Première exposition de l'Impressionnisme
Le 15 avril 1874, une trentaine d'artistes peintres exposent eux-mêmes leurs oeuvres dans l'atelier de leur ami, le
photographe Félix Tournachon, plus connu sous le pseudonyme Nadar, au 35, boulevard des Capucines.
Nombre de ces artistes d'avant-garde avaient déjà participé onze ans plus tôt au «Salon des Refusés» autour d'Édouard
Manet.
Du Salon des Refusés à l'impressionnisme
Un obscur critique du journal Le Charivari, Louis Le Roy, visite l'exposition organisée dans l'atelier de Nadar. Il ironise sur
ces peintres qui se détournent de la manière académique en vogue sous le Second Empire et au début de la IIIe République.
Il intitule son article «L'exposition les impressionnistes», d'après le titre d'un tableau de Claude Monet : Impression soleil
levant (1872) qui fait partie de l'exposition.
Impression soleil levant, Claude Monet (Musée Marmottan, Paris)Prétendant ridiculiser les artistes d'avant-garde, le critique
écrit : «Impression, impression, j'en étais sûr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l'impression
là-dedans».
Le qualificatif d'impressionniste va rester au groupe d'artistes pour la postérité ! La plupart de ces artistes : Boudin,
Cézanne, Degas, Monet, Pissaro, Renoir, Sisley,... font aujourd'hui les choux gras des salles des ventes.
Claude Monet, de Londres à Paris
Claude Monet a eu la révélation de sa vie à Londres, où il s'était réfugié en 1870-1871 pour échapper à la guerre
franco-prusienne.
Alors âgé de 30 ans, il découvre dans les musées l'oeuvre de Joseph William Turner, mort 20 ans plus tôt. Celui-ci a peint
comme personne avant lui les nuances de la lumière et les reflets du soleil sur l'eau. À son retour en France, en 1872, de
passage au Havre, Claude Monet représente le port de sa fenêtre, à la manière de Turner. Il intitule sa toile faute de mieux
Impression, Soleil levant. Deux ans plus tard, il la présente à l'exposition de son ami Nadar. La toile va être achetée par
l'amateur Ernest Hoschedé pour 800 francs.
Le peintre, à Londres, comme à Paris et plus tard dans sa maison de Giverny, en Normandie, s'illustre par la multiplication de
«séries» qui illustrent les variations de la lumière autour d'un même motif : la Tamise, un port, la gare Saint-Lazare, des
locomotives ou des cheminées d'usine, les nymphéas de Giverny, la lagune de Venise,...
Primauté de la lumière
En dépit de leurs dissemblances, les peintres dits impressionnistes cultivent en commun une nouvelle technique picturale qui
donne la primeur aux effets de lumière. Sur leurs tableaux, le dessin s'efface devant les touches de couleur et les objets
devant la représentation qu'en donnent les sens. À ce titre, les impressionnistes constituent le chaînon intermédiaire entre les
romantiques anglais (Constable,...) et les peintres abstraits qui leur succèderont.
Auguste Renoir se souviendra plus tard : «Nous voulions dans nos tableaux des accords gais, de la vie sans littérature. Un
matin, l'un de nous, manquant de noir, utilisa du bleu. L'impressionnisme était né» (*).
Les impressionnistes se démarquent des peintres académiques, qu'ils appellent «pompiers», par un autre trait : ils décrivent la
vie quotidienne de préférence à des sujets mythologiques ou historiques. Grâce à la peinture en tube métallique mise au point
par Jean-Frédéric Bazille, ils sortent de leur atelier et peignent volontiers en extérieur.
Révolutionnaires dans la forme, ils se montrent très conservateurs dans les sujets traités : paysages bucoliques, enfants
adorables ou belles adolescentes dénudées (à l'exception notable de Claude Monet qui peint les paysages industriels, usines
fumantes et locomotives à vapeur).
Sous le règne de Napoléon III, ces peintres représentent les joies de la vie parisienne et les quartiers modernes créés par le
préfet Haussmann. Ils mettent en scène les bourgeois, les courses, les demi-mondaines et les courses à Longchamp.
Des bourgeois tranquilles
Le journaliste et romancier Émile Zola, fin observateur de son époque, écrit vers 1866 : «La vie d'un artiste aujourd'hui est
celle d'un bourgeois tranquille qui peint des tableaux comme d'autres vendent du poivre derrière leur comptoir. La race
chevelue de 1830 a même, Dieu merci, complètement disparu et nos peintres sont devenus ce qu'ils doivent être, des gens
vivant la vie de tout le monde».
Après les horreurs de la Commune, écoeurés par les violences populaires et la laideur de la société industrielle, les peintres
impressionnistes se replient vers les villages bucoliques des environs de Paris : Auvers-sur-Oise, Barbizon, Chatou,... en quête
de lumière pure et de bonheur simple.
La frange éclairée des bourgeois de la IIIe République ne tarde pas à reconnaître leur talent. L'impétueux Georges
Clemenceau se lie ainsi d'amitié avec Claude Monet.
La IIIe République se détourne du peuple
La IIIe République de cette fin de siècle n'a d'yeux que pour les débats sur la place de l'Armée et de l'Église dans la
société et pour les enjeux coloniaux.
Le temps n'est plus où Millet, l'auteur de L'Angélus, exaltait la vertu des pauvres à travers ses durs portraits de travailleurs
(comme ont pu s'en apercevoir les heureux visiteurs de l'exposition «Millet et Van Gogh», en 1999, à Paris).
Même changement dans la littérature romanesque. On oublie Eugène Sue qui faisait pleurer son public sur le sort des pauvres
en 1842, dans les Mystères de Paris, et même Victor Hugo, qui racontait en 1866 l'épopée émouvante des Misérables.
Au contraire de ses devanciers, le grand romancier de la fin du siècle, Émile Zola, ne s'apitoie pas sur les miséreux et les
ouvriers mais les dépeint comme des êtres irrémédiablement marqués par leur ascendance génétique.
http://www.herodote.net/histoire04150.htm#roy