Coup d'Etat avorté à Gaza
Michel Warschawski
Confronté à une tentative de déstabilisation d’Israël et des
États-Unis, le Hamas s’est assuré le contrôle militaire de la bande de
Gaza en s’affrontant au Fatah. Mais les Occidentaux, dont la France,
attisent les feux de la division et soutiennent le camp de Mahmoud
Abbas.
http://www.france-palestine.org/article6504.html
publié le samedi 23 juin 2007
« Une fois de plus, les Palestiniens s’entre-tuent. Décidément, ils ne
manquent pas une occasion de s’autodétruire ! » Ce discours, repris
en boucle par les médias internationaux, est accompagné, en
général, par une compassion hypocrite et des larmes de crocodile. Il
n’y a décidément aucune limite au cynisme. Car, à Gaza, il n’y a pas
de guerre civile, mais une tentative, avortée, de coup d’État,
orchestrée à Washington et à Tel-Aviv, contre le gouvernement élu
et soutenu par la grande majorité de la population palestinienne des
territoires occupés.
L’homme de main des Américains, Mohamed Dahlan, tente, depuis
plus d’un an, de renverser le gouvernement palestinien d’union
nationale mis en place par le président Mahmoud Abbas, et le Hamas
qui, on s’en souvient, avait gagné haut la main les dernières
élections législatives. Ces élections, tant revendiquées par
l’administration néoconservatrice étatsunienne, ont massivement
exprimé la volonté de la population d’en finir avec le régime
corrompu et incompétent du Fatah, choisissant les islamistes du
Hamas, non par un soudain retour à la religion, mais par un vote de
protestation contre une direction politique en faillite. Une fois de
plus, pour la Maison Blanche, le peuple avait mal voté, et il incombait
à la milice de Mohamed Dahlan - dont Israël venait d’autoriser le
renforcement en armes et en munitions - de corriger les résultats. En
vain. Il n’a pas fallu 24 heures au Hamas pour écraser les voyous qui
composent l’essentiel de la milice de Dahlan et mettre ainsi fin à la
tentative de coup d’État du protégé du Shin-Beit et du State
Departement. Avec quelques débordements (entre autres, la
défenestration d’un des lieutenants de Dahlan), immédiatement
dénoncée par les dirigeants de l’organisation islamiste.
Contrairement à la propagande répandue par les médias
occidentaux, le contrôle de Gaza par le Hamas a immédiatement mis
fin à l’anarchie qui régnait dans cette zone. Un officier des forces de
sécurité d’Abou Mazen (nom de guerre de Mahmoud Abbas) le
reconnaît explicitement : « Jamais la situation en ville n’a été aussi
calme. Je préfère de loin cette situation à celle qui existait avant : je
peux enfin sortir de la maison » (Haaretz, 17 juin 2007). La riposte
internationale a été radicale : la mise en œuvre d’une véritable
scission, géographique et politique, entre la bande de Gaza et la
Cisjordanie. George W. Bush et le Premier ministre israélien, Ehoud
Olmert, ont déclaré Abou Mazen président de l’État palestinien de
Cis¬jordanie ! Cette manœuvre aurait pu être une farce, si elle
n’avait pas de conséquences dramatiques sur les 1,4 million de
résidents de la bande de Gaza.
Politique du chaos
Car, si le projet américano-israélien promet de faire de la Cisjordanie
un « paradis » (sic) grâce à l’argent palestinien qui se trouve dans
les coffres de la Banque d’Israël et qu’Olmert promet de transférer «
le plus rapidement possible » à Abou Mazen, il définit ouvertement la
bande de Gaza comme l’enfer, et il promet à sa population des
souffrances sans fin : aucun lien commercial, aucune entrée ou
sortie, et si le gouvernement israélien promet de ne pas couper l’eau
et l’électricité, il n’hésite pas à parler, une fois de plus, de « régime »
sévère.
La collaboration du président Abbas à cette prise en otage de près
de 1,5 million de ses concitoyens risque de lui coûter très cher.
Comme l’écrit Zwy Barel, expert des questions arabes du Haaretz, ni
Olmert, ni Dahlan, ni Abou Mazen ne parviendront à couper les liens
structurels, nationaux, familiaux et symboliques, qui lient Gaza à la
Cisjordanie. Il s’agit d’une seule entité politique et sociale. D’autant -
et on semble l’avoir oublié - que, en Cisjordanie aussi, le Hamas est
la force politique la plus importante. Il y dispose d’un grand nombre
de moyens pour rappeler aux Israéliens que même la partition forcée
du territoire palestinien ne l’exclut pas du jeu politique, loin s’en faut.
Comme en Irak, en Afghanistan ou au Liban, les néoconservateurs
de Washington et de Tel-Aviv misent sur la politique du chaos et des
guerres fratricides dans les territoires occupés. Ils risquent de le
regretter. « Si vous ne reconnaissez pas l’OLP comme partenaire,
vous serez amenés à négocier avec le Hamas », avions-nous
l’habitude de dire aux autorités israéliennes jusqu’à la mort du
président Arafat. Aujourd’hui, cette injonction se décline
différemment : « Si vous ne reconnaissez pas aujourd’hui le Hamas,
vous serez confrontés à un mouvement de type Al-Qaida, avec tout
ce que cela implique en termes de victimes innocentes et de
régression. » Il est pourtant peu vraisemblable que le gouvernement
israélien, le plus impopulaire de tous les gouvernements israéliens
depuis la création de l’État juif, entende ce message.
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