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 Vénézuela: la terre pour le peuple, pas pour le profit II

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Tite Prout
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Tite Prout


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21042006
MessageVénézuela: la terre pour le peuple, pas pour le profit II

Chávez et la réforme agraire

Quand Chávez est entré en fonction en 1999, il était très clair que l’une de ses priorités serait la réforme agraire. Même si sa plate-forme politique, en dehors de l’accent mis sur l’élaboration d’une nouvelle constitution, était loin d’être claire, Chávez avait dit à maintes reprises que l’un de ses héros était Ezequiel Zamora. De plus, une fois la nouvelle constitution approuvée par référendum en décembre 1999, il devint clair que la réforme agraire serait un mandat constitutionnel. L’article 307 de la constitution de 1999 affirme ce qui suit :

« Le régime des grandes propriétés foncières est contraire à l’intérêt social. La loi réglemente de façon appropriée le régime fiscal pour grever les terres incultes et établir les mesures nécessaires pour leur transformation en unités économiques productives, en rachetant également les terres à vocation agricole. Les paysans ou les paysannes et les autres producteurs ou productrices agricoles ont droit à la propriété de la terre dans les cas et les formes spéciales attribuées par la loi.
L’État protége et favorise les formes associatives et particulières de propriété pour garantir la production agricole. L’État veille à l’aménagement soutenu des terres à vocation agricole pour assurer son potentiel agroalimentaire. » [4]

De même, la constitution spécifie que l’Etat a l’obligation de promouvoir le développement de l’agriculture au Venezuela :

« L’État initiera les conditions du développement rural intégral, dans le but de générer des emplois et garantir à la population rurale un niveau adéquat de bien être, comme son intégration au développement national. De même il favorisera l’activité agricole et l’usage optimum de la terre par un programme d’ouvrages, d’infrastructure, facteurs de productions, crédits, services de formation et assistance technique. » [5]

Il est important de souligner que la constitution vénézuélienne de 1999 est remplie de dispositions qui représentent autant de lignes directrices pour l’action de l’Etat. Autrement dit, la constitution est presque autant un programme politique que le cadre juridique fondamental du pays. De nombreux militants vénézuéliens insistent sur ce point, disant qu’à la différence du passé, la présente constitution indique une voie pour le développement et la justice sociale au Venezuela. Tandis que beaucoup peuvent se plaindre de ce que la constitution n’est « qu’une liste de vœux pieux », c’est en fait plus que cela dans le sens où elle agit comme un catalyseur qui galvanise les énergies de la population dans la poursuite d’objectifs concrets décrits par la constitution. Pour rendre compte du rôle central qu’elle joue dans le Venezuela contemporain, il est utile de citer Roland Denis, un acteur de premier plan dans l’organisation de mouvements sociaux et anciennement vice-ministre de la Planification. [6]

« Il n’y avait pas ici d’organisation révolutionnaire qui assurait le rôle de force motrice. Il n’y avait que des mouvements insurrectionnels - d’abord des masses (lors du soulèvement de 1989) [7]), puis des militaires (lors des tentatives de coup d’Etat de 1992). Ces mouvements étaient hétérogènes, dispersés, fragmentés. Ce qui les unissait était le projet de développer une base commune - c’est-à-dire la constitution. Personne n’a pu centraliser le mouvement autour d’un programme, pas même Chávez. Son leadership n’est pas en question mais ses idées ne sont pas suffisantes pour unir le mouvement. La constitution comble le vide. Elle est à la fois un programme politique et un cadre pour le futur du processus. En ce sens, la constitution n’est pas lettre morte. Beaucoup de valeurs et de principes s’y trouvent reflétés. Et elle est profondément libertaire et égalitaire » [8].

En dépit de son intérêt très clair à promouvoir la réforme agraire, ce n’est que trois ans après le début de son premier mandat que Chávez a présenté la loi de réforme agraire de son gouvernement, votée avec un ensemble de décrets-lois en novembre 2001 et qui entra pleinement en vigueur une année plus tard, le 10 décembre 2002. Les décrets-lois formaient partie d’une « loi d’habilitation » (« ley habilitante »), dans laquelle l’Assemblée nationale autorisait Chávez à adopter un paquet de 49 lois par décret. Ceci fait, le tollé de l’opposition fut immédiat et bruyant. En fait, ce furent ces lois et en particulier celle de réforme agraire qui galvanisèrent l’opposition pour la première fois depuis leurs défaites dévastatrices aux élections de 1998 et 2000. En fin de compte, la loi de réforme agraire et les autres lois furent l’une des principales motivations pour la tentative de coup d’Etat d’avril 2002 [9] et le lock-out de l’industrie pétrolière [10].

Il y avait des raisons variées pour que l’opposition soit si hostile à la réforme agraire, mais sa principale objection était que ce n’était pas seulement la terre de l’Etat qui pourrait être redistribuée mais aussi la terre privée. L’argument de l’opposition était que puisque l’Etat vénézuélien est le principal propriétaire de terres au Venezuela, toute la terre redistribuée devrait provenir des terres lui appartenant et non des terres privées. Selon l’opposition, Chávez menait un assaut inconstitutionnel contre la propriété privée. Cependant, comme il a été dit précédemment, la constitution montre clairement, dans son opposition aux latifundios, que les terres privées font également partie de la réforme agraire et que par conséquent, même si elles sont généralement protégées, elles peuvent être constitutionnellement éligibles pour la redistribution.

En dépit de la fureur de l’opposition, la réforme agraire de 2001 n’est pas très radicale, si on la compare avec l’histoire de la réforme agraire un peu partout dans le monde. La loi dit clairement que les grands propriétaires ont des droits sur leurs terres. Ce n’est que dans le cas où elles ne sont pas cultivées et dépassent une certaine taille que, selon leur qualité, une partie de celles-ci peut être expropriée en vue d’être redistribuée, les propriétaires légitimes devant en être indemnisés à hauteur des prix du marché de la terre.

Une modification dans la loi de réforme agraire, ordonnée au début de l’année 2005, a apporté un changement dans la quantité de terre en friche que les propriétaires pouvaient posséder. Telle que la loi avait été premièrement édictée, la plus grande quantité de terre agricole en friche permise était de 5.000 hectares. La réforme de 2005 cependant a laissé cette taille à l’appréciation de l’Institut national des terres en charge de leur redistribution. L’Institut des terres a décidé de réduire de 100 à 50 hectares la plus grande quantité de terres de haute qualité en friche qu’un propriétaire puisse posséder, et celles de basse qualité de 5.000 à 3.000, avec quatre autres catégories entre ces deux extrêmes [11].

A côté de la possibilité d’exproprier de vastes domaines de terres en friche, la nouvelle loi sur la terre spécifie, comme demandé par l’article 307 de la constitution cité ci-dessus, que de tels domaines continueraient à être taxés tant qu’ils seraient laissés en friche. Le taux d’imposition dépend et de la taille de la terre et de la qualité agricole. Cette mesure a bien sûr donné aux propriétaires terriens une nouvelle raison de s’opposer à la nouvelle loi sur la terre. Cependant, le gouvernement a décidé d’instaurer un moratoire sur cette taxe en décidant de ne pas la percevoir avant 2006. Une des raisons de cette décision est probablement que le gouvernement ne sait pas réellement qui possède quoi et a besoin de temps pour faire le tri dans le cadastre des titres de propriété de la terre.

La redistribution des terres

Tout citoyen vénézuélien, qu’il soit chef de famille ou célibataire, et âgé de 18 à 25 ans, peut se porter candidat pour une parcelle de terre. Une fois que la terre a été cultivée de manière productive pendant 3 ans, le candidat peut en obtenir la pleine propriété. Cependant, même un tel titre ne lui permet pas de vendre la terre, elle ne peut qu’être transmise à ses descendants. L’interdiction de vendre des titres de propriété foncière obtenus grâce à la réforme agraire est un autre sujet de controverse pour les critiques de la réforme agraire, qui arguent que cela va conduire à un marché noir des titres. Et comme pour tous les marchés noirs, comme le commerce des titres n’est pas légal, les titres vont finir par être vendus en dessous de leur valeur et cela pourrait entraîner un appauvrissement supplémentaire des paysans pauvres. Le gouvernement de Chávez insiste cependant sur le fait que la terre ne doit pas être une marchandise pouvant être achetée et vendue et qu’un marché des terres agricoles conduit inévitablement à une plus grande concentration et inégalité et donc à la pauvreté en milieu rural.

Pour Olivier Delahaye, professeur d’agronomie de l’Université centrale du Venezuela (UCV) et critique de la réforme agraire, « le paysan qui transfère « sa » terre en obtient un prix bien en dessous (40-60%) du prix qu’il en obtiendrait sur le marché formel. Une telle interdiction (contre le fait de vendre la terre) ne peut pas être mise en oeuvre en pratique et désavantage les plus pauvres ». [12] Seul le temps dira si cet argument est correct ou non et quelle est la meilleure approche pour l’obtention des titres de la terre et pour la lutte contre la pauvreté rurale.

La mise en oeuvre et la gestion de la réforme agraire doit prendre place avec l’aide de trois nouvelles institutions. La première est l’INTI (Institut national des terres) qui a remplacé l’ancien Institut national agraire (IAN), a en charge la gestion de toutes les terres du gouvernement central et administre tous les titres fonciers. Sa tâche principale est de déterminer la propriété de la terre et de la redistribuer en fonction de la loi de réforme agraire. Il est également chargé de certifier la qualité de la terre ainsi que son caractère productif ou non.
La seconde institution est l’Institut national pour le développement agraire (INDER) qui fournit l’infrastructure agricole, comme la technologie et les routes, les crédits et la formation des paysans.
La troisième institution est la Corporation agraire vénézuélienne (CAV) qui aide les paysans et les coopératives ayant bénéficié de la réforme agraire à commercialiser leurs produits sur le marché.

Peu après la pleine entrée en vigueur de la loi de réforme agraire, un coup sérieux a été porté aux efforts de réforme agraire du gouvernement Chávez. Le 20 novembre 2002, la Cour suprême du Venezuela a déclaré les articles 89 et 90 anticonstitutionnels, et les a abrogés. A cette époque, la Cour suprême était étroitement contrôlée par des partisans de l’opposition, ce qui conduisit ceux de Chávez à dire qu’il s’agissait d’un acte politique et non d’une décision juridique.

L’article 89 abrogé habilitait l’INTI à autoriser les paysans à occuper les terres qui pouvaient faire l’objet d’expropriation (ocupación previa occupation préalable) pendant que les propriétaires faisaient appel devant le tribunal. Les procédures judiciaires prenant souvent plusieurs années, ne pas permettre l’occupation préalable de la terre contestée permet aux propriétaires de garder la terre beaucoup plus longtemps qu’avec l’article 89 en vigueur. Cela ralentit l’entièreté du processus de réforme agraire. En comparaison, il vaut la peine de noter qu’au Brésil, l’ocupación previa est la principale tactique utilisée par le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) dans leur processus « de réforme agraire par en bas », qui connaît un succès relatif. Interdire l’ocupación previa affaiblit sérieusement de ce fait le mouvement paysan sur la question de la réforme agraire.

L’article 90 statuait que le gouvernement ne devait pas dédommager les propriétaires pour les investissements qu’ils avaient réalisés sur leurs terres tels que la construction de bâtiments, de routes, de voies navigables, etc., s’il était prouvé que la terre avait été acquise illégalement, comme cela était le cas pour de nombreux grands domaines. Autrement dit, l’abrogation de l’article oblige l’Etat à dédommager les grands propriétaires qui ont investi sur des terres, même si elles ont été volées à l’origine.

En avril 2005, l’Assemblée nationale a introduit une réforme de la loi des terres qui rétablit pour l’essentiel l’article 90 avec de légères modifications du texte pour le rendre conforme à la constitution. En ce qui concerne l’article 89, le gouvernement a tenté de contourner le problème de l’ocupación previa par l’émission de « cartas agrarias », des lettres qui octroient aux paysans des droits d’utilisation provisoire de la terre. Celles-ci ne constituent pas des titres de propriété mais permettent l’occupation temporaire de la terre en attendant la résolution des procédures juridiques. L’opposition et les grands propriétaires terriens ont contesté la légalité de ces lettres et de nombreux jugements ont été prononcés contre les paysans par des tribunaux de première instance qui se positionnent du côté des grands propriétaires. Au moment d’écrire ce texte [aôut 2005], aucune décision d’instances supérieures n’a encore été rendue à ce sujet.
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