Patrick Viera, la grande mue : Du footballeur au citoyen, en attendant les autres …
24/09/2006

On l’avait rarement vu vraiment à son avantage en dehors des terrains de football où il s’est imposé depuis plusieurs années, en Angleterre, en Italie et en équipe de France notamment. Patrick Vieira, disons-le clairement est même de ceux que les discussions d’Afro de France classaient volontiers parmi les Bounty, ceux qui sont noirs d’apparence et s’imaginent être des Blancs par ailleurs. Ou qui hurlent leur aversion au manioc avec un accent africain -fort charmant du reste- à kärcheriser pour les amateurs…



Les attitudes antérieures du champion du monde et capitaine de l’équipe de France ne plaidaient pas franchement pour une image différente de lui. On se souvient de ses propos désinvoltes avant le France-Sénégal mythique qui avait ruiné les espoirs des vainqueurs sortants à la coupe du monde de 2002. Il avait aussi été mêlé il y a des années de cela à des histoires frisant le black mic-mac dans des transactions financières douteuses, semble t-il à son détriment, avec un de ses amis sportifs.



On l’avait néanmoins revu récemment inaugurant un centre sportif offert au Sénégal, sa patrie d’origine, en compagnie de Bernard Lama et Adjoviboko. Pour le reste, rien que du très lisse, pas un mot notable plus haut que l’autre dans une France traversée par une fracture raciale et identitaire et où les sportifs sont pratiquement les seuls arguments de visibilité permanente de la communauté noire.



C’est pour cela que son geste d’emboîter le pas à Lilian Thuram, énorme sportif et homme de conviction, invitant des Expulsés de l’immeuble de Cachan -tous originaires d’Afrique- à assister au match de l’équipe de France contre l’Italie, gagné haut la main grâce à trois réalisations de nègres, fut fort apprécié. 73% de Français approuvaient d’ailleurs l’initiative des deux solidaires de Cachan de source CSA.

Devant la polémique suscitée par leur geste, UMP, gouvernement, presse et autres amplifiant leur acte, la réaction du capitaine de l’équipe de France était attendue. Allait-il se dégonfler ou au contraire signer son acte ?



Le 17 septembre 2006, lors de l’émission culte de football sur la première chaîne française, Vieira choisissait son camp, en signant son acte. «"Je ne vois pas où est le problème. Tout ce remue-ménage vient des politiciens, moi ça, ça ne m'intéresse pas. J'ai la sensation d'avoir fait quelque chose de bien. Ce sont des compatriotes dans la difficulté.».



Pour ce qui est des raisons de cette mue subite, les anciens cadres noirs et indociles des Bleus, après avoir pris des coups bas en défendant leur engagement contre les injustices raciales et l’absence de reconnaissance historique, se sont reconvertis en grands frères, conseillant la jeune garde, elle auréolée de titres que les anciens n’avaient pas toujours eus. «En discutant avec Bernard Lama et Christian Karembeu, j'ai compris qu'un joueur de football c'était plus que ce que je pensais. Mais ce n'est pas dans la politique que je me lancerai après...», explique le nouveau Vieira, précisant tout de que ce n’est pas dans la politique qu’il se lancerait après sa carrière sportive.



La maturité de Patrick Vieira, aidée probablement par son ancienneté en équipe de France, ses résultats et ses bons rapports avec son entraîneur ont pu être des facteurs déterminant pour ce changement d’attitude d’un joueur de foot décidé à ne pas se laisser enfermer dans un rôle de spectateur de la scène citoyenne.



Et les autres, ceux des équipes masculines et féminines de France, en Handball, basket-ball, volley-ball, athlétisme ? Imaginons que tous les Noirs des différentes équipes de France fassent une conférence de presse accordant leur soutien ou leur défiance à tel ou tel candidat(e), il y a des chances qu’un appel de ce genre porte des fruits. Sans aller aussi loin, si Thuram, Vieira comme hier Lama ou Karembeu annonçaient un changement plus radical de mentalités des sportifs noirs, les plus visibles de la communauté, il est probable que rien ni personne ne pourrait mettre la sourdine sur une telle lame de fond sans précédent.

Afrikara

http://www.afrikara.com/index.php?page=contenu&art=1404