Cris de femmes en RDC Claude Lévesque
Édition du mardi 03 février 2009
Mots clés : viols, civils, Femme, Congo-Kinshasa (Zaire) (pays), Congo-Brazzaville (pays)
Après les soldats et les policiers, de plus en plus de civils se rendent coupables de viols Photo: Jacques Grenier
En plus de faire des millions de morts, les guerres qui ont ravagé la
République démocratique du Congo (RDC) depuis un peu plus d'une
décennie ont donné lieu à d'innombrables actes de violence sexuelle
contre les femmes, des crimes qui continuent même quand les armes se
taisent.
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«Les auteurs sont des policiers, des soldats de l'armée
régulière et des miliciens, mais aussi des civils», explique Bernadette
Ntumba, porte-parole de la Commission pour la lutte contre les
violences sexuelles dans le territoire d'Uvira (province du Sud-Kivu),
venue participer au lancement de la campagne «SOS RDC» d'Amnistie
internationale.
Depuis l'automne dernier, c'est surtout la province voisine du
Nord-Kivu, où la guerre ouverte a repris, qui retient l'attention. Mais
les autres régions du Congo ne sont pas épargnées par la violence
exercée contre les femmes, et ce, pour plusieurs raisons. Il y a
d'abord le fait que les anciens combattants, une fois démobilisés,
«gardent la même mentalité, selon Mme Ntumba, que Le Devoir a
rencontrée la semaine dernière. Quelle mentalité? Celle du combattant
d'«une guerre qui finit dans le ventre des femmes».
Ajoutez à cela l'impunité qui persiste malgré les lois congolaises
censées punir les auteurs de ce genre de crime, et vous avez une
situation où le mauvais exemple se propage. «De plus en plus, les
auteurs de viols sont des civils», signale Mme Ntumba.
Certes, la guerre a exacerbé le problème. Ce n'est pas pour rien
que le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté, l'an dernier, une
résolution pour bien préciser que la violence sexuelle en situation de
conflit constitue un crime de guerre.
Toutefois, Bernadette Ntumba met également en cause le contexte
culturel. «Selon la coutume, la femme est considérée comme un objet.
C'est pourquoi il est possible d'entrer dans une maison et de violer
des femmes et des filles, même devant le mari. Autrefois, la coutume
voulait qu'un homme enlève une femme, mais le lendemain, sa famille
s'excusait et discutait d'une dot à payer. Maintenant, on prend
simplement la femme puis on la laisse, avec les séquelles.»
On devine le genre de séquelles: des maladies comme le VIH-sida,
dont le taux est très élevé dans l'est de la RDC, le rejet par la
famille et la communauté, les enfants issus des viols, qui finissent
souvent dans la rue.
Bernadette Ntumba porte aussi le titre de coordonnatrice de
l'Association des mamans chrétiennes pour l'assistance aux vulnérables.
Cet organisme a été créé en 1999, non pas en réaction à la violence
sexuelle, mais plutôt à celle qui était alors faite aux vieillards,
hommes ou femmes, que l'on accusait couramment de sorcellerie. Les
«mamans chrétiennes» sont venues en aide à des centaines de ces
personnes âgées, en leur procurant vêtements et nourriture, tout en
plaidant pour leur réinsertion sociale.
C'était à l'époque où, dans les deux Kivu, la guerre civile faisait
rage entre l'AFDL de Laurent Kabila -- le père du président actuel --
et le régime en déroute de Mobutu Sese Seko. Des soldats congolais, de
même que des militaires rwandais et ougandais (alliés à cette époque à
Laurent Kabila), vivaient dans des camps en pleine forêt. À l'occasion,
ils razziaient les villages pour y violer les femmes, «non pas tant
pour le plaisir que pour les détruire».
Des femmes comme Bernadette Ntumba ont pris contact avec des
coopérants suisses oeuvrant au Burundi, de l'autre côté de la
frontière. Plusieurs victimes de viols ont pu ainsi recevoir des soins
et des conseils psychologiques.
«En 2002, nous avons lancé un cri d'alarme, avec le slogan "SOS
femmes en danger", se souvient Mme Ntumba. La venue de nombreux
journalistes européens a aidé à faire connaître la situation des femmes
de la RDC.»
Sept ans plus tard, la militante doit encore marteler le même
message, mais elle n'a pas perdu l'espoir. «Ça va changer si tout le
monde s'implique: la société civile, le gouvernement congolais et la
communauté internationale, dit-elle. Actuellement, le gouvernement s'en
désintéresse: le système judiciaire ne fonctionne pas, il faut le
rebâtir.»
Sur le thème de «SOS RDC», la section locale d'Amnistie
internationale lançait la semaine dernière une campagne à volets
multiples. L'organisation demande notamment au secrétaire général de
l'ONU de faire le nécessaire pour renforcer l'embargo sur les armes à
destination du Congo et au gouvernement canadien d'aider les ONG
congolaises qui travaillent sur le terrain auprès des victimes de
violences sexuelles.
Source: http://www.ledevoir.com/2009/02/03/231156.html?fe=6036&fp=381431&fr=130863