Les fiducies de revenu inquiètent les investisseurs

Les fiducies de revenu inquiètent les investisseurs

Girard, Michel

Q: Je considère le ton de votre article " Vers un krach dans les fiducies de revenu " revanchard, comme si les personnes qui ont utilisé ce véhicule de placement étaient des tricheurs. Lorsque les taux d'intérêt sont tombés très bas, plusieurs retraités ont réorienté leurs placements vers les fiducies de revenu pour un meilleur rendement. La grande majorité d'entre eux étaient peu au courant des particularités juridiques des fiducies et ils l'ont fait avant tout pour stabiliser leurs revenus et ce, de façon tout a fait légale. Maintenant que les rendements sont intéressants, vous semblez saliver du fait que l'on va encore une fois fermer une porte qui permettait à ces retraités d'avoir un revenu décent. Vous semblez préférer la voie où les gouvernements empocheront encore plus de revenus pour les refiler à leurs amis politiques.

R. Marin, Terrebonne

R: Dans les jours qui avaient précédé le krach d'octobre 1987, j'avais mis en garde les lecteurs de La Presse Affaires devant la possibilité qu'une importante correction frappe la Bourse. J'avais reçu des tonnes de bêtises de la part de lecteurs qui m'accusaient presque d'avoir provoqué ledit krach avec des articles aussi négatifs. Dans les mois qui ont précédé l'éclatement de la bulle Internet des années 1999 et 2000, j'avais également fait quelques mises en garde devant le fol engouement des investisseurs pour les titres Internet, et pour Nortel, le mastodonte de l'époque qui accaparait à lui seul 30 % de la valeur boursière de l'indice de la Bourse de Toronto. Des lecteurs et des courtiers m'accusaient à l'époque de jouer au prophète de malheur. Quand les bulles éclatent, tout le monde est perdant... Sauf, bien entendu, la poignée de gros spéculateurs qui jouent les marchés à la baisse en les shortant, c'est-à-dire en vendant à découvert des titres qu'ils ne détiennent pas en portefeuille et dans le but de les racheter à un prix plus bas.

Malheureusement, il y a une chose qui est commune à toutes les bulles boursières: un de ces beaux jours, elles éclatent.

Et si j'ai mis en garde les détenteurs de parts de fiducies de revenu contre un possible krach, c'est strictement dans le but de les inviter à la prudence.

Quand un secteur a la bulle gonflé à bloc comme c'est le cas pour celui des fiducies de revenu, il suffit d'un quelconque facteur négatif pour que les gros investisseurs décident un de ces matins d'encaisser leurs profits en procédant à des liquidations massives, faisant ainsi tomber d'aplomb les titres victimes.

Le message que j'ai tenté de véhiculer dans ma chronique de samedi se résume à ceci: si le ministre Ralph Goodale retire aux fiducies de revenu leurs avantages fiscaux (pas d'impôts sur les profits distribués aux détenteurs des unités), je crois qu'elles vont subir une sévère correction pouvant atteindre de 20 à 30 %.

Pourquoi une correction de 20 à 30 %? Parce que les fiducies de revenu jouissent actuellement d'une telle surévaluation boursière grâce justement à la non-imposition des profits distribués aux porteurs.

Maintenant, si le ministre Goodale ne touche pas aux avantages fiscaux dont jouissent présentement les fiducies de revenu, ces dernières vont sans doute poursuivent leur escalade pendant encore un bout de temps... à moins que d'autres facteurs hautement négatifs ne viennent perturber leur escalade vers le zénith.

Quels sont les autres facteurs négatifs qui pourraient faire éclater la bulle des fiducies de revenu? Une éventuelle abolition, par le gouvernement fédéral, de la double imposition dont sont victimes les dividendes versés aux actionnaires, ce qui permettrait aux entreprises d'augmenter sensiblement leurs dividendes et de concurrencer les rendements offerts par les fiducies de revenu; une forte augmentation des taux d'intérêt; une réduction sensible des profits encaissés par les fiducies de revenu.

Aura de malheur

Q: Depuis quelques semaines, il y a une aura de malheur qui plane au-dessus des fiducies de revenu. Je suis une petite épargnante qui ne possède pas de fonds de retraite de son employeur. Une partie de mes économies, soit environ 50 000 $, est investie dans un fonds de fiducie à revenu mensuel élevé, soit le GGOF (Guardian Group of Funds). Ce montant n'est pas investi dans un REER. Évidemment, mon représentant me dit de ne pas m'inquiéter. Mais je suis inquiète. Vous dites qu'il est possible que le ministre Ralph Goodale décide d'abolir le statut privilégié dont bénéficient les fiducies de revenu, avec comme conséquence possible un krach dans la valeur boursière des fiducies. Pourrait-il y avoir une loi rétroactive? Que me conseillez-vous? Je m'y connais peu en matière de finances. Dois-je en retirer dès maintenant la moitié ou même l'entièreté et transférer ce montant dans une formule plus sécuritaire?

Madame M.R.

R: Comme je le disais dans ma chronique de samedi, cela fait maintenant cinq grosses années de suite que les fiducies de revenu enregistrent des performances boursières extraordinaires, voire un rendement annualisé phénoménal de 16 % sur cinq ans et de 20 % sur trois ans.

Comme les fiducies de revenu baignent actuellement dans l'incertitude à cause du moratoire imposé par le ministre Goodale pour freiner la transformation de grandes entreprises et de leurs filiales en fiducies de revenu, les investisseurs prudents ou inquiets devraient adopter une stratégie défensive en réduisant au moins du tiers ou de la moitié leurs positions. Ainsi, si la correction frappe, ils seront contents d'avoir liquidé une partie de leurs parts de fiducies de revenu. Si, au contraire, l'escalade se poursuit, ils seront contents d'avoir conservé une portion importante de leurs parts.

Des pertes au prorata?

Q: La frénésie courante autour des fiducies vise présentement les avantages fiscaux. Mais il me semble que la fiducie ne donne pas aux détenteurs la protection de la " responsabilité limitée ". Or, s'il y a une perte, ne devra-t-elle pas être partagée au prorata des parts détenues?

André B.

R: La plupart des fiducies de revenu offrent maintenant la " responsabilité limitée ", les provinces ayant apporter les modifications en ce sens. C'est donc dire que votre responsabilité en investissant dans les fiducies de revenu se limite au montant de votre placement. Point à la ligne.

Troublé et inquiet

Q: J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre article dans le numéro du 24 septembre au sujet des fiducies de revenu et j'avoue en avoir été troublé et inquiété. Comme sans doute des milliers, si ce n'est pas des millions de Canadiens, j'ai une part importante de mes investissements dans ce genre de placement. Je me demande si vous ne pourriez pas demander à vos lecteurs de faire des représentations auprès de nos dirigeants à Ottawa pour faire part des inquiétudes des petits investisseurs qui, comme moi, ont économisé de peine et de misère pour leur retraite. Avec Internet, rien de plus simple que d'envoyer un message à tout ce qui bouge ou ne bouge pas à Ottawa. Les adresses courriels se trouvent facilement avec Google. C'est ce que j'ai fait et j'ai envoyé des messages à M. Paul Martin, M. Ralph Goodale, la députée de mon comté, M. Stephen Harper, M. Jack Layton et M. Gilles Duceppe, en plus de demander à mon association de retraités (20 000 membres) d'en faire de même.

Claude Constantineau

R: Voilà, votre message est lancé!