Racisme, antisémitisme, xénophobie, quelle différence ?

Sartre écrivait que "c'est l'antisémite qui fait le Juif". Autrement dit, désigner un individu "en tant que Juif" sans son consentement "fabrique du Juif", indépendamment de la manière dont il se définit lui-même. Nous sommes donc tous Juifs, puisque nous ne sommes pas à l'abri de figurer demain dans une catégorie "hors société". Il y aura toujours quelqu'un pour juger qu'un tiers doit être exclu de la société, en se basant sur des critères objectifs à partir d'une analyse subjective.

Lors des siècles précédents, voir les millénaires, les juifs ont souvent été considéré comme étant la source des conflits interne à une société. Mais il serait en revanche faux de dire que les juifs ont toujours été persécutés. Ils l'ont été déjà pour plusieurs raisons, notamment en regard de leur religion, en tant que communauté, lors de guerre civil ou encore sur de (fausses) bases scientifiques.

On peut noter par exemple que si les juifs ont du fuir au début de leur existence, les musulmans ont du faire de même.

Le prophète Mahomet, lorsqu'il commença la prédication publique de son message, se heurta aux Qoraïchites, qui en dehors de leur attachement à leurs idoles craignaient pour la prospérité de la Mecque. Subissant pressions et brimades, le prophète de l'Islam et les nouveaux convertis, partir en exode pour échapper à une existence devenu intenable. Les plus faibles d'entre eux furent même protégés en Abyssinie par des Négus (chrétien).

Autre exemple, on prend souvent comme symbole la Shoah pour parler de la persécution envers le peuple juif mais c'est vite oublié qu'ils n'étaient que les premiers d'une longue liste, où tziganes, communistes, noirs, etc..., étaient également voués à la même fin tragique.

Si ce sont les juifs qui ont été le plus marqué par cette tragédie, cela est dû au nombre de ces derniers qui ont disparu dans les camps de la mort, entre 5 et 7 millions. Mais il est aussi juste de dire que si l'entreprise morbide des nazis avait été jusqu'à son terme, d'autres peuples, voir communauté, auraient également été décimé.

Par ailleurs, pour éviter l'amalgame tant usité: juif = Israël, il conviendrait donc de dire antijudaïsme plutôt qu'antisémite lorsqu'on parle d'un racisme exclusivement tourné vers des personnes de confession hébraïque, puisqu'il en existe de toute race comme de tous pays.

L'aspect particulier du racisme anti-juif c'est qu'il est justifié à tord par certains, qui prennent pour exemple le fait que l'état israélien met en avant, en permanence, qu'il est l'expression de la communauté juive, voir l'expression des juifs. Et cette affirmation est d'autant plus dommageable puisque c'est un Etat qui ne respecte pas les droits de l'homme au sens où ils sont entendus dans la plupart des pays dit démocratiques.

Par exemple, dire que la politique israélienne est un des facteurs dominants de l'instabilité au Proche-Orient n'est aucunement antisémite. En revanche, dire que c'est à cause d'Israël (comme une entité une et indivisible et obligatoirement juive) qu'il y a la guerre, c'est clairement antisémite dans l'esprit de celui qui le dit mais pas forcement dans la réalité des faits puisqu'on sait très bien qu'il n'y a pas que des juifs en Israël, et que si s'était le cas, ceux-ci sont d'ailleurs loin d'avoir des racines sémites provenant de leurs proches ancêtres.

L'antisémitisme pourrait donc se définir comme étant le fait de reporter les problèmes d'une société sur un groupe d'individus ayant un point commun, autrefois celui d'être sémites mais aujourd'hui ?

Islamophobie d'aujourd'hui, antisémitisme d'hier ?

Dans le climat actuel, en France, en Europe et partout dans le monde occidental, on voit une systématique stigmatisation d'une seule communauté censée être porteuse de toutes les tares et de tous les vices, et cet accablement se fait exclusivement à travers le dénigrement schizophrénique de sa religion ... Le sort des juifs dans les années 30, les injures, les crachats, le mépris, la haine et les crimes qu'on a commis contre eux ne devraient-ils pas servir de leçons aux nations qui ont vu naitre et permis ces monstruosités ? Que veut dire, au juste, ce climat, ce déluge d'islamophobie qui n'est que le cache-sexe du plus immonde des racismes primitifs ?

L'islamophobie est-elle une forme de racisme ?

Les puristes répondront bien entendue non puisque l'Islam n'est pas une race. Pourtant il faut bien reconnaitre que si l'islamophobie a pour objectif de dénier aux gens des droits égaux aux autres, à discriminer, voire à agresser, avec une logique totalisante ("vous les musulmans") , c'est à dire considérer que des gens n'ont pas les mêmes droits que d'autres personnes, alors oui, je crois que l'on peut dire que l'islamophobie est dangereuse puisqu'elle vise un groupe de gens partageant un point commun, autre que la race certes mais qui est généralement considéré comme tel par ceux qui se disent islamophobes justement. Et ce serait bien vite oublier que derrière la question de l'islamophobie il y a bien souvent du racisme "anti-arabe" primaire.

Celui-ci a d'ailleurs été le plus meurtrier ces 30 dernières années en France. Et on pourrait presque dire que si l'antijudaïsme a été le racisme qui a marqué la 1ere moitié du XXème siècle en France, la 2eme moitié a été essentiellement tourné vers le racisme anti-arabe, avec une montée en puissance depuis les années quatre-vingts.

Entendons-nous, l'un (l'islamophobie) ne mène pas forcement à l'autre (le racisme anti-arabe, antiturc, anti-magrébin, etc...), mais il se trouve que de mêmes personnes vont s'attaquer aux deux en même temps les amalgamant insidieusement, comme par exemple dénoncé l'islamisation d'un pays puis embrayer sur l'immigration provenant du Maghreb ou d'Afrique, comme le font certains de nos politiciens. Pourtant, vouloir faire croire que l'islam formerait un péril aussi important que l'Église catholique aux alentours de 1900 n'a, dans la réalité, pas de sens.

Des racines chrétienne ?

La guerre entre les pays de l'islam et les pays chrétiens, sous leurs étendards religieux respectifs, dure depuis le début de l'islam, il y a plus de quatorze siècles et ce n'est donc pas contemporain à notre histoire. Le conflit a même parfois été plus dur qu'aujourd'hui. Prenez les croisades, les guerres coloniales, entre autres... l'islam fut en fait considéré, dès sa formation au VIIe siècle, comme une hérésie chrétienne. Des individus sous la direction d'un faux prophète proclament des faussetés sur la nature de Dieu, les obligations des fidèles, le rôle de Jésus..., comment ne pas condamner cette religion voulant se supplanter aux autres, du haut de notre sainteté autoproclamée ?

Aujourd'hui encore, les plus véhéments envers l'Islam se réclament comme étant Chrétien mais il serait tout autant faux de lier chrétien à islamophobe, que musulman à terroristes. Pourtant, c'est des minorités issue de ces deux mouvances qui pourrissent réellement le débat et qui tente de faire admettre ces amalgames.

On peut par ailleurs noter que ces derniers temps, le message sur la laïcité de la France est quelque peu brouillé par des représentants de l'Etat affichant clairement leurs orientations religieuses ...

Lien de cause à effet avec le Proche-Orient ?

Actuellement, la tendance est à tout réduire au facteur national. Mais c'est bel et bien une erreur car cela revient réduire les gens à la doctrine du gouvernement d'un pays et pas à la complexité d'une société. D'ailleurs, comment peut-on définir tous un peuple par le discours d'un dictateur ou d'un gouvernement totalitaire ?

Si tel était le cas, accepteriez-vous que l'on évoque les français comme des nazis sous prétexte qu'ils ont aidé ces derniers dans leur entreprise monstrueuse ?

Et sans parler de période dictatorial, accepteriez-vous, en étant de gauche, d'être considéré comme étant au contraire de droite puisque le gouvernement l'est ? En étant de droite, accepteriez-vous l'inverse ?

Changement de cible !

Comment je l'ai écrit précédemment, si l'antijudaïsme a été le racisme qui a marqué la 1ere moitié du XXème siècle en France, la 2eme moitié a été essentiellement tourné vers le racisme anti-arabe.

Par exemple, lorsque des journalistes ou politicien tiennent des déclarations comme celles-ci : "Les Arabes ont autant de chance de devenir des démocrates que le pape un athée" ou bien encore "On ne peut pas éduquer les Arabes à la démocratie", pourquoi personne, ou si peu, ne s'offusque ? Il suffirait pourtant de remplacer "arabes" par "juifs" et on entendrait à coup sur monter les condamnations de ces mêmes journalistes ou politiciens qui tiennent pourtant ces discours ....

Deux rapports de la Commission nationale consultative des droits de l'homme dressent le portrait des sites xénophobes et « antisémites ». Son rédacteur, spécialiste du média Internet, a choisi d'étudier les groupes de discussion francophones du réseau Usenet, notamment fr.soc.politique.

Accessibles à partir d'un simple logiciel de lecture de courrier, le réseau Usenet constitue une véritable caisse de résonance de l'opinion des internautes. La recherche a porté sur plus d'un million d'articles postés entre 1993 et le premier trimestre 2004 sur 334 forums francophones (mais pas forcement français).

La catégorie des arabo-musulmans est la plus choisie pour cible : 22 % des écrits véhiculant un discours de haine s'attaquent à ce groupe.

La deuxième catégorie ciblée est celle des juifs : près de 10 % des écrits haineux s'attaquent à elle...

Un autre rapport, rédigé par un expert du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), établit une typologie de sept catégories de sites racistes et « antisémites ». Une première catégorie recense les "identitaires et nationalistes révolutionnaires", se situant dans la mouvance du mouvement dissous Unité radicale. Vient ensuite la mouvance skinhead de type nazi. En troisième lieu, le rapport s'étend longuement sur la "nébuleuse SOS-Racaille", du nom d'un groupe de sites racistes, résolument anti-arabe.

Le rapport se penche ensuite sur les "sites fondamentalistes musulmans", dont les contenus révèlent "un « antisémitisme » évident". Il cite enfin les sites négationnistes, les sites extrémistes juifs, et les sites fondamentalistes chrétiens. Selon un recensement établi par ce document, "ce sont les mouvances de l'extrême droite traditionnelle qui fournissent ainsi le plus de sites racistes".

En conclusion, si la victime change, les bourreaux, eux, sont, comme on vient de le voir, bien souvent issue de la même mouvance ...

La culture du bouc-émissaire

"Fabriquer du juif", au sens de chercher un bouc-émissaire, est la tendance normale d'une société, dans les périodes de crise. Toute crise sociale naît d'un problème interne: «quelque chose» ne fonctionne pas bien. Quelque chose, mais quoi ? Et bien, quelque chose propre à elle. La crise sociale vient de ce que ce qui ne fonctionne plus est le modèle en cours. Or, le remettre en cause revient à remettre en cause la société dans son ensemble.

Pour tenter de résoudre cette crise, la méthode habituelle est de se constituer un bouc émissaire, un (des) individu(s) ou un (des) groupe(s) qu'on désignera comme vecteur de la crise. On peut les appeler «les juifs» dans le contexte européen car, pour diverses raisons, ce groupe particulier a souvent été par le passé ce vecteur, et en tout cas, même quand d'autres groupes sont visés celui-ci l'est souvent en même temps, mais ça peut en être bien d'autres.

Dans la première moitié du XX° siècle, en France on peut par exemple noter qu'il y a eu des sortes de pogroms à l'encontre de communautés italiennes ou polonaises, dans sa seconde moitié, jusqu'à récemment (jusqu'au milieu des années 1980) des «ratonnades» à l'encontre des maghrébins.

Ces exemples ne doivent pas faire croire que cela se relie au racisme, même s'il peut être un moteur de stigmatisation: durant la longue crise allant des XIV° au XVII° siècles où l'Europe bascula de la féodalité vers le système des États-nations, la plupart des groupes ou individus «mis à la raison» étaient autochtones, mais avaient le défaut de ne pas adhérer au «bon» dogme politique, social ou religieux, ou d'être soupçonnés ne pas y adhérer.

Au moins jusqu'au XVIII° siècle et plutôt jusqu'au XIX°, les juifs furent des victimes privilégiées pour d'autres raisons que «racistes», au sens où on le comprend depuis le milieu du XIX° siècle, suite à l'élaboration des idéologies nationalistes des décennies précédentes. Le phénomène qui préside à la «fabrication» du juif se passe de toute justification, même si ses auteurs la « rationalisent » en « légitimant » le processus de motifs ad hoc: la «chasse aux sorcières», celle effective des XVI° et XVII° siècles en Europe et aux Amériques ou celle ainsi dénommée, désignant la traque aux «communistes» et autres déviants politiques, de 1947 à 1955 environ aux États-Unis, ont un ressort commun: la société change, et les autorités constituées cherchent, et donc trouvent, la «cause» de ce changement, l'élément perturbateur qui crée la chose, ici les «sorcières», là les «communistes».

Plus généralement il y a un autre aspect qui consiste à différencier dans les faits « l'antisémitisme » du racisme, comme si l'un était moins grave que l'autre. C'est une terrible dérive.... l'antijudaïsme est bien du racisme, vouloir en faire un traitement particulier c'est aboutir à ce qu'un jour deux jeunes français s'insultant, l'un d'origine « Arabes » l'autre d'origine juive, seraient condamné à des peines différentes.

Le racisme anti-juif actuel en France est un racisme parmi d'autres, chacun ayant des expressions particulières, et ce n'est pas parce qu'il y a eu la Shoah il y a 60 ans en Allemagne que, forcement, l'antijudaïsme actuel est l'antichambre des camps de la mort...

Nous savons tous le risque qu'il y a à laisser se débrider le racisme et il est nécessaire de l'endiguer, le condamner quand c'est nécessaire, mais il ne faut pas s'imaginer qu'il ne peut y avoir que l'antijudaïsme qui peut avoir une terrible dérive....

Le passé nous le montre déjà, il y a eu des tentatives de génocides aussi graves que celles contre les juifs de la dernière guerre mondiale, très peu mais aussi notables en proportion des peuples concernés (le Rwanda, la tentative contre les Tziganes en même temps que celle contre les Juifs, ...). Le rappeler n'est pas diluer.

Ma religion est la laïcité

Cette déclaration peut paraitre antinomique, pourtant nous ne somme pas si loin de la réalité et je dirais même qu'on touche là une bonne partie du problème.

Certains se diront, pour la forme, choqué mais la grande majorité des personnes adhérant à ce principe ne trouveront rien à redire, et pour cause. La laïcité est souvent brandie comme un bouclier envers les religions qui voudraient renverser la république mais elle partage pourtant les attributs de ces dernières.