mercredi 21 juin 2006, 21h23
Bercy fait la chasse aux anglicismes dans le vocabulaire de la finance
Par André LEHMANN
PARIS (AFP) - Faut-il dire "parachute doré" ou "parachute en or" pour "golden parachute"? Traduire "golden hello" par "accueil doré"? La Commission linguistique de Bercy s'efforce de chasser les anglicismes, trop nombreux à ses yeux, du vocabulaire de la finance.
Mercredi, la commission spécialisée de terminologie et de néologie économique et financière du ministère de l'Economie, qui regroupe une quarantaine de spécialistes, a débattu avec des représentants de la presse économique du bien-fondé de ses propositions, cherchant un équilibre entre le besoin de simplification du grand public et la technicité des professionnels.
Les traductions proposées par Bercy n'ont pas toujours fait l'unanimité. Des termes techniques comme "dérivé de crédit financé", traduit de l'anglais "funded credit derivative", ou "flux de trésorerie actualisé" pour "discount cash flow" ont soulevé de nombreuses interrogations parmi les journalistes invités.
Des expressions plus imagées, comme "golden parachute", ont également suscité d'âpres débats, les partisans du "parachute doré" faisant face à la vive opposition des pourfendeurs du "parachute en or".
Résultat des discussions, les termes en question sont repartis en commission, les participants à cette table ronde ne parvenant pas à un accord.
"Le problème auquel nous sommes confrontés, c'est de trouver un équilibre entre le point de vue parfois technique des professionnels et la lisibilité des termes pour le grand public", a remarqué Jean-Mathieu Pascalin, du service du dictionnaire de l'Académie française.
"La plus grande difficulté réside dans le délai d'action de cette commission", a admis ce dernier, en soulignant que "si nous passons plusieurs années sur le choix des termes, l'anglais s'impose de lui même et il n'est plus possible de redresser l'usage".
Les membres de la commission ont cependant expliqué ne pas vouloir imposer leurs choix linguistiques.
"L'anglais est la langue des affaires. Le défi n'est pas de s'y opposer, (mais) de conserver au français une capacité à nommer des notions ou des réalités nouvelles. Si le français perd cette capacité, (il) sera une langue atrophiée et coupée des réalités", a précisé M. Pascalin.
Débattus en commission plusieurs fois par an, les termes économiques sont soumis à l'avis de l'Académie française, avant d'être approuvés par la commission et finalement inscrits au Journal officiel.
L'adoption d'un nouveau mot, d'une nouvelle expression prend généralement sept mois. Des procédures d'urgence permettent cependant de raccourcir ce délai à deux mois. Le "téléchargement pour baladeur" pour "podcasting" a ainsi été récemment approuvé par voie express, mais sans doute trop tard pour inverser la tendance.
Le vocabulaire paraissant au Journal officiel s'impose à l'administration et aux établissements publics, mais il n'y a pas d'obligation pour le reste de la population.
Le ministre de l'Economie Thierry Breton respecte-t-il à la lettre les recommandation de sa commission ? "M. Breton n'est pas toujours informé des termes qui paraissent au Journal officiel", avoue Gérard Painchault, haut-fonctionnaire chargé de la terminologie et de la néologie à Bercy.
"Il m'appartient alors de rappeler au ministre qu'un terme qu'il utilise a un équivalent français", poursuit ce dernier.
Créée en 1996 dans la foulée de la loi Toubon sur l'emploi du français, la commission a trouvé, depuis sa création, plus de 700 équivalents à des termes anglais.
http://fr.news.yahoo.com/21062006/202/bercy-fait-la-chasse-aux-anglicismes-dans-le-vocabulaire-de.html