L'Europe en proie à la mondialisation
L'Europe doit changer ou renoncer à son mode de vie. Tel est le credo de la commission, qui appelle les Etats membres à moderniser leurs systèmes sociaux, investir dans la recherche et l'éducation pour donner du travail aux chômeurs et réduire les écarts de richesse entre eux et au sein de leurs propres sociétés. Il y va de la préservation des valeurs européennes qui ne sauraient perdurer si l'Europe ne parvient pas à s'adapter à la nouvelle donne, liée à la mondialisation, au bouleversement technologique et au vieillissement de la population. L'idée de pouvoir décider en toute indépendance de l'avenir des sociétés européennes n'a en effet plus de sens du fait de la globalisation. La multiplication des échanges et la pression migratoire qui en sont les deux plus visibles composantes menacent la stabilité de sociétés qui se sont développés jusqu'ici dans un relatif cocon protecteur.
Et à défaut d'avoir anticipé les changements, les citoyens européens vivent des situations de plus en plus contradictoires, où les repères vacillent. Les mêmes personnes qui s'inquiètent pour la sécurité de leurs emplois achètent des produits de haute qualité et bon marché fabriqués dans des pays émergents, sans savoir si leur production a contribué à dégrader l'environnement ou à faire travailler des enfants. Les mêmes citoyens continuent à croire en la primauté des droits de l'homme et voient les candidats à l'immigration en Europe mourir à ses frontières en mer, dans le désert ou dans des conteneurs. Les mêmes consommateurs de voyage discount au bout du monde revendiquent une sécurité absolue du transport aérien sans réaliser qu'elle a un prix.
Un véritable changement en la matière dépend bien sûr de l'émergence d'un système de gouvernance partagé au niveau mondial. Mais en attendant que cette belle utopie voie le jour, l'Europe se doit de reprendre l'initiative, pour ne plus subir totalement une évolution dont le rythme est dicté par les autres. Or jusqu'ici les tentatives d'utiliser la force qu'apporte l'union de vingt-cinq pays ont été bien limitées. La commission propose la création d'un fonds d'ajustement à la mondialisation pour venir en aide aux personnes touchées par les délocalisations. Mais le remède, loin d'être inutile, ne s'attaque pas aux racines du problème. Quant aux Etats, ils conservent la maîtrise de leurs principales politiques économique et sociale. Et ils se débattent dans des tentatives de réformes toutes plus limitées et conflictuelles les unes que les autres. Sans qu'on ait l'impression que parvienne à s'imposer un mouvement cohérent, réfléchi et volontaire, qu'il s'agisse de faire évoluer la formation, le travail, la retraite, le chômage, la santé, la préservation des ressources limitées ou le partage des richesses.
Valérie Lainé