Commémoration de l’esclavage au facièsdans un commissariat des Yvelines : Invraisemblable garde à vue pour un ingénieur noir
16/05/2006
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C’est un lendemain qui déchante que trois policiers d’un commissariat des Yvelines [région parisienne très huppée] ont imposé à un ingénieur noir, par ailleurs enseignant en humanités africaines, à peine un jour après la commémoration nationale de la traite négrière en France, selon le témoignage direct recueilli par notre rédaction.



Jeudi 11 mai 2006 vers 23 heures en effet, le jeune homme plutôt poli et de bonne composition sort tranquillement de la station de RER A Vesinet Le Pecq lorsque qu’une infortune particulière s’abat sur lui.

M. Kmr, résident africain vient de valider son titre de transport, un pass, à côté d’une dame qui lui a emboîté le pas sans poinçonner de ticket lorsque deux jeunes policiers l’interpellent promptement et lui demandent de présenter son titre de transport. Surpris, M. Kmr demande à comprendre pourquoi la même mesure n’est pas appliquée à la dame qui a traversé les barrières avec lui, sans ticket apparent qui plus est. Ceci dit, quoique irrité par ce qui ressemblait à un contrôle au faciès, l’interpellé présente sa carte orange en signifiant sa stupéfaction.



C’est alors qu’un des policiers lui demande autoritairement de présenter ses papiers, nonobstant la validité de sa carte orange ! Vexé, notre voyageur qui n’aspirait qu’à une soirée tranquille auprès de ses proches et de ses livres -il était lourdement chargé de deux sacs d’effets personnels et de matériel pédagogique-, tente de donner son sentiment par rapport à ce qui lui parait de plus en plus clairement comme au moins un excès de zèle sinon plus…

M. Kmr explique donc aux policiers visiblement mus par des considérations obscures qu’au lendemain de la première journée de commémoration de la traite négrière et de l’esclavage décidée par M. Chirac qui a délivré un message rassembleur à cette occasion, leur geste tombe assez mal … Il cherche ses papiers enfouis dans un de ses sacs ce faisant et les donne, carte de résident et passeport, à l’interpellant.



C’est alors que le factionnaire pas démonté pour un sous dégaine une réquisition du procureur que notre ingénieur toujours interdit par un tel contrôle ne liera que plus tard, se contentant de récuser verbalement l’acte des policiers, puis joignant le geste à la parole de plier en quatre la réquisition qu’il rendit poliment aux allumés de l’ordre racial.



Il n’en fallu pas davantage pour que les vaillants zélés déduisent M. Kmr les traitait de racistes, motif suffisant pour qu’il soit traîné manu militari au commissariat, menottes aux poings comme un vulgaire malfrat… Comme un nègre, malfrat présumé par damnation de mélanine.



M. Kmr arrive dans un commissariat étrangement vide, presque, escorté par ses trois anges gardiens de forces de l’ordre qu’il décrit comme très jeunes pour deux d’entre eux, il fait la rencontre d’un autre incarcéré provisoire : un autre noir qui ne semble pas comprendre non plus ce qu’il fait là. Le hasard fait les choses à sa façon n’est-il pas ?

Désormais le nègre ingénieur est accusé d’outrage à agent de police, déshabillé entièrement, palpé, fouillé, humilié dans son amour-propre. Mémoire es-tu là. Ses portables -deux- sont saisis et un des aimables gardiens de l’ordre lui lance : «on saura bientôt où tu les as volé !», naviguant allègrement entre tutoiement et vouvoiement. Noir, à jour de ses papiers, de son titre de transport, détenant deux téléphones portables, cela ne saurait être que du larcin, il va sans dire …

Un avocat commis d’office, un médecin également se succèdent auprès de l’infortuné qui ne se prive plus pour donner des leçons d’histoire courtoises à ses geôliers, excédé par leur attitude tant discriminatoire qu’excessive en maints points : y passent des rappels sur les crimes coloniaux, négriers, et du Césaire déboutant Sarkozy etc. D’autant que vers 6h30 du matin, un jeune leucoderme mis en garde à vue jouit du privilège d’avoir son téléphone portable par devers lui jusqu’à ce qu’il téléphone à sa femme, épargné des vexations des fouilles dénudées, couvre impunément le commissariat d’injures et promet aux doux agents de leur «faire la peau», de les «buter» une fois sorti, sans réaction particulière des croisés de l’ordre… Il n’est pas sûr, une fois compris l’agacement de M. Kmr, vue l’altitude à laquelle volaient les fonctionnaires, que la leçon d’histoire ait été saisie à sa juste valeur, mais mettons que c’était pour la noble cause.



Ce n’est que vers 13 heures vendredi 12 mai que M. Kmr retrouvera la liberté, fatigué d’une nuit dont il se souviendra autant que de la première commémoration de la traite négrière en France.



La question du comment est-ce possible se pose naturellement ? Est-ce l’extrême jeunesse de certains de ces policiers, le déficit en formation ? Est-ce la pression du chiffre qui pousseraient les commissariats à procéder à des gardes à vue pour la forme, ou le climat de banalisation des stigmatisations raciales contre les Mélanodermes qui fait pousser des ailes aux poulets à peine lâchés dans la nature ? Actes racistes délibérés ou influence d’une réquisition du procureur signalant la recrudescence d’actes de délinquance justifiant une multiplication des contrôles ? Toujours est-il que la sécurité dans un des départements les plus riches de France devient un concept surréaliste, dans une belle terre qu’on aime ou qu’on quitte, où il faut être noir, avoir ses papiers et être en règle de ses droits de transports notamment pour finir en garde à vue.





Ce témoignage nous a été spontanément livré par la victime M. Kmr qui étudie avec son avocat les voies et moyens de suites judiciaires appropriées.

Pierre Prêche