Venezuela : L’assassinat d’Hugo Chávez, par Greg Palast.
11 juillet 2006
[ « Chávez est qualifié de marxiste et de socialiste. Il n’est ni l’un ni l’autre. Son programme est réformiste, coopérativiste et
redistributionniste ; et sa gestion de la richesse pétrolière est tout à fait ‘‘norvégien-iste’’. Chávez appelle ses réformes de
type norvégien la ‘‘Révolution bolivarienne’’. Apparemment ça rend fou à Washington quand des gens de couleur demandent
des privilèges de Nordiques. » ]
Venezuelanalysis, lundi 3 juillet 2006.
Voici un extrait du dernier livre de Greg Palast « Armed Madhouse », qui sort ce 1er juillet 2006. Vous pouvez vous procurer
« Armed Madhouse » à l’adresse www.GregPalast.com .
Le 26 août 2005 le Seigneur a parlé a Son serviteur à la télévision puis Son serviteur a dit à ses fidèles qui regardaient
depuis la terre de la télévision : « Hugo Chávez pense que nous essayons de l’assassiner. Je pense que nous devrions
effectivement y aller y le faire. »
Le Révérend Pat Robertson peine à se faire à l’idée de la séparation de l’église et de la haine. Mais Pat Robertson n’est pas
fou. Il est, en fait, l’un des plus ingénieux non-fou que je n’aie jamais rencontré. Et des plus calculateurs et des plus
perfides. Ceux qui le décrivent comme une sorte de fanatique s’agitant la Bible à la main l’on dangereusement sous-estimé
ainsi que son impact dans les centres de pouvoirs, politiques et financiers, à Washington et ailleurs.
Il ne parle jamais pour lui-même. Peut-être qu’il parle pour Dieu, je ne saurais dire, mais il est sûr que le Docteur Robertson
utilise son espace télévisuel pour prêcher l’évangile des élites auxquelles il appartient. Son père, le Sénateur états-unien
Absalom Willis Robertson, était le mentor du Sénateur Prescott Bush [grand-père du président actuel]. « Je ne suis pas un
télévangéliste, m’a-t-il déclaré. Je suis un businessman ».
Et lorsqu’il parle d’en finir avec le Président vénézuélien Hugo Chávez Robertson est complètement dans le business.
L’opération proposée par le Révérend était calculée sur la base des risques et des bénéfices, comme pour tout investissement
: « C’est beaucoup plus économique que de commencer une guerre, et je ne crois pas que le moindre transport de pétrole
serait arrêté. Il s’agit d’un dangereux ennemi sur notre flan sud qui contrôle une énorme quantité de pétrole et qui pourrait
nous nuire terriblement... Nous n’avons pas besoin d’une autre guerre à 200 milliards de dollars... C’est beaucoup plus facile
de faire organiser une opération secrète pour réaliser ce travail et ainsi nous débarrasser de lui ».
Lorsque j’ai rencontré le Président Chávez à Caracas en avril 2002, il m’a offert d’écrire l’introduction à la traduction en
espagnol de mon dernier livre. Je ne suis pas fana des parrainages de journalistes par les politiciens, mais j’ai donné mon
accord, au demeurant à la condition qu’il respecte le délai : il devait l’écrire avant sa mort. Chávez n’était pas inquiet outre
mesure. « C’est un jeu d’échec, Monsieur Palast, et je suis très fort aux échecs ». Il est davantage que cela. Il est, comme le
dit Robertson, un homme dangereux. Mais dangereux pour qui ? Monsieur Beale, les Arabes ont pris des milliards de dollars à
ce pays, et maintenant ils doivent les rendre. C’est la loi d’airain du flux et du reflux.
En octobre 2005 Hugo Chávez a défié la gravité et a retiré 20 milliards de pétrodollars de la Réserve Fédérale des
Etats-Unis et il a déposé cet argent sur un compte de la Banque de Dépôts Internationale pour l’Investissement en Amérique
latine. Il n’y a pas de Tiers Monde, il n’y a pas de pays, Monsieur Beale, il n’y a qu’IBM et Exxon. Peut-être.
Au début de 2001 le Venezuela a adopté une nouvelle Loi des Hydrocarbures. A partir de là, Exxon, British Petroleum et
Shell Oil, les plus grands extracteurs de pétrole au Venezuela, en auraient été réduits à ne percevoir que 70% des revenus
du pétrole brut vénézuélien qu’ils vendent. Les grandes entreprises pétrolières ont grandi habituées à une part plus
importante : 84%. Après cette réduction de la part des grandes entreprises pétrolières dans le gâteau vénézuélien la réaction
a été immédiate : Otto Reich, secrétaire d’Etat assistant pour les affaires hémisphériques, a rencontré les « dissidents »
milliardaires vénézuéliens et peu après, en avril 2002, Chávez a été kidnappé. Le président de la fédération patronale
vénézuélienne s’est déclaré Président du pays - offrant un sens nouveau au terme « corporate takeover » [« prise de contrôle
par l’entreprise »].
Le coup d’Etat contre Chávez, le président élu, a été avalisé par le New York Times. Le 12 avril, les chefs de la banque et de
l’industrie pétrolière ont tenu une fête d’inauguration dans le Palais présidentiel vénézuélien. L’ambassadeur des Etats-Unis
s’est précipité pour être pris en photo les bras dans les bras avec les leaders du coup. Mais au bout de 24 heures la fête
était finie.
J’ai su plus tard que Chávez, grand maître géopolitique, s’attendait au coup et avait installé des commandos dans des
passages secrets du Palais présidentiel. Lorsqu’ils avaient appris que Chávez avait secrètement placé son cheval en position
‘‘tuer’’, les fêtards avaient remballé leurs bandes présidentielles et leurs costumes et avaient remis le vrai président dans son
bureau, sans verser le sang, 48 heures après sa capture.
Le New York Times a présenté des excuses. Mais non la Maison Blanche. Le porte-parole de Bush a concédé que Chávez « a
été élu démocratiquement », mais a-t-il ajouté, « il faut davantage qu’une majorité de votants pour conférer une légitimité ».
Je vois.
Chávez ne faisait alors que s’échauffer. Exxon avait commencé à pomper dans les grandes réserves du Bassin de l’Orénoque.
Malgré la montée des prix du pétrole, Exxon estimait que le gouvernement devait se contenter d’une taxe de 01% sur les
profits. Chávez a modifié ce chiffre pour le faire passer à 16,60%. Shell Oil et d’autres extracteurs étrangers avaient pris
l’habitude de ne payer aucun impôt sur leur gros lot pétrolier.
Lorsque Shell a reçu la facture des impôts dus, comme lorsqu’en 2005 ils se sont faits éjecter d’un fort lucratif projet de
gaz naturel, ils ont été surpris. Chávez a réorienté le gaz, prévu pour l’exportation, vers les consommateurs vénézuéliens.
Le Venezuela a des millions de citoyens sans terre. Il a également des millions d’hectares de terre non exploitée sur des
propriétés squattées par une petite élite depuis 400 ans. En 2001, une nouvelle loi prévoyait que les terres sans titre devaient
être données aux sans terre. C’était un programme depuis longtemps promis par les politiciens vénézuéliens à la demande de
John F. Kennedy à l’époque de l’Alliance pour le Progrès. Le Progrès devait attendre Chávez.
La branche vénézuélienne de Heinz Ketchup’s n’a pas aimé les nouveaux termes de la loi pour faire des affaires au Venezuela
et a fermé son site dans l’Etat de Maturín. Le Venezuela a saisi la propriété de la multinationale et a remis les travailleurs au
travail.
Pat Robertson n’était pas le premier à suggérer d’en finir avec Chávez par la voix de l’agression. En réponse à des menaces
antérieures, le très bon joueur d’échec avait instauré une sorte d’« impôt assassinat » pour les entreprises pétrolières
états-uniennes. A chaque fois que le Président échappait à un nouveau complot, les autorités fiscales envoyaient une nouvelle
facture pour les « impôts en retard ». Shell a ainsi dû payer un nouvel impôt de 130 millions pour se mettre à jour.
Ven 28 Juil - 4:01 par mihou