Le NEPAD et le MAEP en bref
[2005 February 24]
Introduction
Cet article donne un bref aperçu de la nature et de l'envergure du Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs (MAEP) du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD). Il expose les motivations que les pays peuvent avoir d'adhérer au mécanisme et les raisons pour lesquelles certains autres hésitent encore à signer l'accord. Bien que notre but initial soit de fournir une information pouvant servir les organisations de la société civile sur le continent, nous examinons également les deux principaux défis qu'elle est à même de rencontrer dans sa tentative de participer efficacement au MAEP.
Adopté en juillet 2001 par ce qui était alors l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A), le NEPAD représente une vision ainsi qu'une structure en matière de développement pour le regain de l'Afrique.
Ses objectifs premiers sont l'éradication de la pauvreté, la mise en place d'un développement et d'une croissance durables, l'intégration de l'Afrique dans l'économie mondiale et l'accélération de l'autonomisation des femmes. La notion de partenariat nouveau et à doubles facettes représente l'idée fondamentale du NEPAD : un partenariat entre l'Afrique et le reste du monde ainsi qu'un partenariat entre les états africains et leurs populations. Selon la vision du NEPAD, des améliorations significatives en matière de gouvernance, conduites par un nouveau désir politique de l'élite africaine au pouvoir, fourniront les conditions capables de mettre en place un regain d'activités entrepreneuriales au sein de la population africaine ainsi qu'une augmentation connexe dans les domaines du commerce et de l'investissement en Afrique. Dans ce contexte, NEPAD ne doit pas être essentiellement considéré comme un appel à l'aide et aux subventions, bien que les questions de développement et d'allègement de la dette soient abordées, mais plutôt comme la reconnaissance qu'il n'existe aucune chance de développement pour le continent africain si celui-ci demeure isolé des règles univoques toujours croissantes des politiques et des économies mondiales, à une époque d'après-guerre froide. Il va sans dire que l'aide demandée aux pays développés ne pourra être accordée que suite à l'amélioration de la gouvernance. Le besoin d'établir et de consolider des partenariats pour le développement entre les états africains et les dirigeants et les populations, valide l'idée que si les initiatives en matière de développement doivent porter leurs fruits, cela ne sera possible que si ces initiatives sont dirigées localement et centrées sur les populations.
Comme condition préalable d'un engagement international, il est nécessaire de mobiliser des ressources domestiques et d'accroître l'activité entrepreneuriale. Dans le document relatif à sa structure, NEPAD se décrit comme le profond désir du peuple africain « de croire de nouveau à son génie, à sa capacité d'affronter les obstacles et de s'impliquer dans la construction de la nouvelle Afrique ». Cet appel au peuple africain nous ramène au point crucial que représente le potentiel du NEPAD en tant que vision du renforcement du continent puisque cette dernière soulève la question du champ d'action de la participation de la société civile dans ses processus. Dans la suite de notre article, nous nous étendrons sur le Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs (MAEP), d'un point de vue de la participation de la société civile.
Le MAEP
Le MAEP est un mécanisme de conformité et d'apprentissage mutuel du NEPAD, à la disposition des 53 états membres de l'Union Africaine (UA) qui désirent se soumettre au processus de révision.
Selon la formulation du document de base du MAEP, son objectif premier consiste à «encourager l'adoption de politiques, de critères et de pratiques conduisant à une stabilité politique, à une importante croissance économique, à un développement durable et à une intégration économique accélérée tant au niveau sous-régional que continental, grâce au partage des expériences et au renforcement des meilleures pratiques, y-compris l'identification des déficiences et l'évaluation des besoins relatifs au renforcement de la capacité ».Le concept d'évaluation par les pairs et d'apprentissage associé des pairs estime qu'une convergence graduelle et non coercitive de pratiques et de politiques des pays participants est préférable aux tentatives d'imposer des politiques « désirables » dans les pays.
À ce jour, 23 des états membres de l'UA ont ratifié le protocole d'accord du MAEP exprimant ainsi leur désir d'adhérer au processus d'évaluation par les pairs.
États membres du MAEP
Algérie, Cameroun, Rwanda, Malawi,
Burkina Faso, Gabon, Sénégal, Lesotho,
République du Congo, Mali, Afrique du Sud, Tanzanie,
Éthiopie, Maurice, Ouganda, Angola,
Ghana, Mozambique, Égypte, Sierra Leone,
Kenya, Nigeria, Bénin
À noter que la Zambie vient récemment d'exprimer son intention de joindre le mécanisme. Dans l'absolu, un pays adhérera à un mécanisme volontaire si ce dernier pense qu'il en va de son intérêt. En fait, quelles sont les motivations qui génèrent une adhésion au MAEP ? Tout d'abord, les lignes directrices des pays concernant la préparation et la participation au Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs indiquent que lorsque des pays expriment leur désir d'affronter leurs faiblesses en matière de gouvernance et de développement, cela « appartiendra aux gouvernements participants d'apporter leur soutien, dans la mesure de leurs moyens, ainsi que d'exhorter les agences et les gouvernements donateurs à également aider le pays évalué ».
En d'autres termes, la participation au MAEP peut être liée à une aide au développement internationale et régionale d'une nature à la fois technique et financière. La deuxième motivation engendrant l'adhésion au MAEP se base sur la possibilité d'utiliser celui-ci comme un dispositif d'évaluation dans le choix des investisseurs quant aux destinations préférées en matière d'investissement. C'est surtout le cas pour les investisseurs étrangers qui, par manque d'informations, sont souvent dans l'impossibilité de faire la distinction entre les pays africains et, par conséquent, risquent de tous les ranger dans la catégorie à « haut risque ». Le MAEP, dans le cas où ses évaluations initiales seraient perçues comme crédibles et compétentes au niveau technique, est à même de fournir des données aux investisseurs indiquant les pays sérieusement impliqués dans l'amélioration de leur gouvernance. Dans de telles circonstances, les pays n'ayant pas ratifié le processus risquent d'être progressivement mis à l'écart. A plus grande échelle, dans le cas où le MAEP consoliderait sa légitimité dans les prochaines années, il est fort probable que la non-adhésion sera ressentie comme suspecte, voire même comme l'aveu d'un échec en matière de gouvernance et le refus de changer quoi que ce soit à cet égard.
Ayesha Kajee, de l'Institut Sud-Africain des Affaires Internationales, énumère les raisons pour lesquelles des pays n'ont pas ratifié le mécanisme et se retiennent.Certains pays révèlent des lacunes en matière de gouvernance qui se situent à tous les niveaux et qui sont quasiment institutionnalisées. Il est certain que pour ces pays, une amélioration de la transparence et de la responsabilité financière, générée par le mécanisme d'évaluation, se ferait au détriment de ceux qui profitent de l'état actuel des choses. En outre, d'autres pays préfèrent mettre de l'ordre dans leurs affaires avant que de ratifier le processus ; certains, comme la Somalie, ont été déstabilisés par la guerre et d'autres encore viennent de traverser une période électorale, préférant remettre leur évaluation à plus tard. Selon Kajee, beaucoup de dirigeants africains, à l'heure actuelle, se méfient du MAEP et craignent que ce dernier ne mène à un affaiblissement de la souveraineté nationale. De telles perceptions expliquent le besoin continu et élargi d'un programme de sensibilisation concernant les objectifs et les méthodes du MAEP et surtout la nécessité de rappeler que ce dernier a été conçu comme un mécanisme coopératif d'apprentissage mutuel et non comme un instrument de coercition.
Le fait que le MAEP est un mécanisme volontaire a conduit les observateurs à se demander si celui-ci possédera jamais la poigne nécessaire pour permettre de réaliser les progrès en matière de gouvernance que NEPAD propose en échange d'une plus grande intégration dans l'économie mondiale. Pour ceux qui en doutent, le cas du Zimbabwe est régulièrement utilisé comme preuve que, lorsque poussées dans leurs retranchements, les élites africaines préfèrent se couvrir les unes les autres plutôt que d'exposer un des leurs à une critique substantielle de la part du domaine public international. D'aucuns disent que le mécanisme d'évaluation par les pairs ne sera jamais assez rigoureux et percutant pour générer des progrès en matière de gouvernance puisqu'il va à l'encontre des intérêts des élites et que, par conséquent, le MAEP et par extension NEPAD, sont voués dès le début à l'échec.
Cependant, il est important de noter que NEPAD n'a pas été conçu et ne peut pas être considéré comme l'unique mécanisme devant traiter avec des états qui n'en font qu'à leur tête, même si
le MAEP, en tant que système volontaire d'évaluation par les pairs ciblant tout particulièrement les aspects socio-économiques, est parfaitement adapté pour ce rôle. Une des raisons, probablement, pour laquelle les échecs politiques en matière de gouvernance ne franchissent pas le seuil du NEPAD, est l'estime que les pays développés accordent au NEPAD. Cela ne devrait pas être perçu comme un reflet de sa primauté juridique et institutionnelle sur l'UA. Selon les paroles du Président de l'Afrique du Sud, Thabo Mbeki, le système d'évaluation par les pairs « n'est pas le seul processus disponible sur le continent capable de garantir la mise en place de ses décisions ». De surcroît, celui-ci déclare que subordonner les institutions de l'UA au NEPAD rendrait ces institutions inopérantes et reposerait sur un malentendu concernant le but et le mandat du NEPAD.
Le MAEP permet la mise en place d'une série d'évaluations d'un pays, dirigée et entièrement assurée par un Groupe des Personnalités Éminentes, coordonnée par un secrétariat grâce aux étapes suivantes :
• Une évaluation de base menée dans les 18 mois qui suivent l'adhésion au processus du MAEP
• Une évaluation périodique ayant lieu toutes les deux à quatre années
• Une évaluation effectuée suite à la demande spéciale par un pays membre selon ses propres raisons
• Une évaluation entreprise par les chefs d'états et de gouvernements en réponse à des signes avant-coureurs d'une crise politique ou économique imminente, dans le but d'aider le gouvernement concerné
Une phase préliminaire, également connue sous le nom de
mission de soutien d'un pays, vient d'être considérée afin de venir en aide aux pays en cours de processus. Les missions de soutien cherchent à garantir une compréhension commune de la philosophie, des règles et des procédures du MAEP ainsi qu'à identifier et planifier une aide plus conséquente dans le cas où un pays en verrait la nécessité pour participer au processus.
La préparation de l'évaluation de base exige la compilation d'un document d'informations sur le pays établi par le secrétariat du MAEP ainsi que la mise au point d'une auto-évaluation du pays par les dépositaires d'enjeux du même pays dont découlera un programme préliminaire d'action. Le secrétariat se basera sur l'auto-évaluation du pays, le programme préliminaire d'action et sur son document d'informations, pour établir un Document des Problèmes à Aborder afin de guider le processus d'évaluation du pays en cours. La visite du pays évalué inclura le plus possible, la consultation des dépositaires d'enjeux de différents horizons avec comme but de sécuriser le consensus sur la façon d'aborder les problèmes identifiés. L'ébauche du rapport sur le pays qu'une équipe aura mis au point sera alors discutée avec le gouvernement de ce même pays et sera ensuite structurée selon des critères régionaux et sous-régionaux clés.
La participation de la Société Civile dans le MAEP
Le document des Lignes directrices mentionne quatre responsabilités pour un pays participant et qui sont les suivantes :
• Signer le protocole d'accord du MAEP
• Contribuer entièrement au financement du MAEP
• Développer un programme d'action national
• Garantir la participation de tous les dépositaires d'enjeux dans le processus
Jeu 25 Mai - 14:03 par Tite Prout