Côte d’Ivoire : L'Afrique du Sud hausse le ton
05/07/2006
Lasse des sournoiseries routinières et de la vieille diplomatie parallèle de la France, pas celle des peuples mais celle du réduit trop influent de ses acteurs nourris aux trafics, corruptions et crimes commis en Afrique au nom et sous le pavillon usurpé de la république, l’Afrique du Sud serait en passe de changer de ton dans la crise ivoirienne. Toute gestion de crise africaine ne saurait se limiter à imposer des candidats, des chefs d’Etat dont la seule caractéristique est d’être dociles aux moins démocratiques des décideurs avides de Paris …
William-Varlet Asia rend compte de la crise dans la médiation pour Le Matin d’Abidjan [28.06.06].
Va-t-on vers un clash entre la France et l'Afrique du sud dans la gestion de la crise ivoirienne ? Tout pourrait porter à le croire, si l'on s'en tient aux déclarations et actes de ces derniers jours.
A la vérité, nous ne sommes pas loin d'une levée de boucliers de l'Afrique digne contre les actions de sabotage du processus de paix orchestrés par la France. L'Afrique du Sud ne le cache plus. Elle n'est pas contente de l'attitude sournoise de la France. Attitude qui tend à adresser officiellement un satisfecit aux actions entreprises sur le terrain de même qu'aux avancées vers la paix en même temps qu'elle les torpille au noir.
Alors même qu'au début de la crise ivoirienne, la France avait exigé et obtenu que la CEDEAO conduise les pourparlers politiques, elle viendra la dessaisir du dossier pour, après moult tergiversations, demander à l'UA de prendre ses responsabilités, face à un processus qui prenait de l'eau de toute part. Aujourd'hui, à l'approche du sommet de l'UA à Banjul, la France veut remettre en selle les vieux chevaux de la CEDEAO. Afin que ceux-ci fassent appliquer leur potion magique qui n'est autre que chasser Gbagbo du pouvoir, pour obtenir la paix pour la Côte d'Ivoire.
Patrick Lekota, ministre sud-africain de la Défense rentré au pays après la réunion du GTI du 23 juin, répondant aux journalistes sud-africains, lors d'une conférence de presse improvisée, leur a dit tout haut ce que pense l'Afrique du Sud de l'attitude mesquine de la France et de sa Françafrique bien adorée ; "Ces gens-là veulent nous amener déjà à parler de ce que nous ferons si les élections n'ont pas lieu. Ce genre de débat est démobilisateur". Le représentant de RFI qui rapporte les faits ne manque pas de faire cas de l'agacement des autorités sud-africaines face au jeu trouble de la France.
C'est pourquoi, déjà, les moyens de l'offensive diplomatique se mettent en place. Sur instruction de Thabo Mbeki, les différents cabinets sud-africains travaillant sur le dossier "Ivoire", et qui avaient été mis en veilleuse, ont été sommés de réactiver leurs réseaux. Lekota est même allé plus loin, en rappelant directement auprès de lui, le très efficace George Mluleki, son adjoint. Cet ancien pensionnaire de la célèbre prison de Robben Island est celui qui dirige en ce moment même les réunions bilatérales de coopération militaire entre les USA et la nation arc-en-ciel. Le 16 juin dernier, il était au Pentagone et sur le site de la prestigieuse académie militaire de West Point dans l'Etat de New York. Ce, pour le renforcement des liens militaires entre les deux pays. Avec ce monsieur et bien d'autres, Lekota va former une Dream Team pour bosser en parallèle sur le dossier ivoirien que Mbeki et son équipe de collaborateurs suivent eux aussi de très près. Le cabinet de la médiation à Abidjan l'a si bien compris que depuis 2 semaines ses membres sont allés à tour de rôle prendre des instructions auprès du chef d'orchestre.
Sur place à Pretoria, toute l'administration Mbeki parle de ras-le-bol. Rentré depuis lundi à Abidjan via une escale de quelques jours dans un pays de la sous-région, un collaborateur du président Mbeki, membre du cabinet de la médiation, situe sur les enjeux actuels de la crise ivoirienne. Sans porter de gants : " A ce stade de la crise, il faut que la France soit assez honnête pour reconnaître qu'il n'y a pas qu'à faire partir Gbagbo pour régler cette crise. Qu'elle ait le courage de reconnaître que le mensonge et la mauvaise foi politique ont un terminus. Les jours à venir seront des jours de grande responsabilité sur le dossier ivoirien. Ou bien, on applique la voie de la paix, celle des accords déjà signés et on tire les conclusions qui s'imposent ou bien l'Afrique, accepte la prime à la rébellion et ç'en est fini pour notre indépendance à tous. Pour ce que nous savons et pour ce que nous avons décidé à Pretoria, les manoeuvres françaises, leur projet funeste, ne passeront pas. L'Afrique du Sud se posera plus que jamais en redresseur des torts pour que l'Afrique ne sombre pas ", avertit-il.
Un confrère, Rédacteur en chef d'un important tirage et très au fait des décisions issues du "Union Buildings" a rapporté dans son édition de lundi quelques fuites desdites réunions au sommet. Il abonde dans le sens que le prochain sommet de l'UA sera un véritable casse-tête pour ceux qui veulent vendre l'âme de l'Afrique.
William-Varlet Asia
Le Matin d'Abidjan le 28/06/06
Afrikara
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