La passe du rappeur de REER
Girard, Michel
Depuis l'entrée en vigueur en 1992 du Régime d'ac cession à la propriété (RAP), des centaines de milliers de Québécois ont retiré des milliards de dollars de leurs REER dans le but de verser une mise de fonds pour l'achat d'une première propriété.
Comme ils doivent rembourser ces milliards de dollars dans leurs REER sous peine de devoir payer de l'impôt sur lesdits retraits, les rappeurs de REER aimeraient bien se prévaloir d'une solution financièrement moins douloureuse.
Cette solution existe-t-elle?
Dans le Cahier REER de la semaine dernière, j'ai répondu à un lecteur qu'il pouvait rembourser son RAP en investissant dans l'un des deux fonds de travailleurs, soit le Fonds de solidarité de la FTQ ou Fondaction de la CSN. Ce faisant, il encaissera les deux crédits d'impôt de 15 % offerts par les gouvernements d'Ottawa et de Québec.
Cette nouvelle passe fiscale m'a valu un abondant courrier, la plupart des lecteurs se montrant plutôt sceptiques devant la légalité de ma réponse.
Je rappelle les faits. Monsieur R.F. et sa conjointe ont utilisé le RAP pour effectuer une mise de fonds de 20 000 $ chacun pour l'achat de leur première maison. L'argent avait été retiré des REER ordinaires. Comme ils doivent commencer à rembourser leur RAP (à raison d'un montant annuel minimum équivalant à un quinzième de la somme retirée), ils se demandaient s'ils pouvaient rembourser leurs RAP en investissant les montants requis non pas dans leurs REER ordinaires, mais plutôt dans le REER du Fonds de solidarité FTQ.
Bien entendu, comme il s'agit d'un remboursement de RAP, ils étaient conscients qu'ils n'auraient pas accès aux déductions REER... mais ils se demandaient s'ils pouvaient tout de même encaisser les deux crédits d'impôt supplémentaires que procure un investissement dans un fonds de travailleur.
Je leur ai répondu que leur idée de rembourser leurs RAP en utilisant le Fonds de la FTQ était très pertinente, car ils pouvaient effectivement encaisser les deux crédits d'impôt de 15 % du provincial et du fédéral.
Les réactions des lecteurs sont venues rapidement. Essentiellement, ils font valoir que le remboursement dans le cadre du RAP ne peut être considéré comme une nouvelle contribution REER puisque la contribution, au départ, avait déjà donné droit aux déductions REER. On ne peut en profiter deux fois pour le même montant.
Les propos de Mme D. résument l'opinion des lecteurs: " Qu'on doive remettre l'argent tiré d'un RAP dans le REER est bien normal, tout comme le fait de ne pas recevoir des déductions REER. Mais qu'on puisse remettre l'argent du RAP dans le Fonds de la FTQ et encaisser des crédits d'impôt de 30 %, là ça dépasse l'entendement... J'ai de la misère à croire cela. "
Après revérification auprès de Revenu Canada et du Fonds de solidarité FTQ, une personne qui a utilisé le RAP peut effectivement effectuer ses remboursements obligatoires dans le Fonds de la FTQ (ou Fondaction de la CSN) et ainsi bénéficier des deux crédits d'impôts de 15 % chacun accordés par le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec.
Fait à noter: les deux crédits d'impôt ne sont pas octroyés à titre de contribution à un REER, mais plutôt à titre de contribution à un fonds de travailleur. Voilà pourquoi un remboursement de RAP dans un fonds de travailleur procure les deux crédits d'impôt, mais pas la déduction REER, qui est accordée dans le cadre de n'importe quel REER.
On aura par ailleurs compris que les RAP dont il est question ici n'ont pas été contractés auprès du Fonds de la FTQ ou de Fondaction de la CSN. On fait référence ici à des RAP dont l'argent a été retiré à même d'autres REER.
Les gens qui sortent de l'argent des deux fonds de travailleurs dans le cadre d'un RAP doivent effectuer leurs remboursements de RAP dans le Fonds de la FTQ ou de la CSN et ils n'ont évidemment pas droit, pour une seconde fois, aux deux crédits d'impôt.
Autre point important: pour contribuer aux deux fonds de travailleurs et avoir le droit d'encaisser les deux crédits d'impôt, il faut répondre à des critères bien spécifiques: avoir au maximum 64 ans dans l'année de souscription; gagner un revenu d'emploi ou d'entreprise d'au moins 3500 $ si vous êtes à la retraite ou préretraite; y investir au maximum 5000 $ par année.