Terre brûlée au Liban
L'armée israélienne a perdu 9 hommes à Bint-Jbeil, et ramené 22 blessés.
Les Israéliens ont menacé de détruire les villages d’où sont tirées des roquettes et ont ordonné aux habitants de plusieurs localités de quitter leurs maisons. Selon un bilan officiel provisoire, les bombardements ont fait quelque 600 morts parmi les civils libanais, depuis le 12 juillet.
De notre correspondant à Beyrouth
Après les lourdes pertes essuyées par son armée dans la bataille de Bint-Jbeil mercredi (9 morts et 22 blessés), Israël a revu ses ambitions à la baisse et a encore changé de tactique militaire. Le projet d’établissement d’une zone de sécurité, préconisé par le ministre de la Défense, a été abandonné. L’objectif est maintenant de repousser le Hezbollah de quelques kilomètres. «Le drapeau du Hezbollah ne flottera jamais plus à notre frontière», a promis Amir Peretz, jeudi. Au début de l’offensive, le ministre avait juré de «briser le Hezbollah».
Deux semaines plus tard, Amir Peretz parle de l’éloigner de la frontière, tout en sachant que même si les combattants de Hassan Nasrallah sont repoussés au-delà du fleuve Litani, à 40 kilomètres de la frontière, les roquettes continueront à pleuvoir sur le nord d’Israël. Car il est désormais certain que le Hezbollah possède des missiles d’une portée de 75 kilomètres au moins. Pour atteindre son nouvel objectif, l’armée israélienne a également changé de tactique. L’élargissement des opérations terrestres est exclu et la priorité est donnée à l’intensification des frappes aériennes. Le Cabinet restreint a quand même ordonné la mobilisation de trois divisions de réservistes, soit 15 000 hommes. Ils s’ajoutent aux 20 000 soldats déjà déployés à la frontière nord.
Villages détruits
Plusieurs indices montrent que face à la résistance acharnée du Hezbollah, Israël a décidé d’étendre sa politique de la terre brûlée à de larges régions du pays. Des journaux israéliens ont indiqué que les villages d’où sont tirées des roquettes seront complètement détruits. L’objectif est de tuer tout ce qui bouge et de démolir tout ce qui est debout entre les villages d’Alma el-Chaab, dans le secteur occidental, et de Marjeyoun, dans le secteur occidental, sur une profondeur de deux kilomètres. La semaine dernière, l’armée israélienne avait ordonné aux habitants de 14 villages de quitter leurs maisons. Jeudi, la population de la localité d’Ain Ebel a été sommée d’évacuer. Des porte-paroles militaires israéliens ont déclaré que ceux qui restent sur place risquaient d’être pris pour cible par les bombardements.
La grande bourgade de Khiam, dans le secteur oriental du Liban sud, où quatre observateurs des Nations unies ont été tués par des tirs israéliens, le 25 juillet, a subi en six jours plus de 100 raids aériens, selon des sources de la sécurité libanaise. Des habitants assurent que 70% des habitations du village ont été touchées par les bombes. «Les Israéliens s’en prennent délibérément aux forces des Nations unies pour les pousser à partir. Ils ne veulent pas de témoins quand la destruction systématique de toute la région commencera», affirme Sobhi Soueidane, un général libanais à la retraite.
Le pilonnage israélien se concentre désormais sur les grandes villes du Sud. Le centre de la ville de Tyr, située sur le littoral à 35 kilomètres de la frontière, n’est plus qu’un champ de ruines. Un immeuble de dix étages a été complètement soufflé par les bombes, jeudi. Effrayés, les habitants de la ville et les déplacés qui y avaient trouvé refuge ont commencé à fuir vers le Nord pour se mettre à l’abri. Le centre-ville de l’autre grande cité du Sud, Nabatiyé, située dans le secteur central à 45 kilomètres de la frontière, a également été durement frappé, jeudi soir.
Six cents civils tués
Un bilan provisoire rendu public jeudi par le ministre de la Santé évalue à 600 le nombre de civils tués depuis le début de l’offensive israélienne. Plus du tiers sont des enfants. Une soixantaine de corps sont toujours ensevelis sous les décombres depuis des jours et quelque 150 personnes, portées disparues, sont présumées mortes, selon le ministre Mohammad Khalifeh. Le nombre de blessés dépasse les 2 200. Un représentant de l’organisation des droits de l’homme, Human Rights Watch, qui a fait la tournée des hôpitaux a affirmé que son organisation avait des preuves qu’«Israël utilisait des bombes à fragmentation contre les populations civiles».
Devant la poursuite de cette tragédie, la communauté internationale reste divisée et l’Onu complètement impuissante. Le Conseil de sécurité n’est pas parvenu à condamner le bombardement par Israël du poste des observateurs, à Khiam. Après des heures de délibérations, il s’est dit «profondément choqué et bouleversé». Alors que le cycle de la violence se poursuit, le conflit risque de se compliquer davantage. Ayman al-Zawahiri, le bras droit d’Oussama Ben Laden, a averti jeudi qu’al-Qaida ne restera pas inerte devant les attaques israéliennes sur le Liban et Gaza. Dans un message enregistré diffusé par la chaîne de télévisions al-Jazeera, al-Zawahiri, a souligné que l’organisation considérait désormais le monde entier comme un champ de bataille.
par Paul Khalifeh
Article publié le 28/07/2006Dernière mise à jour le 28/07/2006 à TU