Artisanats de récupération en Afrique : une économie créative et écologique
31/08/2005

Loin des tambours du Nepad et sans compte tenir des savants avis des spécialistes en stratégies de développement, des milliers de jeunes africains créent au quotidien. Idées, objets, formes nouvelles ou anciennes surgissent au jour dans l’étouffant contexte des villes africaines. Particularité de ces artisanats et arts contemporains, ils créent par recyclage des rejets et ordures urbains. Prometteuse économie créative, concours à l’assainissement urbain.



Il faut une bonne fois pour toute abandonner les œillères qui ne savent voir le progrès que quand il se rapprocherait de la modernité existante, des chemins déjà courus et couchés dans les manuels de référence. L’artisanat de récupération est un de ces « secteurs » productifs qui soutiennent une intense activité urbaine, assis entre traitement de l’environnement, productivité économique, et micro-entreprise familiale.



Les infrastructures urbaines africaines débordées par leurs défauts de conception, dépassées par l’accroissement des populations laissent sur la route, au propre comme au figuré des déchets ménagers et industriels en quantité croissante, au pied du foisonnement social des habitations humaines…

Cette situation de crise de l’urbanisation est réutilisée par une nouvelle économie urbaine. Décorative ou utilitaire, elle recycle canettes, boîtes de conserves, sacs plastiques, papiers, journaux, verres et bouteilles presque inutilisables, textiles usagés, ferrailles diverses récupérés dans les décharges et les nombreuses poches de pauvreté des villes du continent.



Sortis de leurs ateliers à ciel ouvert, des petits espaces familiaux ou du bord de la route, tous ces objets de récupération, ces « matières premières secondaires » sont transformés en valises, tables et tabourets, sacs et accessoires personnels comme des chapeaux exécutés avec raffinement, ou de la bijouterie fantaisie du plus original effet, etc.



A côté des objets personnels que l’on aurait tord de limiter à des simples objets d’agréments se trouvent des lampes, des calebasses, des outils personnels, des instruments de production agricole [houes, ustensiles de sarclage, récipients divers...]. Les produits de récupération fournissent des pièces détachés aux autres artisans spécialisés dans la réparation de produits et appareils personnels [pièces de voitures, de matériel Hi-Fi, …]

On retrouve aussi des matériaux de récupération dans les produits complexes de l’artisanat, les instruments de musique par exemple combinent souvent objets recyclés et produits d’artisanat de production.



L’artisanat et les arts de la récupération prennent une place centrale dans ces économies urbaines par le bas, celles où un effort productif de taille, une véritable valeur ajoutée locale se déploie. Ils se servent de l’industrie, de ses résidus, et alimente la consommation courante et les autres artisans en intrants et pièces de rechanges.



Economie éminemment écologique, elle est liée par une face à la préservation des identités qui concourent à la cohésion nationale en reproduisant des motifs anciens, traditionnels. Elle s’étend sans trop d’inhibition vers des formes, design et usages exigés par le cadre urbain et les modes contemporains de consommation, de vie : attachés cases, ameublement d’intérieur, …



Le rôle de filet social des arts et artisanats du recyclage saute aux yeux à l’entrée de ces multiples espaces de production. Les travailleurs, apprentis, maîtres se situent entre l’adolescence et la maturité bien grisonnante. Des jeunes, plus ou moins déscolarisés y trouvent opportunité d’apprentissage, sur un modèle initiatique rénové par l’urbanité, et se socialisent dans le travail et l’entraide. Naturellement tout n’est pas rose mais cette dimension sociale, de proximité interpersonnelle peut faire davantage que pallier aux trous purulents laissés par l’accouplement démoniaque des ajustements structurels et des démocratures africaines.



Ce n’est certes pas le Développement vu par les « grands d’en haut », qu’importe ! Et c’est tant mieux si on n’y fait pas fortune en dormant et en vendant à vils prix les ressources naturelles périssables de peuples asservis.

Il est réconfortant de voir des peuples au travail quotidien, inventant des solutions, proposant des idées matérialisées, alliant culture, économie, écologie, prises en charge sociale dans une foultitude d’initiatives séduisantes qui restent heureusement à parfaire.

Z.B.