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 C'est la vie! - Se forger un pays

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Tite Prout
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Tite Prout


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22072006
MessageC'est la vie! - Se forger un pays

C'est la vie! - Se forger un pays
À la ferronnerie La Bigorne

Josée Blanchette
Édition du vendredi 21 juillet 2006

Mots clés : Québec (province), clermont guay, ferronnerie, bigorne

Il fabrique des girouettes qui ne perdront jamais le nord. Clermont Guay fait naître une direction mais ne se bat pas contre les courants dominants. Avec la patience affable du paysan, il attend que la girouette tourne. Les deux pieds calés dans ses sabots, un tablier de cuir accroché à la taille, sa calotte de chemineau vissée sur la tête, ce gaillard, aux mains larges comme des souches, n'est pas avare de son verbe. Un pan d'homme, une voix qui porte, des anecdotes et des convictions politiques à la volée, ce grand six pieds a la carrure pour faire rougir le métal et crier l'enclume. Pour forger un pays aussi.


La Bigorne de Saint-Jean-Port-Joli. Davantage qu’une ferronnerie, un endroit où se bricoler une fierté. Photos: Jean-Marc Massie


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Avec un mélange de charisme du tribun et de force rurale, Clermont Guay, bientôt sexagénaire, milite ardemment au sein de sa forge pour que le Québec, son «pays», accède à la souveraineté. Au nom d'un peuple, Clermont est prêt à «mourir pour des idées, mais de mort lente», dit-il en citant Brassens. Chaque vendredi, lorsqu'il ferme boutique, une trentaine d'indépendantistes comme lui se retrouvent dans sa forge pour le «Sénat du vendredi». On sort les chips, la bière et le député de son placard, et on refait le monde à mesure d'homme : «Si tu veux partir des rumeurs, tu vas au bureau de poste ou tu viens à la forge...», explique-t-il.

En courbant la nuque des tiges de fer ou des feuilles de cuivre, ce ferronnier d'art récupère ce que les autres jettent, notre patrimoine, et le fait renaître grâce au feu sacré de ses deux fours alimentés au charbon. «Sauver le pays, moi j'aime ça !», me dit-il en me présentant le banc de bois dont il a récupéré les montants rouillés et auquel il a fixé des planchers de camion en guise de sièges. «Quand t'as pas de pays, tu jettes. Tu jettes la misère, mais la misère reste là. Place les bricoleurs au pouvoir et on récupère le pays...», laisse-t-il tomber avec un sourire allumé.

Clermont a repris la devise de son père, un charoyeux de pitounes de la Beauce : crée ou crève ! «Dans ce temps-là, on savait juste faire une chose pour s'en sortir : des enfants.»

L'érection


Politisé mais tout le contraire d’un politicien, Clermont Guay joint le geste à la parole dans sa forge d’un autre temps.

Technicien forestier durant 30 ans, Clermont a pris sa retraite en 1997 pour ouvrir sa forge. Magnifique bâtiment érigé en une seule journée, «La Bigorne» est le fruit d'une corvée collective. «On a levé ça toute d'une venue, explique Clermont en me servant un café de forgeron noir comme du charbon. Soixante belles grosses épinettes portées par 30 hommes et 30 femmes. On a appelé ça "l'érection" ! Le plus vieux charpentier de Saint-Jean-Port-Joli, Jean Julien, était là. Mon p'tit frère était maître d'oeuvre. Mon père et mon fils participaient. Les trois générations...»

La Bigorne, sa jolie ferronnerie campée sur la route 132 et placardée de vieux panneaux publicitaires de taule, attire le regard. Les clés anglaises accrochées au mur, de la plus grande à la plus petite, les dizaines de marteaux et de pinces, les crochets et les mâchoires de métal, chacun de ces outils a sa niche dans l'atelier : «Faut être à l'ordre pour faire de la belle création...», insiste l'artisan. Sa forge-boutique est un véritable musée voué à la sauvegarde des vieux métiers et de leurs outils. Ces objets moyen-âgeux témoignent d'une patiente évolution.

De nos jours, le métier de forgeron se divise en deux branches : le ferronnier, sédentaire, et le maréchal-ferrant, itinérant. «Ce sont les ferronniers qui fabriquent les outils des bijoutiers, des cordonniers et même leurs propres outils pour faire de l'ornementation.» Du travail bien minutieux pour de si grandes mains : «J'ai pris ma retraite des forêts parce que mes mains étaient trop grandes pour les claviers d'ordinateur. J'ai jamais pris le virage informatique parce que les claviers sont faits pour des Japonais.»

Après l'invention de la roue et du fer, il y a eu celle de Clermont Guay. Tel un personnage tiré d'un roman de Germaine Guèvremont ou de Gabrielle Roy, Clermont apostrophe le client comme s'il l'avait toujours connu, sachant bien que le touriste musarde davantage par désoeuvrement que par réel besoin : «Les vieux ont besoin de rien, les jeunes voudraient ben...», dit-il en philosophant. «Quand t'as des dents, t'as pas de pain pis quand t'as plus de dents, t'as du pain.»

En s'adressant à un couple d'Ontariens qui viennent d'entrer dans sa boutique : «Bonjour, parlez-vous français ?» «Anglé si-vou-plé...», répond l'homme. «Pourquoi pas français ? C'est de même que ça marche icitte !», laisse tomber le commerçant dont les allégeances souverainistes passent avant le chiffre d'affaires. Les clients repartent sans même goûter au sirop d'érable qu'il fabrique dans sa petite érablière chaque printemps. «Un cadeau du bon Dieu... goûte-moi ça !»

C'est en forgeant...

À bien y penser, on le dirait échappé d'un documentaire de Pierre Perrault : l'ingéniosité du vieux temps fondue à la fierté d'avoir survécu à la misère. On ne dira jamais assez l'éclat d'orgueil dans le regard du patenteux. C'est en forgeant un proverbe que Clermont Guay est devenu forgeron. «Comme dit mon frère, si tu veux savoir si c'est beau, regarde si c'est vrai. Si c'est pas vrai, ça peut pas être beau...»

Lorsque ses enfants fréquentaient l'université, Clermont allait consulter les livres de ferronnerie à la bibliothèque. «J'ai appris dans les livres. Quand t'as le feu de forge pis les livres, c'est facile !»

En le quittant, je me suis mise à fredonner Le Grand six pieds de Claude Gauthier : «Un Québécois comme y en a plus/Un grand six pieds, poilu en plus/ Fier de son âme/ Je suis de nationalité canadienne-française/ Et ces billots je les ai coupés/ À la sueur de mes deux pieds/ Dans la terre glaise. Et voulez-vous pas m'embêter/ Avec vos mesures à l'anglaise...»

J'ai eu la conviction que les grands six pieds meurent debout, comme les épinettes, les forges et les idéaux.

cherejoblo@ledevoir.com

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