Discrimination à l'embauche pour les cadres sup !!!!!!!!!!!
Etudiant à l'Edhec, Wafid n'a pas trouvé de stage en France. "En Algérie, on m'a
pris aussitôt"
LE MONDE | 10.04.06 | 15h06 • Mis à jour le 10.04.06 | 16h58
LILLE CORRESPONDANT
Obtenir un emploi, mais aussi un stage, est sept fois plus difficile pour un
jeune d'origine étrangère", estime Philippe Vasseur. Le président d'Alliances -
une association, créée en 1993, qui regroupe 120 entreprises favorables à plus
de diversité sociologique - a donc organisé, fin mars, à Lille un forum destiné
aux étudiants (bac + 4) d'origine étrangère. Quelque 53 entreprises ont proposé
340 stages ! Et 500 étudiants patientaient d'un stand à l'autre. A lui seul, le
laboratoire Schering, qui offrait 6 stages, a reçu 70 candidats.
Manuela, 21 ans, Villeneuve-d'Ascq (Nord), maîtrise de télécommunication. Sur le
curriculum vitae, le joli nom à rallonge, typiquement camerounais, ne séduit pas
les entreprises. Les parents africains de Manuela sont décontenancés. "Ils
étaient persuadés que, "Française née en France", je ne revivrais pas leurs
difficultés." Père docteur en chimie, mère chimiste analyste au chômage,
reconvertie en professeur d'informatique. "Je suis un pur produit scolaire
français, note Manuela. Mais j'ai envoyé en vain 70 courriers pour un stage
réseau et télécommunication. Puis j'ai répondu à une annonce parue sur le site
Internet de l'Enict (Villeneuve-d'Ascq) où je suis élève ingénieur. Refusée !
Quinze jours après moi, un collègue, français de souche, a été pris."
Autre handicap : "Je suis une femme, ce qui est rare chez les scientifiques.
Nous sommes 20 filles sur 80 étudiants à l'Enict." Martine Carette,
vice-présidente de l'USTL (Université des sciences et technologies de Lille),
acquiesce : "Nos étudiants ont besoin de 8 200 stages... Et je constate que,
chez les scientifiques, les dernières conventions rentrées sont pour les filles
!" Lors du forum, faute de voir un stage correspondant à sa qualité d'experte en
réseau et systèmes, la jeune femme, basketteuse, a inversé le jeu. "J'ai
expliqué aux sociétés le danger de ne pas sécuriser leurs réseaux. Je peux faire
un stage pour les initier !"
Aasma, 22 ans, Maroc, élève ingénieure, Hautes Etudes industrielles (HEI) de
Lille. Aasma a intégré HEI il y a cinq ans. Le premier stage, ouvrier, n'a pas
posé de problème. Le stage industriel fut une autre paire de manches... Même si,
pour finir, un très long entretien "de deux heures" a fini par déboucher.
"On m'a posé beaucoup de questions sur l'intégration. A la fin, la personne m'a
dit : "Votre profil nous intéresse. Il y a une bonne ambiance dans l'entreprise,
je ne voudrais pas que cela change."" Quand elle poste ses lettres, Aasma met en
avant le diplôme français. "Surtout pas ma nationalité marocaine."
Wafid, 21 ans, Lille, en dernière année à l'Edhec (commerce). "Je suis
franco-algérien. J'ai postulé dès janvier pour un stage estival. Je cherchais
dans la finance. Réponses négatives. J'ai alors écrit en Algérie où l'on m'a
pris aussitôt. Mon diplôme lillois est très reconnu, mais mon nom algérien...
J'ai un copain marocain qui a renoncé à trouver un stage. Du coup, je ne vise
que les grands groupes internationaux qui pratiquent un brassage des cultures."
Le directeur d'HEI confirme : "Si nous n'apportons pas de solution, ces bons
étudiants que sont Aasma ou Wafid iront ailleurs, notamment au Canada !"
Linda, 23 ans, Lille, DESS en veille stratégique. Après une maîtrise de
biochimie, Linda n'a pas hésité à se réorienter en DESS. Elle n'a pas eu de mal
à trouver un stage. Lors du forum, elle a rencontré Lesaffre, numéro un de
l'agroalimentaire. Mais, sans l'aide d'Alliances, elle avait obtenu un stage
chez Réseau Ferré de France, profitant de l'élan d'I-Trans, le pôle de
compétitivité nordiste.
"En raison de mon métissage, mi-algérien mi-guadeloupéen, on se trompe sur mes
origines. Je crois que c'est plus facile pour une Guadeloupéenne que pour une
Africaine. En fait j'ai peu connu de discriminations. Et puis j'ai obtenu un
DESS assez spécifique, dans un secteur où l'emploi existe...", juge-t-elle.
Geoffroy Deffrennes
Article paru dans l'édition du 11.04.06
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