De la «diversité» dans le gouvernement de la France Par Claude Ribbe,
lundi 3 mars 2008 à 19:21 :: General
Comme l’hebdomadaire
Jeune Afriqueme demandait récemment (voir édition du 3 mars 2008 p 30 ) ma
«réaction» à la première de Nicolas Sarkozy, à savoir l’entrée au
gouvernement de ministres de la «diversité», après avoir exprimé ma
perplexité quant à ce mot de «diversité», il m’a semblé bon de rappeler
quelques faits historiques apparemment oubliés.
Si l’on entend par «diversité» les personnes d’origine étrangère, je
crois me souvenir, par exemple, que l’Italien Giulio Mazarino, dit
Mazarin, naturalisé en 1639, devint Premier ministre en 1642. Si l’on
entend par « diversité » les personnes d’origine africaine, ce qui me
semble être généralement le cas de ceux qui ont trouvé cette formule, à
mon sens raciste, pour éviter de dire « noir » ou « arabe », la
présence de ministres de la «diversité» au gouvernement ne date
vraiment pas d’hier.
Soixante treize ans avant Rachida Dati, un ministre de la "diversité" à la Justice : Henry Léméry !Qu’on en juge :
Sans parler du parlement français où la « diversité » fut représentée
dès 1794 par les députés haïtiens Mills et Belley, Severiano de
Heredia, député de la Seine d’origine afro-cubaine, entra au
gouvernement en 1887 où il occupa les fonctions de ministre des Travaux
publics dans le gouvernement Rouvier. Le Martiniquais Henry Lémery
participa au gouvernement Clémenceau en 1917 où il côtoya le Sénégalais
Blaise Diagne, qui siégeait au gouvernement avec le titre de
commissaire général des troupes africaines. Henry Lémery occupa le
fauteuil de ministre de la Justice en 1934. Soixante-treize ans avant
Rachida Dati ! Il fut même ministre de Pétain.
Le Martiniquais Alcide Delmont fut sous-secrétaire d’État aux colonies
en 1929 dans le gouvernement Tardieu. Il fut remplacé à ce poste par le
Guadeloupéen Gratien Candace en 1932, puis par le Guyanais Gaston
Monnerville dans le gouvernement Chautemps en 1937.
L’Ivoirien Houphouët-Boigny fut de tous les gouvernements entre 1957 et
1961, notamment avec le portefeuille de la Santé publique et le titre
de ministre d’État.
Plus récemment, la Guadeloupéenne Lucette Michaux-Chevry entra au
gouvernement Chirac avec le portefeuille de la Francophonie en 1986,
poste qu’elle occupa jusqu’en 1988. Elle fut ensuite ministre déléguée
auprès du ministre des Affaires étrangères chargée des Droits de
l’Homme dans le gouvernement Balladur en 1993. Quatorze ans avant Rama
Yade ! Le Guadeloupéen Roger Bambuck fut secrétaire d’État aux Sports
de Michel Rocard de 1988 à 1991. Kofi Yamgnane, d’origine togolaise,
fut secrétaire d’État à l’intégration dans les gouvernements d’Edith
Cresson et de Pierre Bérégovoy de 1991 à 1993. Seize ans avant Fadela
Amara ! La Réunionnaise Margie Sudre fut secrétaire d’État à la
Francophonie en 1995 dans le gouvernement Juppé et le Guyanais Léon
Bertrand secrétaire d’État au Tourisme dans les gouvernements Raffarin
et Villepin de 2002 jusqu’à l’élection de Nicolas Sarkozy.
La présence de la «diversité» dans les gouvernements de toutes
tendances (extrême droite collaborationniste incluse) et pas seulement
à des postes liés aux colonies ou aux anciennes colonies est donc une
tradition française vieille de plus d’un siècle. Presque aussi vieille
que les colonies, presque aussi vieille que le colonialisme. La
présence de femmes de la «diversité» a été inaugurée il y a 22 ans.
Plus généralement, cela fait également 22 ans (à l’exception, très
curieusement, du quinquennat socialiste de Lionel Jospin) que siègent
au gouvernement français des hommes et des femmes de la «diversité». Je
ne vois donc rien de bien nouveau. Le nombre et le sexe, peut-être,
puisqu’il y a aujourd’hui trois ministres issues de la «diversité» et
que ce sont trois femmes. Mais cette innovation est compensée par le
fait qu’aucun homme d’origine africaine ne figure sur la liste du
gouvernement de François Fillon et que l’Outre-mer n’y est pas
représenté. Dommage !