Dieudonné MBALA MBALA,Humoriste et Citoyen du monde
“Le racisme anti-noir n'a jamais été une priorité ou un axe pour SOS Racisme. Ce n'est pas SOS Racisme mais SOS Sionisme”.
Bonjour Dieudonné. A coup sûr, il y a un sujet sur lequel vous faites l’unanimité… Vous ne laissez personne indifférent : soit on aime soit on n’aime pas.
Les gens ne sont effectivement pas indifférents au discours et au personnage. Il y a aussi quelques manipulations qui ont été orchestrées autour de mon discours, de certaines interviews. J’ai été relaxé par la justice à 18 reprises et fait condamner Marc Olivier Fogiel pour injure raciale. Voilà ! L’affaire est close.
Avez-vous été surpris par la propension prise par cette affaire Fogiel ?
Je pense que cette société n’est pas habituée à entendre un point de vue différent. Ce point de vue d’un citoyen français d’origine africaine, sur le monde, sur la société… C’est un point de vue qui dérange. Aimé Césaire me disait, en m’apportant tout son soutien, « Dieudonné, tu es jeune, tu vas à l’essentiel, tu es notre avenir ». Sans le prendre pour une passation de relais, il m’a redonné confiance dans ce combat qui sera long. Je pense que ma diabolisation était une étape inévitable. Un débat s’ouvre dans ce pays, je pense y avoir apporté ma contribution.
Alors Dieudonné, peut-on rire de tout ?
Ben oui, qui va fixer les limites du rire ? L’humoriste dans une société c’est le baromètre de la liberté d’expression. Je pense qu’aujourd’hui, nous vivons dans une société qui se replie, une société qui a peur, frileuse. J’essaye, moi à mon niveau, d’apporter un point de vue, un regard humoristique très différents. Et là encore, je suis très sévère parce qu’A. Césaire me disait « des amuseurs noirs il y en a eu beaucoup, mais tu es certainement le premier humoriste, celui qui avec les blessures, les cicatrices d’une population va transcender cela et présenter un spectacle insoutenable pour ceux qui sont en face ». Je remarque en fait que c’est un sketch qui a causé cette polémique. Un sketch que j’ai écrit à la hâte mais qui a été suffisamment efficace.
Pourquoi avoir écrit ce sketch sur l’extrémiste juif ? Et si cela était à refaire, le referiez-vous ?
Oui bien sûr ! C’était un très bon sketch. C’est vrai que j’aurais pu évidemment le travailler mieux. Pour info, il a été écrit dans l’après-midi et joué le soir même, sans répétition. Ce sketch a été fait en solidarité avec le peuple colonisé de Palestine. En tant que descendant de colonisés, je connais cette situation, je la vis, je connais les cicatrices profondes que laisse la colonisation dans l’inconscient, dans les cultures,… Je m’appelle Dieudonné. C’est le poids de l’évangélisation, de la colonisation française, et je suis persuadé que c’est notre rôle de citoyen du monde que d’avoir cette perspective d’universalité et de la transmettre à mes contemporains. Je m’appelle Dieudonné Mbala Mbala, je suis citoyen du monde. Et lorsque le fascisme s’exerce à un endroit précis, je le dénonce.
Que répondez-vous à tous ceux qui vous traitent d’antisémite ?
Les gens qui me condamnent d’antisémite ne représentent pas la justice. Or la justice de ce pays s’est prononcée 18 fois en ma faveur. Cela aurait été 1 fois, l’on eut pu conclure à une erreur, mais autant de fois… Je ne suis donc pas antisémite par rapport à la justice française mais je le demeure pour une petite catégorie de personnes qui instrumentalisent l’antisémitisme et qui ont besoin de fabriquer l’antisémitisme pour continuer à travailler.
On parle de SOS Racisme. SOS Racisme ne s’est pas porté partie civile quand Marc Olivier Fogiel a été condamné pour injure raciale envers les noirs. Une fois la condamnation prononcée, SOS Racisme a précisé que c’était une maladresse de Fogiel et que le raciste c’était moi. Le racisme anti-noir n’a jamais été une priorité ou un axe pour SOS Racisme. Ce n’est pas SOS Racisme mais SOS Sionisme, c’est ça la réalité. A aucun moment SOS Racisme ne s’est intéressé à la cause des noirs. D’ailleurs, il suffit de voir comment ils sont traités dans les quartiers, dans les banlieues… Ils ne peuvent même plus s’y aventurer. Tout le monde sait qu’ils ont instrumentalisé la lutte contre le racisme à des fins politiques, pour servir les intérêts de M. Julien Dray du Parti Socialiste (PS). M. Julien Dray qui s’est présenté comme le Monsieur anti-raciste de Gauche. Eh ben Non. M. Julien Dray est certainement quelqu’un qui veut lutter contre l’antisémitisme. C’est son droit, il est juif, il a le droit de se battre contre un racisme qui le préoccupe au premier lieu. Mais moi, ce n’est pas mon problème. Julien Dray, lui, il se bat contre une forme de racisme qui a été écartée du racisme mais moi je me bats contre le Racisme. Racisme contre les blancs, les noirs, les homosexuels, les arabes,…
Il y a SOS sionisme et les gens qui se battent contre le Racisme, et je pense en faire partie. Vous l’avez vu, tous les représentants, tous les cadres de SOS Racisme ont tous eu une carrière au sein du PS. Ils sont financés et ont des moyens importants. Lors des manifestations, ils arrivent avec des ballons, des tee-shirts, des mains où il est marqué « Touche pas à mon pote ». « Touche pas à mon pote sioniste ». C’est ça qu’il faut rajouter. Je pense que SOS racisme est une imposture. Ils ont participé à la montée de la « négrophobie » et de l’ « islamophobie » en France. C’est un organisme politique, sioniste, qui gère les intérêts d’une petite communauté.
Alors pour vous, qui gouverne la France : le CRIJF* ou le Gouvernement français ?
Je crois que la dernière institution républicaine, c’est l’appareil judiciaire. L’indépendance de la justice est garante aujourd’hui des dernières valeurs de la République mais autrement le reste n’est plus dirigé au nom du peuple français. Ce sont des intérêts extérieurs : l’axe américano-sioniste est extrêmement présent dans les décisions dans ce pays.
Finalement à vous suivre n’en fait-on pas un peu trop pour la communauté juive et pas assez pour les communautés noire ou arabe ?
Pas de compétition victimaire, pas de hiérarchisation comme le fait aujourd’hui le CRIJF ou quelques négrophobes comme Alain Finkelkraut. Il ne faut pas entrer dans ce jeu là. Je pense qu’ils ont cultivé le culte d’une unicité de la souffrance pour servir les intérêts de la politique israélienne. Ils ont nié le génocide noir, la Traite négrière. La République n’est plus juste avec ses enfants. Pour la commémoration du 60 ème anniversaire de la libération des camps d' Auschwitz, un budget important est donné par la République. Comment se fait-il que la France commémore une souffrance et pas les autres ? Cette hiérarchisation qui est imposée, certainement par un lobby sioniste, et qui n’a rien à avoir avec la population juive de France. Cette hiérarchisation, il faut la combattre. On ne peut pas comparer les souffrances. Mais la République doit en parler avec la même intensité, pour être juste. Aujourd’hui, on ne peut même pas parler de hiérarchisation. Il y a négation de la souffrance noire. Elle n’existe pas. Il y a également négation de la souffrance africaine. Comment se fait-il que nous n’ayons pas la vérité sur la Guerre d’Algérie qui est une période importante pour l’histoire de la France ?
La communauté noire doit-elle parler d’une seule voix ?
La communauté noire est diverse. Pour ce qui est du combat de la dignité, du respect et de la vérité, elle doit parler d’une seule voix. On ne peut pas, comme le font certains, se compromettre dans des postures de collaboration insupportable. Maintenant être noir, il y a de tout, c’est un peu partout pareil, comme chez les juifs, les arabes, les chinois ou les blancs.
Quelle appréciation avez-vous de Calixte Beyala et Gaston Kelman qui vous marquent, médiatiquement, à la moindre de vos interventions ?
L’opportunisme. Je suis content de leur avoir permis l’accès aux plateaux télé et qu’on leur tende les micros. Ils ont compris. Il fallait me cracher à la gueule pour pouvoir vendre leurs livres. C’est ce qu’ils ont fait et j’espère qu’ils en ont vendu pas mal, parce que plus dur sera le retour évidemment. Ils se sont coupés de leur propre base. Il s’agit en plus de cela de compatriotes, puisque je suis camerounais. Gaston, c’est plus facile, il est venu voir mon spectacle et nous avons discuté. Sur l’affaire Fogiel, il a marqué son indignation. Je crois qu’il a compris qu’il avait été instrumentalisé. Quant à Calixte Beyala, elle est en survie totale. Je crois que son manque évident de talent littéraire l’oblige à prendre position pour rester à la cour du pouvoir et profiter de quelques cocktails, champagne, foie gras à volonté,… Je pense qu’elle est devenue un porte-cafés. C’est quelqu’un de faible, dont le combat se résume à sa propre existence et à son propre intérêt financier. Je pense qu’elle a pu vendre quelques livres et participer à quelques émissions grâce au lynchage qu’elle a opéré sur ma personne. Je n’aimerais pas être à sa place.
Où en êtes-vous de votre projet du « Code Noir » ?
La souscription est toujours en place. Il faut aller sur le site « www.lesogres.org » pour nous aider. Nous en sommes à 30% du budget et souhaitons le boucler en 2006. Le tournage est prévu en 2007. Ce film retracera le parcours d’un homme, un nègre de maison castré, comme s’était l’usage à l’époque, qui, vers le XVII ème siècle, va observer la rédaction du manuscrit qui va conduire à l’élaboration dudit « Code ». C’est un film historique, d’action, où à un moment donné les choses basculent et les rôles s’inversent : l’esclave devient le maître et le maître l’esclave.
Pourquoi avez-vous tant de difficultés à faire financer ce film ?
Je pense qu’il y a deux poids, deux mesures dans le traitement des « mémoires ». Le CNC (Centre Nationale de la Cinématographie) a été pris en otage, par un groupe d’hommes et de femmes mal intentionnés qui ont financé pas moins de 200 films sur la mémoire juive et aucun sur la Traite Négrière, ceci avec l’agent public. J’ai donc interpellé les pouvoirs publics sur ce fait, sans rentrer dans la compétition. Comment se fait-il que d’un côté on aide le devoir de mémoire légitime concernant ce drame absolu qu’a été l’holocauste; et de l’autre côté on nie et on fait obstruction, comme ce fut le cas de M. Kessner qui devrait forcément être intéressé personnellement, étant juif lui-même. Je crois qu’actuellement il existe un problème de repli communautaire grave. Les gens privilégient l’intérêt de leur communauté à celui de la République, notamment des gens qui ont à charge de gérer les fonds publics. Je trouve cela grave et de nature à faire élever le sentiment d’antisémitisme dans ce pays. Je pense que dans mon comportement, je permets à chacun de pouvoir parler et d’ouvrir le débat. En principe, nous avons tous les mêmes droits et les mêmes devoirs dans ce pays, nous payons tous des impôts. Il s’avère qu’aujourd’hui nous n’avons que des devoirs et souhaitons avoir accès à nos droits aussi.
Vous entamez une tournée en France, et notamment à Lille le 27 décembre. Que pouvez-vous nous dire de ce spectacle ?
1905, séparation des églises et de l’Etat. Et regardez où en est aujourd’hui quasiment au bord d’une guerre de religion planétaire. Ce qui fait que c’était de nature à faire un spectacle comique. 1h30 de rire et de bonheur, avec comme point d’orgue un conseil de classe où le professeur principal rassemble les parents d’élèves pour parler du cas d’une jeune fille venue en classe avec un voile. Comment gérer la situation d’une jeune fille voilée inscrite dans une école laïque ? Une galerie de personnages atypiques et d’origine divers commente de façon humoristique et parfois dramatique cette situation.
Ne craignez-vous pas qu’il y ait parfois une confusion de genres de la part de vos premiers fans habitués plus à l’humoriste qu’au militant ?
Il faut vivre les choses sincèrement. Programmer ou avoir une stratégie de carrière, dans les temps que nous vivons, me paraît très aléatoire. Je privilégie l’amusement et le rire, sans oublier de rester fier et digne. Je n’ai peut-être pas les millions que j’aurais pu avoir en ayant un autre comportement mais je m’appelle Dieudonné Mbala Mbala, je sais d’où je viens. Je ne sais peut-être pas tout de l’avenir mais je pense savoir à peu près où je vais. L’état d’esprit dans lequel je me trouve est fondamental : être respectueux de la dignité que les ancêtres m’ont prêtée.
Une question sur laquelle on aurait pu commencer. Qui êtes-vous : un humoriste ? Un artiste ? Un simple citoyen ou un esclave affranchi ?
« Yo soy un hombre sincero. Libertad ou muerte ». Je suis un homme libre enchaîné à ma liberté. Je préfère ne pas exister que de « lécher le culs des puissants et des gens d’argent ». Je n’ai aucune espèce de sympathie ni pour le pouvoir, ni pour l’argent. L’argent est important, il en faut. Mais c’est un outil qui, aujourd’hui, a pris trop de place dans la vie. Et j’espère qu’un jour, nous allons remplacer cet outil par autre chose. En tout cas, ceux qui détiennent cet outil sont intimement liés à cette réalité : l’argent et l’armement. On est un peu tous manipulés par tout cela. A chacun d’essayer de retrouver une certaine humanité : moi c’est par le rire, parce qu’ils ne pourront pas nous empêcher de rigoler. Même pauvre ou malade on peut rire. Le rire c’est quelque chose que nous avons en nous et à notre disposition permanente. Rire c’est pour éviter toutes les maladies. C’est un vecteur de communication très puissant. Le rire qui vient notamment des populations noires inquiète et dérange énormément. C’est ce rire que j’apporte à mon public et cela lui plait. C’est grâce à ce rire que j’ai pu tenir face à la campagne de lynchage dont j’ai été victime. Même Jean-Marie Le Pen est présenté comme quelqu’un de respectable à côté de moi. Mais ça m’amuse de voir les gens venir prendre plaisir à se marrer avec le diable. J’espère que le public lillois sera nombreux le 28 décembre 2005 au Sébastopol.