Internet, Chavez et Cuba : dix médiamensonges Rosa Miriam Elizalde
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Le 13 juin, le quotidien espagnol La Vanguardia, a publié un article
intitulé "Internet et Chávez, selon Antonio Pasquali" (1), qui devrait
être étudié dans les écoles de communication comme modèle pour
fabriquer des informations à partir de demi-vérités, de mensonges et de
spéculations d’expert.
N.B. En fait, le document de La Vanguardia reprend en grande
partie un dossier anti-Cuba de Robert Ménard (Reporters sans
Frontières)
Dix mensonges de La Vanguardia : l'Internet au Venezuela, selon Pasquali
19 juin 2007
Traduit par Yannick-Hélène de la Fuente et révisé par Fausto Giudice
Laissons à Antonio Pasquali, auteur du livre Comprendre la
communication, le bénéfice du doute. Supposons qu'il n' ait pas eu du
temps ou qu’il n’a pas eu la place pour incorporer une partie de l'
information qui a été éludée dans cet article . De ce fait, ce qui y
figure est non seulement faux, mais parfois contradictoire et
indéfendable. Quelle que soit la manière dont on la prend, la thèse
fondamentale que défend cet article dans son premier paragraphe est
calomnieuse :
"Après la nationalisation par le président Hugo Chávez de la
compagnie téléphonique CANTV, au Venezuela un processus de «
cubanisation » des télécommunications qui sans doute augmentera le
contrôle des conversations, des transmissions de données et de la
capacité d'écoute, s’intensifie."
Voyons certaines de ces affirmations :
1. Il est inquiétant qu’ un câble sous-marin de fibre optique de
1.552 kilomètres de longueur soit tendu entre la Guaira (Venezuela) et
Siboney (Cuba) .
Que trouve-t-il à redire? Pourquoi Pasquali a oublié, ou le
journaliste qui le citait, de dire qu'à Cuba toute la connexion à
Internet se fait par satellite, beaucoup plus lente et plus chère que
la fibre optique , du fait de l’embargo étasunien qui affecte l'île ?
Cuba ne se bloque pas elle-même et ne bloque personne. Ce sont les
administrations étasuniennes successives qui ont empêché Cuba d'être
reliée au réseau mondial de fibre optique sous-marin qui possède huit
points dans des territoires très proches de l'île dans les Caraïbes et
qui optimiserait extraordinairement la communication. Le système Arcos
(Americas Region Caribbean Optical-ring System) relie par fibre optique
les USA, le Mexique, l’Amérique Centrale, l'Amérique du Sud et les
Caraïbes, et offre un service ADSL de très haut débit. Mais Arcos est
la copropriété de 28 fournisseurs de la région et est dirigé par New
World Network, actionnaire étasunien majoritaire qui a une
participation de l'ordre de 88.2%.
2. (Le Venezuela fournira à Cuba) une capacité monstrueuse de 160
GIGAbytes/seconde, sans application possible dans une île qui accuse un
grand retard technologique.
Le Venezuela fournirait à Cuba, à travers un accord bénéfique pour
les deux pays, le droit légitime de jouir et d'être relié au Réseau de
Réseaux (2). Les documents officiels étasuniens eux-mêmes expliquent
pourquoi Cuba est entré tardivement sur Internet, avec une
infrastructure faible qui a la charge additionnelle d'être payée à prix
d'or parce qu'aussi le blocus interdit la vente à l'île de technologie
étasunienne, qui comme nous le savons, domine l'industrie du hardware
et du software.
3. Cuba ne dispose que de 124 mégabytes/seconde en descente par
satellite et de 65 mégabytes/seconde en montée, un chiffre ridicule.
-Là, il a raison : c'est ridicule, mais il a oublié d’ajouter que
cela est imposé par les USA qui décident quel est le type de débit
auquel l'île peut prétendre. Tout hôtel ou café internet qui n'est pas
situé dans l'archipel cubain jouit d'un ADSL égal ou supérieur à celui
dont dispose tout Cuba pour ses transmissions par Internet. Pourquoi
Pasquali a-t-il oublié cette donnée ? Pourquoi oublie-t-il de dire que
chaque mégabyte coûte à Cuba quatre fois plus cher qu’au reste du monde
et que ce pays doit le batailler ferme pour l’obtenir? L'île a pu
disposer d’une navigation internationale seulement à partir de 1996,
assortie de conditions politiques : cela faisait partie du train de
mesures de la Loi Torricelli (1992) (3) pour "démocratiser la société
cubaine". Cette loi décrète aussi - et elle est en vigueur aujourd'hui
- que chaque mégabyte (rang de vitesse de connexion) acheté auprès
d’entreprises étasuniennes ou leurs filiales doit être approuvé par le
Département du Trésor (US).
Les USA ont établi de limiter cet accord et ont décidé de
sanctions extraordinaires – des amendes de 50.000 dollars pour chaque
violation - pour ceux qui favoriseront, à l'intérieur ou hors des USA,
des échanges marchands électroniques ou favorisent un avantage
économique même minime pour l'île par le réseau.
Les câbles sous-marins de fibres optiques contournent tous Cuba.
4. Le nouveau câble vénézuélien multipliera de plus de 2.500 fois
la capacité de communications de Cuba. Cet investissement reste un
mystère : la densité téléphonique cubaine est une des plus faibles au
monde.
-Mais ce sont d’excellentes nouvelles pour les Cubains et à la
fois, une contradiction dans l'information que donne Pasquali. Il reste
donc ridicule que Cuba ait un ADSL si faible – il semble dire que ce
n’est pas une décision gouvernementale -, et deux lignes plus bas, il
s’inquiète parce que les Cubains veulent multiplier leur capacité de
connexion et augmenter leur densité téléphonique. On ne comprendrait
pas une formulation semblable, si l'intention de Pasquali n'était pas
de glisser un sous-entendu : "l'île satanique accédera aux technologies
pour surveiller les autres." Il veut nous faire croire, sans que nous
ayons toutes les données sur la table, le paradoxe de tout roman noir :
la victime est en vérité le criminel.
5. Le nombre de connexions à Internet est le plus faible d'Amérique
latine (0,9/100hab). Que cache-t-on en étendant la capacité
informatique de Cuba si la population n'a pas accès à internet ?
-Toujours la même chose, voici comment on fabrique l’opinion, en
manipulant les données. Cuba a dû construire un projet d'accès social
et intensif à l’informatique, de sorte que 90 pour cent ou plus des
ordinateurs soient utilisés par plus d’un individu.Cela tombe sous le
sens. Si vous devez distribuer la capacité de connexion d'un hôtel pour
12 millions d'habitants, vous ne pouvez que faire deux choses : le
donner à un petit groupe de personnes ou chercher une alternative qui
garantit l'emploi plus vaste et rationnel de cette ressource. C’est ce
qui a été fait. On donne la priorité aux universités, aux centres
culturels et de santé, aux médias et au Jeune Club d’informatique- plus
de 600 locaux qui fonctionnent dans toutes les points du pays, 24
heures à jour et qui offrent des cours pour tous les âges dans lesquels
on apprend à utiliser ces technologies -. Un million de personnes ont
été diplômées dans ces cours, tandis que dans toutes les écoles il y a
des infocentres, avec une moyenne de 20 étudiants par ordinateur. A
Cuba, il y a 146 salles de classe dans des endroits reculés, des
montagnes, auxquelles assiste seulement un enfant et qui sont assurées
par un enseignant et plusieurs instructeurs, dont un d'informatique.
Pourquoi pays un sous embargo et pauvre, investirait-il des millions de
dollars à former à l'informatique ses enfants dès le plus jeune âge? Si
le gouvernement avait intérêt à limiter et à censurer l'accès à
Internet, pourquoi formerait-il à l'utilisation d’ordinateurs les plus
modernes plus de 2 millions d’enfants et d’adolescents, y compris ceux
qui vivent dans des endroits perdus des montagnes ? Pourquoi fait-on
taire cette vérité, facilement vérifiable ?
6. Cuba est un des 13 pays qui censure le plus Internet.
Où sont-elles les preuves ? Jusqu'à présent la seule preuve qui
étaye une pareille affirmation est le martèlement incessant de cette
phrase. Les plus féroces acteurs de cette campagne, cités heureusement
dans tous les rapports du Département d'État étasunien, ont essayé de
le prouver et ont utilisé pour cela des méthodes illégales. Reporters
Sans Frontières a clandestinement envoyé en octobre 2006 une
journaliste française, qui a vécu un mois dans l'île et a présenté par
la suite le résultat de son travail d'espionnage, sous le pseudonyme de
Clarie Voeux. Le Miami Herald l'a interviewée et a rendu compte des
résultats de la recherche, qui selon elle "avaient été surprenants".
Les cafés Internet dans les hôtels et les bureaux de poste permettaient
un libre accès au réseau, même ceux considérés comme subversifs. « J’ai
été surprise de pouvoir visiter tous les emplacements web... Il s'agit
du contrôle de l'accès, non de censure », a-t-elle dit au journal. (4)
Et, effectivement, le rapport existe, mais personne n’a fait attention
à lui ; curieusement.
Lun 25 Juin - 18:38 par Tite Prout