Dans les coulisses de la Maison Blanche sous Nixon: lobbying israélien
Un aperçu très instructif de comment se prennent les décisions à la Maison Blanche. L'évènement : l'assassinat des athlètes
israéliens aux Jeux Olympiques de Munich en 1972. Relations personnelles, relations internationales, réactions et décisions
du président Nixon. Traductions des attendus déclassifiés de documents secrets de l'époque.
Dans les coulisses de la Maison Blanche sous Nixon: lobbying israélien
Rappel des faits
Le 5 septembre 1972, 11 membres de l'équipes d'athlètes israéliens participant aux Jeux Olympiques de Munich sont
assassinés par les panthères noires un groupe palestinien, ou tués dans une tentative allemande pour les sauver (Ces deux
versions sont chacune accréditée, quelle est la bonne ?). Bien des choses ont été dites et écrites sur ces évènements, mais ce
qui s'est passé dans les coulisses de la scène politique et diplomatique et notamment celle américaine et israélienne est peu
connue.
Certaines informations manquantes viennent d'être fournies grâce à la dé classification l'été dernier de documents secrets
de l'administration sous la présidence de Nixon. Ce sont des comptes rendus des discussions dirigées par le président Nixon,
le secrétaire d'état de l'époque William Rogers, son rival et plus tard successeur Henri Kissinger, conseiller à la sécurité
nationale ainsi que l'assistant de ce dernier le général Alexander Haig.
Deux mois avant les élections américaines où Nixon cherchait à se faire réélire, alors qu'il menait largement dans les
sondages, ce qui le préoccupait le plus c'était la réaction israélienne face à ces meurtres - une guerre pour se venger - et
celle des américains juifs qu'un faux pas politique et diplomatique pourraient jeter encore plus nombreux dans les bras du
parti Démocrate pour qui ils votent traditionnellement.
Le plus grand soutien de Nixon à Washington c'était l'ambassadeur d'Israël aux Etats Unis Yitzhak Rabin.
Ils doivent frapper quelqu'un
5 septembre 10.35 - Soir : Haig rapporte à Nixon que tous les otages ont été tués. "Les israéliens vont réagir "dit-il.
Nixon : "Mais qui vont-ils frapper" ?
Haig : "le Liban, bien qu'il leur faut trouver où ils étaient basés (sic)."
Nixon : "Ils en sont capable. Ne pensez vous pas qu'ils aient besoin de frapper quelqu'un ?"
Haig : " on peut avoir quelques problèmes chinois à ce sujet."
Nixon : "qu'ils aillent se faire voir les chinois là-dessus. Soyez très ferme."
A 10h 55 Haig téléphone à Rogers et lui dit que Nixon a l'intention de convoquer une réunion pour le lendemain matin à 8h30.
"Il a demandé à ce que vous veniez, pour réfléchir à ce qui doit être fait. Il a menacé de rompre les relations avec les
nations qui acceptent sur leur territoire ou procure un refuge à ces guérillas."
Rogers : "il ne peut pas faire cela, surtout parce que nous ne savons pas quelles nations. Ce que nous essayons de faire ce
soir, nous essayons d'obtenir une protection contre un attentat de la JDL , Jewish Defense League ( Ligue de Défense
Juive)."
Haig : "il veut toujours faire quelque chose. Nous devons être prudent qu'il ne fasse pas quelque chose qu'il regretterait
ensuite."
5 minutes plus tard, Nixon téléphone à Haig et lui dit : "Je pourrait faire valoir notre position là-dessus en participant
personnellement aux funérailles en Israël. Dites leur que je suis là à la Maison Blanche lisant les rapports au fur et à mesure
qu'ils arrivent, que je suis triste et choqué par ce terrible évènement et que je ferait des commentaires dans la matinée."
A 11h 25 du matin, Rogers et Haig discute au téléphone. Rogers suggère que Nixon signe un ordre pour l'organisation d'une
journée de deuil à Washington les drapeaux mis en berne.
J'ai parlé à Rabin
6 septembre 1972. Le matin. Nixon et Kissinger, parfois discutant avec Rogers et Haig, parfois avec le directeur du
personnel de la Maison blanche Bob Haldeman, le rival de Kissinger qui essaie de s'attirer les bonnes grâces de Nixon.
Kissinger : "Maintenant laissez moi dire deux mots de la situation des israéliens Mr le Président, parce que je suis très
concerné là-dessus. Je réfléchis à cet évènement comme si on avait affaire à 8 pakistanais ayant tués 8 indous. Je pense que
vous avez été un homme d'état… et je ne pense pas que dans ce cas nous balancerions l'affaire à la poubelle. Et cela pourrait
arriver facilement actuellement. Ma grande peur c'est que la première guerre mondiale a commencé parce que les autrichiens
ont été frustrés pendant 15 ans et ont eu leur archiduc qui a été assassiné ; les allemands et le monde entier ont été outragés.
Et ils ont pensé que pour une fois ils pourraient attaquer comme bon leur semble et résoudre le problème serbe une fois pour
toute."
Nixon : "Les autrichiens ont pensé comme cela ?"
Kissinger : " Excusez moi ?"
Nixon : " les autrichiens pensaient comme cela ?"
Kissinger : "Les autrichiens ont pensé ainsi. Maintenant, si on en dit trop aux israéliens, que le …. "
Nixon : "j'ai parlé à Rabin la nuit dernière, il n'a pas du tout parlé de cette façon."
Kissinger : "Bon, j'aimerai bien parler avec Rabin aujourd'hui quand il rentre, de façon formelle."
Nixon : "ce sur quoi je mettrai l'accent auprès de Rabin, je n'y avais pas pensé, c'est que c'est un très bon test pour les
israéliens – je ne sais pas s'ils sont capables de le faire ou pas. Mme Meir, et elle est la seule à pouvoir le faire, devrait
demander au comité olympique international de continuer les jeux."
Kissinger : "je suis d'accord avec vous."
Nixon : "mais l'autre raison c'est qu'elle peut dire : "c'est ce que mes garçons auraient voulu. Cela les fera apparaître bons
plutôt que ….Vous voyez, le problème avec les juifs c'est qu'ils jouent avec ces choses en terme d'outrage. Vous avez la Ligue
de Défense Juive qui fait tout un foin et qui dit qu'on devrait tuer tout diplomate arabe. Ce que nous avons à faire ici c'est
suffisant, que nous montrions de l'intérêt. Ma pensée c'est que, la meilleure chose, c'est que Rogers conduise l'affaire –
plutôt que moi… Nous devons montrer que nous sommes concernés, parce que vous avez été dans ce pays, non vous n'y étiez
pas, vous ne savez pas vraiment, Henri, ce que la communauté juive fera à propos de cette affaire. Cela va être la chose la
plus terrible que vous ayez vue. Avez-vous vu les journaux tous les deux ce matin ? "
Kissinger : "oui"
Nixon : "Et vous avez tout à fait raison de dire que cela peut provoquer de graves troubles, très, très….Donc nous devons
montrer la plus grande compréhension et sympathie et le reste de sorte que cela ne tombe pas aux mains des extrémistes.
(Ligue de Défense Juive ndlt)"
Kissinger : "Mr le Président, Haig et moi-même avons discuté par téléphone la moitié de la nuit avec les israéliens, qui
voulaient que nous fassions l'inverse de ce que vous avez suggéré, et qui est le bon choix. Ils voulaient que nous demandions
au comité international olympique d'annuler les jeux."
Nixon : "Ils sont fous. Mais ils veulent avoir bonne prestance, n'est ce pas ?... Vous voyez, c'est exactement…. La raison pour
laquelle Mme Golda Meir devrait le faire. Elle est la seule qui peut le faire. Qu'est ce que veulent les terroristes ? Ils veulent
qu'on voie qu'ils ont fait arrêter les jeux. C'est comme ces trous du cu qui ont essayé de nous empêcher de gouverner."
Kissinger : "je parlerai à Rabin, parce qu'ils ne font pas confiance à Rogers, mais il me font confiance. Mais je lui parlerai
tranquillement."
Nixon : "qu'est que Rogers pense que nous devrions faire ?"
Kissinger : "Bon, Rogers pense que nous devrions déclarer un jour de deuil national. Je suis même contre cela. Ce n'est pas
notre jour de deuil, Mr le Président. C'est facile actuellement d'agir de manière grandiloquente… et aussi, Dieu je suis juif.
13 personnes de ma famille ont été tuées. Je ne peux peu donc pas être insensible à ce qui est arrivé. Mais je pense que nous
devons réfléchir au fait qu'il y a aussi des antisémites dans ce pays. Si nous laissons notre politique être dirigée par la
communauté juive…"
Nixon : "par la communauté juive radicale…"
Kissinger : "par la communauté juive radicale et déclarons une journée nationale de… "
Nixon : " Vous comprenez ce sur quoi je discutais avec Haig, la nuit dernière, au sujet de gestes. Faisons quelque chose ici.
Mais rien qui puissent rendre les allemands trop furieux et ainsi de suite…."
Kissinger : "Ce que je souhaiterais Mr le Président c'est d'aller à l'ONU…."
Nixon : "Moi ?"
Kissinger : "Pas vous. Pas physiquement. D'avoir les Etats-Unis aller à l'ONU et voir si on peut obtenir quelques lois
internationales sur le fait de servir de refuge aux guérillas et ainsi de suite."
Nixon : "J'ai appelé Rabin. Je lui ai demandé ce matin de m'obtenir un rapport. Vous savez qu'ils ont les meilleurs services
de renseignements. Vous savez il était si bien la nuit dernière ….Il a dit que je n'avais pas toutes les informations."
Kissinger : "je suis très inquiet, c'est très facile, il y a plein d'émotion la dessus, mais s'ils prennent Beyrouth, ce qu'ils
peuvent, ils feront quelque chose."
Nixon : "ils ne doivent pas le faire…ils ne peuvent pas démarrer une guerre à cause de cela. Vous pensez qu'ils pourraient ?"
Kissinger : "Je pense qu'ils pourraient. Ils sont dans la meilleure position qu'ils n'ont jamais eue. Pas de russes là bas. On a
une campagne électorale. Maintenant, j'ai eu une promesse de Golda Meir il y a deux mois, quand vous me l'avez demandé
pour qu'ils n'interviennent pas militairement. Mais c'est une énorme provocation. Et ils sont émotifs. Et je ne veux pas qu'ils
pensent qu'ils vous ont dans leur poche."
Nixon :" bon, dites moi, vous n'avez pas de problème avec Rabin. La façon dont il parle, il est très rationnel."
Kissinger : "Rabin est le type le plus sain d'esprit. Mais ils…"
Nixon : "mais il y en a d'autres qui ne le sont pas."
Kissinger :" ils ont leur propre campagne électorale à venir le printemps prochain."
Nixon : "bon, vous ne démarrez pas une guerre à cause de cela."
Le nageur juif
La suite de la conversation selon un compte rendu de Haig.
"Le président a déclaré que les Etats-Unis ne devaient pas se retirer des jeux olympiques, et qu'Israël devait rester fidèle à
sa position annoncée auparavant que les jeux devaient continuer."
"Le secrétaire d'état Rogers, a déclaré que tous s'étaient mis d'accord sur cette position le jour d'avant, parce que cela
serait un coup terrible porté aux allemands de se retirer précipitamment. Il semble que les allemands ont déjà eu d'énormes
difficultés à cause de la façon dont ils ont géré l'affaire sur la base aérienne de l'OTAN."
"Rogers a dit : "peut être que nous devrions envoyé certains de nos athlètes comme le nageur américain qui est d'origine juive
(médaille d'or olympique Mark Spitz). Le DC Kissinger a déclaré qu'une résolution n'avait aucune chance de passer. La
question est de savoir comment nous devons nous positionner. La résolution devrait mentionner des règles de conduite
concernant ceux qui sponsorisent les radicaux qui mènent des opérations internationales. C'est probable que la République
Populaire de Chine mette son veto…."
Mer 23 Aoû - 0:42 par mihou