Nepad : divergences au grand jour
Considérations linguistiques et culturelles
Le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad) a du plomb dans l'aile. De plus en plus, les divergences apparaissent au grand jour au point que certains francophones comme au temps des partisans de la négritude et de la "tigritude" (African personality) commencent à accuser les anglophones de pouvoir se détourner de "la vision authentique du projet".
"De toute évidence, le Nepad perd l'intérêt qu'il avait suscité à sa création. Il devient de moins en moins une référence obligée dans le débat sur l'Afrique, tant au niveau des acteurs africains que de celui des partenaires du Nord. L'échec des tentatives de séduction de la communauté internationale, notamment de son secteur privé, vient renforcer cette perte de crédibilité".
C'est ce qui ressort d'un document récent axé sur le mécanisme africain d'évaluation par les pairs (Map). Et le document d'ajouter : « Il y a déjà quatre ans que le Nepad a annoncé ses plans d'ouverture de vingt projets d'infrastructures de grande envergure au secteur privé étranger. Il n'y a quasiment pas eu d'entreprise qui ait répondu à l'appel pour investir dans l'un des projets proposés. Le sommet des chefs d'État et du secteur privé sur le financement du Nepad qui s'est tenu à Dakar les 15 et 16 avril 2002, a montré toute la difficulté, voire l'impossibilité, de convaincre ledit secteur privé.
"Le secteur privé n'a affiché aucune volonté à investir dans l'un des vingt super projets d'infrastructure du Nepad, y compris les projets visant à améliorer les équipements défaillants d'eau et d'assainissement africains", a dit Mohamed Jahed, responsable chargé des questions économiques au secrétariat du Nepad. "Les gouvernements africains, précise-t-il, vont revoir et repenser la stratégie de promotion de ces projets afin d'assurer la participation du secteur privé".
Ainsi, cette absence de réalisation concrète a contribué à sonner le discrédit sur l'initiative du Nepad dont les projets sont jugés trop ambitieux voire irréalisables. De plus, les critiques de mouvements de la société civile et des organismes universitaires n'ont pas été intégrées par les responsables du Nepad.
Les francophones accusent
Mis à part le Maep, force est de constater que le Nepad connaît une petite crise de croissance après un lancement fulgurant, comme le mentionne Cheikh Tidiane Gadio, ministre sénégalais des affaires étrangères. Le Président sénégalais Abdoulaye Wade affirme clairement que des réalisations concrètes tardent à se faire voir, en dénonçant les pertes de temps et d'argent liées à son fonctionnement.
Il dénonce la mainmise des anglophones sur la marche du Nepad en soulignant « qu'il y a quatre experts francophones sur 30 ou 40 experts. C'est mauvais. Ne prendre que des anglophones, c'est contraire à l'esprit de l'Union africaine et moi, je ne souhaite plus cela». Il regrette que la conception authentique du projet soit biaisée. Il est à rappeler que les présidents Mbéki (Afrique du Sud) et Obasanjo (Nigeria) dressent des bilans plus reluisants des avancées du Nepad.
Cette différence de jugement sur les réalisations du Nepad est fort édifiante. Elle démontre que l'Afrique est profondément divisée par les considérations linguistiques et culturelles. Le Nepad n'est pas arrivé à dissiper ces obstacles. Il semble plutôt les renforcer. La répartition des postes et des tâches se heurte constamment aux considérations de langues et à la répartition régionale.
De plus, l'hégémonie de l'Afrique du Sud et du Nigeria dans les organes du Nepad est de plus en plus décriée par certains États africains.
En outre, il semble important de souligner que l'une des faiblesses du Nepad réside en l'absence d'une communication crédible. Malgré les avancées modernes des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le secrétariat du Nepad, basé à Midrand (Afrique du Sud) ne dispose pas d'une politique de communication à la hauteur de ses engagements politiques et des diverses attentes qu'il suscite.
L'organisation africaine a, dès son sommet inaugural, intégré les objectifs du Nepad dans les siens. Cependant l'on peut se demander si, en lui permettant d'asseoir son ancrage institutionnel, l'Ua ne risque pas de "phagocyter le Nepad et le vider de son originalité" à cause de ses "mauvaises habitudes héritées de l'Oua".
Godefroid Ngamisata
Le Potentiel (Kinshasa)
1 Avril 2006
http://www.afrology.com/presse/nepad_042006.html