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 Cinéma et modèles économiques:Hollywood à l’ère de la produc

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mihou
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mihou


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Cinéma et modèles économiques:Hollywood à l’ère de la produc Empty
10052006
MessageCinéma et modèles économiques:Hollywood à l’ère de la produc

Cinéma et modèles économiques

Hollywood à l’ère de la production globalisée



Si l’Amérique a pu bâtir la plus puissante des industries cinématographiques, c’est que les producteurs de Hollywood avaient toujours su calquer leurs méthodes de production sur le modèle économique dominant, et adopter les recettes de la mondialisation. Or, depuis le début de l’année, les Américains désertent les cinémas et réduisent leurs achats de DVD. L’économie du secteur est menacée.


Par Harvey B. Feigenbaum
Professeur de science politique à l’université George Washington, Washington DC.

C’est vers 1914 que les studios de production cinématographique sont édifiés à Hollywood, dans la banlieue de Los Angeles, en Californie. Les pionniers du cinéma quittent la côte est pour trouver un climat plus propice aux tournages ainsi que des paysages plus variés, et surtout pour échapper à l’emprise du trust Edison, qui exerce un quasi-monopole sur la région de New York. La plupart des studios sont fondés par des investisseurs juifs qui s’inspirent des recettes du petit commerce pour développer un secteur tourné avant tout vers une clientèle pauvre et immigrée. Si le cinéma se développe en Europe d’abord comme une curiosité, puis un peu comme un art, aux Etats-Unis il s’oriente dès le départ vers une consommation de masse. Dans un pays qui accueille une succession de vagues migratoires, dont les habitants ont peu d’éducation et parlent une infinité de langues, le cinéma muet va rapidement devenir, dans les villes, la forme de divertissement la plus populaire.

Les spectateurs des premiers temps sont disposés à regarder tout et n’importe quoi, et il est pratiquement impossible de répondre à la demande ; les films se vendent au mètre, comme des rouleaux de tissu. Mais, à partir de 1905, la nouveauté de l’image en mouvement ne suffit plus à attirer le public, et le cinéma doit inventer son propre langage, qui lui permettra de raconter de vraies histoires. Cette évolution transforme le système de production. A la différence des voitures, à propos desquelles Henry Ford pouvait dire : « Choisissez n’importe quelle couleur dès lors que c’est du noir », le scénario de chaque film est unique. Un film est moins un produit normalisé qu’un prototype. Le génie des premiers magnats de Hollywood consiste à maîtriser par tous les moyens cette source d’incertitude. Au départ, la grande standardisation ne porte pas sur les genres (westerns, films fantastiques, « polars », mélodrames viendront plus tard), mais sur le « personnel ». La popularité des acteurs constituant une variable prévisible, l’industrie invente le star system, meilleur moyen d’assurer le succès d’un film. Car si rien n’indique que le public va s’intéresser à une histoire de cambriolage ou à un voyage vers la Lune, l’expérience prouve que les spectateurs apprécient les films où jouent leurs acteurs favoris. Les studios vont donc se bâtir en engageant des stars pour des périodes de plusieurs années et, peu à peu, en salariant tout le personnel nécessaire à la création d’un film.

A une époque où de grands monopoles comme Ford ou la compagnie pétrolière Standard Oil dominent l’économie, l’intégration verticale est à la mode. Certains entrepreneurs, comme Adolf Zukor et Marcus Loew (fondateurs de la Paramount), avaient commencé leur carrière dans l’exploitation de salles avant de devenir producteurs. Ceux qui les suivent vont absorber simultanément des réseaux de distribution et d’exploitation. Cette combinaison entre star system et intégration verticale donnera naissance aux grands studios hollywoodiens (Metro Goldwyn Mayer Incorporated, Warner Bros, Twentieth Century Fox, Paramount, United Artists, RKO, etc.). Mais ce système va être bouleversé par l’arrêt Paramount de 1948, qui contraint les studios à se débarrasser de leurs salles. La vente des réseaux d’exploitation change la dynamique de production. Et l’arrivée de la télévision, au début des années 1950, porte un coup très sévère à leur monopole.

Au début, la télévision répète le modèle déjà défini par la radio. La plupart des émissions sont en direct, et les programmes sont conçus par les entreprises qui les parrainent (l’acteur Ronald Reagan animera une émission célébrant les valeurs de General Electric). Même inspiration sur le plan financier : les téléspectateurs ne paient pas pour recevoir des programmes financés par la publicité. Payants, eux, les cinémas font face à une concurrence apparemment irrésistible.

Hollywood redéfinit alors le long-métrage comme un produit haut de gamme. On développe des formats larges, plus spectaculaires, comme le Cinémascope, le Cinérama ou la Panavision ; on tourne davantage à l’étranger et en utilisant plus fréquemment la couleur. Il s’agit de combattre une technologie (la télévision) avec une autre (la couleur et la lentille anamorphique, qui permet d’obtenir des formats larges). Puis les studios vont comprendre que la télévision peut aussi constituer un formidable débouché pour d’autres catégories de longs-métrages. Ils créent alors des divisions destinées à produire exclusivement pour le petit écran.

Au début des années 1970, afin d’empêcher l’intégration verticale du secteur, la Federal Communications Commission (FCC) interdit aux chaînes de produire leurs propres programmes. Abolie en 1991, cette réglementation aura grandement favorisé la création de nouvelles sociétés de production. Mais le rôle des studios évolue, lui aussi. Pour réduire les risques liés à l’explosion des coûts de production, ils développent des partenariats avec des producteurs indépendants. Les studios deviennent ainsi des banques spécialisées qui investissent dans des projets conçus par d’autres et servent d’intermédiaires ou même simplement d’infrastructures logistiques. De la production en série, on passe au package, chaque film devenant un montage particulier impliquant de nombreuses sociétés et des artistes soigneusement choisis (le package regroupe le plus souvent un scénariste, un réalisateur et des acteurs). Le mode de production hollywoodien représente ainsi une version musclée de l’organisation en « district industriel » (1) au point que, pour faire face aux coûts, il arrive que deux studios unissent leurs efforts pour financer un film.

Durant l’âge d’or des studios, de la fin des années 1920 jusqu’au début des années 1950, le mode de production hollywoodien s’apparentait au système fordiste. Les grands principes de la production de masse – économies d’échelle, tâches standardisées et répétitives, pièces interchangeables et main-d’œuvre peu qualifiée – s’incarnaient parfaitement dans la chaîne de montage des usines Ford. L’arrêt Paramount mit fin à ce système d’intégration verticale. Selon certains économistes, les studios passèrent alors d’une organisation « fordiste » de la production à une forme de type district industriel (2).
Explosion des coûts

L’analogie avec le fonctionnement en district industriel comporte ses limites. Tout comme l’industrie du cinéma n’a jamais été exactement comparable à l’industrie automobile, les studios de l’âge d’or n’étaient pas tout à fait organisés selon les principes fordistes. La standardisation (genre, intrigue, stars) des longs-métrages se heurtait à l’unicité irréductible de chaque film. Et puis, au cinéma, le risque d’échec d’un produit donné a toujours été supérieur à celui des autres niches industrielles.

A la fin des années 1980, l’industrie doit s’internationaliser. Hollywood s’éloigne alors de l’organisation en district industriel pour adopter le modèle de dispersion géographique. Celui qui est devenu dominant à l’heure de la mondialisation libérale. Le déclin des studios ne fait qu’accuser cette tendance. Avec la banalisation de la télévision, laquelle vient à son tour monopoliser le secteur des loisirs, la sortie au cinéma est à présent un événement exceptionnel. Au demeurant, les moyens investis dans le tournage et la promotion atteignent des niveaux tels qu’un studio peut se voir ruiné par l’échec d’un seul film. De nos jours, seulement un film sur dix est une réussite commerciale. Le risque est devenu le facteur qui définit l’industrie du cinéma.

A la fin des années 1990, la « spécialisation flexible » paraît à bout de souffle. Le coût de chaque long-métrage augmente à une telle vitesse que l’audience sur le territoire américain ne suffit plus à assurer la rentabilité d’ensemble. Jusqu’alors perçues comme un simple bonus, les ventes internationales déterminent désormais l’équilibre financier.

Certes, l’industrie du cinéma a toujours comporté une forte dimension internationale. Aussi primitifs qu’ils aient pu être, les films des premiers temps étaient souvent exportés dans plusieurs pays à la fois. Avant 1914, les Etats-Unis importaient, notamment de France, plus de films qu’ils n’en produisaient. Mais, en interrompant la production cinématographique sur le Vieux Continent, les deux guerres mondiales ont permis à Hollywood d’asseoir sa domination sur le marché européen.

Les nouvelles contraintes liées à la nécessité de se différencier de la télévision, en particulier l’explosion des coûts, ont obligé l’industrie du cinéma américain à globaliser son système de production. Quelle meilleure réponse apporter à cette inflation des coûts que la délocalisation ? Les changements technologiques ayant réduit le prix des transports et des télécommunications, Hollywood saute dans le train de la mondialisation et crée la runaway production (« production expatriée »).

Le Canada en sera le bénéficiaire principal. Il présente de nombreux avantages pour les grands studios : proximité géographique, ressemblance entre villes nord-américaines, liens existant entre les syndicats des deux pays et, surtout, la faiblesse du dollar canadien et les réductions d’impôts offertes par Ottawa. Le phénomène ne se limite pas à l’Amérique du Nord. Pour tourner Titanic, la Fox construit un gigantesque studio au Mexique, où les lois sont très favorables aux investisseurs. En Australie, pour attirer l’industrie cinématographique américaine, c’est l’Etat qui subventionne la construction de studios de tournage et de postproduction. Les conditions faites sont telles que les productions australiennes se plaignent d’une concurrence inégale. Elles n’ont plus les moyens de louer leurs installations habituelles, et leurs techniciens ne trouvent plus de travail car Hollywood fait venir son personnel sur place. En Europe aussi, l’histoire bien connue des délocalisations vers les anciens pays du bloc communiste commence à concerner la production cinématographique. La République tchèque, qui dispose d’infrastructures et d’un savoir-faire reconnu, séduit les productions hollywoodiennes. En Roumanie, le coût dérisoire de la main-d’œuvre permet d’attirer des projets haut de gamme, parmi lesquels Retour à Cold Mountain (Anthony Minghella, 2003), film en costumes sur la guerre de Sécession.

Si Hollywood a toujours eu une dimension internationale, celle-ci prend la forme d’une nouvelle division du travail. Les artistes reconnus (acteurs, scénaristes, réalisateurs, chefs opérateurs) continuent certes de converger vers la Californie comme ils l’ont toujours fait. En revanche, les artistes et les techniciens évoluant dans les productions plus modestes ont de plus en plus de mal à y trouver du travail. Le développement d’une industrie à forte valeur ajoutée et non polluante constitue une aubaine pour les pays qui accueillent désormais les productions hollywoodiennes. Mais une telle évolution coûte cher aux Etats-Unis en termes d’emplois.

Cette dépendance nouvelle vis-à-vis du marché international semble aussi peser sur le contenu des films. Le budget des grandes productions dépasse les 50 millions d’euros, sans compter la promotion, qui vient doubler ce chiffre. Le marché intérieur ne permettant que rarement à un film de rentrer dans de tels frais, la moitié des recettes se fait dorénavant à l’étranger. Et les studios n’investissent que dans des projets facilement commercialisables à l’international. Ce qui revient à favoriser les films d’action, à grand spectacle, et les histoires d’amour stéréotypées. Les scénarios complexes ou affichant des ambitions littéraires plus marquées ont du mal à être tournés. La critique selon laquelle Hollywood fonctionne suivant le principe du plus petit dénominateur commun n’a jamais semblé aussi justifiée. Mais la grande majorité des films étant à présent conçue pour l’exportation, ce phénomène de nivellement par le bas atteint tout autant le marché intérieur et nuit à la production indépendante. Pourtant, accuser « Hollywood » d’abrutir son public n’avance pas à grand-chose. C’est la mondialisation libérale qui est ici responsable, comme le prouve l’égale médiocrité des programmes produits par TF1 (Bouygues), Mediaset (Berlusconi) ou BskyB (Murdoch).

Hollywood ne représente que le sommet de l’iceberg, l’excès le plus apparent d’une tendance à l’uniformisation qui pèse sur la production audiovisuelle mondiale. Le charme est-il désormais rompu au point que même des films comme La Guerre des mondes (Steven Spielberg) ne répondent plus aux attentes de leurs producteurs ? Les grands studios ne cachent plus leur inquiétude.
Harvey B. Feigenbaum.

(1) Sur le concept de district industriel (industrial cluster), lire Michael Piore et Charles Sabel, The Second Industrial Divide (Les Chemins de la prospérité, Hachette, Paris, 1989). Les auteurs s’appuyaient sur des travaux italiens analysant le développement de l’industrie de la chaussure en Emilie-Romagne. Les districts industriels sont composés de petites et moyennes entreprises, localisées dans une même zone géographique. Elles puisent dans un vivier commun de main-d’œuvre qualifiée et sous-traitent entre elles pour réagir aux fluctuations de la demande. Une telle « spécialisation flexible » permet de produire de petites quantités de marchandises pour un coût unitaire aussi bas que celui de la production de masse. L’exemple le plus célèbre de spécialisation flexible, terme souvent employé à propos des districts industriels, est la Silicon Valley, en Californie.

(2) Cf. Michael Storper et Susan Christopherson, « Flexible specialization and regional industrial agglomerations : the case of the US motion picture industry », Annals of AAG n° 77, Los Angeles, 1987.


LE MONDE DIPLOMATIQUE | août 2005 | Page 22
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/08/FEIGENBAUM/12406
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