Lettre à Rama Yade Madame la Ministre,
L’association des amis du général Dumas a
été créée le 26 février 2006, jour du bicentenaire de la mort
du général Dumas. Elle a pour but d’honorer la mémoire de
Thomas-Alexandre Davy de La Pailleterie dit Dumas, né à Jérémie
(Haïti) et, partant, à travers les Dumas, de construire des
passerelles, notamment culturelles, entre la France et la
République d’Haïti.
Nous nous sommes fixé comme objectif d’accomplir
rapidement le souhait exprimé le 5 août 1838 par l’écrivain
Alexandre Dumas (le fils du général) qui confiait à des Haïtiens
(qu’il appelait « mes chers compatriotes ») son voeu qu’une
statue du général Dumas fût installée à Paris et une réplique
érigée sur une des places de Port-au-Prince, cette opération
devant être menée avec la participation du gouvernement français.
C’était, pensait-il, une manière de « rappeler à la vieille
Europe, si fière de son antiquité et de sa civilisation que
les Haïtiens n’ont cessé d’être français qu’après avoir fourni
leur contingent de gloire à la France.»
Les cendres de l’écrivain Alexandre Dumas
ont été transportées au Panthéon sans que cette légitime demande
ait abouti. Si une statue a bien été installée à Paris en
1906 sur l’actuelle place du général-Catroux pour le centenaire
de la mort du général Dumas, à l’initiative de la ville de
Paris (sans copie pour Port-au-prince) l’oeuvre a été détruite
trente six ans plus tard par l’occupant nazi pour des raisons
évidemment racistes (les autres statues de la place ont été
épargnées). Le moule de la statue initiale ayant été détruit,
il convenait donc de refaire une statue, ce dont la ville
ne s’est préoccupée que le jour où j’ai demandé au conseil
de Paris, par l’intermédiaire de M. Seguin, actuel premier
Président de la Cour des Comptes, d’en voter le principe,
ce qui a été fait le 25 juin 2002. J’ai agi en ma qualité
d’unique biographe français du général Dumas (Alexandre Dumas,
le dragon de la Reine, publié à Paris en 2002).
J’ai ensuite sensibilisé le grand sculpteur
sénégalais Ousmane Sow à ce projet sur lequel il a commencé
à travailler dès 2004 en s’inspirant de mon livre.
La mairie de Paris a été relancée à plusieurs
reprises, mais n’a rien fait jusqu’à ce jour et, fort curieusement,
la décision du conseil prise il y a cinq ans n’est toujours
pas exécutée. Le prétexte officieux : le projet d’Ousmane
Sow serait jugé «médiocre» par le M. Bertrand Delanoë. Il
est évident que nous ne partageons pas cet avis et nous ne
sommes pas les seuls. C’est pour cette raison que nous avons
récemment ouvert en ligne une pétition qui recueille un vif
succès http://www.ipetitions.com/petition/generaldumas/index.html
et qui sera très prochainement remise à M. le maire de Paris
dans l’espoir qu’il prenne toutes dispositions pour que le
monument promis par la ville soit promptement réalisé pour
être inauguré, avec toute la solennité voulue, le mardi 26
février prochain, date anniversaire de la mort du général
Dumas. Nous aurions besoin du concours de l’État, comme l’avait
suggéré l’écrivain Alexandre Dumas, pour faire réaliser et
transporter une copie de cette statue à Port-au-Prince. Au
cas où notre demande n’aboutirait pas - ce qui serait bien
surprenant - l’aide de l’État serait sollicitée aux fins de
faire réaliser à la fois l’original – pour la ville de Paris
ou, en cas de refus, pour le Sénat – et la copie – pour la
République d’Haïti ou la ville de Port-au-Prince. Nous souhaiterions
offrir en même temps un grand nombre d’exemplaires des livres
d’Alexandre Dumas aux enfants des banlieues pauvres de cette
ancienne colonie qui, faut-il le rappeler, faisait vivre en
1789 un Français sur huit en métropole et où un million d’Africains
ont été déportés et asservis dans des conditions effroyables.
J’ai obtenu un accord de principe de Monsieur
René Préval, président de la République d’Haïti, lors de sa
visite officielle à Paris en juin 2006. Pour marquer son attachement
à ce projet, M. Préval est même allé déposer une gerbe au
Panthéon sur la tombe de l’écrivain Alexandre Dumas, ce qui
n’était pas prévu dans son programme initial.
Malgré mes nombreuses démarches, la France
n’a pas célébré, comme elle aurait pourtant dû le faire, le
bicentenaire du général Dumas en 2006 et le Président de la
République n’a pas accordé au général Dumas la décoration
à laquelle il avait droit et qui lui avait déjà été refusée
en 1802 : la Légion d’honneur.
J’ai récemment renouvelé cette demande de
décoration auprès de notre nouveau Président et j’espère qu’elle
aboutira.
Le général Dumas, né esclave à Saint-Domingue,
fut le premier général issu de ce qu’on appellerait aujourd’hui
la « diversité» et il s’illustra à ce rang comme nul autre.
Son fils, né de l’union avec une jeune fille de Villers-Cotterêts,
est l’écrivain français de tous les temps le plus lu dans
le monde et le plus adapté au cinéma. Quel meilleur modèle
avons nous à proposer à la jeunesse d’aujourd’hui et en particulier
à la jeunesse discriminée qui revendique légitimement sa place
non seulement dans notre société, mais également dans notre
histoire par le truchement des hommes et des femmes qui lui
ont ouvert la voie en affrontant les mêmes préjugés ?
Comme vous le savez, le général Dumas n’est
pas seulement le héros exemplaire de la Révolution qui créa
les chasseurs alpins, le vainqueur du Petit-Saint-Bernard,
du Mont-Cenis et de Brixen, c’est aussi une figure majeure
du combat pour les droits de l’Homme, dont vous êtes, madame
la Ministre, chargée au sein du Gouvernement.
Le général Dumas mérita le surnom enviable
de «Monsieur de l’Humanité» : à cause de son opposition à
la peine de mort, ce qui était une position plus que courageuse
pour un général jacobin en 1793 ; à cause de son attachement
à ne pas maltraiter les prisonniers de guerre qui préfigurait
l’esprit des conventions internationales ultérieures ; à cause
de sa volonté de protéger les populations civiles qui le conduisit
à démissionner avec éclat en 1794 de son commandement de l’armée
de l’Ouest pour protester contre les massacres de Vendée;
à cause, bien sûr de sa lutte constante contre l’esclavage
et le racisme. Quel meilleur symbole avons-nous à proposer
au monde à la veille du soixantième de la déclaration universelle
des droits de l’Homme ?
Vous avez récemment, Madame la Ministre,
effectué un voyage en Haïti en exprimant le souhait que le
Chef de l’État accomplisse à son tour ce périple, ce qui serait
une première. Ne serait-ce pas une occasion unique, au-delà
des polémiques entre deux nations au passé commun douloureux,
de rappeler les liens positifs, mais pour le moment occultés,
que le général Dumas a tissés entre la France et ce pays qui
n’a jamais renoncé, malgré bien des blessures, à parler notre
langue, celle d’Alexandre Dumas ?
Pour toutes ces raisons, j’ai l’honneur,
en mon nom propre, au nom de l’association des Amis du général
Dumas et de tous ceux qui soutiennent son action en signant
la pétition pour la réalisation de l’œuvre d’Ousmane Sow,
de vous demander de nous faire savoir si vous êtes prête à
soutenir notre entreprise de réhabilitation du général Dumas,
notamment en associant sa mémoire à la commémoration du 60e
anniversaire de la déclaration universelle des Droits de l’Homme,
en intervenant auprès du Président de la République, pour
qu’il accorde au général Dumas la Légion d’honneur à titre
posthume, pour qu’il honore de son haut patronage la mise
en place des statues de Paris et de Port-au-Prince et pour
qu’il nous aide à obtenir les moyens souhaités par l’écrivain
Alexandre Dumas d’accomplir la réhabilitation du général ;
en intervenant auprès de Monsieur Bertrand Delanoë, maire
de Paris, pour qu’il accède sans délai à notre requête de
faire réaliser le projet présenté par Ousmane Sow. S’agissant
d’une manifestation prévue fin février, il y a bien évidemment
extrême urgence.
http://www.claude-ribbe.com/blog.htm