Morue (cabillaud)
Noms communs : morue de l'Atlantique, morue du Pacifique, morue charbonnière, cabillaud.
Noms scientifiques : Gadus morhua, Gadus macrocephalus, Anoplopoma fimbria.
Famille : gadidés.
POURQUOI METTRE LA MORUE AU MENU?
* Elle est étonnante, préparée en brandade dont on farcira un poivron ou une courgette.
* Elle est saine et bonne simplement pochée et accompagnée de quelques légumes et d'un aïoli pour lui donner un peu de vigueur.
* À moins que l'on préfère ses oeufs, que les Grecs apprêtent en taramosalata.
* Sa chair maigre offre des protéines complètes, qui fournissent les neuf acides aminés essentiels.
* Elle est riche en iode, en sélénium et en vitamine B12, et contient des oméga-3.
Quelques mots sur la morue
La principale espèce commerciale est la morue de l'Atlantique (Gadus morhua), suivie de la morue du Pacifique (Gadus macrocephalus). On trouve également dans le commerce la morue charbonnière (Anoplopoma fimbria) qui, malgré son nom, n'est pas une vraie morue et dont la chair est plus grasse. En France, d'autres poissons portent également le nom de « morue ».
Profil santé
La morue est l'un des poissons les plus faibles en matières grasses. Ajoutons à cela son contenu élevé en protéines et en plusieurs vitamines et minéraux et nous obtenons un aliment dont la valeur nutritive est très appréciable.
Principes actifs et propriétés
La morue est un poisson contenant peu de matières grasses et est donc considérée comme un poisson maigre. De façon générale, une consommation régulière de poisson peut procurer plusieurs bénéfices pour la santé. Une table ronde de scientifiques internationaux a permis de conclure que la consommation d'un à deux repas de poisson par semaine était associée à la diminution de mortalité par maladie coronarienne1. Même si plusieurs études ont été effectuées sur l'huile de foie de morue (voir Huiles de poisson dans la section Plantes et suppléments) ainsi que sur les allergies à la morue, les études réalisées spécifiquement sur la consommation de morue sont plutôt rares. Ce poisson contient tout de même des principes actifs bien documentés scientifiquement.
Acides gras oméga-3. La morue contient de l'acide eicosapentanoïque (EPA) et de l'acide docosahexanoïque (DHA), deux acides gras de la famille des oméga-3. Ces acides gras agissent comme précurseurs de messagers chimiques favorisant un bon fonctionnement des systèmes immunitaire, circulatoire et hormonal. Plusieurs études épidémiologiques et cliniques ont mis en évidence que la consommation d'acides gras oméga-3 (provenant majoritairement de poissons gras) exerçait des effets favorables sur la santé cardiovasculaire et réduisait la mortalité par maladie cardiovasculaire2. Ces acides gras sont connus pour agir de plusieurs façons dans l'organisme. Ils agiraient notamment en réduisant la tension artérielle, les triglycérides sanguins et la formation de caillots sanguins, diminuant ainsi les risques d'athérosclérose. De plus, des études ont démontré que les acides gras oméga-3 pourraient jouer un rôle dans la régulation de l'humeur et la prévention de la dépression3. Finalement, ces acides gras exerceraient certains effets anti-inflammatoires, ce qui pourrait être utile dans le traitement de certaines pathologies comme l'asthme, l'arthrite rhumatoïde, les maladies inflammatoires de l'intestin et le psoriasis4.
Même si les quantités optimales d'acides gras oméga-3 à consommer ne sont pas établies avec certitudes, les études scientifiques démontrent que la consommation quotidienne de 0,5 à 1,8 g d'EPA et de DHA permettrait de profiter des bienfaits qui y sont reliés5. Une portion de 100 g de morue fournit près de 0,2 g de ces acides gras, ce qui équivaut à environ huit fois moins qu'une portion équivalente de saumon (un poisson gras).
Protéines. De façon générale, le poisson est une excellente source de protéines complètes puisqu'il renferme les neuf acides aminés essentiels, c'est-à-dire les acides qui ne sont pas produits par notre organisme et doivent provenir de notre alimentation. Les protéines servent surtout à former, à réparer et à maintenir les tissus, comme la peau, les muscles et les os. Elles servent aussi à la formation des enzymes digestives ainsi que des hormones. Par ailleurs, plusieurs études chez l'animal ont révélé que la protéine de morue améliorerait la sensibilité à l'insuline et augmenterait l'absorption du glucose par l'organisme6-8. Des études chez l'humain sont présentement en cours pour valider ces résultats.
Autres propriétés
La morue est-elle antioxydante?
Donnée non disponible.
La morue est-elle acidifiante?
Modérément. La morue a un indice PRAL de 7,1.
La morue a-t-elle une charge glycémique élevée ?
Il n'y a pas de charge glycémique pour les poissons.
Nutriments les plus importants
Que vaut une « portion » de morue?
Poids/volume
Morue de l'Atlantique,
grillée, 100 g
Calories
105
Protéines
22,8 g
Glucides
0,0 g
Lipides
0,9 g
- saturés
0,2 g
- monoinsaturés
0,1 g
- polyinsaturés
0,3 g
- oméga-3*
0,2 g
Cholestérol
55 mg
Fibres alimentaires
0,0 g
Source : Santé Canada. Fichier canadien sur les éléments nutritifs, 2005.
* EPA, DHA et acide alpha-linolénique
Excellente source Sélénium. La morue est une excellente source de sélénium. Ce minéral travaille avec l'une des principales enzymes antioxydantes, prévenant ainsi la formation de radicaux libres dans l'organisme. Il contribue aussi à convertir les hormones thyroïdiennes en leur forme active.
Excellente source Iode. La morue franche du Saint-Laurent est une excellente source d'iode. Elle en contient 15 fois plus que le maquereau et 50 fois plus que la truite arc-en-ciel (provenant aussi du Saint-Laurent). L'iode entre dans la composition des hormones thyroïdiennes nécessaires à la régulation de la croissance, du développement et du métabolisme.
Excellente source Vitamine B12. La morue est une excellente source de vitamine B12. Cette vitamine travaille de concert avec l'acide folique (vitamine B9) pour la fabrication des globules rouges dans le sang. Elle veille aussi à l'entretien des cellules nerveuses et des cellules fabriquant le tissu osseux.
Bonne source Phosphore. La morue est une bonne source de phosphore. Le phosphore constitue le deuxième minéral le plus abondant de l'organisme après le calcium. Il joue un rôle essentiel dans la formation et le maintien de la santé des os et des dents. De plus, il participe entre autres à la croissance et à la régénérescence des tissus et aide à maintenir à la normale le pH du sang. Il est l'un des constituants des membranes cellulaires.
Bonne source Vitamine B3. La morue est une bonne source de vitamine B3. Appelée aussi niacine, elle participe à de nombreuses réactions métaboliques et contribue particulièrement à la production d'énergie à partir des glucides, des lipides, des protéines et de l'alcool que nous ingérons. Elle participe aussi au processus de formation de l'ADN, permettant une croissance et un développement normaux.
Bonne source Vitamine B6. La morue est une bonne source de vitamine B6. La vitamine B6, aussi appelée pyridoxine, exerce plusieurs fonctions vitales dans l'organisme. Elle participe tout d'abord à la fabrication des globules rouges et leur permet de transporter davantage d'oxygène. Deuxièmement, la vitamine B6 aide à la régulation du taux de sucre dans le sang. Finalement, elle contribue au bon fonctionnement du système immunitaire et joue un rôle dans le métabolisme (fabrication et utilisation) des protéines. Cette vitamine participe au métabolisme de l'énergie et à la formation des tissus.
Magnésium. La morue est une source de magnésium. Le magnésium participe au développement osseux, à la construction des protéines, aux actions enzymatiques, à la contraction musculaire, à la santé dentaire et au fonctionnement du système immunitaire. Il joue aussi un rôle dans le métabolisme de l'énergie et dans la transmission de l'influx nerveux.
Vitamine D. La morue est une source de vitamine D. La vitamine D participe étroitement à la santé des os et des dents, en rendant disponible le calcium et le phosphore dans le sang, entre autres pour la croissance de la structure osseuse. La vitamine D joue aussi un rôle dans la maturation des cellules, dont les cellules du système immunitaire.
L'expression « excellente source » indique qu'une portion de l'aliment fournit au moins 25 % de l'apport nutritionnel recommandé ou de l'apport suffisant pour ce nutriment ou au moins 50 % dans le cas de la vitamine C.
L'expression « bonne source » indique qu'une portion de l'aliment fournit au moins 15 % de l'apport nutritionnel recommandé ou de l'apport suffisant pour ce nutriment ou au moins 30 % dans le cas de la vitamine C.
L'expression « source » indique qu'une portion de l'aliment fournit au moins 5 % de l'apport nutritionnel recommandé ou de l'apport suffisant pour ce nutriment.
N.B. Les données servant à classifier en sources, bonnes sources ou excellentes sources les nutriments contenus dans l'aliment proviennent des rapports publiés sur les apports nutritionnels de référence (ANREF) par le National Academy of Press. Ces données diffèrent des apports quotidiens recommandés ou de la valeur quotidienne, utilisés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) pour l'étiquetage nutritionnel.
Précautions
Les poissons font partie des neuf allergènes alimentaires les plus courants au Canada. Les gens allergiques au poisson réagissent anormalement aux protéines qu'on y retrouve. Selon l'Agence canadienne d'inspection des aliments, il est possible qu'une personne présentant une allergie à un poisson ou à un fruit de mer soit également allergique à d'autres espèces appartenant au même groupe. Par exemple, une personne allergique à la morue pourrait aussi être allergique au saumon puisque tous les deux sont des poissons. Par contre, une personne allergique à un type de poisson ou de fruit de mer (crustacé ou poisson ou mollusque) ne sera pas nécessairement allergique aux autres types. Il est fortement recommandé aux gens allergiques à ces aliments de consulter un allergologue avant d'en introduire de nouveaux dans leur alimentation.
Les poissons crus, fumés ou marinés peuvent contenir des bactéries, des virus et même des parasites que seule la cuisson peut détruire. Il est donc recommandé aux personnes plus susceptibles aux toxi-infections, par exemple les femmes enceintes, les jeunes enfants et les personnes dont le système immunitaire est affaibli, d'éviter de consommer du poisson cru, fumé ou mariné, à moins de le faire cuire.
Les contaminants
Le poisson est la principale source de mercure à laquelle nous sommes exposés. Ce métal est naturellement présent dans l'environnement, mais les rejets causés par l'industrialisation rendent la consommation de certains poissons moins sécuritaire pour la santé. Les poissons prédateurs présentent des taux élevés de mercure. Les autres espèces de poisson, telle la morue, auraient des concentrations de mercure inférieures à la norme canadienne de 0,5 ppm. Ils peuvent donc être consommés sans danger pour la santé.
De plus, selon une étude réalisée par des chercheurs de Santé Canada, les teneurs en différents contaminants (comme les BPC) décelés dans les poissons vendus au Canada sont inférieures à la norme canadienne et ne constituent donc pas un risque pour la santé. Il faut toutefois demeurer vigilant puisque plusieurs poissons que nous consommons sont importés de pays où le taux de contamination est plus élevé qu'au Canada9,10.
Recherche et rédaction : Caroline Trudeau, Dt.P., nutritionniste, Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels (INAF), Université Laval
Collaboration : Louise Corneau, Dt.P., M.Sc., Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels (INAF), Université Laval, Hélène Gagnon et Virginie Lessard, étudiantes en nutrition, Université Laval
Révision scientifique : Charles Lavigne, Ph.D., Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels (INAF) et Centre de recherche sur les maladies lipidiques, Université Laval
La morue au fil du temps
C'est d'abord le terme « moluel », apparu au XIe siècle, qui a servi à désigner ce poisson, le mot « morue » étant apparu plus tard, soit en 1260. Son origine est obscure. Il vient peut-être du celte mor, « mer », et de l'ancien français luz, « brochet » ou « merlu », tandis que d'autres pensent qu'il vient plutôt de l'ancien provençal morrude, qui signifie « grondin », un autre type de poisson.
Le terme « cabillaud » est apparu dans la langue en 1278. Il vient du néerlandais kabeljau. Il est officialisé en France et désigne la morue vendue fraîche ou surgelée.
Poisson habitant les eaux froides du globe, la morue fut un aliment de base chez les peuples du Nord, notamment les Vikings qui, lors de leur expansion guerrière entre les IXe et XIe siècles, contribuèrent à en répandre la consommation dans le reste de l'Europe. À leur suite, les Basques et les Bretons, de grands navigateurs, sillonneront l'océan Atlantique à la recherche de ce poisson qui, grâce à sa chair maigre, peut, une fois salé, se conserver plusieurs mois sur les bateaux au long cours. Pendant le Moyen Âge, ils en feront un commerce très lucratif, les catholiques en faisant une de leurs principales sources de protéines durant les quelque 160 jours de l'année où ils doivent s'abstenir de viande et de produits laitiers.
Les Indiens de la mer
Près de 2 500 ans avant la « découverte » de l'Amérique par les Européens, les Micmacs, des Algonquiens, comptaient sur les ressources de la mer, et particulièrement sur la morue, pour leur fournir la plus grande partie de leur nourriture, d'où le nom d'« Indiens de la mer » qui leur fut donné par les nouveaux arrivants.
Les Basques et les Bretons pousseront leurs bateaux jusqu'à Stocafixa (mot basque signifiant « Île à la morue » et désignant Terre-Neuve) et au Labrador où ils découvriront les célèbres Grands Bancs, dont on croit qu'ils constituaient jadis les plus grands stocks de morue au monde. Conscients de l'importance de leur découverte, ils garderont secret le lieu de leurs captures jusqu'à ce qu'un explorateur français le révèle au monde. Dès lors, Portugais, Espagnols, Français et Anglais se rueront sur les Grands Bancs pour récolter cette manne marine.
C'est ainsi que la morue suscitera les premiers mouvements de colonisation de la côte est de l'Amérique du Nord : des villages et des villes, dont l'économie repose entièrement sur elle, naissent là où il n'y avait auparavant que rochers et dunes de sable. Pendant près de 500 ans, la morue façonnera le visage de la côte est canadienne. Mais la demande croissante pour ce poisson conduira à le surexploiter et, au début des années 1990, on assiste à un véritable effondrement des stocks. Aujourd'hui, malgré l'imposition de moratoires sur la pêche commerciale, les stocks canadiens restent toujours bas et ce poisson qui, pendant des siècles, a nourri des millions de familles peu fortunées des deux côtés de l'Atlantique, est désormais considéré comme un produit de luxe.