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 GUANTANAMO:L'HORREUR

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mihou
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mihou


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Localisation : Washington D.C.
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23022006
MessageGUANTANAMO:L'HORREUR

Evénement (liberation.fr)
Guantanamo. Mourad Benchellali, parti en 2001 dans un camp taliban, raconte
l'horreur de sa détention par les Américains à Kandahar puis à Guantanamo.
«Des mois de coups et de panique» par Olivier BERTRAND
QUOTIDIEN : lundi 20 février 2006
Lyon de notre correspondant


Mourad Benchellali a quitté Vénissieux en juin 2001. Il avait 19 ans, partait
pour l'Afghanistan. Quatre ans et demi plus tard, il vient de rentrer, après
quelques enfers successifs. Deux mois dans un camp d'entraînement taliban, une
capture au Pakistan pour être livré aux Américains. Et la torture, à Kandahar
puis Guantanamo. A son retour, la justice française l'a placé dix-huit mois en
détention, avant de le libérer, le mois dernier. La silhouette s'est épaissie.
Mourad porte des cheveux longs, crépus, qu'il retient d'une queue-de-cheval.
Personne ne le reconnaît, et il préfère ça. Il veut tourner la page. Mais
d'abord raconter ce qu'il a vu à Guantanamo. Il témoigne longuement, pour
Libération, de la filière utilisée pour rejoindre l'Afghanistan, de
l'entraînement chez les talibans, des tortures endurées. Son récit est précis,
car les multiples interrogatoires, dit-il, ont «gravé» les moindres détails dans
sa mémoire. Il est impossible de vérifier ses dires mais son témoignage
recoupe ceux d'autres «pensionnaires» de Guantanamo

«Le départ s'est fait très vite. Quelques semaines avant, une personne très
proche m'a parlé de la possibilité d'aller en Afghanistan [lire encadré page
suivante]. Elle-même y était allée, elle m'a dit que ce serait une bonne
expérience. Je savais pas que c'était pour un camp taliban. Il n'était pas
question d'apprendre à se battre. L'idée globale, c'était d'aller dans un pays
islamique, où l'on pourrait avoir une vision de l'intérieur de l'islam. Je
n'avais jamais voyagé. Je voulais aller à l'aventure, sortir de la routine. Je
devais chercher une formation en septembre 2001. Je pensais quitter Vénissieux
pour deux ou trois mois.
«Quelques jours avant de partir, j'ai appris que je serai avec Nizar Sassi.
C'était le grand frère d'un ami. J'étais content. On a pris le TGV jusqu'à
Paris, puis un bus Eurolines pour Londres. On avait le numéro de téléphone d'un
homme là-bas, on l'a appelé en arrivant, il nous a donné rendez-vous à Finsbury
Park (1). Il est venu nous chercher et nous a conduits dans un petit
appartement. C'est la seule personne qu'on a vue à Londres. Un Algérien, je
pense. Il nous a aidés pour les billets d'avion et, trois jours après, on
partait au Pakistan avec un numéro de téléphone et le nom d'un hôtel à Peshawar.
Là, quelqu'un nous a pris en charge pour nous conduire à Jalalabad, en
Afghanistan. A chaque étape, la personne laissait un autre contact, avant de
nous quitter. C'était facile. On est partis pour Kaboul, puis on nous a conduits
dans le camp d'entraînement de Kandahar, début juillet 2001.
«Quand Ben Laden est venu, on comprenait pas l'excitation»
«J'ai passé deux mois là-bas, dans le désert. Il y avait des tentes, une
petite mosquée en terre, une petite clinique. On était plus de 200, de toutes
nationalités. J'ai eu l'impression de m'être fait piéger. Nizar et moi, on
n'avait pas l'intention d'aller dans un tel camp. Mais il y avait une règle
claire : une fois entré, on pouvait plus ressortir avant la fin de notre
formation, sauf ceux qui étaient vraiment malades. Il fallait pour cela
l'autorisation du grand émir qui s'occupait du camp. Nizar, grâce à Dieu, a été
malade au bout d'un mois, il a pu partir.
«J'ai fait ce qu'ils appellent la formation de base. Une soixantaine de jours
pendant lesquels on découvre les modules de spécialisation qu'on peut choisir
après : topographie, techniques en montagne, explosifs... Les instructeurs
venaient de pays différents. Dès le premier cours, on nous a montré comment
monter et démonter une Kalachnikov. Puis on a tiré une quinzaine de balles, pour
connaître les sensations. Après, on a appris la topographie, savoir lire une
carte, tenir une boussole. Ensuite le maniement des explosifs : on nous montrait
toutes les sortes qui peuvent exister. Les conditions de vie étaient très
difficiles : la chaleur, la fatigue, la faim. Ils voulaient nous faire ressentir
des conditions extrêmes, au cas où on irait combattre, en Tchétchénie par
exemple. J'ai perdu beaucoup de poids. J'avais une diarrhée très forte.
«Ben Laden est venu une fois pendant qu'on était dans ce camp. En juillet. Il
est arrivé avec son escorte, dans des 4x4 pick-up. Tout le monde dans le camp a
commencé à chanter en arabe "Voilà le cheikh, voilà le cheikh". Nizar et moi, on
comprenait pas l'excitation. C'était avant le 11 septembre, il ne représentait
pas ce qu'il représente aujourd'hui. Je n'avais jamais entendu parler de lui. On
nous a dit: "C'est le cheikh Ben Laden !" Il est sorti, beaucoup se sont dirigés
vers lui pour lui serrer là main. Il a fait son discours. J'étais malade,
fatigué, je comprenais pas l'arabe, je suis retourné à ma tente, j'ai pas écouté
le discours.
«Après ma formation, j'ai retrouvé Nizar et on est repartis à Jalalabad. Là,
on a appris la mort de Massoud, le 9 septembre sur RFI. On nous a dit que ça
allait devenir dangereux pour nous car des Arabes avaient fait ça. On a appris
ensuite, juste après, pour le World Trade Center. On nous a conseillé
d'attendre. Quand les bombardements ont commencé, on est restés cachés dans une
maison. Des fois, on dormait dehors. Puis l'Alliance du Nord est remontée
jusqu'à Jalalabad, les talibans se sont sauvés et tout le monde est parti en
passant par les montagnes. La marche a duré plus d'un mois. Deux d'entre nous
sont morts de froid. On a fini par arriver à un village du Pakistan qui
s'appelait Parachinar, tout près de la frontière. Des habitants nous ont
hébergés. On voulait qu'ils nous aident à rejoindre Islamabad, pour contacter
l'ambassade de France et qu'elle nous rapatrie. Mais un jour, ils nous ont donné
rendez-vous à la mosquée du village pour parler du voyage. On est entrés, les
portes se sont refermées derrière nous. Ils ont appelé les forces spéciales
pakistanaises qui sont venues nous arrêter.
«A Kandahar, trois jours de terreur»
«On est passés par trois casernes différentes au Pakistan. Ça a duré deux
semaines. Dans la troisième, des gens sont venus nous voir. Ils se disaient de
l'ONU. Il y avait un drapeau de l'ONU dans la salle où ils nous ont interrogés.
Ils voulaient connaître nos identités, quels étaient nos parcours, quel lien on
avait avec Al-Qaeda. Ils parlaient assez bien le français, mais avec un accent
américain. Dans l'après-midi, des gardes pakistanais nous ont dit que c'était la
CIA. On nous a attachés dans des camions, on nous a mis des cagoules et on a
fait un voyage de vingt heures, sans boire ni manger. Le camion était envahi
d'odeurs d'urine. A l'arrivée, des Américains nous attendaient.
«Il faisait nuit, l'endroit ressemblait à un aéroport militaire. Ils avaient
formé un grand cercle avec des camions, et les phares éclairaient le centre.
C'est là qu'on a été livrés. Les Américains avaient la liste des noms obtenus à
la caserne. Ils nous ont fait monter dans de petits avions, nous ont attachés au
sol par des sangles, les mains dans le dos et une cagoule sur la tête. Le vol a
duré plus de deux heures. On a atterri à Kandahar, où je suis resté quinze
jours, dans un camp. Il y avait 150 personnes à mon arrivée, 800 à mon départ.
«Ils enfermaient les arrivants dans un grand hangar, avec deux seaux pour
leurs besoins. L'arrivée a été violente. Ils nous ont mis des menottes aux
poignets et aux pieds, des cagoules sur la tête, ils nous avaient déshabillés
entièrement et nous ont roués de coups de pied et de poing, avec des insultes et
des crachats. Ils nous ont ensuite fait monter les uns sur les autres et on
entendait qu'ils prenaient des photos. Ça a duré deux ou trois jours comme ça.
Certains saignaient, criaient. C'était vraiment trois jours de terreur. Ensuite,
ils nous ont mis des combinaisons bleues et nous ont emmenés dans des grands
enclos grillagés, à 60 par cage.
«Les mauvais traitements étaient quotidiens. Ils urinaient sur des détenus,
ils jetaient des corans dans les seaux où on faisait nos besoins. Il y avait
aussi des gens à qui ils rasaient une partie de la tête, ou un seul sourcil. On
avait l'impression qu'ils faisaient ça par plaisir. Ils nous parlaient souvent
du World Trade Center. Ils ramenaient des femmes, militaires, qui se
déshabillaient devant nous et touchaient certains détenus. Les gradés voyaient
ce qui se passait.
«J'ai été interrogé trois fois à Kandahar. Toujours les mêmes questions:
"Qu'est-ce que tu as été faire en Afghanistan", "Qu'est-ce que tu faisais avec
les talibans", "Est-ce que tu as vu Ben Laden", "Est-ce que tu sais où il est ?"
L'interrogateur était assis à une table, moi accroupi au sol, les poignets et
les pieds attachés ensemble, comme un mouton avant l'égorgement. D'autres fois,
j'étais attaché les bras en croix à une barre en fer au-dessus de ma tête. Les
interrogatoires duraient trois ou quatre heures. Ils donnaient beaucoup de coups
sur la nuque, du tranchant de la main.
«La nuit, toutes les demi-heures, ils nous réveillaient pour faire l'appel.
Ils nous avaient mis des bracelets avec des numéros. J'avais le 161. Ils nous
alignaient accroupis, puis on retournait dormir quand ils nous avaient appelés,
puis ils nous réveillaient une demi-heure après. Psychologiquement, c'était très
dur. Il y avait aussi des détenus qu'ils laissaient debout toute la nuit. Quand
ils piquaient du nez, ils les frappaient pour les redresser. A la fin, les gars
étaient si fatigués qu'ils tombaient par terre et se laissaient frapper. J'étais
paniqué. Je me disais qu'avec ce qu'ils étaient en train de nous faire, ils ne
prendraient pas le risque de nous relâcher. Je me suis dis : "Mourad, jamais ils
te laisseront raconter ça. Il faut que tu te prépares à mourir."
«Au bout d'une semaine et demie, ils m'ont rasé la tête et la barbe, m'ont mis
une cagoule et je suis reparti en avion. Ils nous ont collé des patchs qui
devaient être des somnifères. On somnolait. L'avion a fait une escale au bout
d'une heure, on a changé d'appareil. Puis le voyage a duré vingt-quatre heures.
On ne savait pas où on allait. C'est la Croix-Rouge, quelques semaines après,
qui m'a appris que j'étais à Cuba.
«Dans une des salles d'interrogatoire, l'impression que le cerveau allait se
dissoudre»
«A l'arrivée, on a été déshabillés. Ils nous ont mis à plat ventre et nous ont
donné des coups de pied. Il y avait un homme qui avait un accent arabe, un
Libanais je pense. Il hurlait en arabe. "Qu'est-ce que tu fais là, pourquoi t'es
allé en Afghanistan?" Puis on a été conduits dans une pièce où il y avait ....
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