[size=9]La réponse de la jeunesse africaine à Sarkozy
Article publié dans l'édition du Samedi 4 août 2007
Le président de la République française est venu, comme De Gaulle, et
il a parlé aux Africains. Qu’a-t-il dit au juste ? Il nous a fait une
série de propositions et d’analyses. Ecoutons-le :
«Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est une alliance, c’est
l’alliance de la jeunesse française et de la jeunesse africaine pour
que le monde de demain soit un meilleur monde.»
Le nom de cette alliance est l’Eurafrique. La France s’est mariée à
l’Europe et nous vous apportons cette Europe, de même que nous vous
apportons à l’Europe. L’Afrique sera dans la corbeille de mariage de la
France avec l’Europe et dans la corbeille nuptiale de l’Europe avec le
monde. Je suis venu vous proposer une place comme la France sait le
faire, par exemple pour les Dom Tom.
Mais, comme vous savez, l’Afrique est différentiée. Il y a l’Afrique du
Nord. Et il y a l’Afrique noire. En Libye, où je suis passé, j’ai signé
des contrats juteux pour le nucléaire, l’uranium, la défense et autres
affaires. Avec l’Afrique du Nord, on ne parle ni de morale, ni de
développement, mais de contrats. On ne lance pas d’appels aux Libyens
de l’étranger pour leur retour dans leur pays. On ne fait pas de
promesses d’aide publique française à la Libye. On parle affaires. Des
contrats, des contrats et des contrats. Pour l’uranium, pour la défense
et pour le nucléaire. «Trade not aid», telle est notre règle.
Avec l’Afrique noire, avec vous, que dire ?
Je vous ai fait mal, mes bébés. Hum !
N’en parlons plus.
Mais, ne demandez surtout pas de repentance puisque vous-mêmes, vous
êtes coupables de vous être laissés battre par mes ancêtres. En plus,
quand mes ancêtres arrivaient chez vous, vous vous décimiez vous-mêmes
déjà sans notre aide. Vous êtes plus coupables que nous.
Certes, nous avons commis des crimes contre l’Humanité. Oui, mais vous
n’avez rien fait pour nous en empêcher. En tout cas, pas suffisamment
pour nous convaincre que, ce que nous avions l’intention de faire,
était criminel. Vous êtes coupables de non assistance à personne en
danger.
Ne rêvez surtout pas à un retour en arrière pour rejoindre votre
prétendu âge d’or qui aurait, par le passé, existé. Vous n’avez jamais
eu d’âge d’or. Ne rêvez pas. Le monde ne marche pas à reculons, mais
progresse plutôt vers l’avenir. La colonisation a été un crime contre
l’humanité, mais mes parents ont proposé aux vôtres l’indépendance.
La colonisation, c’était l’exploitation de l’homme par l’homme ;
l’indépendance est exactement le contraire. Vos historiens et autres
anthropologues vous mentent. Je vous le dit ici à l’Université Cheikh
Anta Diop, à vous les jeunes d’Afrique.
- Devant vos chefs.
- Devant vos profs.
- Devant votre classe politique, gouvernement et opposition réunis.
- Devant vous, étudiants, hommes de maintenant et hommes de demain.
Arrêtez de rêver à un futur qui puisse être le vôtre, à vous tout seuls. Maintenant, vous m’appartenez définitivement.
Je vous propose l’Eurafrique. Vous entrez dans mes bras, dans les bonnes grâces de l’Europe.
Je vous apporte l’Europe comme hier je vous ai apporté l’Esclavage.
Je vous apporte l’Europe comme hier je vous ai apporté la Colonisation.
Je vous apporte l’Europe comme hier je vous ai apporté l’Indépendance.
Je vous vois stupéfaits, mais je vous apporte aussi les moyens qui vous
seront propres pour inventer, vous-mêmes votre avenir. Oubliez le
passé. Maintenant, vous ne serez plus seulement à la France mais à
l’Europe. La France, c’est votre héritage occidental. La colonisation
vous l’a apporté. Ne vous coupez pas de cet héritage. La civilisation
européenne aussi vous appartient. Renoncez à la tentation de pureté
comme nous le faisons en Europe. Ne répondez pas au racisme de la
France par le racisme. Ne répondez pas à l’intolérance de la France par
de l’intolérance.
Je sais, je vous ai fait mal, mais laissez tomber. Allons ensemble dans l’avenir. Renoncer à la maladie de l’intelligence.
Si vous voulez venir chez nous, pas de problème, nous négocierons votre
migration. Nous déciderons ensemble, pour vous, comment vous viendrez.
Pas en citoyens libres, mais en immigrés !
Vous rêvez de la Renaissance africaine ? Pourquoi pas ! Après tout,
vous avez, semble-t-il, eu l’Egypte et d’autres brillantes
civilisations que mes ancêtres ont battu à plate couture et soumis
depuis des siècles. Oubliez le passé peu glorieux que vos ascendants
vous ont laissé.
Nous vous aiderons à bâtir votre avenir. Commencez déjà par prendre
notre civilisation comme héritage. Vous voulez la liberté, la
démocratie ? Bien. L’Europe est bâtie sur l’égalité, la justice, le
droit, la liberté, la démocratie et la libre propriété. Je vous les
apporte et n’allez pas chercher ailleurs. Tout ce que vous voulez,
commandez et je vous livre tout de suite.
Nous sommes généreux, nous vous aimons. Ce n’est pas de la pitié, mais c’est notre intérêt.
Ainsi nous a parlé Nicolas Sarkozy, le président de tous les français.
Que lui dire ?
Merci Sarkozy.
Merci pour tes propositions.
Mais nous, on veut aller dans le monde par le marché et non sous la protection de qui que ce soit. Nous connaissons le chemin.
Le monde, ce n’est pas que la France, le monde, ce n’est pas que
l’Europe. Le monde, c’est aussi l’Afrique, c’est aussi l’Amérique,
c’est aussi l’Asie. Le monde, c’est ailleurs. Nous voulons choisir
librement notre méthode pour y entrer, notre façon d’y participer. Sans
avoir besoin de t’en informer au préalable. Ce n’est pas par dégoût,
mais c’est notre intérêt et rien que cela.
L’Eurafrique ? Très bien merci. Mais ça sera comme par le passé.
- Il y a déjà les sommets Franco-africains.
- Il y aura des sommets Eurafricains.
- Il y aura une bureaucratie Eurafricaine, comme il y a celle des Ue-Acp
Nous ne voulons plus perdre du temps à négocier à des sommets de Chefs
d’Etat. Nous allons directement sur les marchés, librement, avec nos
besoins et nos moyens. Nous ne voulons plus être marchés captifs de qui
que ce soit. Nous voulons redevenir libres.
Il ne s’agit pas d’un retour à un quelconque âge d’or. Il ne s’agit pas
d’une option pour nous, mais de notre survie. Il s’agit d’être
simplement des humains, de vivre comme tels et d’être traités comme
tels. Nous ne voulons pas de traitement de faveur.
Nous voulons avoir notre liberté de choix.
Nous voulons tirer profit du droit imprescriptible que nous avons d’être propriétaires de nous-mêmes en tant qu’humains.
Nous voulons être libres dans la mondialisation, comme nous ne l’avons
jamais été sur les marchés des esclaves. Sur les marchés coloniaux.
Dans le pacte colonial.
Nous ne voulons pas aller sur les marchés mondiaux enchaînés par des
accords protectionnistes ; ni avec la France, ni avec l’Europe. Nous ne
voulons plus de cette protection infantilisante qui vous donne le droit
de vouloir :
Tout faire pour nous.
Tout faire avec nous.
Tout faire par nous.
Tout faire sans nous.
Et au bout du compte, tout faire contre nous.
Nous ne voulons plus des accords léonins qui, sous forme de vouloir nous aider, nous font plus de mal que de bien.
Nous voulons que Sarkozy
Nous laisse faire.
Nous laisse passer.
Nous voulons que la France
Nous laisse faire.
Nous laisse passer.
Nous voulons que l’Europe
Nous laisse faire.
Nous laisse passer.
Nous voulons que le monde nous accueille comme nous sommes, tels que
nous sommes, et non comme la France veut que nous soyons ou que
l’Europe voudrait que nous soyons. Nous connaissons le mode d’emploi de
la mondialisation. Aucun épouvantail ne nous fera renoncer, sur la
route de la liberté.
L’Eurafrique ? Pourquoi pas ! Merci pour votre offre. Mais, nous sommes
déjà dans le monde sous le couvert de l’Europe, qui agit par
procuration de la France.
Nous voulons simplement :
De l’économie de marché.
De la société ouverte.
De la société de droit.
Ni plus, ni moins.
Sarkozy pourrait-il nous aider dans ce sens à nous libérez des accords
précédents ? De ceux des indépendances ? Pour enfin nous libérer du
carcan post colonial ?
Nous ne voulons pas aller dans le monde comme hier, nous sommes allés
dans l’Europe – par la France. Nous ne voulons pas de votre liberté en
double standard, et sous surveillance. Nous ne comprenons pas que nos
avoirs extérieurs nets en devises soient déposés au Trésor Public de
chez vous. Nous ne comprenons pas que nous soyons perçus comme des
contribuables par l’Etat français, alors que la colonisation est
terminée depuis belle lurette.
Lun 6 Aoû - 12:07 par mihou