Oumarou Kanazoe, un autodidacte devenu un des hommes les plus riches du Burkina
81 ans, quatre épouses, une trentaine d’enfants. Oumarou Kanazoé est
une sucess story du Burkina Faso. Ce milliardaire, sans grande
instruction scolaire, très tôt orphelin de père, est parti de rien. Il
a pourtant réussi à bâtir un véritable empire, l’entreprise Oumarou
Kanazoé (OK) qui injecte annuellement quelque 30 millions d’euros dans
le pays. Ce milliardaire est aussi un philanthrope et un grand
religieux. Par Les Afriques
L'entreprise OK, c'est d'abord et avant tout le flair d'un homme : El
Hadj Oumarou Kanazoé. Une succes story burkinabé. Fils unique de sa
mère, Kanazoé, qui naquît le 31 décembre 1927, originaire de Yako à 100
km au nord de Ouagadougou.
Comme souvent à l’époque, en milieu rural, c’est l’école coranique
(apprentissage du coran en arabe) qui l’accueille et non l’école
française, à 7 ans. Fils unique, son père décédé alors qu’il a douze
ans, il lui faut très tôt subvenir aux besoins de sa mère.
"Mon
père est décédé quand j’avais douze ans. Il ne m’a rien laissé comme
héritage matériel et financier, mais des bénédictions pour ma bonne
conduite. Elles sont pour moi une richesse énorme et intarissable". Petit commerce
Oumarou Kanazoe
Il se lance dont dans le commerce. Plutôt le petit commerce car il n’a
guère d’argent. C’est des cotonnades des tisserands de son pays qu’il
va vendre, à pied, au Mali et au Ghana voisin. Il en ramène de la kola,
des sandales et du sel qu'il écoule sur les marchés locaux.
Habile commerçant, il ne tarde pas à réaliser quelques petites
économies qui lui permettent, en 1950, d’ouvrir une boutique et un
restaurant à Yako. Ses affaires commencent à prospérer et en 1955,
Kanazoé achète un premier camion pour transporter diverses
marchandises. Ainsi prend-il pied dans le transport.
Au début des années 70, il diversifie encore ses activités. On le
retrouve dans la construction et le commerce général. Le moment est
venu de structurer ses différentes activités. Il crée, en 1973,
l’entreprise Oumarou Kanazoé, une entreprise individuelle.
Son premier gros contrat est la réalisation (en sous-traitance) d'un
tronçon de route de 50 kilomètres. Il commence à se faire un nom et
peut passer, l’année suivante, commande de plus de cent camions. Il
devient de plus en plus incontournable dans le secteur stratégique du
bâtiment et des travaux publics.
Mon père est décédé quand j'avais douze ans. Il ne m'a rien laissé comme héritage matériel et financier Oumarou Kanazoe
Aujourd’hui, l’Entreprise est devenue familiale avec la participation
active des enfants qui y travaillent tous. Le premier, Mady, la
cinquantaine, est le directeur général. C’est lui qui aura la lourde
tâche de continuer l’œuvre de son père. Il est secondé par Yacouba, le
deuxième fils.
« Pour ma succession, mon choix s’est porté sur mon premier fils, Mady Kanazoé, explique-t-il.
Il
aime le travail. C’est lui le directeur général de l’Entreprise
Kanazoé. Je prie Dieu afin qu’il lui donne une bonne santé et une
longue vie. En attendant la relève, il bénéficie de mes conseils et de
mon expérience ». Un homme matinal
La journée de Kanazoé commence très tôt. Après la première prière de
l’aube, il reçoit ses nombreux visiteurs avant la traditionnelle
tournée des chantiers vers 8 h. Avec ses employés, il est plutôt
paternaliste. Il les tance rarement et déjeune même souvent avec eux.
Il en profite parfois pour les encourager à se lancer dans les
affaires.
L’entreprise a un patrimoine impressionnant : plus de 400 véhicules et
engins pour les travaux publics, 10 scrapers (dont l’unité revient à
plus de 200 millions F CFA), quatre carrières et un hélicoptère. Chaque
mois, Oumarou Kanazoe dépense près de 200 millions F CFA (305 000
euros) pour l’entretien de ses machines. Il dispose lui-même d’une
gamme de voitures Mercedes et de deux avions acquis en 1977 et 1980.
OK emploie un demi-millier de permanents dont six expatriés et un
nombre variable de contractuels au gré des chantiers.L’argent qu’il
injecte dans le tissu économique burkinabé est évalué à quelque trente
millions d’euros, chaque année.
Incontournable
L’entreprise Oumarou Kanazoe est un véritable empire et son boss un
leader. Grâce à son entregent, l’entreprise est rapidement devenue l’un
des fleurons de l’économie nationale, et l’entrepreneur, l’un des
hommes les plus riches du pays. Aujourd’hui, il a abandonné le
transport et le commerce général pour se concentrer désormais sur le
bâtiment et les travaux publics dont il rafle la quasi-totalité des
appels d’offres.
Pour les techniciens du ministère des Infrastructures, OK a contribué
fortement à tirer vers le haut, un secteur qui stagnait avant les
années 2000. Avec une croissance de plus de 7,5% par an depuis 2001, le
secteur du BTP est en plein essor au Burkina Faso. Cette croissance est
tirée par la hausse de l’investissement immobilier et par la relance
des infrastructures financée en partie par les bailleurs de fonds
internationaux. Selon le ministère des infrastructures, le Burkina Faso
investit environ 98 milliards CFA (150 millions d’euros) annuellement
dans le secteur du BTP.
Expansion régionale
Depuis mai 2006, le groupe Kanazoé est devenu le distributeur des
voitures de marques Ford et GWM avec une filiale créée à cet effet,
Africa Motors Burkina, que dirige le cadet des Kanazoé, Djibril. En
moins de deux ans d’existence, Africa Motors Burkina s’est imposé comme
un sérieux concurrent dans un domaine qui était la chasse gardée de
quatre concessionnaires.
L’expansion se fait également en direction des pays voisins. OK
intervient depuis quelques années au Niger, au Bénin et au Mali et
ambitionne de prendre pied en Côte d'Ivoire, au Togo, et dans le reste
de la sous-région. Toutefois, il doit faire face à une compétition
nationale et internationale de plus en plus forte. Ce n’est pas pour
faire peur à une entreprise récompensée du Trophée international de la
construction en 1992, à Madrid. Comme en témoignent aussi ses derniers
contrats pour les barrages de Liptougou, de Tougouri et de Yalgo pour
un coût global de 23,5 milliards CFA, environ 35 millions d’euros.
Même les régimes militaires ne lui cherchaient pas noise parce qu’il arrivait qu’il dépanne l’Etat Un ancien ministre
Hier comme aujourd’hui et probablement demain, Kanazoé semble devoir
durer au firmament des affaires au « pays des hommes intègres ». La
Chambre de Comme ne s’y est pas trompée. Le 26 août dernier, elle l’a
véritablement plébiscité pour un nouveau mandat de cinq ans à sa tête.
Il est vrai qu’il en est membre depuis 45 ans et la dirige depuis douze
ans mais qu’il sait se montrer altruiste avec ses concurrents. Depuis
les années 90, pour leur faire place, il a renoncé à soumissionner pour
les constructions de villas, d'écoles, de bureaux et dispensaires.
L’homme des pouvoirs ?
Une telle fortune, une telle popularité ne peuvent être sans
contempteurs. Ils citent à l’envie l’affaire Norbert Zongo, du nom de
ce journaliste assassiné, une collusion avec les pouvoirs et les
plaintes répétés de certains de ses travailleurs…
« Peut-on atteindre un tel niveau de responsabilité et ne pas être, en
Afrique dans le cercle du pouvoir ? » s’interroge un universitaire
devant l’itinéraire de l’enfant de Yako. Oumar Kanazoé a su, en tous
les cas, être dans les bonnes grâces de tous les pouvoirs qui se sont
succédé en Haute Volta, puis au Burkina Faso depuis Sangoulé Lamizana
(1966-1980) jusqu’à Blaise Compaoré. Un ancien ministre confie que «
même les régimes militaires ne lui cherchaient pas noise parce qu’il
arrivait qu’il dépanne l’Etat ».
Après l’assassinat en octobre 1987 du président Thomas Sankara,
originaire comme lui de la région de Yako, c’est l’un de ses camions
qui transporte la terre pour recouvrir ce qui lui tenait lieu de
sépulture. Cela ne l’empêche pas aujourd’hui de s’engager plus
qu’auparavant en politique avec le tombeur de Sankara, Blaise Compaoré.
Il assiste à ses meetings du Congrès pour la Démocratie et le Progrès
(CDP), le parti au pouvoir, pendant les campagnes électorales. Ses
détracteurs assurent aussi qu’il rate aucun marché juteux, s’il le
désire réellement parce qu’il « n’hésite pas à faire parler les «
feuilles » selon la savoureuse expression populaire burkinabé pour
désigner la corruption.
L’affaire Norbert ZongoMais c’est véritablement l’affaire Norbert Zongo qui va entacher une
réputation, jusqu’alors irréprochable, pour la majorité de ses
concitoyens. Dans l’affaire de ce directeur de publication de
l’hebdomadaire L'Indépendant assassiné le 13 décembre 1998 pour s’être
intéressé de trop près à la mort mystérieuse de David Ouédraogo, le
chauffeur de François Compaoré, le frère du président burkinabé Blaise
Compaoré, son nom a été cité. Selon Robert Ménard de Reporters Sans
Frontières, qui était membre de la commission internationale mise sur
pied par le Burkina, en janvier 1999, pour élucider le crime, le
rapport de la Commission déposé le 7 mai 1999 aurait été expurgé de
certaines parties afin de trouver un consensus pour que tous les
commissaires le signent. Ce qui, du reste, n’a pas été le cas. Les
parties supprimées mettraient en cause François Compaoré et Oumarou
Kanazoé. Pour Robert Ménard, la participation du richissime Kanazoé au
crime de Sapouy est indéniable. "Il est le lien avec tout le monde",
a-t-il martelé lors d’un passage à Ouagadougou, en octobre 2006.
Kanazoé est tout aussi catégorique. Lors de sa première audition devant
la Commission d’enquête indépendante, il a affirmé : "Je n’avais jamais
entendu parler de Norbert Zongo, (...) et je n’avais jamais rencontré
Norbert Zongo. (...) Je n’ai jamais demandé à Norbert Zongo d’arrêter
d’écrire sur l’affaire David Ouédraogo".
Religieux et philanthrope
Malgré les succès et la fortune, Oumar Kanazoé n’a pas oublié son
origine modeste et son éducation morale. Les populations découvrent au
jour le jour, sa générosité. Il offre des vivres aux régions
connaissant un déficit céréalier, construit bénévolement des écoles ;
sans oublier les nombreuses mosquées et quelques églises.
En 1994, il a construit gracieusement, dans le bassin du Nakanbé, à
environ 135 km au nord du pays, un barrage dont la capacité est de 100
millions de m3 peut irriguer 8000 ha avec un potentiel halieutique
annuel d'environ 500 tonnes de poisson. Reconnaissants, les habitants
l’ont dénommé « Le barrage de Kanazoé ».
La Télévision nationale ne s’appelle pas en revanche Télévision
Kanazoé. Il a pourtant rénové ses locaux en octobre 2006, pour plus de
70 millions, « sans contrepartie », selon le, Directeur de la
télévision, Yacouba Traoré.
Chaque vendredi, ses deux résidences (au centre Commercial de
Ouagadougou et à Pissy) sont prises d’assaut par les nécessiteux qui
n’en repartent jamais sans une liasse de billets. Plusieurs familles et
structures ne vivent que grâce à ses dons. Cet altruisme est chez lui
comme une fixation psychologique : "L’homme ne vaut que par ses
rapports avec les autres. L’argent doit aider les nécessiteux, si je
suis riche, c’est grâce à Dieu. Je répands bonheur autour de moi pour
le remercier" se justifie-t-il.
L’islam est pour lui ce qu’il a de plus cher. Il a déjà effectué le
pèlerinage aux lieux saints et s’investit grandement dans la
construction d’édifices religieux et dans la prise en charge des imams.
Il est président de la Fédération des associations islamiques du
Burkina Faso. "Ma fortune, c’est pour servir Dieu et mes concitoyens,
pour créer des emplois, redistribuer les richesses et contribuer au
bien-être du plus grand nombre possible de burkinabés", aime-t-il
clamer. Son vœu le plus cher : "avoir longue vie et la bénédiction de
Dieu pour pouvoir réaliser le maximum de choses au profit des êtres
humains".
Hamza Touré, Cherif Elvalide Seyewww.lesafriques.com
http://www.grioo.com/info11621.html#