Gaza assiégé vit sous la terreur. Des centaines d’obus s’abattent quotidiennement depuis des mois sur le Nord de la bande de
Gaza et à l’heure où nous écrivons, une invasion de l’armée israélienne se prépare. Dans la chaleur suffocante de ce début
d’été, la moitié de ses 1,4 millions d’habitants sont privés d’électricité, d’eau potable, de système d’assainissement depuis la
destruction, par l’armée israélienne, d’une centrale électrique le 27 juin dernier. Trois ponts ont été détruits en prévision de
l’offensive. Après l’enfermement, le chômage forcé, les sanctions économiques, une pauvreté massive, le chaos sécuritaire, les
Gazaouis subissent donc un nouveau et invivable calvaire.
La raison d’un tel déchaînement de violence ? Le gouvernement israélien invoque l’enlèvement du caporal Gilad Shalit, lors
d’une opération palestinienne contre un poste militaire à proximité de la bande de Gaza.
Après avoir mené depuis des années des exécutions « ciblées » qui tuent plus de civils que de personnes directement visées,
justifié des consignes de tirs laxistes qui ont coûté la vie à des centaines d’innocents, après avoir exigé de toute une
génération de jeunes appelés israéliens qu’elle s’expose aux amères et traumatisantes réalités de la guerre pour perpétuer
une occupation illégale et dominer tout un peuple, l’armée israélienne se dit aujourd’hui prête à tout pour sauver un seul
homme, sauf à négocier !
Certes, la situation de ce jeune soldat et de sa famille est une tragédie. Mais c’est le propre des situations tragiques que
d’engendrer des tragédies. Des milliers de Palestiniens et d’Israéliens ont perdu la vie depuis septembre 2000, des dizaines
de milliers ont été blessés. Quelque 8 000 prisonniers palestiniens en Israël, dont 350 mineurs, sont pour la plupart détenus
sans procès, en dehors de toutes les règles de droit international. Que toutes ces tragédies soient comparables ou non n’est
pas le problème. Tant que l’occupation continuera, Palestiniens et Israéliens continueront à en payer le prix.
Dans l’immédiat, l’armée israélienne veut donc sauver le caporal Gilad Shalit. Qu’importe si, en violation du droit humanitaire
international et de la 4ème Convention de Genève qui oblige la puissance occupante à protéger en toute circonstance la vie
des civils, 1 400 000 autres personnes doivent vivre un enfer dans ce territoire prison, qui, même après le retrait israélien,
demeure de jure un territoire occupé !
Car l’objectif est ailleurs. Le gouvernement israélien impose seul des termes que les Palestiniens n’ont d’autre choix que
d’endosser et de faire accepter à leur opinion, pour une paix qui jette les réfugiés aux oubliettes de l’Histoire, qui sacrifie
l’aspiration des Palestiniens à faire de Jérusalem-Est la capitale de leur État, qui néglige le besoin d’une continuité
territoriale nécessaire à un État viable.
La réaction israélo-américaine s’est donnée comme objectif proclamé d’évincer un gouvernement démocratiquement issu des
urnes, quitte à entraîner la chute de l’Autorité palestinienne. L’arrestation de 64 ministres, députés et maires, le
bombardement du bureau du Premier ministre palestinien participent de cette stratégie.
Cette stratégie est d’autant plus aberrante que la nature de la situation créée par le vote du 25 janvier, ne se laisse pas
réduire à la caricature. Le Hamas a conclu une trêve qu’il respecte depuis un an et demi. il n’a pas cherché la surenchère.
Mieux, il a accepté, la plateforme politique, proposée par les prisonniers, qui prévoit l’arrêt des attaques contre les civils, et
entérine l’option d’un règlement sur la base de deux États dans les frontières dites de 1967.
En ignorant délibérément ce progrès, cette opération militaire est non seulement une violation du droit humanitaire, mais
aussi un crime contre la paix et une insulte à l’avenir.
Combien de fois faudra-t-il que nous dénoncions la stupidité d’une stratégie militaire, d’une vision sécuritaire à courte vue
qui finissent par provoquer les dangers qu’elles prétendent éviter ?
.
Face à cette logique tragique, le gouvernement israélien pourra plaider le partage des responsabilités. Avec les États-Unis,
qui ne voient la situation qu’à travers le prisme de la lutte contre le terrorisme que leur stratégie de la canonnière au
Moyen-Orient aura largement contribué à exacerber. Avec l’Union européenne qui n’ose se démarquer de la vision de la
puissance et de la sécurité que répand l’hégémonie de Washington sur les relations internationales. L’Union européenne a
cependant les moyens et le cadre d’action politiques qui lui permettent de contraindre l’Etat d’Israël à se conformer au droit
international, telle que la suspension de l’accord d’association UE-Israël (conditionné, par son article 2, au respect des
droits de l’Homme et du droit international).
L’Union européenne ne peut réduire la question palestinienne à une question uniquement humanitaire. Rappelons que l’aide
internationale ne serait pas nécessaire dans ses proportions actuelles si l’Etat israélien mettait fin à l’occupation des
Territoires ou déjà, au moins, aux entraves imposées aux Palestiniens dans leurs déplacements.
Il est temps de passer de la logique de la force à celle du droit. De rappeler, avec les moyens de pression dont dispose la
diplomatie internationale, que le gouvernement israélien a la nécessité absolue de négocier. Sans autre option possible.
De rappeler que seuls les principes d’égalité et de justice pourront servir de base au règlement d’un conflit dont les données
politiques se dégradent au fur et à mesure que progresse l’unilatéralisme israélien.