opuscule d'une centaine de pages réparties en vingt-quatre chapitres ou " conférences " attribuées , par l'auteur, à un prétendu gouvernement juif occulte , les " Sages de Sion " .



L'authenticité du document fût très tôt mise en doute .Le texte plagie largement le " Dialogue aux enfers entre Montesquieu et Machiavel ", un écrit pamphlétaire rédigé par Maurice Joly contre Napoléon III en 1864.



Cette évidence historique n'a nullement découragé la Droite antisémite européenne d'y faire obstinément référence tout au long du siècle .





EXTRAITS





" ( ... ) Je puis aujourd'hui vous annoncer que nous sommes déja près du but. Encore un peu de chemin, et le cercle du Serpent symbolique (qui représente notre peuple ) sera fermé .Quand ce cercle sera fermé tous les états de l'Europe y seront enfermés comme dans un fort étau.

La balance constitutionnelle sera bientôt renversée , parce que nous l'avons faussé pour qu'elle ne cesse de pencher d'un côté ou de l'autre jusqu'à ce qu'enfin le fléau soit usé ( ... ).



"Nous apparaîtrons comme des libérateurs de ce joug à l'ouvrier quand nous lui proposerons d'entrer dans les rangs de cette armée de socialistes , d'anarchistes , de communards , que nous soutenons toujours sous prétexte de solidarité entre les membres de notre franc-maçonnerie sociale " ( Troisième protocole ).



" ( ... ) Quand nous aurons créé par tous les moyens cachés dont nous disposons à l'aide de l'or , qui est tout entier entre nos mains, une crise économique générale , nous lancerons dans la rue des foules entières d'ouvriers simultanément dans tous les pays de l'Europe (...).Elles ne toucheront pas les nôtres parce que le moment de l'attaque nous sera connu et que nous aurons pris des mesures pour garantir les nôtres ( ... ) " ( Quatrième protocole ).



" ( ... ) Vous dites qu'on se soulèvera contre nous les armes à la main , si l'on s'aperçoit trop tôt de quoi il s'agit , mais nous avons , pour cela, dans les pays d'Occident une manoeuvre si terrible que les âmes les plus courageuses trembleront : les métropolitains seront d'ici là établis dans toutes les capitales , et nous les ferons sauter avec toutes les organisations et tous les documents des pays ( ... ) " ( Neuvième protocole ).



" ( ... ) Les mêmes principes nous guideront qui ont donné à ce jour à nos Sages la conduite de toutes les affaires mondiales. Nous dirigerons la pensée de toute l'Humanité. Plusieurs membres de la race de David prépareront les rois et leurs héritiers , choisissant ces derniers , non d'après le droit héréditaire , mais pour leurs aptitudes éminentes ;ils les initieront aux secrets cachés de la politique , aux plans de gouvernement , à la condition toutefois que personne ne connaisse ses secrets . Le but de cette manière d'agir est que tout le monde sache que le gouvernement ne peut être confié à ceux qui ne sont pas initiés aux mystères de son art ( ... ) "



" ( ... ) Les plans d'action du roi , ses plans immédiats , à plus forte raison ses plans éloignés , seront inconnus même à ceux que l'on désignera sous le nom de premiers conseillers ( ... ) " ( Ving-quatrième protocole )



L'épilogue du texte souligne l'imminence de la menace :



" ( ... ) Suivant la tradition secrete du sionisme juif , Salomon et d'autres Sages juifs avaient élaboré , dès l'année 929 av.J.C , le projet de la conquête pacifique par Sion de l'univers entier.



Ce projet fut développé et précisé au cours des siècles par les hommes qui furent initiés à cette question .Ces Sages décidèrent de conquérir pacifiquement le Monde avec la sagesse du Serpent symbolique , dont la tête représentait les initiés aux plans de l'administration juive , et dont le corps représentait le peuple juif.L'administration restait secrèete , même pour la nation elle-même.Pénétrant le coeur des nations qu'il rencontrait , le Serpent invisible dévorait tous les pouvoirs non-juifs de ces états .Il a été prédit que le Serpent doit achever sa tâche en suivant rigoureusement le chemin prescrit jusqu'à ce que la tête retourne à Sion et jusqu'à ce que le Serpent , de ce fait , aura fait le tour de l'Europe et l'aura encerclée , c'est-à-dire jusqu'à ce que ayant enchaîné l'Europe , il aura asservi le monde entier. A cette fin tous les moyens doivent être employés pour subjuguer les autres pays à l'aide de la conquête économique .



Le retour de la tête du serpent à Sion ne pourra avoir lieu qu'après la paralysie de tous les souverains d'Europe , c'est-à-dire lorsque la démoralisation spirituelle et la corruption morale , instituées grâce aux crises économiques et à la destruction générale , règneront partout avec l'aide des Juives camouflées en françaises , italiennes , ... Ces dernières seront les meilleurs instruments de la dépravation des hommes qui dirigent les diverses nations ( ... )



Nous savons à quel point ces villes sont les centres de la militante race juive .Constatinople est la dernière étape de l'itinéraire du Serpent avant son retour à Jérusalem. Il ne lui reste que peu de chemin à parcourir pour achever sa course en réunissant sa tête sa queue ( ... ) " .





POUR EN SAVOIR PLUS :



COHN N. , 1967. - Histoire d'un mythe . La " Conspiration Juive " et les Procotoles des Sages de Sion , traduit par L. POLIAKOV , Paris , Gallimard édit.




L’origine des « Protocoles des Sages de Sion » de E.Conan
http://www.phdn.org/antisem/origines-protocoles.html


The Protocols of the Elders of Zion … de L. Zeldis
http://www.geocities.com/Athens/Forum/9991/protocols.html

Les Protocoles et le " Complot Juif " de E. Blanru
http://zetetique.ldh.org/protocoles.html

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mihou
Re: Les Protocoles des Sages de Sion
Message Mer 30 Aoû - 1:16 par mihou
Les Protocoles des Sages de Sion apparaissent au tout début du XXe siècle. Ce document se présente sous la forme de vingt-quatre conférences comme une copie d'un plan de campagne, méthodique, cynique, mis sur pied par les juifs dans le but de détruire les sociétés existantes. Ce plan est accompagné du programme de l'ordre nouveau que ce peuple imposerait au monde, après le chaos général. Les Protocoles dévoileraient l'objectif caché du peuple juif : asseoir une domination sans partage sur le monde.

Le document rapporte, dans le plus grand désordre, les moyens que les juifs seraient amenés à utiliser pour parvenir à leurs fins. Il s'agirait pour eux de discréditer la religion, la franc-maçonnerie étant l'un des fers de lance de ce combat - de répandre des idées subversives, pour entretenir la haine entre les classes sociales - d'encourager le luxe, pour abattre les capacités de résistance - de développer l'industrie, pour anéantir l'agriculture et l'aristocratie traditionnelle - d'entretenir des crises économiques, pour encourager les révoltes - de faire main-basse sur l'or, pour acquérir de la puissance - de posséder les organes de presse, pour manipuler l'opinion - de répandre la doctrine libérale, pour corrompre le peuple et désagréger les nations - d'instrumentaliser les partis politiques, pour instiller les mêmes idées - de diriger l'enseignement, pour endoctriner la jeunesse - de faire éclater un conflit mondial, pour hâter le règne des chefs d'Israël... Une fois ces manoeuvres accomplies, les conjurés n'auraient plus qu'à récolter les fruits de la déstabilisation générale et à prendre les rennes du pouvoir mondial.

La force de ce document réside dans sa simplicité. En focalisant l'attention sur un groupe humain particulier, il donne une explication unique aux maux dont souffre la société. Il rend l'histoire contemporaine " intelligible ", selon le mot de Taguieff, en expliquant le passé récent, en rendant possible le décryptage du présent et en permettant le déchiffrement de l'avenir. Le tout en stimulant l'imagination. Un autre de ses atouts est de se présenter comme écrit par les chefs juifs eux-mêmes, les Sages de Sion. Ce serait un document de première main, un aveu émanant des comploteurs.


***

D'abord parus dans un journal russe d'extrême-droite, Znamia, en 1903, dont le directeur venait de fomenter un pogrome en Bessarabie, les Protocoles ont été diffusés dans le grand public en 1905 par l'écrivain mystique russe, Serguéi Nilus, propriétaire ruiné devenu orthodoxe fanatique, dans la deuxième édition de son ouvrage : Le Grand dans le Petit, l'Antéchrist considéré comme une prochaine éventualité politique. Nilus eut du mal à le publier car la censure craignait l'agitation que cette publication pouvait faire naître à l'encontre les juifs. Mais il avait de hautes recommandations (une demoiselle d'honneur de l'impératrice, E. A. Ozierova). Le 18 septembre 1905, le comité de censure le laissa publier, moyennant caviardage. Dès le 16 octobre, le métropolite de Moscou, Mgr Vladimir, en fit lire des citations dans les églises.

Une autre version des Protocoles fut soumise à la censure de Saint-Pétersbourg, qui en autorisa la publication en décembre 1905, sous le titre : La Source de nos maux. Titre ô combien révélateur ! Au début de 1906, cette version était publiée sous le titre Les Ennemis de la race humaine, par une organisation d'extrême-droite, l'Union du peuple russe, ou Centuries noires, avec une préface de Boutmi.

Les éditions se succédèrent, le livre de Nilus servant aux premières éditions étrangères. C'est surtout après la révolution russe et la fin de la guerre 14-18 que les Protocoles rencontrèrent le succès populaire. " Il était d'autant plus facile d'arriver à une telle conclusion que certains juifs jouaient en effet un rôle marquant dans la révolution " bolchevique, remarqua Norman Cohn. Le document servit à l'armée blanche, pour propager l'idée que la révolution communiste était l'aboutissement d'un complot juif..

Immigrant en Allemagne, les Russes blancs apportèrent les Protocoles dans leurs bagages. L'édition allemande de 1920 fut réalisée par un capitaine en retraite, Ludwig Müller, alias Müller von Hausen, alias Gottfried zur Beck, rédacteur d'un journal conservateur antisémite de Berlin. Il en tira cent vingt mille exemplaires en un an. En 1933, à l'arrivée à la chancellerie d'Adolf Hitler, on en comptait trente-trois éditions. A la même époque, des éditions concurrentes atteignirent le chiffre de quatre vingt dix-sept mille exemplaires. Aux États-Unis, c'est Henry Ford, le roi de l'automobile, connu pour ses convictions antisémites, qui les fit connaître dès 1920, dans un journal tirant à trois cent mille exemplaires - puis il les réunit dans un volume traduit en seize langues. Bien que Ford ait désavoué les Protocoles en 1927, le groupe d'extrême-droite américain Les Chemises d'argent les réutilisa.

En Angleterre, c'est - étrangement - le Times qui les lança, en 1920, en appelant à une enquête. Il reconnut vite s'être mépris, mais dès 1921, le groupe antisémite The Britons prit la relève et en fit cinq tirages successifs.

La France fut, avec l'Allemagne, l'un des pays où les Protocoles rencontrèrent le plus vif succès. La Libre Parole d'Edouard Drumont, la Vieille France d'Urbain Gohier, La Revue internationale des sociétés secrètes de Mgr Jouin, tous trois férocement antisémites, en firent leurs choux gras. Léon Daudet, dans la royaliste Action Française, crut également à leur authenticité.

Les Protocoles furent traduits en suédois, en danois, en roumain, en espagnol, en arabe... Henri Rollin, en 1939, écrivait : " On peut donc considérer les Protocoles comme l'ouvrage le plus répandu dans le monde après la Bible " !

C'est sous le IIIe Reich que ce document joua un rôle capital dans la propagation de l'antisémitisme. Alfred Rosenberg, l'idéologue du parti nazi, avait écrit en 1923 un volume entier pour démontrer que les " prophéties " des Sages de Sion se réalisaient partout dans le monde. Dans une édition de 1933, l'office d'édition du parti nazi proclamait qu'il était " du devoir de chaque Allemand d'étudier les aveux effarant des Sages de Sion (...) pour en tirer les conclusions nécessaires ". Dans Mein Kampf, Hitler n'y fait référence qu'une seule fois, mettant en application son théorème : " Il faut toujours mettre dans le même sac les adversaires les plus variés, afin qu'il semble à la masse de nos partisans que la lutte est menée contre un seul ennemi. Cela fortifie sa foi et augmente son exaspération. ". Cet ennemi unique étant " le juif ", communiste autant que capitaliste et apatride.

La diffusion hors d'Allemagne fut confiée au Service mondial d'Ulrich Fleischhauer, financé par le ministère de la Propagande. Les Protocoles furent exploités à grande échelle par Goebbels, à partir de 1942, en pleine guerre de propagande.

Aujourd'hui, rien n'a changé. Les Protocoles sont édités par des mouvements de même nature et servent des intérêts identiques. Ils sont diffusés en Russie par le mouvement nationaliste, léniniste et antisémite Pamiat, dans les pays arabes (Afrique du Nord, Moyen-Orient, Iran) et dans les milieux antisémites.


***

Les partisans de l'authenticité des Protocoles sont pourtant confrontés à de nombreux problèmes. Le premier : ils ne disposent pas de l'original. Ils n'ont donc pas pu se lancer dans une critique interne du document (encre, nature du papier) et doivent se contenter d'une étude externe de ses copies. À les en croire, cette étude " prouverait " de manière certaine, que nous sommes en présence d'un document authentique significatif.

Ils sont persuadés que les Protocoles ont été écrits puis transmis par une personne se trouvant au coeur du " dispositif juif ". Les diffuseurs, Nilus comme Boutmi, s'accordent pour dire que le texte initial a été écrit en français, puis traduit en russe. D'après les premiers éditeurs, ce serait la " Chancellerie centrale de Sion en France " qui en serait à l'origine. Nilus déclara d'abord que les papiers avaient été volés en France par une dame à " un franc-maçon " et que le document provenait " des archives de la chancellerie centrale de Sion, actuellement en territoire français ". Directement visée : l'Alliance israélite universelle, dont le siège était effectivement à Paris. Pour Winberg, ils avaient également été élaborés par l'Alliance, mais au premier congrès sioniste tenu à Bâle, en 1897. En 1917, Nilus se rallia à cette option et désigna Theodor Herzl comme l'homme qui aurait soumis le document au conseil des anciens de ce congrès. Dans la Vieille France, on supputa que le véritable rapporteur était l'écrivain Guinsberg, juif d'origine russe, connu sous le nom d'Achad Haam, auteur d'un article qui prédisait le règne de la nation juive " sur toutes les autres ". Il les aurait rédigés en hébreu et lus devant des initiés à Odessa, en 1890. Mme Lesley Fry, auteur de cette hypothèse, déclarait que la police secrète russe avait infiltré le congrès et était parvenu à se procurer les minutes de ses séances, dans lesquelles se trouvaient les Protocoles.

Bref, si les tenants des Protocoles sont incapables de dire exactement d'où provient le document, ils ont toujours été persuadés que celui-ci a été rédigé par un juif haut placé, puis apporté en Russie par une personne de confiance. Ajoutons que, pour Mgr Jouin, l'authenticité des Protocoles reposait " sur la bonne foi des traducteurs russes ", en particulier de Nilus, qui avait la réputation " d'un érudit consciencieux " !

L'autre argument des partisans de l'authenticité tient dans le prétendu pouvoir prédictif des Protocoles. Depuis le début du XXe siècle, ils auraient annoncé les événements futurs que sont la révolution bolchevique, le développement du marxisme dans le monde, le déclenchement de la Première et de la Seconde guerre mondiale, la création de la SDN, puis de l'ONU - organisations supranationales -, la création de l'État d'Israël, la disparition de l'agriculture traditionnelle, la libération des moeurs, la démocratisation des États... Ces phénomènes constitueraient une preuve à rebours, une preuve " par la prophétie ". Les partisans des Protocoles justifient leur croyance en se persuadant que personne n'aurait pu prédire aussi justement l'histoire du XXe siècle.

Le mystique Nilus déclarait : " ce qui est dit dans les Protocoles s'accomplit ". L'athée Urbain Gohier, premier éditeur en France des Protocoles, reprit l'argument : " Ce qui importe ce n'est pas l'authenticité des Protocoles, mais le fait que le contenu prophétique des Protocoles se réalise exactement sous nos yeux. ". Si c'était un faussaire, ce ne pouvait donc qu'être un " prodigieux voyant " ! Argument qui se voulait rationnel, puisque sous-entendant que, les voyants étant des charlatans, les Protocoles étaient nécessairement authentiques ! Le Times, avant de dénoncer la fraude, s'y laissa prendre : " Comment expliquer alors le terrible don prophétique qui a prédit tout ceci à l'avance ? ". Mgr Jouin lui avait emboîté le pas : " Ce document contient des réalisations si lumineuses depuis la guerre de 1914 que sa véracité est manifeste ". Et Hitler dans Mein Kampf : " Ce que de nombreux juifs font peut-être inconsciemment s'y trouve systématiquement exposé. Peu importe de savoir quel cerveau juif fut l'auteur de ces révélations. Ce qui compte, c'est qu'ils découvrent, d'une manière irréfutable, la nature et les activités du peuple juif, exposant leur logique intérieure et leurs buts finaux ". Henry Coston, le plus vieux documentaliste de l'extrême-droite française, déclare lui aussi que les Protocoles " décrivent ce qui allait s'accomplir dans le monde au cours de la première moitié de notre siècle "...

Dernière " preuve " de l'authenticité des Protocoles : la force de la riposte juive, " l'acharnement des juifs à nier l'authenticité du document ". Allusion aux revirements du Times et de Ford, ainsi qu'à l'interdiction, survenue plus tard, de diffuser le document. Marsden déclare en 1922 : " La prétention des Juifs à nier l'authenticité des Protocoles est par elle-même un aveu de leur véracité ".


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Confrontons cette loghorrée à la réalité des faits.

Dès 1905, le ministre de l'Intérieur russe fit mener une enquête par la gendarmerie sur l'origine des Protocoles. Le résultat ne se fit pas attendre : tout plaidait pour le faux. Le tsar Nicolas II, qui y avait cru, fut bouleversé. Il déclara que la méthode était " malpropre ".
mihou
Re: Les Protocoles des Sages de Sion
Message Mer 30 Aoû - 1:16 par mihou
Dans les années 1930, le tribunal de Berne fut saisi de l'affaire des Protocoles, sur plainte en diffamation des communautés juives contre le Front national suisse, qui distribuait le document. Le tribunal écouta des émigrés russes libéraux, comme Serge Svatikov, ou des personnes directement intéressées comme Max Bohenheimer, ancien du mouvement sioniste. Ce dernier expliqua que le sionisme ne tendait qu'à la création d'un foyer juif dans un seul pays, pas à la domination mondiale. On rappela que les juifs appartenant à la haute finance et à l'industrie avaient été hostiles au congrès de Bâle et qu'il était impossible d'établir rien qui ressemblât à un plan concerté de domination universelle. Conclusion du tribunal : les Protocoles ne sont qu'un " ramassis d'absurdités ". Mais après avoir été condamnés, les accusés furent relaxés, car la loi qui les avait condamnés pour immoralité ne s'appliquait pas à l'ouvrage politique que constituent les Protocoles ! Les antisémites en profitèrent pour crier victoire.

En fait, l'énormité des " révélations " contenues dans ce pseudo-document fait sourire les gens rompus à la lecture de pamphlets et de fascicules de propagande politique. Même le fasciste Julius Evola, le royaliste Jacques Bainville ou le traditionaliste René Guénon durent concéder que les Protocoles n'étaient pas authentiques. Dès l'origine, la plupart des sceptiques se contentèrent d'ailleurs de hausser les épaules, sous-estimant en cela la portée pratique de ce genre de document.

Les faux, en politique, sont un matériel fréquemment utilisé pour discréditer l'ennemi. L'accusation de complot est un thème récurrent. Les Monita Secreta ou Instructions secrètes des jésuites, publiés la première fois à Cracovie en 1612, visaient par exemple à dénoncer la prétendue volonté secrète de la Société de Jésus de gouverner l'univers, en utilisant la fourberie et la violence : en réalité ce document avait été écrit par un prêtre polonais chassé de la Compagnie l'année précédente. Dans le même genre d'attaque, il y eut le prétendu Testament de Pierre le Grand, qui décrivait le " plan d'asservissement de l'Europe " par la Russie. Publié en 1812, ce " testament " était l'oeuvre du général Michel Sokolnicki, un émigré polonais au service de Napoléon Ier : le texte avait été revu et corrigé par l'empereur, pour convaincre l'opinion de la nécessité d'une guerre contre la Russie. Au XXe siècle, nous avons eu le Mémorandum du général Tanaka , qui, en 1927, exposait le " plan de la domination nippone sur l'Asie ", et également Le complot germano-bolcheviste (1920), publié par le gouvernement américain, un livre qui prétendait établir que Lénine était un agent allemand etc.

Dès leur apparition, on a remarqué que les Protocoles s'inscrivaient dans une longue tradition de faux complotistes et antisémites du XIX siècle, dont ils ne faisaient que reprendre les thèmes.

Depuis longtemps, les juifs étaient tenus pour responsables des maux qui accablaient la société. Le fait qu'ils fussent une " communauté identifiable et exclusiviste " (Norman Cohn), encourageait à les regarder d'un mauvais oeil. Le fait que nombre d'entre eux fissent carrière dans les finances en était un autre. L'accusation de pratiquer des meurtres rituels faisait partie des légendes dont on les accusait de façon systématique.

L'idée de la " conspiration juive mondiale " est plus récente. La description précise d'un complot mondial prend racine dans l'ouvrage de l'abbé Barruel, les Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, paru en 1797. Il n'y est pas encore fait mention des juifs. L'accusation centrale est portée contre des francs-maçons, à qui un rôle prépondérant est réservé dans le déclenchement des événements révolutionnaires.

C'est dans la deuxième moitié du siècle, en Allemagne, que le thème du " complot juif " émerge, avec Hermann Goedsche, dans l'un de ses romans, Biarritz, publié en 1868. Il y décrit une assemblée nocturne tenue dans le cimetière juif de Prague, au cours de laquelle les chefs des douze tribus d'Israël, sous la présidence du diable, auraient annoncé que les juifs allaient dominer la Terre. Le succès de ce thème s'expliquait sans doute en raison de l'émancipation des juifs en Allemagne de 1869 à 1871.

D'un roman, on en vient à la composition, sur le sol russe, de faux documents, où la même histoire fut reprise, en laissant croire au lecteur qu'elle reposait sur un fond de réalité. En 1881, l'écrit est repris en France. Les propos tenus sont fondus en un discours qu'aurait tenu un " Grand Rabbin ". Connu sous le titre de Discours du Rabbin, l'ouvrage rencontra un certain succès.

D'autres livres paraissent vers cette époque, en développant la même idée. En 1868, en France, Gougenot des Mousseaux, catholique ultramontain, publie Le Juif, le judaïsme et la judaïsation des peuples chrétiens, où il annonce la création d'un État universel dominé par un Antéchrist juif auquel toutes les nations prêteront allégeance. L'idée de la collusion judéo-maçonne se trouve mentionnée dans La Synagogue de Satan (1893), de Mgr Meurin , archevêque de Saint-Louis. Il y déclare que les juifs et les francs-maçons proviennent d'arrière-loges du " trente-troisième degré ", précision que l'on retrouvera dans les Protocoles.

Certains juifs eux-mêmes contribuent à alimenter le mythe. Jacob Brafmann, un mouchard, publie plusieurs livres dénonçant les actions du Kahal, la communauté juive organisée, et de l'Alliance israélite universelle, fondée à Paris en 1860. Un autre escroc d'origine juive, du nom de Millinger, alias Osman-Bey, publie La Conquête du monde par les Juifs en montrant du doigt la même Alliance, qu'il accuse pêle-mêle d'avoir fomenté la Révolution française et assassiné le tsar Alexandre II. Les terroristes juifs forment selon lui l'avant-garde de la " juiverie internationale ".

Les Protocoles tombaient à pic, pour justifier ces accusations.


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La fausseté du document a été démontrée dès les débuts de sa diffusion. Le mystère de son origine a été percée en août 1921 par un correspondant du Times à Constantinople, Philip Graves. Celui-ci fit en effet la démonstration que le texte des Protocoles correspondait à un pamphlet datant du second Empire. Le Times avait beaucoup à se faire pardonner, puisqu'un an auparavant, il avait cru à la possibilité de son authenticité.

Graves a été informé de la supercherie par un Russe émigré, monarchiste constitutionnel réfugié à Constantinople, qui avait acheté un vieux stock de livres à un ancien officier de l'Okhrana, la police secrète du tsar. Le Russe blanc y avait découvert un livre de trois cent vingt quatre pages, en français, auquel il manquait la page de titre, et dont le mot " Joly " ornait le dos de la reliure. En comparant son texte avec celui des Protocoles, l'homme avait été surpris du nombre de points communs. Il s'en ouvrit au correspondant du Times, qui mena des recherches et découvrit que le livre avait été édité à Bruxelles en 1864, sous le titre : Le Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, ou la politique de Machiavel au XIXe siècle, par un contemporain.

Cet ouvrage, sans nom d'auteur inscrit sur la couverture, est l'oeuvre de Maurice Joly. Pamphlet dirigé contre la politique de Napoléon III, édité à Bruxelles, il avait été introduit en France illégalement. Machiavel y représente " la politique de la force ", face à Montesquieu, qui symbolise la " politique du droit ", selon les termes de Joly dans son autobiographie écrite en 1870. Le Dialogue est, selon Henri Rollin, " le meilleur manuel qu'on ait écrit à l'usage des dictateurs modernes ou de ceux qui rêvent de le devenir ".

A l'époque de la publication des Dialogues, Maurice Joly avait été interpellé. Fils d'un conseiller général du Jura sous Louis-Philippe, il était né à Lons-le-Saunier le 22 septembre 1829 et s'était inscrit au barreau de Paris en 1859. C'était un républicain convaincu. Pour avoir écrit les Dialogues, il fut condamné, par le tribunal correctionnel de la Seine, en avril 1865, à quinze mois d'emprisonnement, trois cents francs d'amendes et à la confiscation des exemplaires du pamphlet. Il fut incarcéré à Sainte-Pélagie. Dans son autobiographie, il a raconté qu'il désirait écrire un livre sarcastique et grand public " qui aurait montré les brèches épouvantables que la législation impériale avait faites dans toutes les branches de l'administration et les abîmes qu'elle avait ouvertes en détruisant de fond en comble les libertés publiques ".

En 1870, Joly écrivit, sous son nom cette fois, une suite à ces Dialogues, intitulés Epilogue en sept dialogues, où Machiavel et Montesquieu apparaissaient une nouvelle fois. Il publia d'autres ouvrages satiriques. Après la défaite de Sedan, il fut, le 31 octobre 1870, à la tête d'une délégation de manifestants auprès de Jules Favre et du général Trochu, ce qui lui valut une persécution policière. Par la suite, il se lança dans des polémiques contre des hommes politiques et des journalistes. Le 1er juillet 1878, sa concierge le retrouva suicidé à son domicile parisien.

Une analyse comparée des deux ouvrages montre que les deux cinquièmes du texte des Protocoles , c'est-à-dire plus de cent soixante passages, sont directement copiés sur les Dialogues. Les points communs entre les deux textes sont innombrables : emploi de mots, nature des idées, allusions précises, ordre suivi par le texte. Il y a vingt-cinq " dialogues ", alors qu'il y a vingt-quatre " protocoles ", le premier " protocole " résultant de la fusion des deux premiers " dialogues ". On retrouve, reprise telle quelle dans les Protocoles, une citation biblique latine tirée des Dialogues, comme si les " Sages de Sion " parlaient entre eux la langue de l'Église ! La partie relative à la politique pontificale, prise pour prophétique par les antisémites lors de la condamnation des persécutions juives du IIIe Reich par Pie XI, est à l'origine un passage qui décrit l'état des relations entre Napoléon III et Rome...

Les Protocoles ne sont donc, pour la majeure partie, qu'un plagiat, servilement recopié sur le brûlot anti-napoléonien de Joly. L'emprunt s'est essentiellement effectué sur les citations de la partie Machiavel. L'auteur des Protocoles a fait subir au texte quelques transformations. Il a substitué Israël à Napoléon III. La pointe d'antisémitisme que l'on trouvait dans les Dialogues a été amplifiée, au point de tout recouvrir. L'auteur des Protocoles a pris soin d'ôter des allusions (aux constructions d'immeubles sous l'Empire, au prince Jérôme etc.) qui signaient visiblement l'emprunt. Il a délayé et déformé certains passages, pour les faire passer pour un discours lu devant une assemblée (La phrase originale : " Vous êtes un économiste , Montesquieu, pesez la valeur de cette combinaison. " a par exemple été transformée en : " Messieurs les économistes, ici présents, considérez l'importance de cette combinaison! "). Mais le faiseur a travaillé si rapidement qu'il a conservé les données chiffrées des Dialogues, qui s'appliquaient à la situation française des années 1860.
mihou
Re: Les Protocoles des Sages de Sion
Message Mer 30 Aoû - 1:17 par mihou
Les antisémites répliquèrent pauvrement à la démystification opérée par Graves. Mgr Jouin répondit en relevant la judéité du propriétaire du Times.. Il prétendit que Joly était un " communard ", " bolcheviste avant la lettre ", franc-maçon (ce dernier qualificatif étant faux). Il raconta que Maurice Joly n'était que le pseudonyme d'un " juif nommé Moïse Joël ", ce qui était également faux. Pour Jouin, ce n'était pas l'auteur des Protocoles qui avait plagié Joly, mais Joly qui avait recopié les Protocoles! La parodie de démonstration fut reprise par les éditeurs allemands.


***

En réalité, les Protocoles furent composés au milieu des années 1890, en pleine vague d'antisémitisme. L'affaire Dreyfus (1894 - 1899) agitait la France. La France juive de Drumont, mise en vente en 1886, connaissait un succès considérable, qui entraîna la réimpression des Juifs, rois de l'époque de Toussennel et du Juif et la judaïsation des peuples chrétiens de Gougenot des Mousseaux. Le premier numéro de l'antisémite Libre Parole parut en 1892. Les milieux antisémites voulaient empêcher l'ouverture du marché financier russe aux Rotschild. Quant au congrès sioniste de Bâle, ouvert en 1897, il prêtait le flanc aux hypothèses farfelues.

Ainsi que le remarquèrent ceux qui les lurent attentivement, comme Henri Rollin ou Norman Cohn, les Protocoles, adaptation d'un pamphlet anti-napoléonien, " collaient " exactement à la réalité russe au tournant du siècle. A cette époque, les mesures économiques décrétées par le comte Witté, ministre des Finances de Russie, ressemblaient étrangement à celles qui avaient été prises sous le Second Empire : industrialisation du pays, accroissement des sociétés anonymes, développement du réseau ferré, toutes choses qui entraînaient des bouleversements et détruisaient les équilibres de la société rurale en mécontentant les aristocraties locales, qui vivaient des ressources de l'agriculture, et les milieux réactionnaires, partisans d'une société traditionnelle.

La rédaction fut postérieure à 1890, car les Protocoles font allusion aux Lois de l'Imitation de Tarde, qui n'ont été publiées qu'après cette date. Une autre allusion, au " nouveau programme d'éducation " du ministre français de l'Instruction publique Léon Bourgeois, indique que les Protocoles n'ont été écrits qu'après 1897, puisque c'est à ce moment que Bourgeois publia son livre L'Éducation de la démocratie française, dont des extraits furent utilisés. L'allusion à l'étalon or, " pernicieux pour les États qui l'adoptèrent ", est une référence à son adoption par Witté en janvier 1897. Les Protocoles ont donc été fabriqués aux environs 1897 - et, d'après les premiers éditeurs, proviennent de Paris.

En 1927, Philippe Petrovitch Stepanov, ancien procureur du synode de Moscou, dira en avoir reçu copie dès 1895 chez un de ses voisins, qui l'avait reçu d'une dame, qui elle-même l'avait trouvé chez un " juif de Paris ". Stepanov disait l'avoir reproduit deux ans plus tard. On découvrit d'ailleurs en 1934 à Moscou, dans l'ancienne bibliothèque Lénine, un appareil multiplicateur et une copie hectographiée utilisée pour une édition des Protocoles . D'après Boris Nicolaïevsky, qui l'a étudiée, ce pourrait être l'hectographe de Stepanov. La date donnée est-elle la bonne ? Faut-il comprendre 1897 ? La dame qui aurait apporté le manuscrit serait Iouliana Glinka, une amie de Juliette Adam, exilée lors de la parution du livre à scandale de son amie.

Henri Rollin s'est beaucoup intéressé à l'entourage de Mme Juliette Adam. Dans les années 1890, celle-ci et sa Nouvelle Revue menaient campagne contre Witté et l'ambassade de Russie à Paris, dénonçant violemment l'alliance franco-russe. À ses côtés, on trouvait M. de Katakazi, chef du service de presse à l'ambassade, qui lui avait permis d'écrire un livre qui avait fait scandale à la cour de l'empereur Alexandre III. Katakazi était lui-même l'auteur d'une imposture notoire. On trouvait aussi un certain Élie de Cyon, Russe naturalisé français, d'origine juive. Ancien marxiste tourné partisan du régime autocratique, ancien patron du Gaulois, il était devenu directeur de la revue de Mme Adam. Il était foncièrement anti-Rotschild et opposé à Witté, qu'il accusait de collusion avec les juifs. Il documentait l'antisémite Drumont. Il fut privé de sa nationalité russe et Witté chargea le chef de la police russe de Paris, Ratchkovski, de faire cambrioler sa villa, dans le canton de Vaud où il résidait. Cyon s'était en effet vanté de détenir des papiers " compromettants " pour Witté, concernant les " engagements avec l'Allemagne " de celui-ci. Cela se passait à la fin 1897. A partir de cet incident, Cyon semble étrangement s'être calmé. Il fut remplacé deux ans plus tard à la tête de la Nouvelle Revue.

Henri Rollin s'est demandé si Cyon n'aurait pu être l'auteur des Protocoles. Il rapporte que celui-ci s'était illustré en utilisant une vieille satire française dont il avait changé les noms pour en faire un ouvrage politique : la recette utilisée par l'auteur des Protocoles. De plus, lorsqu'on lit ses ouvrages, on est frappé par la convergence de vue entre Cyon et l'auteur des Protocoles. Cyon accuse Witté de préparer la Révolution, attaque Karl Marx, Darwin et l'alcoolisme, la littérature pornographique, brosse la critique de l'étalon or (ce qui n'était " parlant " à l'époque que pour les Russes, dont la monnaie était encore flottante), bref il s'exprime exactement comme l'auteur des Protocoles dans les passages non calqués sur les Dialogues. Comme ce dernier, il est antilibéral, dénonce le pouvoir de francs-maçons, redoute la dictature des masses. Rollin s'est demandé si Cyon, rédigeant son faux, n'aurait pas eu l'idée de jouer sur son nom (son nom en Russie était Ilya Tzion - Tzion et Sion s'écrivant de la même façon en russe). Enfin, Cyon était ami de l'antisémite Drumont qui avait lancé l'idée de se servir de pamphlets écrits sous le second Empire pour les appliquer à la dénonciation de la IIIe République.

Mais Rollin dut concéder qu'il n'y avait aucune preuve directe contre Cyon.

Pouvait-il s'agir de l'un de ses amis, du Dr Encausse, alias le " mage alchimiste " Papus ? Lui aussi anti-évolutionniste fervent, critique de la tendance athéiste de la maçonnerie du Grand Orient, et ami du tsar et de la tsarine. Il fit connaître à ses disciples russes son confrère en occultisme, le magnétiseur français Philippe, prédécesseur de Raspoutine dans le coeur des souverains. Sous le pseudonyme de Niet, il fit paraître en 1901 une critique de la politique de Witté. Il s'en prenait à un " grand syndicat financier " qui aurait eu pour but de s'assurer la domination du monde. Mais les Protocoles sont loin de son style et de ses préoccupations.

Restent Pierre Ivanovitch Ratchkovski et son entourage. Ratchkovski, ancien indicateur de police, est devenu le chef de l'Okhrana à Paris, la police secrète russe créée en 1881 après l'assassinat d'Alexandre II. Il est en poste entre 1884 et 1902. La princesse Catherine Radziwill fut la première à l'accuser, en 1921. A la même époque, le comte du Chayla confia que Nilus lui avait raconté qu'il tenait le manuscrit des mains d'une dame proche des mouvements occultistes français - qui le tenait elle-même de Ratchkovski. Mais il précisa que celui-ci les aurait en fait " découverts " et envoyés discrètement à Nilus pour lutter contre l'influence néfaste à la cour de Philippe, martiniste comme Papus. Problème : les Protocoles, s'ils sont légèrement dirigés contre les francs-maçons, attaquent en priorité les juifs. Serge Svatikov, ancien menchevik, raconta pour sa part qu'un agent des services étrangers lui avait confié que le faux avait été confectionné sur ordre de Ratchkovski. Le journaliste Vladimir Bourtsev accabla également Ratchkovski. Les principaux témoignages s'accumulant contre Ratchkovski ont été recueillis lors du procès de Berne.

Le chef parisien de l'Okhrana était un spécialiste de la provocation politique. En 1890, il avait fait fabriquer les bombes qu'il avait attribuées aux soixante-trois " terroristes " qu'il fit arrêter. Il était aussi un expert en faux documents qui lui servaient dans la lutte contre les révolutionnaires et les juifs, dans le but de canaliser les mécontentements et de discréditer les fauteurs de trouble.

Ratchkovski avait une activité " littéraire " intense. Il avait fait paraître la Russie juive, qui contenait le Discours d'un grand rabbin, qui inspira l'auteur des Protocoles. En 1892, il fit publier un livre, Anarchie et nihilisme, signé Jehan-Préval, qui répondait à Nihilisme et anarchie de Cyon. Cyon expliquait que le terrorisme qui se développait en Russie avait pour fondement des théoriciens russes. Dans sa réponse, " Jehan-Préval " faisait la démonstration que la source du nihilisme était au contraire extérieure à l'Empire. L'ouvrage était animé par l'antisémitisme et l'antimaçonnisme. Détail intéressant : ce livre contenait dix-huit longues citations de Montesquieu. L'auteur appelait à la création d'une ligue franco-russe destinée à combattre le " pouvoir occulte " et corrupteur d'Israël. Ratchkovski espérait sans aucun doute la manipuler dans l'ombre. En 1902, il tenta de lancer cette ligue, sur Paris, mais sa disgrâce vint mettre fin à ses manoeuvres. Rentré en Russie, il devint directeur adjoint du département de la police, reprit ses activités de faussaire, participa à la création de l'Union du peuple russe, dont l'extrémiste Boutmi devint membre, et se fit organisateur de pogromes. Il mourut en 1911.

La culpabilité du policier resta longtemps problématique. Avait-il écrit lui-même les Protocoles ou avait-il délégué un comparse ?

Aujourd'hui, les recherches engagées en 1920 ont abouti. En 1999, après cinq années d'enquêtes dans différentes archives ex-soviétiques, l'historien Mikhail Lepekhine a découvert que les Protocoles avaient été écrits par un aristocrate russe du nom de Mathieu Golovinski.

Golovinski, né le 6 mars 1865 au village d'Ivachevka dans la région de Simbirsk, descendait d'une lignée de nobles qui remontait aux croisades. Son arrière grand-père avait été le premier gouverneur civil de sa région, considérée comme " la plus aristocratique du pays ". Ses proches parents furent au contraire rebelles au pouvoir tsariste : son grand-père se révolta avec les décembristes, ce qui lui valut de tâter vingt ans de cachot - son père, ami de Dostoïevski, fut condamné à mort et gracié in extremis, après un simulacre d'exécution.

Après la mort de son père, Mathieu est élevé par sa mère et une gouvernante française, qui lui apprend la langue de Balzac. Mais sa scolarité est médiocre et le jeune aristocrate s'avère un personnage extravagant. En 1888, il assaille le tsar Alexandre III de lettres étranges, lui demandant une audience privée, privilège exorbitant ordinairement refusé aux minus habens. Mais le comte Vorontsov-Dachkov, ministre à la cour, fondateur de la Drougine sacrée, organisation secrète destinée à lutter par la terreur contre les pouvoirs occultes (dissoute par Alexandre III), s'intéresse à lui. Le 9 décembre 1888, l'empereur le reçoit. Mathieu le prévient de l'imminence d'un attentat. Ses preuves ? Une conversation surprise dans le rue ! La haute société russe ne pardonne pas cette audience au freluquet et lui fait subir de nombreux affronts. Mathieu quitte la Russie et se retrouve à Paris.

Par manque d'argent, il n'y reste pas longtemps et se voit contraint de retourner dans son pays, à Moscou, où il entame la carrière de fonctionnaire. Cinq ans plus tard, il est nommé à Saint-Pétersbourg, où il fréquente les milieux hostiles aux juifs. Il habite la maison de la veuve de l'écrivain Dostoïevski, connu pour ses idées antisémites. Son protecteur, Constantin Pobiedonostsev, homme influent, procureur général du Saint-Synode, inspirateur de la politique du tsar, est lui-même un théoricien de l'antisémitisme. Mathieu devient deuxième rédacteur au Département de la presse, dirigée par l'antisémite virulent Soloviev. Sa fonction équivaut à celle de mouchard. Il y excelle. En 1900, il se rend à Paris pour la seconde fois, à l'occasion de l'Exposition universelle.

Il jette l'argent par les fenêtres. La mort de Soloviev, le pouvoir déclinant de Pobiedonostsev le contraignent à chercher de nouvelles sources de revenu. C'est à cette époque, vers la fin 1900 ou au début de 1901, que Ratchkovski lui passe commande d'un faux antisémite, pouvant lui rapporter quelques subsides : ce seront les Protocoles. Mathieu accepte. Mikhail Lepekhine en a retrouvé la première traduction en russe, datée du 1er novembre 1901. Mathieu parle autour de lui du document qu'il rédige, en lit des passages à la princesse Radziwill...

Confirmation de son identité sera donnée en 1917 par le Français Henri Blint, proche de Ratchkovski, à l'envoyé du gouvernement russe chargé de démanteler les services secrets tsaristes à l'étranger. C'est Blint qui a payé Golovinski pour son travail. Ruiné par les emprunts russes, Blint vendra ses archives en 1921. Les Soviétiques ne les révéleront jamais au grand public.

Ils avaient de bonnes raisons de conserver le silence. Après une période financière difficile, Mathieu a fait une carrière brillante. Il est devenu le protégé du ministre de l'Intérieur, Protopopov. Mais quand survient la révolution de 1917, il retourne sa veste et devient député au soviet de Petrograd ! Il fréquente les plus hautes personnalités bolcheviks et, sous couvert d'un faux titre de docteur, se fait reconnaître comme le " premier médecin ayant reconnu le pouvoir des soviets ", ce qui lui vaut d'appartenir au Collège militaro-sanitaire du nouveau régime. Avant sa mort, survenue en 1920, il fondera l'Institut de culture physique sur ordre de Lénine !
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