FERMER GUANTANAMO
Kofi Annan, Angela Merkel, l'union européenne et "Le Monde" demandent timidement
la fermeture de Guantanamo.
Combien de temps, combien de jours, de semaines, de mois et d'années,
attendrons nous, combien de temps la gauche et l'extrême gauche françaises,
européennes et occidentales attendront elles, combien de temps les gouvernements
d'Europe, d'Amérique Latine, d'Afrique, du Moyen Orient, de Chine et de Russie
attendront ils avant le début d'une campagne populaire, citoyenne et
diplomatique mondiale pour la fermeture de Guantanamo ?
Combien de temps attendrons nous avant l'organisation d'un forum politique
et social mondial à Porto Alegre, à Rio de Janeiro, à Brasilia, à Caracas ou à
La Havane, à Paris, à Londres, à Berlin, à Rome, à Madrid, à Moscou ou à Pékin,
à Beyrouth, à Damas ou à Téhéran, à Cancun ou à Durban, pour la fermeture
immédiate et totale du camp de concentration de Guantanamo ?
Au mois de juillet 2006, dans quinze jours, en pleine coupe du monde de
football, ce sera l'ouverture devant le tribunal correctionnel de Paris du
procès des français de Guantanamo. Exigeons l'arrêt immédiat et définitif de
toutes les poursuites judiciaires contre les français de Guantanamo, des
réparations et des compensations financières pour les trois ans de leur prise
d'otage par l'extrême droite étatsunienne à Guantanamo.
Edito du Monde
Fermer Guantanamo LE MONDE | 12.06.06 | 14h53 • Mis à jour le 12.06.06 |
14h53
La réaction du commandant du camp de Guantanamo à la découverte du suicide
de trois détenus, deux Saoudiens et un Yéménite, illustre le fossé qui sépare
les autorités américaines du reste du monde sur cette sinistre question : ce
suicide collectif est "un acte de guerre asymétrique dirigé contre nous", a
déclaré, samedi 10 juin, le contre-amiral Harry Harris. Une autre responsable
américaine, Colleen Graffy, en charge de la diplomatie publique au département
d'Etat, a qualifié le geste des détenus de "coup de pub pour attirer
l'attention".
Sans tomber dans l'angélisme face à l'indispensable combat contre le
terrorisme mondial, comment faire entendre raison aux Etats-Unis sur cette tache
noire qu'est devenue la prison de Guantanamo dans le monde démocratique ? Car,
lorsque l'amiral Harris évoque un acte de guerre dirigé contre l'Amérique, il
oublie que l'aveuglement américain sur le traitement des détenus soupçonnés
d'appartenir à Al-Qaida, à Guantanamo ou dans les prisons secrètes de la CIA,
expose l'ensemble des démocraties occidentales à la propagande et à la
radicalisation islamistes. C'est dans nos banlieues et au sein de nos
communautés musulmanes, en Europe, que les recruteurs d'Al-Qaida et autres
prosélytes intégristes viennent se fournir, avec des arguments gracieusement
offerts par les chefs militaires du Pentagone et l'Attorney General Alberto
Gonzales.
Il n'a pas suffi de dire que le camp de Guantanamo, ouvert en janvier 2002 et
qui abrite encore 460 prisonniers sans jugement, était un non-sens juridique ;
il n'a pas suffi de dire qu'il constituait une violation flagrante du droit
international et des droits de l'homme ; il n'a pas suffi d'écrire qu'il était
indigne d'un pays universellement admiré pour avoir érigé en système
constitutionnel le respect de la règle de droit ; il n'a pas suffi de s'étonner
que l'administration Bush manifeste, par son obstination, un tel mépris pour sa
propre Cour suprême, qui lui a demandé, en juin 2004, d'autoriser les détenus de
Guantanamo à se défendre devant la justice civile américaine, et pour son
opinion publique où, après une indifférence initiale, un nombre croissant de
voix dénoncent les conditions de la prison de Guantanamo. Il n'a pas suffi, non
plus, de rappeler les erreurs de l'Histoire en la matière, depuis l'internement
des Japonais américains pendant la seconde guerre
mondiale jusqu'au vain entêtement de Margaret Thatcher face aux grévistes de la
faim de l'IRA en 1981.
Les Etats-Unis restent sourds à tous ces arguments. Le moins que les
dirigeants européens puissent faire désormais, c'est de ne plus aborder une
réunion de haut niveau avec les Américains sans exiger la fermeture de
Guantanamo. La chancelière allemande, Angela Merkel, a récemment donné
l'exemple. Les Français doivent la suivre.