Une publication pour forcer le gouvernement à « décristalliser » les pensions des anciens combattants et fonctionnaires étrangers
Une publication pour forcer le gouvernement à « décristalliser » les pensions des anciens combattants et fonctionnaires étrangers
http://www.gisti.org/doc/actions/2002/retraites/index.html
24/10/2002 — À partir de la fin des années 1950, les autorités françaises ont « cristallisé » le montant des pensions des ressortissants des anciennes colonies ayant servi dans l'administration ou l'armée française. L'écart des pensions entre les titulaires français et étrangers n'a alors cessé de croître. Aujourd'hui, l'injustice est à son comble puisque les étrangers reçoivent de 3 % à 30 % de la somme versée à leurs anciens collègues français, suivant leur nationalité. [1]
Au retour de son voyage au Sénégal où elle avait été vertement interpellée, la ministre de la Défense a déclaré, le 9 septembre 2002, que « les décisions concernant les pensions des anciens combattants des pays de l'ex-Union française devraient être prises avant la fin de l'année » [2]. Le problème est que la décision a déjà été prise depuis plusieurs mois. Le Conseil d'État dans son arrêt Diop du 30 novembre 2001, suivi de dizaines d'autres arrêts, a tranché en jugeant que le fait de verser des prestations « cristallisées » aux anciens combattants et aux anciens fonctionnaires civils ou militaires violait la Convention Européenne des Droits de l'Homme et constituait une discrimination illégale. Les personnes concernées devraient donc enfin bénéficier de l'égalité des droits si le gouvernement ne s'évertuait pas à contourner les règles de droit pour faire des économies sur le dos des étrangers l'ayant servi.
Le gouvernement joue le pourrissement
et bafoue les décisions de justice
Les services de l'administration ont reçu des instructions pour ne pas répondre aux demandes de revalorisation adressées par les anciens combattants et anciens fonctionnaires de nationalité étrangère. Seules les rares personnes aptes à se retrouver dans les méandres administratifs et qui intentent une action contentieuse peuvent se voir reconnaître leurs droits par le juge.
Le gouvernement projette de contourner les arrêts du Conseil d'État afin
de poursuivre les discriminations
Pour éviter d'appliquer l'égalité des droits, le gouvernement actuel reprend les projets du précédent [3]. Lors de la présentation du budget 2003, M. Mekachera, secrétaire d'État aux anciens combattants, a ainsi indiqué, au nom d'une curieuse conception de l'« équité » et de la « parité », qu'il comptait augmenter un peu les pensions des ressortissants étrangers « compte tenu du niveau de vie dans chaque pays concerné » [4]. L'ancien combattant ou l'ancien fonctionnaire français qui décide de résider à l'étranger ne verra pas, lui, le montant de sa pension changer en fonction du niveau de vie du pays de résidence. Il s'agit donc bel et bien de perpétuer la discrimination sous une autre forme. Et ce ne sont pas les « trois francs six sous » budgétés dans le projet de loi de Finances qui peuvent mettre fin à l'injustice. [5]
Devant la mauvaise foi de l'État et son refus de se conformer aux décisions de justice, le CATRED et le GISTI ont réalisé une publication pratique pour aider les personnes à faire valoir leurs droits : « Égalité des droits pour les anciens combattants et anciens fonctionnaires : Comment obtenir la revalorisation des pensions pour les anciens combattants et anciens fonctionnaires civils ou militaires ».
Vous pouvez aider à la diffusion de cette publication :
Cette publication peut être commandée pour 4,5 € + 1,5 € d'envoi (France) ou + 2,5 € d'envoi (hors de France) ou bien téléchargée gratuitement sur le site Web du Gisti.
Sa reproduction et sa rediffusion sont non seulement autorisées mais vivement encouragée. Les organes de presse, les associations et les gestionnaires de sites Web peuvent la reproduire sous réserve d'en mentionner l'origine.
Par la diffusion de cette brochure et face à l'attitude du gouvernement français, le CATRED et le GISTI demandent :
*
au gouvernement de mettre fin aux discriminations illégales et de respecter les décisions de justice en garantissant l'égalité de droit pour les anciens combattants et anciens fonctionnaires civils ou militaires.
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aux autorités des pays issus des anciennes colonies de refuser tout marché de dupes qui se ferait au détriment de l'égalité des droits pour leurs ressortissants et de faire pression sur le gouvernement français.
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aux intéressés, et tous ceux amenés à les conseiller, de ne pas se décourager et d'entamer des procédures, y compris devant les tribunaux, pour obtenir la totalité de leurs droits.
Contact presse : 01 40 21 38 11 (CATRED) – 01 43 14 84 84 (GISTI)
De quelles prestations parle-t-on ?
Trois catégories de pensions doivent être distinguées. Toutes ne s'adressent pas à des personnes ayant combattu.
La pension de retraite des fonctionnaires civils ou militaires. Elle est versée en principe après un service minimum de 15 années dans l'administration ou l'armée française. Les bénéficiaires ne sont pas forcément des anciens combattants. Sur les 1 850 bénéficiaires d'une pension de retraite, les bénéficiaires étrangers, surtout des anciens militaires, seraient 53 500.
La retraite du combattant est attribuée à ceux qui ont combattu dans l'armée française, en principe pour une durée d'au moins 90 jours. Son montant à taux plein est des plus modiques : 417 euros par an. Sur 1,2 millions bénéficiaires de la retraite du combattant prévus pour 2003, les étrangers seraient 48 600.
La pension militaire d'invalidité pour les militaires souffrant d'infirmités causées par ou durant leur service dans l'armée. Les bénéficiaires ne sont pas forcément des anciens combattants. Sur les 463 000 bénéficiaires fin 2001, les étrangers sont environ 30 000.
Pour en savoir plus, voir la publication du CATRED et du GISTI
Notes
[1] Quand un ancien combattant français, invalide à 100 %, reçoit une pension d'invalidité d'environ 690 € par mois, son compagnon d'arme sénégalais perçoit environ 230 €, un Camerounais 104 €, un Marocain ou un Tunisien 61 €. S'agissant de la retraite du combattant, servie à ceux qui ont passé au moins quatre-vingt dix jours dans une unité combattante, elle s'élève à 417 € par an pour un Français, 170 € environ pour un Centrafricain, 80 € environ pour un Malien, 57 € pour un Algérien, 16 € pour un Cambodgien
[2] Anciens combattants : les décisions concernant les pensions des anciens combattants des pays de l'ex-Union française devraient être prises « avant la fin de l'année », communiqué de presse du 9 septembre 2002
[3] Jeune Afrique – L'intelligent du 29 janvier au 4 février 2002, « Anciens combattants : trahis par la France » - Le Monde du 5 janvier 2002, « Bercy veut limiter le coût des pensions des anciens combattants étrangers » - Libération du 8 février 2002, « Soldats d'Afrique, vétérans sans fric - La France ne verse toujours pas les pensions dues aux Ivoiriens » et « L'État a du mal à "décristalliser" ».
[4] Intervention de M. Hamlaoui Mekachera lors de la conférence de presse de présentation du projet de budget pour 2003 du secrétariat d'état aux Anciens combattants, le 26 septembre 2002
[5] 14 millions d'euros sont ainsi prévus pour la « provision relative à la décristallisation de la retraite du combattant » et 58 millions pour celle des pensions militaires d'invalidité (bleu budgétaire du projet de loi de finances pour 2003). Rien n'est prévu pour les bénéficiaires d'une pension de fonctionnaire civil ou militaire. Connaissant le nombre de bénéficiaires, on peut estimer l'amélioration envisagée par le gouvernement à environ 280 € par an en moyenne pour la retraite d'un ancien combattant et à 160 € par mois en moyenne par pension militaire d'invalidité.