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 Résistance contre les ségrégations sociales et ethniques

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mihou
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mihou


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18112005
MessageRésistance contre les ségrégations sociales et ethniques

Résistance contre les ségrégations sociales et ethniques

Quand les femmes des quartiers sortent de l’ombre


Par Marina Da Silva
Journaliste.


« Près de 80 % des travailleurs pauvres sont des femmes (1). » Si les discriminations professionnelles et le sexisme constatés par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sont universels, ils frappent encore plus durement les femmes étrangères ou d’origine étrangère, pour qui la notion d’« égalité des droits » relève du grand écart entre la théorie et la pratique. Pourtant les femmes ne se laissent pas submerger par l’amoncellement des détresses et inventent des stratégies de résistance et de solidarité sans cesse renouvelées. En témoigne la multiplicité des espaces de rencontres et des associations qu’elles parviennent à faire émerger dans les tissus urbains les plus divers, de Saint-Denis à Rouen, de Lille à Marseille...

« Je suis née en 1961 à la clinique des Fleurs, à Issy-les-Moulineaux... » De parents algériens, Hamida se croit française jusqu’à son mariage forcé, alors qu’elle n’a que 16 ans et demi. Elle mettra treize ans à traverser l’enfer jusqu’à cette année 1990 où, après un divorce aussi périlleux qu’improbable, elle recouvre sa liberté et revient en France. « L’urgence était de régulariser ma situation administrative (2). Et là, je découvre avec stupéfaction que bien que née en France, avec des parents y résidant toujours, bien que je puisse prouver mon mariage forcé, et avec la naissance d’un enfant sur le sol français, je suis considérée comme une... primo-arrivante. Je suis sans-papiers, clandestine... » Quelques années et combats plus tard, la nationalité française réintégrée, Hamida demande la garde de ses enfants auprès d’un tribunal français et s’entend répondre qu’elle relève de « la législation algérienne ». Les femmes françaises d’origine maghrébine ou africaine ignorent souvent que, sur le plan juridique, sauf quelques exceptions, c’est le principe du statut national personnel (3) qui leur est appliqué.

Assignées à une place très codifiée, les femmes étrangères ne sont prises en considération par les pouvoirs publics que dans le cadre de la cellule familiale et n’existent jamais comme êtres à part entière, ce que dénoncent régulièrement les associations (4) et les travailleurs sociaux. Valérie, qui travaille dans un collectif de sans-papiers, à Saint-Denis en région parisienne, souligne les incohérences de dispositifs qui viennent tordre le cou à la noblesse des principes « universels » d’égalité. Ainsi cette jeune Sénégalaise venue s’installer auprès de son mari, dont elle a eu deux enfants, et qui découvre qu’il était déjà marié... « Elle est donc la seconde épouse et à ce titre n’a aucun droit légal aux papiers. La loi française interdit la polygamie, mais ce sont les femmes qui en subissent les conséquences. Une femme ayant la nationalité française peut demander l’annulation du second mariage de son époux, mais pas si elle est de nationalité étrangère... »
(JPEG)

Mme Zouina Meddour est responsable de la Maison des Tilleuls, dans le nord du Blanc-Mesnil, un centre social d’envergure tout à fait singulier dans le paysage urbain de la Seine-Saint-Denis. Née dans la ville, elle cherche à développer des dynamiques avec les habitants. « Tout passe par la relation individuelle, par la connaissance et la maîtrise des réseaux locaux dont les femmes sont les relais. » Un vrai travail de fourmi sans visibilité, mais qui est la première condition du succès : « Il faut se remettre en cause, sinon on reproduit toujours la même chose, alors que cela ne correspond plus aux besoins des populations. »

La population du Blanc-Mesnil, justement, a changé. Jusqu’aux années 1980, elle était surtout constituée d’Italiens, de Portugais, de Maghrébins. Désormais, les sans-papiers sont nombreux et les nationalités beaucoup plus diverses qu’autrefois : pays de l’Est européen, Afrique de l’Ouest, Pakistan, Sri-Lanka... « Un collège enregistre en moyenne 80 nouvelles inscriptions d’enfants étrangers chaque année. » La ville, à majorité communiste, les accepte, ce qui n’est pas le cas de Montfermeil, sa voisine marquée à droite, qui met un point d’honneur à repousser avec acharnement cette population fragile.

Au-delà des demandes d’aide spécifique, les femmes expriment surtout le besoin d’être ensemble et reconnues. Celles du quartier des Tilleuls disposent d’un local et peuvent réellement l’investir. C’est souvent leur seul espace de respiration pour échapper à des situations matérielles très dures. En confrontant leurs expériences et leurs savoirs, elles sortent de leur rôle de victimes, se reconstruisent et deviennent souvent à leur tour des relais pour les autres.
Hostilité des journalistes

Au centre, Zouina est également confrontée à des cas de polygamie, rares, et aux mariages forcés, sur lesquels il est difficile d’obtenir des données précises. Le rapport du Haut Conseil à l’intégration de 2003, en répertorie 70 000, alors qu’en Grande-Bretagne on estime leur nombre à un millier par an (5) : la distinction entre « mariages forcés » et « mariages arrangés » reste floue en France, alors qu’elle est prise en compte de l’autre côté de la Manche. Si les premiers peuvent être sanctionnés par des lois appropriées, les seconds ne peuvent être combattus qu’à travers la conquête de l’autonomie et de l’émancipation des femmes concernées.

Mais le principal problème – toutes nationalités confondues et à l’image de l’ensemble de la population – reste celui de la violence conjugale (6). Les femmes maltraitées ont la plupart du temps des enfants à charge, or il n’existe pas de lieu d’hébergement spécifique dans la ville, et les structures relais (Planning familial, Centre international de l’enfance et de la famille – Cidef, etc.) sont toujours saturées.

Depuis la campagne présidentielle, qui a abouti à l’électrochoc du vote d’extrême droite le 21 avril 2002 et à l’accélération d’une politique sécuritaire et de liquidation sociale, l’angle d’attaque contre les populations étrangères passe tout particulièrement par les femmes. On a vu les viols collectifs requalifiés en « tournantes » et devenir l’apanage quasi exclusif des jeunes Maghrébins, le port de la minijupe dans les cités (et seulement là ?) une étonnante et « nouvelle » prise de risque pour les filles...

Christelle Hamel, docteure en anthropologie, qui a travaillé sur « les violences envers les femmes parmi les migrant(e)s du Maghreb et leurs descendant(e)s », a montré que « la focalisation sur les violences sexistes parmi les migrants et leurs descendants permet l’occultation des mêmes violences sexistes chez les Français dits “de souche”. Cette occultation est précisément ce qui permet la stigmatisation des premiers (7) ». Cela conforte des représentations où la révolte des garçons passe par la violence et les dégradations, où la « galère » des jeunes filles est vécue dans l’isolement, le silence et la « victimisation ».

A Lille, les associations de femmes musulmanes sont nombreuses et travaillent depuis longtemps avec d’autres associations, syndicats et partis politiques, pour améliorer leurs conditions d’existence et d’exercice de la citoyenneté. Pour celles qui portent un foulard, « le combat pour le droit à l’instruction et au travail ne commence pas aujourd’hui. Mais il est devenu trop grand pour nous », souligne Mme Dorsaf Damak, qui n’avait pas hésité à pénétrer dans l’enceinte de l’Assemblée nationale grâce à l’appui d’un député communiste, le 10 mars 2003, pour protester contre une loi attentatoire à sa liberté de conscience. « Curieusement, la plus grande hostilité émanait des journalistes... », explique-t-elle, en ajoutant qu’elle les tient pour responsables de « la dissémination des stéréotypes auprès de l’opinion et du refus de donner suffisamment la parole aux femmes concernées ».
(JPEG)

Les relations avec les féministes de la Maison des femmes ne sont pas meilleures, et de nouveaux conflits s’ancrent dans d’anciennes incompréhensions. Lille a toujours été un haut lieu des luttes de femmes. Toujours actives à la nouvelle Maison des femmes, Jacqueline et Roseline tirent orgueil d’avoir participé, dans les années 1980, à la création de Solidarité avec les femmes d’ici et d’ailleurs, qui luttait contre les campagnes racistes, et « d’avoir pu rapatrier de jeunes Algériennes qu’on cherchait à marier sous la contrainte ». Elles comprennent mal le port du foulard qui, pour elles, est un « symbole universel de soumission ». Mais elles reconnaissent que « la gauche a beaucoup encouragé le culturalisme parce que cela coûtait moins cher que de travailler à l’égalité des droits » et que les féministes n’ont pas suffisamment développé d’actions dans les quartiers.

Depuis une vingtaine d’années, des adolescentes, souvent élèves brillantes, se sont mises à sortir de leur « invisibilité » en arborant un foulard comme une revendication religieuse ou identitaire, et cela a fait l’effet d’une bombe. Parce qu’elles sont françaises, n’hésitent pas à se prétendre « féministes et musulmanes », à mettre sur le même plan le « droit à porter librement un voile » et la « lutte contre l’obligation de le porter », elles déroutent politiques et sociologues, enseignants et éducateurs, féministes et militants de toutes couleurs... qu’elles forcent à s’interroger sur les représentations des un(e)s et des autres.

A Rouen, Nora se sent très seule. Titulaire d’une maîtrise de biologie, elle a vu sa vie changer le jour où elle a décidé de porter le foulard contre l’avis de sa famille et de son mari. « On est six filles et je suis la seule à le porter. J’ai dû m’imposer ! » Après avoir cessé de travailler pour élever ses enfants, elle se rend régulièrement à l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE). Jusqu’au jour où elle cherche à s’inscrire dans un stage et où on lui fait clairement entendre qu’elle n’a « aucune chance », aimablement prononcé après un « tiens, voilà l’intégriste ! ». Pour elle, les discriminations et les manifestations de rejet se multiplient et s’intensifient. « Il faut retisser des liens entre femmes de toutes origines sociales et culturelles. C’est seulement en entrant dans les histoires spécifiques de chacune que l’on pourra essayer de se comprendre. »

Vaulx-en-Velin est considéré comme un site pilote pour les demandeurs d’asile : tous les pays d’Europe de l’Est y sont représentés, l’Afrique, l’Asie... Le taux de chômage y atteint 30 %, voire 40 % dans certains quartiers. Pour Nadia, qui a ouvert l’association culturelle Sable d’or dans un appartement, « Vaulx-en-Velin reste une cité-dortoir malgré une volonté de développer la commune. Des zones franches ont été créées pour les entreprises, mais nombre d’entre elles sont venues s’installer pour bénéficier de la franchise et sont reparties au bout de cinq ans ».

Cette coupure entre la classe politique, qui laisse faire, et la population, on la constate aussi entre femmes et mouvements féministes : « La plupart des associations de quartiers passent par des activités terriblement “traditionnelles” : cuisine, couture, etc., mais le désir de rencontre et de renforcement collectif est semblable et les revendications et combats des féministes nous ont servi à éclairer les problèmes quotidiens ». Cette communauté de situations et les relations entre femmes – ce que les féministes avaient perçu et théorisé dans le principe de la non-mixité – permettent la libération de la parole, la reconstruction de l’image de soi et de l’autonomie (Cool. En construisant avec et pour d’autres, les femmes se construisent elles-mêmes.

Dans son association, Nadia veut « réparer l’erreur énorme de cette société qui a consisté à délaisser les femmes immigrées en les confinant dans l’ignorance », créer des espaces d’expression qui respectent leurs interrogations et notamment en ce qui concerne la transmission de leur culture et de leur identité à leurs enfants. Tout en cherchant absolument à sortir de « l’entre-soi » : « A force de reléguer des populations dans de véritables ghettos, on a fini par les assigner à un état perçu comme définitif et à les pousser au désespoir. Les cités et les quartiers sont dégradés et la seule perspective est de les fuir. Cette image déformée nie la capacité des personnes à investir et transformer le réel. Avec d’autres ».

Le sentiment d’abandon des grands ensembles est partout perceptible, et notamment dans le Rhône, département qui a le plus gros contingent de population étrangère. A Lyon, le collectif régional Paroles de femmes regroupe une centaine d’associations, Espace Projets Inter-associatifs (EPI) en fédère quelque quatre-vingts. Un travail en réseau et des systèmes d’aide concrète peuvent ainsi se mettre en place. « On a une chance énorme d’avoir autant de gens d’autant de cultures. La politique de la ville du gouvernement Raffarin est une catastrophe. Le travail réalisé durant plusieurs années va être pulvérisé », diagnostique M.Pierre Barneoud, président d’EPI, qui cherche des solutions aux baisses drastiques des financements publics.

Françaises ou immigrées, avec ou sans papiers, les femmes pauvres évoluent souvent dans des espaces sociaux où le travail non reconnu leur incombe massivement. Le taux de chômage de celles qui portent un nom à consonance étrangère est trois fois plus élevé que celui des autres femmes (9). La structuration des villes, l’inadaptation des transports publics – quand ils existent – pèsent sur leurs conditions de vie : pas de commerces de détail à proximité, pas de services aux particuliers, peu ou pas d’activités culturelles et sportives... « Que les politiques publiques affirment la nécessité de combattre les discriminations raciales et en même temps entérinent l’enfermement des populations concernées dans des ghettos reste un paradoxe..., conclut Valérie, de Saint-Denis. On ne cesse de fustiger le “communautarisme”, mais ces politiques sont les premières à instaurer des logiques de relégation. »

Au Blanc-Mesnil, la précarisation est devenue plus visible. Des jeunes sont à la rue et dorment dehors – surtout des garçons –, les familles ne jouant plus leur rôle. « Au supermarché, on a l’impression d’être dans le tiers-monde... Le changement est flagrant. Il suffit de regarder à la sortie des écoles ou lors des présentations de spectacles de fin d’année. On distingue la composition “ethnique” des quartiers centre et des quartiers nord (ou sud)... » ; 32 % de la population est d’origine étrangère aux Tilleuls, 17,6 % dans la ville.
Des contraintes « pour leur bien »
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