Marchandisation
des soins : avec les APE, l’Europe étrangle ses anciennes colonies
d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, par Wim De Ceukelaire.
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31 octobre 2007 STOP APE
Intal, lundi 15 octobre 2007.
Le commerce européen et la santé publique dans le Sud. Le CNCD-11.11.11 part en campagne contre les APE Les « Accords de
Partenariat Economique » (APE) sont des accords liant l’Union
Européenne et un groupe de pays que l’on appelle les pays ACP. Il
s’agit de 77 anciennes colonies d’Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique, d’où l’abréviation ACP. Les pourparlers ont débuté en 2002.
Normalement, les nouveaux accords doivent entrer en vigueur en janvier
2008. En tant que telle, la santé n’est pas un thème qui est
explicitement abordé lors des tractations. Pourtant on s’attend à ce
que les APE aient un grand impact sur la santé des populations des pays
pauvres. Une raison de plus de suivre ces négociations de très près.
Avant toute chose,
soulignons que les partenaires impliqués dans les négociations ne sont
pas sur un pied d’égalité. L’Europe, qui parle d’une seule voix, se
trouve face à un groupe de pays divers, aux intérêts divergents et sans
structure centrale ayant la capacité de négocier. De plus, les
conséquences de ces accords auront une ampleur beaucoup plus
conséquente dans ces pays qu’en Europe. En effet, si les pays ACP sont
des partenaires commerciaux relativement insignifiants pour l’Europe,
le vieux continent est quant à lui, le principal partenaire commercial
des ACP. Ces derniers ont donc énormément à perdre et l’impact des
accords sur leur économie et la vie quotidienne de leur population sera
dès lors beaucoup plus important.
Marchandisation des soins A l’occasion de la
sortie de « Sicko », le nouveau film de Michael Moore, le débat sur la
marchandisation de la santé publique européenne reprend de plus belle.
On craint en effet que l’Europe ne pousse, par le biais des APE, à une
commercialisation des soins de santé dans les pays en voie de
développement.
Les APE sont des
accords de libre-échange qui visent à diminuer les taxes à
l’importation. Pour les pays pauvres, ces taxes sont une source
importante de revenus. A cet égard, différentes études prévoient que
l’application des APE provoquera une diminution de 3 à 20% des recettes
publiques de ces pays. Cela signifie concrètement qu’à l’avenir, ces
pays auront encore moins d’argent à injecter dans les services publics
et donc également dans les soins de santé.
Dans la plupart des
pays en développement, les fonds voués à la santé publique sont déjà
largement insuffisants. En 2001par exemple, les chefs de gouvernement
africains s’étaient engagés à consacrer au moins 15% du budget de
l’état aux soins de santé. Six ans plus tard, pratiquement rien n’a été
fait à ce niveau-là. Aujourd’hui, la plupart de ces gouvernements
peinent à respecter les recommandations de l’Organisation Mondiale de
la Santé (OMS) qui préconise de consacrer 60 dollars par habitant à la
santé. Avec la signature des APE, la diminution des revenus des taxes à
l’importation ne va bien sur pas améliorer la situation.
Les APE ne visent
pas seulement le commerce de marchandises mais aussi les services. Or,
la fourniture de soins de santé tombe dans la catégorie du commerce de
services. Par ailleurs, il existe un ensemble de services qui - tout en
ne dépendant pas directement du secteur de la santé - sont
indispensables au bien-être des populations. Pensons par exemple à la
distribution d’eau potable, au ramassage des poubelles ... La
libéralisation du commerce de ces services signifie que les
multinationales européennes et autres ont le feu vert pour par exemple
exploiter la distribution d’eau dans les pays en développement comme
une entreprise lucrative. Et la population des ces pays sait par
expérience que les fournitures de services deviennent ainsi rapidement
inaccessibles pour les plus pauvres.
Les médicaments Depuis 1995,
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a explicitement lié les
droits de propriété intellectuelle - dont les brevets font partie - au
commerce. Depuis lors, aucun accord de libre-échange ne peut être
négocié sans que ces droits ne reviennent à l’ordre du jour. Avec les
APE, la situation est identique.
L’accord de l’OMC
portant sur les droits de propriété intellectuelle (ADPIC), est
controversiel parce qu’il favorise les multinationales pharmaceutiques
et limite l’accès aux médicaments pour les plus pauvres. En effet, les
médicaments sont protégés par des brevets qui ont une durée de 20 ans.
Cet état de fait permet aux multinationales pharmaceutiques de
s’assurer un monopole sur leurs produits et donc de maintenir des prix
artificiellement élevés.
Néanmoins, l’accord
sur les ADPIC comprend également quelques dispositions qui offrent aux
pays en développement quelques moyens de défense contre les géants
pharmaceutiques. Les licences obligatoire leur permettent ainsi de
contraindre une multinationale à partager un brevet avec une société
locale. Des médicaments génériques peuvent alors être produits, à
moindre coût.
Aujourd’hui,
beaucoup redoutent que la Commission européenne n’essaie d’imposer des
APE qui soient plus contraignants que les accords de l’OMC. Le but est
probablement de miner les dispositions spéciales prévues dans l’accord
sur les ADPIC, telles que les licences obligatoires.
Cette peur ne
relève pas du fantasme lorsqu’on lit les propos tenus, il y a quelques
mois, par le commissaire européen en charge du Commerce, M. Mandelson.
Critiquant l’attitude de la Thaïlande qui avait fait usage des licences
obligatoires, il a précisé que « l’utilisation de ces dispositions ne
pouvait devenir une habitude car cela minerait le système des
brevets ». Pourtant, la Thaïlande n’a fait qu’activer une procédure
prévue par les accords de l’OMC.
Mandelson prétend
que l’Europe n’exige pas des pays en développement qu’ils fassent plus
de concessions dans les négociations APE, que celles déjà consenties
avec l’accord sur les ADPIC. Mais dès qu’un pays, comme la Thaïlande,
prend des mesures concrètes, l’attitude de l’Europe laisse à penser
qu’elle serait favorable à un durcissement de la réglementation
concernant les brevets.
Souveraineté alimentaire La campagne
11.11.11 se focalise essentiellement sur la façon dont les APE menacent
la sécurité alimentaire. Le secteur de l’agriculture en Europe est
extrêmement important pour le vieux continent et est largement
subventionné. C’est ainsi que les groupes alimentaires européens
peuvent exporter à moindre coût. Mais dans le Sud, les petits paysans
n’arrivent pas à concurrencer ces biens moins chers qui envahissent les
marchés. Si les APE contraignent les pays ACP à ouvrir totalement leurs
frontières, ces derniers et leur population auront encore plus de mal à
maintenir leur propre agriculture.
Il va de soi que
ceci est important pour la santé des peuples du Sud. Pour la plupart
d’entre eux, l’agriculture constitue la source essentielle de revenus,
et c’est précisément ce secteur qui est en danger. De plus, une
alimentation saine est la pierre angulaire de la santé publique. Des
habitudes alimentaires adaptées aux produits locaux sont à présent
remplacées par un régime basé sur des produits importés, parfois de
qualité inquiétante, et qui sont dépendants des caprices du marché.
Face à cette situation, le CNCD et 11.11.11,
la coupole flamande du mouvement Nord-Sud, plaident pour la
souveraineté alimentaire. Cela signifie que les pays du sud doivent
avoir le droit de définir leur politique agricole en fonction des
besoins de leur population et de caractéristiques environnementales,
économiques, sociales et culturelles propres. Du point de vue de la
santé publique, nous ne pouvons qu’approuver ces idées.
Entre-temps,
l’Europe met les pays ACP sous pression afin qu’ils signent les accords
avant la fin de l’année. Le Commissaire européen en charge du Commerce,
M. Mandelson, a déjà fait savoir que l’Europe compliquerait les
importations de ces pays, à partir de janvier 2008, si ces derniers ne
cèdent pas aux exigences de la Commission. Pour le moment, les pays ACP
tiennent bon et il semble que les accords ne seront pas signés dans les
temps impartis. Face à cette situation, Intal se joint au mouvement
Nord-Sud pour maintenir la pression en Belgique et pour que l’Europe
abandonne ses exigences exorbitantes. Il est grand temps que l’on
réfléchisse enfin un peu sur la façon dont nous voulons offrir aux
enfants des anciennes colonies européennes le droit à un avenir sain.
Wim De Ceukelaire Source :
Intal www.intal.be
Les APE et l’introduction des OGM dans notre politique agricole représentent un suicide économique pour le Mali, comme pour d’autres pays pauvres, par Mariétou Konate.
Pour la souveraineté alimentaire, refusons les Accords de Partenariat Economique UE-ACP !