19 juillet 64 Les chrétiens accusés de l'incendie de Rome
Le 19 juillet de l'an 64 après Jésus-Christ, sous le règne de l'empereur Néron, la Ville éternelle est ravagée par un incendie. L'empereur, après avoir supervisé les secours, se hâte d'engager les travaux de reconstruction avec l'objectif d'embellir la ville... et de se doter d'un palais encore plus grandiose que le précédent.
La rumeur le soupçonne d'avoir lui-même provoqué l'incendie dans cette intention. Pour s'en défendre, il laisse accuser les chrétiens d'en être à l'origine. C'est ainsi que débute la première persécution de l'ère chrétienne. Parmi ses victimes, des Juifs dénommés Pierre et Paul...
Jean-François Zilberman
Une ville sous haute tension
Le drame survient dans la dixième année du règne de l'empereur Néron, qui a alors 27 ans, dans un empire romain au maximum de sa puissance.
La Rome impériale compte près de 800.000 habitants concentrés sur 13 kilomètres carrés. L'espace urbain est occupé en grande partie par les temples, monuments publics et palais, ceux-ci étant concentrés sur la colline du Palatin et à son pied, autour des Forums et de la Via Sacra (la voie sacrée).
Le peuple s'entasse dans des immeubles de grande hauteur (cinq ou six étages), les insulae. L'aspect extérieur de ces immeubles est souriant mais l'intérieur particulièrement sombre et surpeuplé. Les étages supérieurs, sans eau et sans sanitaires, accueillent les habitants les plus pauvres. Comme ceux-ci utilisent des braseros pour cuire leurs aliments et se chauffer, les incendies sont fréquents mais restent confinés le plus souvent à un quartier...
Incendie et reconstruction
Ce n'est hélas pas le cas de celui-ci. Il a pris naissance dans une petite boutique située près du Circus Maximus, au pied du mont Palatin, où se trouve le palais impérial, et va durer six jours et détruire la plus grande partie de la ville, y compris beaucoup de monuments dont le palais impérial lui-même. Il va faire au passage plusieurs milliers de victimes (10.000 ?).
Quand l'empereur Néron, qui se reposait à la campagne, est avisé de l'incendie, il rejoint prestement sa capitale et participe activement à l'organisation des secours. Sitôt le sinistre maîtrisé, il se consacre à la reconstruction de la ville en mettant de l'ordre avec ses architectes dans le réseau de rues insalubres.
Néron reconstruit son palais dans des dimensions plus grandioses qu'auparavant. Ce nouveau palais, la Maison dorée, va s'étendre sur 80 hectares, débordant la colline du Palatin pour rejoindre celle du Caelius. Entre les deux collines, les jardins et un lac sont agrémentés d'une statue colossale de l'empereur lui-même : 44 mètres de hauteur !
Mémorable colosse
Quelques années après la mort de Néron, l'empereur Vespasien lance la construction d'un immense amphithéâtre de 50.000 places à l'emplacement du lac et des jardins de l'ancien empereur. Son nom officiel, amphithéâtre Flavien (d'après le nom de famille de Vespasien) est bientôt remplacé, dans l'usage populaire, par celui de Colosseo (en latin, le colosse), sans doute en raison du voisinage de la statue de Néron. Ce nom lui est resté après la disparition de la statue. Il est devenu en français Colisée.
Moins de 60 ans après l'incendie, il ne reste à peu près rien de la Maison dorée, remplacée par d'autres monuments, jardins ou palais.
Persécution des chrétiens
Tandis que l'incendie de Rome est à peine éteint, la rumeur publique suspecte Néron de l'avoir lui-même provoqué pour remodeler la ville à sa guise. On raconte même qu'il aurait contemplé l'incendie du haut de son palais en déclamant des vers à la mesure de l'événement.
Pour couper court aux médisances et pour calmer la plèbe, l'empereur Néron laisse accuser les chrétiens d'être à l'origine du désastre. Ces premiers chrétiens sont issus pour la plupart des communautés juives établies dans toutes les grandes villes de l'empire romain. Mais, à la différence des juifs, ils ne craignent pas de convertir les païens à leur foi.
Bien que très minoritaires dans la population de Rome, ils suscitent la méfiance par leur refus de vénérer l'empereur, leur foi étrange en un Dieu unique et leur habitude de se comporter entre eux comme frères et soeurs. La rumeur prétend aussi qu'ils sacrifient des enfants ou adorent un âne (!).
Sur ordre de l'empereur Néron, environ 200 chrétiens sont livrés aux bêtes dans les arènes et mis à mort. Certains sont transformés en torches vivantes !
L'apôtre Pierre, qui côtoya le Christ, est au nombre de ces premiers martyrs, de même que Paul.
La tradition veut que Pierre ait été crucifié la tête en bas, par respect pour le Christ. Il aurait été ensuite enseveli sur la colline du Vatican, à l'endroit même où sera érigée plus tard la basilique qui porte son nom.
De cette première persécution de masse aux dernières, sous Dioclétien, on évalue de 4.000 à quelques dizaines de milliers le nombre de chrétiens qui, dans l'empire romain, ont «témoigné» au sacrifice de leur vie.
Le secret de la tombe
Pour mettre un terme aux rumeurs relatives à la tombe de l'apôtre Pierre, le pape Pie XII autorisa une équipe d'archéologues professionnels à fouiller le sous-sol de la basilique Saint-Pierre de Rome en 1939. Après dix ans de travaux (et 40.000 m3 d'excavations), les archéologues confirment la présence à cet endroit de l'ancien cirque de Néron ainsi que de la première basilique, construite par Constantin 1er. La localisation de la basilique en cet endroit pentu, mal adapté à une grande construction, tend à confirmer que dès cette époque, l'endroit avait une importance particulière.
Les archéologues découvrent par ailleurs plusieurs tombes et un petit monument à deux colonnettes qui semble désigner une tombe différente des autres... Quelques années plus tard, l'historienne Margharita Guarducci reprend les travaux et met la main par le plus grand des hasards sur une caissette emplie d'ossements. Les analyses confirment qu'il s'agit d'un sexagénaire. Le pape Paul VI n'hésite pas à déclarer en 1968 qu'il s'agit bien de ceux de l'apôtre Pierre. Si les certitudes du pape ne sont guère partagées par la communauté des scientifiques ni même par le clergé, il n'en reste pas moins que chacun s'accorde sur la grande probabilité que l'apôtre ait été mis à mort sur la colline du Vatican ( *).
http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=640719