Nouvelles générales, vendredi 24 mars 2006, p. A6
Québec: le budget 2006-2007
Finances personnelles
Allégé mais toujours lourd
Girard, Michel
Oui, le contribuable québécois demeure aux prises avec un lourd fardeau fiscal. Mais la tendance est à l'allégement. À preuve, en 2003, il devait payer en moyenne 1545 $ de plus que le contribuable ontarien. En 2007, l'écart par rapport à l'Ontarien diminuera à 962 $. On parle donc d'une réduction de 38 %.
Comme vous pouvez le constater, il reste encore beaucoup de place à l'allégement fiscal si on se compare à la province voisine, où le fardeau des particuliers est le plus bas au pays. Malheureusement, cela risque de prendre bien des années.
Après nous avoir offert une baisse généralisée d'impôts de 1 milliard dans le budget de 2004-2005, le gouvernement Charest a été contraint de n'offrir que le tiers des baisses annelles promises.
Lors du budget de l'an dernier, le ministre des Finances Michel Audet a accordé aux particuliers une baisse d'impôt de 370 millions en 2005-2006, dont la principale mesure était une nouvelle déduction de 500 $ pour les travailleurs. Cette mesure représentait à elle seule une économie d'impôts de 300 millions.
Cette année, le ministre a de nouveau gratté les fonds de tiroirs du gouvernement pour réussir à diminuer l'impôt des Québécois d'encore 360 millions.
Cette fois, la déduction allouée aux travailleurs est doublée, passant à 1000 $ par contribuable.
Que représente concrètement cette mesure? Sur deux ans, il s'agit d'une économie d'impôt provincial qui variera de 144 $ à 240 $, selon que le travailleur gagne un faible revenu ou un revenu élevé. Chaque semaine, le contribuable québécois disposera ainsi d'une somme additionnelle de 2,77 $ à 4,62 $. L'équivalent de trois ou quatre cafés... ordinaires.
Québec bonifie aussi deux autres déductions provinciales, lesquelles auront de toute évidence un impact intéressant pour certaines contribuables.
Le crédit d'impôt remboursable pour le maintien à domicile d'une personne âgée de 70 ans et plus passe de 23 % à 25 %. Comme les dépenses admissibles au maintien à domicile grimpent de 12 000 $ à 15 000 $, c'est donc dire que le crédit pourra atteindre 3750 $, au lieu de 2760 $. Cette bonification procurera une économie d'impôts de quelque 54 millions sur une pleine année.
L'autre déduction bonifiée a des chances d'avoir un bon impact sur les organismes à but non lucratif. Elle a trait aux dons de bienfaisance, etc. Le gouvernement Charest a décidé d'harmoniser avec le fédéral. Jusqu'à présent, les premiers 2000 $ de dons " rapportaient " un crédit d'impôt provincial de 20 %. La nouvelle mesure prévoit accorder un crédit d'impôt de 20 % sur les premiers 200 $ de dons et de 24 % sur les dons supplémentaires.
Cette mesure permettra aux donateurs québécois d'économiser 13 millions.
Un mot maintenant sur le remboursement par l'employeur du laissez-passer pour les transports en commun. La mesure Audet prévoit que les employeurs pourront bénéficier d'une déduction égale à 200 % du montant dépensé, au lieu de seulement 100 %.
Et pour l'employé bénéficiaire, le remboursement ne sera plus considéré au provincial comme un avantage fiscal. Cela représente une économie d'impôt de 6 millions.
Si cette somme apparaît relativement modeste, c'est parce qu'à peine 40 000 usagers des transports en commun réussiront à se faire rembourser par leurs employeurs, y compris les 30 000 qui bénéficient déjà des largesses de leur entreprise.
Fait à noter, au fédéral, le remboursement demeure totalement imposable, comme n'importe quel avantage accordé par les employeurs. Espérons que le premier ministre Jean Charest profitera de sa prochaine rencontre avec Stephen Harper pour lui recommander de ne plus taxer ce remboursement par l'employeur.
Par ailleurs, M. Audet a également introduit dans son nouveau budget une mesure qui touche les investisseurs. En fait, Québec a décidé d'harmoniser sa structure d'imposition des revenus de dividendes avec celle du gouvernement fédéral. Ô surprise! l'harmonisation en question apportera 120 millions de plus dans les coffres du gouvernement Charest.
Il y a environ 710 000 contribuables québécois qui déclarent des revenus de dividendes. En 2004, ces revenus ont totalisé 3,4 milliards avant imposition. Ce qui donne un dividende moyen de 6057 $ par investisseur.
Sur le total, 65 % (2,2 milliards) est versé aux actionnaires des petites sociétés privées et 35 % (1,2 milliard) par les grandes entreprises inscrites en Bourse.
Les dividendes tirés des grandes sociétés publiques seront dorénavant assujettis à un taux marginal de 12,13 % au Québec, soit 0,75 point de pourcentage de plus qu'à l'heure actuelle. Du côté des dividendes tirés des petites sociétés privées, le taux d'imposition marginal passe à 16,0 %, soit un supplément de 2,9 points de pourcentage.
Le gouvernement Charest se trouve ainsi à récupérer une partie de la baisse fédérale d'impôt annoncée en novembre dernier par l'ancien gouvernement Martin.