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 Du concept d’ « ivoirité » - 2. « Ivoirité » et « francité »

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AuteurMessage
Delugio
Membre confirmé
Delugio


Nombre de messages : 107
Date d'inscription : 29/05/2005

Du concept d’ « ivoirité » - 2. « Ivoirité » et « francité » Empty
08062005
MessageDu concept d’ « ivoirité » - 2. « Ivoirité » et « francité »

Je poursuis ma réflexion sur le concept français d’ « ivoirité » en partant des excuses que j’ai dû fournir aux Ivoiriens pour les considérations « ethnographiques » par lesquelles j’ai bien dû en passer. Considérations, disais-je, qu’ils ne prennent même pas la peine d’opposer aux classifications françaises, mais qui peuvent aider les Français à enfin s’interroger sur le fameux découpage « ethnique » qui fonde leur compréhension de l’ « ivoirité » !

Les Français, sûrs de leur propre dépassement de toute considération « ethnique » dans ce qu’est la… « francité », ont été rebutés en croyant comprendre que les tribunaux ivoiriens refusaient un candidat à la Présidence de la République, Alassane Ouattara, au regard de ce qu’il serait « musulman », et que donc que son « ivoirité » serait en question. Présenté de cette façon, il y a effet de quoi être rebuté, en effet ! Hélas, c’est bien comme cela que les choses ont été présentées, provoquant un grand scandale du public français ; scandale légitime ; d’autant plus qu’il est vrai qu’en France, les candidats « musulmans » à la Présidence de la République se pressent sur les bulletins de vote…

Mais allez dire à présent que les Ivoiriens ne comprennent pas une once des développements français sur l’ « ivoirité ». Ajoutez à cela qu’ils ont même mis en question le qualificatif de « musulman » concernant Alassane Ouattara, et tout est en place pour le cocktail explosif franco-ivoirien que l’on continue à secouer ! Les Français sont tellement persuadés des éléments ci-dessus, qu’ils n’ont de recours que de décréter que les Ivoiriens sont, au minimum, de mauvaise foi.

Ce qui produit un sentiment de trouble chez les Ivoiriens qui ont l’habitude de croire que les Français sont rationnels ; que, se réclamant de Descartes, ils ont le sens des distinctions et de la clarté. Mais voilà que les Français se montrent incapables de faire la distinction entre religion et patronyme, ou en d’autres termes entre l’indication « ethnique » que peut éventuellement déceler le patronyme, la religion supposée y correspondre et la pratique ou l’appartenance à cette religion, puis entre la supposée indication « ethnique » patronymique et la citoyenneté par la nationalité ; de même qu’ils se montrent incapables de faire la distinction entre la nationalité et l’éligibilité, puis entre l’éligibilité à la Présidence de la République et à une autre fonction ; tout comme ils se montrent incapables de comprendre qu’on peut avoir été (ou être) Premier ministre sans remplir pour autant les conditions constitutionnelles d’éligibilité — à ce point on peut soupçonner une légère mauvaise foi française concernant l’Afrique, puisque les Français se montrent capables de faire ce genre de distinctions concernant les États-Unis (personne en France n’a remis en question l’inéligibilité de Madeleine Allbright ou Henry Kissinger, fondée sur des raisons pourtant similaires à celles qui valent en Côte d’Ivoire).

Reste que les Ivoiriens s’étonnent de la lourdeur conceptuelle de ceux qui sont pourtant réputés, et souvent se prétendent, enfants de Descartes !

À cela s’ajoute le trouble concernant le concept, pourtant réputé français lui aussi, de « laïcité ». Voilà qu’il semble impossible de faire comprendre à un Français, qui clame haut et fort sa revendication de la « laïcité », que le fait que Ouattara s’appelle Alassane ne garantit nullement qu’il soit musulman, chose qui ne regarde que lui. Ainsi lorsque les Ivoiriens se sont efforcés, concernant l’accusation française contre le constat constitutionnel de son inéligibilité (en 1999), d’essayer d’expliquer qu’il était douteux qu’il soit musulman, les Français n’ont pu qu’y voir une preuve supplémentaire d’ostracisme, là où il y avait simple affirmation (sans doute maladroite) de la laïcité de la Côte d’Ivoire : bref, façon de dire que la question de la religion de Ouattara ne trouble personne, au point qu’on croit même pouvoir dire qu’il n’est pas plus musulman que ça !

Et en France, on s’indigne ! Quel ostracisme, on le refuse pour cela ! Et qu’importe s’il a été Premier ministre (mais à l’époque en France, qui le sait — « au fait, c’est où la Côte d’Ivoire ? »), Premier ministre « musulman » ! Au contraire, raison de plus de s’indigner (« c’est bien la preuve qu’il est éligible ! » clament les médias français. « Ah bon ? » ironise quiconque n’a pas perdu tout sens critique). Mais nul de se demander si cela-même serait possible en France. Préfet peut-être, mais Premier ministre ! Il est vrai qu’on s’empresserait tout d’abord de bien faire remarquer qu’il est « musulman » ; même si le « musulman » en question, s’escrimant à nier ce statut-là, clame éventuellement son athéisme, peu importe : s’il s’appelle Mohammed ou Aïssa, il est donc musulman !

C’est là sans doute le cœur du problème franco-ivoiren : en France, on semble ne pas parvenir à ne pas confondre origine patronymique et appartenance religieuse, en tout cas pour les « minorités religieuses ». Si en Côte d’Ivoire la laïcité n’empêche personne de proclamer sa foi s’il en a, et de n’avoir pas de pratique religieuse s’il le souhaite, et quelle que soit sa religion, en France, la laïcité tend à se réduire au devoir, pour un catholique — et a fortiori pour un « minoritaire » — de taire sa foi, et au droit, pour un « catholique » d’origine, de proclamer son athéisme — cet aspect-là est tacitement refusé aux non-catholiques. Non pas qu’ils n’aient pas le droit d’être incroyants comme les autres, mais qu’ils soient croyants ou incroyants, ils garderont qu’ils le veuillent ou non l’étiquette de leur religion « minoritaire ».

C’est ainsi qu’un agnostique ou un athée « catholique » en France laïque est un agnostique ou un athée, tandis qu’un agnostique ou un athée « juif », « musulman » ou « protestant » est « juif », « musulman » ou « protestant » (demandez à Lionel Jospin) !

C’est ainsi que la France laïque clame sur tous les toits sa « tolérance » pour avoir nommé un préfet « musulman ». Bref, pour l’avoir fait accéder à la plénitude de la « francité »… qui a toujours été sienne ! Qu’a-t-il de musulman ? Son patronyme ! Comme si un patronyme avait une religion ! Quant à sa religion à lui, nul ne la connaît que lui — et grâce à Dieu, nul n’a à la connaître ! Tout comme celle de Ouattara, n’en déplaise aux Français. Tout comme celle de Mamadou Koulibaly, qui au sens français, est autant « musulman », et « du Nord », que Ouattara, mais cela, les médias français l’ignorent — pour ne par dire : le cachent (ou si cela se sait parlent de « dioula de service » !) — parce que le fait que le « dur du régime Gbagbo » n’entre pas dans la catégorie « ethnique » censée être la catégorie « ivoiriste » renverse tout l’échafaudage anti-ivoirien sur lequel s’est installée l’intelligentsia française.

« Musulman du Nord » : on a bien forgé une catégorie ethnique, et qu’importe si elle ne cadre pas avec la réalité politique ivoirienne, c’est une grille commode qui permet au public français de comprendre ! Et fausse comme est cette grille, on le saisit, de ne rien comprendre ! — et de garder bonne conscience, d’être du bon côté dans la crise qui l’oppose volens nolens à la Côte d’Ivoire, tout en croyant être neutre dans une crise interne !

Catégorie ethnique comme on les fait fonctionner en France, mais qui est inexistante en Côte d’Ivoire. Nul ne note en France qu’un préfet est catholique (ça c’est reconnu comme non-ethnique, mais religieux, et ne devant donc pas être précisé), nul ne note non plus qu’il est Occitan, Breton ou Alsacien, en cela la « francité » n’est pas mise en doute — mais en revanche, puisqu’il n’y en a qu’un, il semble invraisemblable de ne pas faire la Une des journaux pendant plusieurs jours sur la nomination d’un préfet « musulman », pour une catégorisation qui est bel et bien reçue comme « ethnique », puisque sa foi religieuse s’il en a, ne regarde, à juste titre, personne. C’est ce type d’embrouillamini français ethno-religieux qui est projeté sur le reste du monde et en premier lieu sur les ex-colonies françaises. Il n’est pas indifférent de remarquer qu’aux temps officiellement coloniaux, « musulman » était une catégorie de type ethnique, puisqu’on le sait, en Algérie par exemple, on opposait « musulman » à Européen ! Voilà probablement la source de l’incapacité française à comprendre des distinctions élémentaires pour les Ivoiriens.

Une incapacité à comprendre qui est nourrie par tout ce que le fait de ne pas comprendre (d’être un « mal-comprenant » !) peut avoir de flatteur : dans un pays qui s’enorgueillit de sa tolérance pour avoir un unique préfet « musulman », il serait troublant de remarquer qu’en Côte d’Ivoire, le nombre des responsables politiques, administratifs et autres portant ce qu’en France on considèrerait comme un patronyme « musulman » correspond à la proportion de ces patronymes dans le reste de la population (sans « quotas », évidemment), et cela dans tous les partis, et sans que quiconque ne se croie obligé de le remarquer.

Projeter un tel brouillard sur les autres, permet de ne pas regarder le sien, de traiter les autres de racistes, de porter Le Pen au second tour de la présidentielle, de ne pas l’élire tout en gardant des pans entiers de son programme concernant les étrangers (cela contre 5 % d’immigrés, là où la Côte d’Ivoire en compte entre 25 % et 35 %), de ne pas ratifier la Convention de l’ONU sur le droit des migrants et d’aller, au nom de l’universaliste « francité », faire la guerre à la Côte d’Ivoire en prétextant on ne sait quelle « ivoirité ».
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