Le NEPAD ou l’histoire secrète d’une Renaissance Africaine recolonisée ?
Le NEPAD ou l’histoire secrète d’une Renaissance Africaine recolonisée ?
12/05/2005
source:afrikara.com
Au commencement en 1999 était le MAP, Millenium Partnership for African Recovery Program, ou Renaissance Africaine, défendu par les présidents algérien, sud-africain, et nigérian. Du jour au lendemain a surgit de nulle part ou presque en 2001 le Plan Omega de l’alors tout nouveau président sénégalais. Puis advint le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique, NEPAD, qui a évincé la Renaissance Africaine, fondue dans une mouture à prétention économique… A qui profite ce compromis ?
Cette histoire est passée un peu inaperçu pourtant les conditions d’origine et de production d’un programme, les tractations et acteurs impliqués dans un plan d’action, une politique, renseignent sur ses bénéficiaires actuels, futurs, potentiels, et peuvent permettre d’anticiper les issues réelles ou cryptées d’un phénomène aussi médiatisé que le NEPAD.
Lorsqu’en juillet 1999 l’aujourd’hui défunte Organisation de l’Unité Africaine entérine une nouvelle initiative africaine de développement à l’origine de laquelle se trouvent les présidents algérien Bouteflika, sud-africain M’beki et nigérian Obassandjo, elle confie à ces présidents la mission de mener toutes les actions nécessaires pour faire connaître cette initiative auprès des bailleurs de fonds, décideurs internationaux, et d’entraîner à cette dynamique leurs collègues africains.
Dès 1999, la Renaissance Africaine -MAP- est présentée au G8 par ses ambassadeurs et inspirateurs, le trio des présidents promoteurs rencontrera à cet effet les présidents du FMI et de la Banque mondiale et continueront de tisser des relations à haut niveau.
C’est alors qu’en 2001 survient le Plan Omega supposé être inspiré par le président sénégalais Wade…Précisons que le président sénégalais tout fraîchement élu en Mars 2000 au terme d’une campagne électorale difficile et harassante , n’avait jamais jusque là mis en avant une telle initiative africaine. En général quant un candidat bat campagne, il a plutôt tendance à en dire plus pour remporter l’adhésion des électeurs…On voit mal comment le nouveau président, faisant face à une intense activité sociopolitique interne liée à la succession d’un régime implanté depuis plusieurs décennies, l’après Senghor-Diouf, aurait, à peine élu sur les aspirations sociales très fortes, pris le temps de préparer un nouveau plan de développement à l’échelle africaine ...
Toujours est-il qu’une initiative menée sous l’égide de l’OUA allait être concurrencée par celle d’un pays, traditionnellement considéré comme appartenant au pré carré français. Il est vrai que la Renaissance Africaine et ses avocats algérien, sud-africain et nigérian n’offrait pas à l’ancienne puissance coloniale toujours avide de jouer un rôle de premier plan en Afrique, la place naturelle qu’elle pourrait avoir dans un dispositif africain amené par le Sénégal France-Bis -dixit Wade.
D’ailleurs l’opinion sénégalaise s’est vite lassée des allers et venues d’un président nouvellement élu pour déminer la poudrière sociale et apaiser les attentes populaires exacerbées par des décennies d’ajustement structurel stérile. Pourtant avec une bienveillance peu ordinaire tous les médias d’expression française se sont mis en devoir de relayer l’initiative dite Wade, le Plan Omega, jusqu’à sa fonte dans un cadre consensuel ou de compromis, le NEPAD.
On imagine donc difficilement que l’injection de Wade au cœur de cette initiative africaine soit autre chose que le bras de la France qui ne pouvait supporter qu’une telle inspiration continentale prenne en dehors de ses cercles d’obligés.
Dans son contenu, le plan Omega, lancé en Mars 2001, ne présente rien de nouveau ni de transcendant. On y revoit les vieilles théories du développement, dépassées et sans avenir où le sous-développement apparaît comme une disparité, un écart obsessionnel aux standards de vie des pays occidentaux, comme si l’innovation, l’invention d’un chemin, la construction d’un itinéraire étaient proscrits aux Africains.
Il n’y a aucun enregistrement des expériences les plus récentes et les plus proches d’émergence économique comme celles des NPI asiatiques, ni même la prise en compte des résultats actuels des économies africaines du point de vue des facteurs de stagnation…Quid des logiques d’en bas, celles des artisans, des secteurs dits non structurés pourtant si riches d’enseignements ?
Le NEPAD en lui même ne recèle d’aucun élément nouveau susceptible de constituer un point d’ancrage crédible à une dynamique nouvelle et de régénération. Pis encore l’onction donnée par les institutions dominantes du sous-développement -pas du développement- FMI, Banque mondiale, Agences de coopération est le signe clair d’un statu quo inévitable. Comment des institutions accusées d’avoir administré la pire thérapeutique possible aux pays africains par un soi-disant ajustement peuvent-elles se féliciter d’un programme nouveau et porteur de dynamiques, qui si elles se réalisaient démontreraient l’inanité des plans de Bretton Woods…
La pauvreté est toujours considérée comme un manque, une absence de production, approche faisandée des questions de développement alors que l’évidence s’impose chaque jour. La pauvreté résulte de l’activité prédatrice des acteurs dominants, firmes multinationales, oligarques locaux, institutions de développement qui dépossèdent par pseudo-privatisation les pays africains de leurs secteurs stratégiques…Au profit des multinationales, des grands cabinets d’audit, des sociétés financières en relation mafieuses avec les fabricants du développement et plus précisément de pauvreté, les classes parasites domestiques s’activant dans les rentes, les couches populaires jouant à leur insu souvent le jeu opportuniste et contre-productif de la paupérisation.
L’approche ultra-libérale qui se dégage de ce programme se passe ostensiblement d’un minimum de consultation et d’adhésion collective. Elle esquive la problématique de l’environnement économique international, les questions commerciales comme le protectionnisme euro-américain, les questions monétaires, la criminalité financière et économique en Afrique…
Rien ne garantie ni dans la conception théorique de l’outil NEPAD, ni dans les tractations politiques, diplomatiques quasi-coloniales en amont de l’endiguement de la Renaissance Africaine en NEPAD via le plan Omega, que le sort de cette nouvelle star médiatique, sera différent du Plan d’Action de Lagos -1980- axé sur l’industrialisation. Sans parler du Cadre de Référence pour les Programmes d’Ajustement Structurel de la Commission économique pour l’Afrique -CARPAS/1987-, et les nombreuses autres et éphémères velléités de développement de la même veine.
Le NEPAD, qui signifierait Ne Pas Développer pourrait n’être qu’un nouvel interdit frappant l’amélioration des conditions collectives d’existence des plus pauvres, imposé par un consensus de prédation fabriqué par les castes régnantes occidentales et les élites africaines parasites, sans vision ni inspiration.
La version initiale de cet article paru le 12/08/05
Akam Akamayong