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 GUANTANAMO

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mihou
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mihou


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08062006
MessageGUANTANAMO

GUANTANAMO
« On ne nous a jamais dit pourquoi nous étions enfermés » CHAT LIBERATION •
Incarcérés « par erreur » à Guantanamo Bay, Shafiq Rasul, Asif Iqbal et Ruhel
Ahmed, trois Britanniques d'origine pakistanaise racontent leur descente aux
enfers • Un témoignage qui intervient alors que sort sur les écrans « The Road
To Guantanamo », un film sur leur calvaire •

LIBERATION.FR : mercredi 07 juin 2006 - 19:58


Gena : quelles sont les séquelles psychologiques d'un tel internement ?
Les trois de Tipton. Shafiq : le fait d'être enfermé comme une bête en cage, on
devient fou. C'est aussi très inquiétant de ne pas savoir ce qui peut arriver à
nos proches. S'ils sont exposés à des mesures ou des risques éventuels. On ne
sait plus exactement ce qui se passe à l'extérieur. Le simple fait de nous
parler de la famille suscite des inquiétudes.
Asif : j'étais enfermé avec des Chinois avec qui je ne pouvais pas parler. C'est
un besoin fondamental de parler avec quelqu'un. Il me fallait absolument parler
en anglais avec un autre être humain. J'en ai parlé aux gardiens, je faisais des
cauchemars, ils m'ont amené une psychologue. Elle m'a posé plusieurs questions :
« Avez-vous envie de mettre fin à vos jours ? De tuer des Américains ? Est-ce
que vous avez envie de faire du mal aux autres détenus ? Est-ce que vous vous
sentez triste ? » Et enfin, « est-ce que vous voulez du Prozac ? » J'ai répondu
que ce dont j'ai envie c'est de parler avec quelqu'un. Je parle anglais, je
pouvais exprimer mes besoins, ce qui n'était pas le cas de beaucoup de
prisonniers qui, eux, avaient du Prozac.
Ruhel : quand nous avons été libérés, au moment de notre retour au Royaume-Uni,
nous avions besoin d'un accompagnement, d'un soutien psychologique. Mais, à part
le soutien de la famille, aucune aide ne nous a été apportée. Les problèmes
psychologiques viendront peut-être plus tard, avec le recul. Je sais qu'il
existe des détenus qui sont incapables de s'exprimer.

Vnz : vous a-t-on dit pourquoi vous étiez enfermés ?
Ruhel : non, jamais. Aucune raison. Ils avaient besoin de sacrifier des gens
pour montrer au public qu'ils agissaient après les attentats du 11 septembre.
Mais depuis on a vu les choses empirer. Il y a encore plus de terrorisme, c'est
un fait. Des atrocités ont eu lieu depuis. La torture génère la terreur.
Vnz : aviez-vous des contacts possibles avec vos proches, ou avec des
associations humanitaires ?
Asif : absolument aucun, jamais. Notre seul contact a été avec le CICR (la
Croix-Rouge). On avait des échanges de courrier, mais il était censuré.
Seulement « bonjour », « comment tu vas ? », le reste était censuré. J'ai écrit
une lettre à ma famille où je parlais de ce qu'on mangeait. Les autorités m'ont
rapporté la lettre, il était hors de questions d'aborder les questions de
nourriture.
Vnz : les soldats US de Guantanamo vous semblaient-ils sûrs d'eux, ou
doutaient-ils de la « justice » d'un tel traitement ?
Ruhel : ils doutaient, notamment les deuxième ou troisième vagues, parce qu'il y
avait des vagues successives de renouvellement des personnels. Ils avaient des
ordres, ils ne faisaient qu'obéir.
Bijou : est-il vrai qu'on vous faisait écouter de la musique rock (du heavy
metal), très fort, pour vous empêcher de dormir ?
Ruhel : ce n'était pas pour « écouter », c'était pour nous désorienter, nous
empêcher de dormir. Il était hors de question de dormir. On était attaché dans
des positions de stress, la clim poussée à fond, dans le sens du froid.
Asif : parfois on était attaché, mais pas toujours, il y avait des variantes. On
nous mettait dans une salle avec la musique à fond, ça donnait la migraine. La
première fois où j'y suis entré, il avait mis Eminen. Je connaissais même les
paroles des chansons, ça me plaisait. Ils s'en sont aperçus, et l'ont enlevé.
Vnz : les conditions d'enfermement se sont-elles améliorées, au
fur-et-à-mesure, ou, au contraire, durcies ?
Asif : elles se sont progressivement durcies. Au début, les conditions étaient
extrêmement rudes, mais pas très organisées. Une fois que le général Miller est
arrivé, tout le système des interrogatoires a été revu. On nous a mis des fers
aux pieds avec une chaîne très courte, les pieds très rapprochés les uns des
autres. Avant Miller, il n'y avait pas de degré de punition, après son arrivée
les éléments de « confort », le Coran, ou autres, ont été retirés. On était
privé.
Rich : quand vous étiez détenus, avez-vous pu rencontrer des autorités pour
leur demander ce que vous faisiez là ?
Asif : jamais. A aucun moment.
RoseofPain : est-ce que croyiez à une libération ?
Shafik : non, nous étions convaincu d'être condamnés à terminer notre existence
à Guantanamo. On nous même dit, une fois, qu'ils étaient en train de construire
un cimetière pour les détenus.
Vnz : après votre libération, avez-vous eu des excuses du gouvernement
américain ?
Shafik : l'administration américaine ne souhaite pas entretenir des relations
avec des « terroristes », ils n'ont rien à nous dire. Il y a beaucoup de gens à
travers le monde qui verront ce film, ce qui nous est arrivé. Ils se demanderont
ce qu'ils peuvent faire. Ils prendront contact avec Amnesty International,
écriront au Premier ministre, au Président pour demander la fermeture de
Guatanamo, et des autres prisons à travers le monde.
Machine : quels sont vos projets pour l'avenir ? Comment envisagez vous votre
réinsertion ?
Ruhel : pour le moment on vit au jour le jour. Il est difficile de s'intégrer.
La façon dont les musulmans sont présentés par les autorités, la presse, dans
les pays occidentaux, ne facilite pas les choses. Nous allons mener le combat
contre la torture, quels que soient les pays concernés au Nord comme au Sud. On
fera de notre mieux.
Tige : que vous a t-on dit quand on vous a libéré ?
Ruhel : rien. On ne nous a donné aucune justification, on nous a annoncé comme
ça : « Vous êtes libres, vous pouvez partir. »
Ibti : avez-vous du ressentiment ?
Ruhel : oui, contre l'administration Bush, pas contre le peuple américain. Le
peuple américain ne nous a rien fait. Il est naturel d'en vouloir à un
gouvernement qui a bafoué vos droits, qui vous a torturé.
Vnz : comment se passaient les « tribunaux spéciaux » à Guantanamo ?
Shafik : on nous a menacé de nous faire comparaître devant des tribunaux
spéciaux. Nous étions disposé à nous présenter devant le tribunal, c`était la
seule occasion de faire valoir notre innocence. Nous savions qu'à l'audience ils
seraient ridiculisés, nous pouvions facilement apporter la preuve de notre
présence au Royaume-Uni pendant la période concernée.
Machine : malgré votre libération, avez-vous le sentiment d`être toujours
perçus comme des « terroristes » ?
Ruhel : bien sûr. Le gouvernement britannique a dit aux Américains que, même si
nous avons été libérés, sans aucune charge à notre encontre, ils continueront à
nous surveiller, cela a été annoncé publiquement à la télévision. A chaque fois
que nous nous rendons dans un pays d'Europe, au moment du retour au Royaume-Uni,
nous sommes arrêtés. Jeudi dernier, nous sommes rentrés d`Espagne, à
l'atterrissage à l'aéroport de Birmingham, il nous a été interdit de descendre
de l'avion, sous prétexte de problème d`immigration. L'officier de l'immigration
était accompagné de trois policiers armés de mitraillettes. Les gens nous
regardaient d'un air méfiant.
En tant que citoyens britanniques pourquoi devrions-nous avoir affaire à des
agents de la police au frontière ? Nous avons l'impression d'être des étrangers
dans notre propre pays.
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