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 Les nouveaux célibataires

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mihou
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mihou


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06052006
MessageLes nouveaux célibataires

Les nouveaux célibataires

En France, ils sont près de 9 millions à vivre sans conjoint. Mais ce ne sont pas toujours les mêmes : chacun de nous a été, est ou sera célibataire un jour. Qu'on se le dise -

Violaine de Montclos

Ce sont les pionniers ou peut-être les victimes d'une révolution des moeurs sans égale. Sous la loupe des sociologues, des psychologues, des démographes, sous la plume des journalistes et dans le miroir déformant de nos téléviseurs, ils sont devenus malgré eux une énigme à la mode, un genre de peuple ovni pour la majorité encore écrasante des couples. En France, aujourd'hui, 9 millions d'individus vivent seuls. Une personne sur trois - à l'âge où les autres sont à deux - est en tête-à-tête avec elle-même. Mais observer ces solitaires comme une population à part, comme un noyau d'irréductibles construisant vaille que vaille, en parallèle des couples, une alternative définitive au bonheur à deux serait une erreur de lecture. Au jeu des chaises musicales de l'amour, celui qui reste en rade n'est jamais le même à chaque tour. La figure du vieux garçon ou de l'éternelle incasable n'existe plus : la proportion d'individus restant célibataires à vie est devenue marginale. Mais la solitude, statistiquement, concerne de plus en plus de gens à un moment ou à un autre de leur existence. Voilà ce que veut vraiment dire ce chiffre, d'ailleurs en augmentation constante. En clair, si vous êtes en couple, ménagez ce vieux copain célibataire qui s'impose un peu souvent à votre dîner familial et effacez ce sourire ironique lorsque votre soeur avouera qu'elle est membre d'un club de rencontres. Vous avez de plus en plus de chances - ou de risques - d'occuper leur place dans quelques années. On peut s'en réjouir ou s'en alarmer, mais couples et célibataires d'aujourd'hui auraient intérêt à ce réalisme. D'abord parce qu'ils auront sans doute, demain, échangé leurs rôles. Ensuite parce qu'ils héritent de la même histoire, d'une révolution qui a balayé en quelques années tous les repères amoureux et sexuels qu'ils avaient en commun.

La nostalgie des vieux modèles

« Dans les années 60, il n'y a encore qu'un modèle d'union possible : un mariage pour la vie, c'est assez simple, explique le sociologue Louis Roussel. Puis le divorce, qui à partir de 1975 peut être prononcé par consentement mutuel, augmente de 10 à 40 % en quelques années, l'union libre s'impose, la fécondité est maîtrisée, les femmes se mettent à travailler et acquièrent leur indépendance financière. Ces changements sont extrêmement rapides. Et toutes les nouvelles pièces de ce puzzle assemblées donnent la réalité que nous mesurons aujourd'hui : l'union de deux personnes ne relève plus de la sphère publique, mais de l'ordre strictement privé. Voilà la révolution : que ce soit au sein du mariage ou de l'union libre, c'est au couple de définir sa propre loi. » La foudroyante libération sexuelle et amoureuse fait aux individus un cadeau fantastique mais empoisonné : celui du choix. Le couple est par conséquent investi de toutes les espérances, de tous les désirs. Il doit être le lieu de l'épanouissement à deux, du bonheur sexuel, et laisser à chacun l'espace pour se construire, se réaliser sans se faire de l'ombre. Tiraillé entre le rêve d'un destin commun et l'exigence de l'épanouissement individuel, ployant sous le poids des espoirs que chacun met en lui tout en ayant la liberté d'y mettre fin, le couple implose littéralement, se brise et se recompose à l'infini. Désormais, l'union des deux sexes n'est plus un statut figé mais une histoire, avec des séquences, des ruptures, des hésitations et des recommencements. Et les 9 millions de « solos » que l'on chiffre aujourd'hui, qu'ils soient divorcés, séparés ou célibataires, ne sont finalement que les acteurs, à un moment donné, de l'un des épisodes de cette histoire morcelée : le temps de de la solitude.

Mais si les moeurs ont évolué dans les faits à toute allure, notre société judéo-chrétienne est encore travaillée par la nostalgie de ses vieux modèles. Et qu'on leur façonne des icônes médiatiques rêvées - à la Ally Mc Beal, à la Hugh Grant, à la sauce excentrique des deux quinquagénaires d'« Ab Fab » -, qu'on leur invente des noms de codes exotiques - « célibattants », « solibataires » - pour jeter un voile pudique sur leur solitude, les solos supportent encore mal le regard toujours soupçonneux, vaguement compatissant des « autres ». « Tous ces grands dossiers sur les célibataires m'exaspèrent, explique Sarah, 30 ans. On nous transforme en mystère, en problème. Le jour où l'on cessera de faire du célibat un "sujet", nous pourrons peut-être le vivre comme une étape normale. Dans ma famille, je suis un être du troisième type. Personne ne se gêne pour m'interroger avec une indiscrétion sans nom, pour essayer de comprendre les raisons de cette solitude qui fait tellement peur à mes proches. Pour mes parents, avoir une fille encore célibataire, c'est un échec. » Au club des célibataires Eurofit, on ne compte plus le nombre de chaînes de télévision venues filmer les soirées dansantes et les dîners de solos. « Un sujet très à la mode, dit l'une des responsables du club. Mais s'ils veulent bien répondre à la presse, les membres demandent pour la plupart à ne pas être reconnus dans les reportages télévisés. Ils ne souhaitent pas être vus dans un lieu étiqueté "pour célibataires". » Même malaise à la « foire aux célibataires » du village de La Canourgue, en Lozère, où se rendent chaque année près de 9 000 personnes. « Il y a un bal, des stands et un point rencontre pour célibataires où chacun peut remplir une fiche et prendre un badge s'il le souhaite, raconte son organisatrice, Josette Fage. Les gens qui viennent de loin épinglent le badge sans hésiter. Mais les célibataires du coin, même s'ils ont une furieuse envie de rencontrer quelqu'un, ne s'inscriraient à la vue des gens qu'ils connaissent pour rien au monde : ils ont honte. » Odile Lamourère, conseillère pour « solistes », parle de ces hommes qui viennent de divorcer et conservent tout de même leur alliance. « Ils dissimulent leur solitude, ils ne supportent pas de donner l'image négative d'un homme qui a été quitté. » Florian, célibataire de 30 ans, avoue qu'il est gêné dans son travail de ne pouvoir encore s'afficher en couple. « Je me sens en porte à faux par rapport aux normes sociales. Dans mon milieu professionnel, être en couple est perçu comme un facteur de stabilité. »

Incroyable décalage entre la réalité de l'évolution des moeurs et les normes souterraines qui continuent de jalonner notre société. Le couple ne dure plus. Mais il continue à être un modèle, un signe extérieur de réussite, d'épanouissement. Et pour ceux qui passent par la case solitude, ce décalage social est aussi un hiatus intime : on se défie du couple, on s'en libère, mais on en rêve tout de même. On veut bien chanter l'ivresse de l'indépendance, positiver cette liberté comme un nouvel art de vivre, mais à la condition - pas toujours avouée - que cette solitude ne soit qu'une parenthèse.

Nouvelle carte du Tendre

Comment expliquer autrement le succès phénoménal de ces nouveaux modes de rencontres venus d'outre-Atlantique, les séances de « speed-datings » ou de« blind-dates » qui fleurissent un peu partout dans nos villes ? Comment analyser le nombre grandissant de clubs de solos, de foires de célibataires, de sites de rencontres autrement que par un romantisme qui défie toutes les statistiques : on ne se résout jamais tout à fait à vivre sans l'autre. « Personne ne peut prouver qu'être à deux est un besoin vital de l'être humain, admet Lucia de Rezende, psychothérapeute au club des Célibataires associés. Il n'empêche que les gens qui s'inscrivent chez nous, même s'ils ne l'avouent pas tout de suite, même s'ils disent d'abord vouloir se faire des amis, ne rêvent au fond que d'une chose : rencontrer quelqu'un, retrouver l'amour. » Les solitaires modernes vivent un quotidien en montagnes russes : un jour délivrance, leur liberté devient le jour suivant un luxe dont ils ne savent que faire. « En étant seul, j'ai mené mille projets, j'ai voyagé partout dans le monde, raconte Roger, quinquagénaire divorcé. Mais parfois, à l'autre bout de la planète, seul devant un paysage sublime, je n'arrivais plus à goûter à mon bonheur. Quand on ne peut rien partager, quel est l'intérêt de la découverte ? Je ne crois pas que l'être humain soit fait pour vivre seul. Moi, en tout cas, je ne m'y suis jamais habitué. » Délivré des liens d'un couple raté, Roger s'est pourtant vite fatigué de sa liberté. Et il est prêt à tout, aujourd'hui, pour retrouver l'âme soeur.

« Au départ, la solitude est souvent vécue avec tambours et trompettes, analyse le sociologue Jean-Claude Kaufmann. Mais la griserie de l'indépendance tourne court assez vite. »

Peut-être est-ce une bonne nouvelle... Les ratages de la vie à deux et la fatalité des statistiques n'ont finalement découragé personne. Hommes et femmes se cherchent, à tâtons, dans ce paysage social bouleversé. Et ils se rêvent toujours, d'ailleurs, selon des schémas immuables.

Des bilans affectifs...

« Derrière les changements apparents de la donne amoureuse se dissimulent des résistances profondes, explique Jean-Claude Kaufmann. Hommes et femmes ne se font pas du tout le même cinéma intérieur. Les hommes rêvent d'un couple tranquille qui leur donnera la force de se réaliser à l'extérieur, les femmes voient plutôt la vie à deux comme un investissement radical, absolu. » Le couple définit aujourd'hui sa propre loi, mais cette loi est encore, étonnamment, très inégalitaire. « Les femmes ont conquis leur indépendance financière, professionnelle, mais elles continuent de rêver d'un homme qui leur en imposera, qui se situera au-dessus d'elles sur l'échelle socio-professionnelle, ajoute le sociologue. Et les hommes, de la même façon, ont quelque mal à imaginer une union avec une femme qui aurait mieux réussi qu'eux. » Sans doute cet archaïsme explique- t-il l'étrange répartition de la solitude : plus on gravit d'échelons sur l'échelle des diplômes et des revenus, plus la proportion de femmes seules augmente. Et plus on s'approche à l'inverse de la précarité financière et professionnelle, plus le nombre d'hommes seuls est important. « Je n'ai pas fait d'études, mais je suis un autodidacte, raconte Henri, 51 ans. J'aime me cultiver et j'ai besoin d'une femme qui partage le goût des livres. Mais puisque je n'ai pas de diplômes et que je suis tout de même un fils d'ouvrier, les femmes cultivées que je rencontre ne songent pas une seconde à moi comme compagnon potentiel. J'avoue que je ne les comprends pas. »

Notre nouvelle carte du Tendre est en effet devenue d'une complexité insondable. Pour atteindre le bonheur à deux, les chemins de traverse se sont multipliés, mais ils restent balisés par des signaux hérités d'un autre âge. Nos boussoles partent en vrille, nos idéaux se bousculent, et au carrefour de la solitude 9 millions d'individus comptent leurs chances, examinent le terrain et font des plans savants pour conjurer le sort.

« Je n'ai pas beaucoup d'angoisses dans la vie, dit Florian. Le travail, le manque d'argent, les problèmes de santé, je trouverai toujours les moyens d'y faire face. La seule chose qui me paralyse vraiment, le seul aspect de l'existence que je trouve totalement immaîtrisable, c'est le choix d'un partenaire conjugal. Car enfin comment être certain que la personne à laquelle on se lie ne sera pas complètement différente dans quelques années ? Qu'une fille devienne chiante au bout d'un certain temps, c'est quand même une possibilité statistique, non ? » Les solos rêvent d'amour mais le rationalisent, parfois jusqu'à l'outrance, pour éviter ses pièges. « Je vois beaucoup de patients qui se plaignent de ne pas rencontrer la bonne personne, raconte Georges Alcaraz, psychothérapeute. Mais ces gens ont souvent en tête des exigences extrêmement précises, une sorte de portrait-robot de ce que devrait être leur alter ego idéal. Résultat : ils font une fixation sur des paramètres complètements inadaptés - le milieu social, les diplômes, l'âge - et passent à côté d'un tas de gens qu'ils auraient pu aimer, tout simplement. »

Au club des Célibataires associés, on propose aux solos des « bilans affectifs ». Comprendre ses erreurs, repérer le fil conducteur de ses liaisons passées, prendre conscience des points positifs de son caractère et travailler ses aspects négatifs : ce genre de consultation est en vogue, même si l'exercice évoque irrésistiblement - et un peu tristement - les bilans de compétences professionnelles. Fidel Pastor, formateur en théâtre et communication, anime dans le même club un atelier de séduction pour solos. Sur scène, on dénoue ses blocages, on valorise son image, et chacun s'attribue un « indice de puissance séductrice ».

Un tas d'idées préconçues

Tout cela est fait avec humour, provocation, mais l'idée même d'apprendre à séduire l'autre laisse malgré tout songeur. Que dire encore de ces séances très tendance de rencontres à l'américaine où des stakhanovistes du rendez-vous amoureux enchaînent en quelques heures quinze entretiens avec l'autre sexe ? « Les gens se mettent à chercher l'amour comme ils chercheraient un emploi, explique Georges Alcaraz. Sans doute est-ce un signe d'angoisse, mais ils ont à l'esprit un tas d'idées préconçues sur ce que doit être un couple ou une histoire d'amour. Il faudrait les désintoxiquer de ce bourrage de crâne, souvent relayé par les médias, car ils perdent dans cette quête rationnelle de l'autre beaucoup de naturel, de spontanéité. »

Au carrefour de la solitude, les 9 millions de futurs amants sont à cran. Ils ont troqué leurs sueurs froides sentimentales contre un bilan chez un professionnel, ils ont fait le compte de leurs erreurs passées, calculé leur pourcentage de réussite à venir, mesuré leur indice de séduction et mis de l'ordre dans leurs fantasmes. Ils sont « prêts » à rencontrer l'autre. On leur murmurerait bien que des siècles de mythologie amoureuse les contemplent et les contredisent, et que si Iseut s'était dite « prête » à rencontrer Tristan, les deux amants maudits se seraient sans doute croisés sans se voir. Mais on leur dira plutôt que la roue tourne et qu'ils ont toutes les chances de se remettre un jour ou l'autre à l'apprentissage périlleux du couple. Les chiffres le disent. Et ça, ce n'est pas de la littérature
© le point 16/05/03 - N°1600 - Page 56 - 2370 mots
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