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 Venezuela : Bolivar sous le feu des mensonges.

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AuteurMessage
mihou
Rang: Administrateur
mihou


Nombre de messages : 8092
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 28/05/2005

Venezuela : Bolivar sous le feu des mensonges. Empty
03062007
MessageVenezuela : Bolivar sous le feu des mensonges.

e "FISCHER BERNARD" <fischer02003@yahoo.fr>
Venezuela : Bolivar sous le feu des mensonges.

samedi 2 juin 2007, par Maxime Vivas

www.oulala.net

La crainte de radoter nous vient à toujours citer le mot de Pierre Bourdieu
sur le phénomène de la « circulation circulaire de l’information ».
Mais le constat est d’actualité. Ainsi, une source politique ayant
lancé le bobard de la fermeture par Hugo Chavez
de la chaîne de télévision RCTV, les journalistes, qui se lisent entre
eux, le répètent en boucle jusqu’à ne plus douter eux-mêmes de sa
véracité. Dame ! C’est écrit partout : donc, c’est vrai !


(1)Jeudi. Dans un taxi qui nous ramène des studios de VTV (Venezola de TeleVision) où nous venons de participer à une émission en direct, Thierry Deronne, vice-président de Vive TV
me fait écouter un message sur son portable. C’est le correspondant
français d’une station de radio allemande qui lui demande de bien
vouloir le rappeler pour répondre aux deux questions suivantes : « Que pensez-vous de la fermeture de RCTV par Chavez et des menaces de fermeture de Globavision ? » Analyse : deux questions au contenu faux et une ignorance du dossier révélée par l’erreur sur le nom de GlobOvision.
N’apprend-on pas dans les écoles de journalisme, pour un dossier
conflictuel, à se renseigner auprès des différents protagonistes avant
de recueillir les avis de témoins ? Si le journaliste en question
l’avait fait, ses questions auraient été différentes. La même
mésaventure est arrivée à Benjamin Durand, un Français qui dispense des
cours dans une école de cinéma de Caracas et à qui une journaliste de RFI
pose des questions si manifestement semblables à celles que
l’opposition anti-chaviste auraient posées qu’il refuse de répondre,
lui conseillant d’étudier d’abord le dossier.


Rappelons les faits :
Le 28 mai, la licence autorisant la chaîne de télévision vénézuélienne RCTV à émettre par voie hertzienne expirait et n’a pas été renouvelée. Mais RCTV peut disposer du câble, du satellite, d’Internet, comme des centaines de chaînes à travers le monde.


Par la vertu du pilonnage mondial des
médias essentiellement aux mains des puissances d’argent, ce non renouvellement s’est transformé en « fermeture » d’une télévision, sonnant le glas de toute liberté d’expression au Venezuela, accélérant une dérive autoritaire, voire dictatoriale.

Marcel Granier, le patron de RCTV, oubliant à Caracas son arrogance folle, son mépris des lois et ses préventions contre les résultats du suffrage universel, s’est précipité en
Europe,
agneau innocent que le loup prétend dévorer alors qu’il se désaltérait
dans le courant d’une onde pure. Dans les couloirs du parlement
européen à Strasbourg où il rencontra un Robert Ménard (patron de RSF)
aussi primesautier qu’un croque-mort, il appela au sauvetage de la
démocratie et de la liberté. Ce parlement réunit alors une coalition de
partis de droite et d’extrême droite pour voter une résolution à
coloration Ménardo-Graniériste. L’affaire fut difficile cependant car,
sur 785 députés, 65 seulement étaient présents. 43 se laissèrent
embarquer dans cette galère (portés par un élan politicien nourri
d’informations erronées) tandis que 22 députés de gauche votaient
contre.
Plusieurs articles ont déjà circulé sur le Net, énumérant les cas de non renouvellement de licences, voire les brutales suspensions en
Europe,
en Amérique du Nord et en Amérique latine. Nul d’entre nous n’en avait
entendu parler. Aucune indignation planétaire n’avait envahi nos
médias. L’Europe
n’en souffla mot. RSF ne hurla pas. Aucun parti politique ne lança ses
troupes dans la rue. Aucun opposant ne tira à balles réelles contre des
policiers désarmés. Aucun gouvernement responsable de la répartition
(non extensible) du spectre hertzien ne vit des télés de son pays
montrer des manifestants appelant à son renversement. Aucune télé ne
publia des montages d’images faisant voisiner le chef d’Etat incriminé
avec un leader d’Al-Qaida.
Aucune ne nous montra l’attentat dont fut victime le pape Jean-Paul II
avec un commentaire laissant entendre que son président n’était à
l’abri de rien (« Soyez sûr que cela ne s’arrêtera pas ici »). Aucune
ne laissa ses journalistes ou invités dire n’importe quoi (exemple : « Chavez va répliquer en faisant manifester les « hordes » des « ranchos » (bidonvilles) », ou encore : « Il faut éviter que le Venezuela devienne une Cuba où les chrétiens sont pourchassés pour être tués ») [
1]. CNN
en espagnol n’informa pas l’Amérique latine en utilisant des images
(anciennes mais plus spectaculaires) d’une manifestation au Mexique.
Nulle jeunesse dorée ne sortit des Universités catholiques pour
descendre sur le pavé. Bref, jamais, nulle part, le non renouvellement
d’une licence ne fut ainsi mondialement médiatisé, politiquement
exploité au-dedans et au-dehors du pays, suscitant un déferlement
d’informations tronquées ou mensongères, de trucages d’images, d’appels
implicite au coup d’Etat et à tirer sur le chef de l’Etat.


Et
nos beaux esprits européens, drapés dans la cape liliale de leur amour
pour la liberté d’expres​sion(mais pas pour autant de la vérité ), les
fervents défenseurs de la démocratie, se vautrent dans cette fange,
marionnettes agitées par des fils made in USA,
bernés par un Marcel Granier que les lois françaises auraient conduit
en prison dès le 15 avril 2002 (lendemain du coup d’Etat) et par un
Robert Ménard, patron d’une organisation dont les effectifs sont
squelettiques et dont les ressources internes sont inférieures à celles
qui lui proviennent des USA, via des organisations écrans de la CIA [
2].

Le 27-28 mai, sous le titre : « Censure à la Chávez », Le Monde écrivait dans son éditorial : « Le président Hugo Chávez a ordonné la disparition de RCTV ». Le quotidien du soir fustigeait cette décision « qui réduit le pluralisme et augmente la concentration de l’audiovisuel aux mains du gouvernement. » [3]


Dans le
Monde Diplomatique (31 mai 2007) Bernard Cassen fait l’inventaire :
« En 2006, on comptait au Venezuela 20 chaînes hertziennes VHF privées et 1 publique.
On comptait par ailleurs 28 chaînes hertziennes UHF privées, 6 publiques et 44 communautaires.
Actuellement,
avec l’incorporation de RCTV, le service public disposera de deux
chaînes hertziennes VHF, de deux chaînes UHF et de deux chaînes sur le
câble. On est très loin du monopole... »


Sans la moindre trace d’humour, l’éditorial qualifie ensuite RCTV de « chaîne privée qui donnait la parole à l’opposition ».
RCTV donnait effectivement la parole à l’opposition, et ne faisait même
que cela ! Des études de contenu effectuées sur le mois de janvier 2007
montrent que, dans ses programmes, elle a invité 21 personnalités
hostiles au gouvernement, et aucune qui lui soit favorable. Le même
mois, une des quatre autres grandes chaînes privées, Globovisión, a invité 59 opposants à M. Chávez et 7 de ses partisans. Seule Televen a respecté la parité : deux de chaque camp.


Certes on peut regretter que la seule chaîne publique hertzienne jusqu’ici contrôlée par le gouvernement, Venezolana de Television (anciennement Canal +8),
ne soit pas non plus un modèle d’équilibre, mais comment pourrait-il en
être autrement dans un paysage médiatique où la plupart des journaux,
radios et chaînes de télévision se comportent en partis politiques
d’opposition ? Il faut espérer que TVES, la chaîne qui reprendra le signal de RCTV, tiendra ses promesses de pluralisme, même dans ces circonstances adverses.
Du
côté de la presse écrite, la situation est encore plus tranchée : sur
10 quotidiens de diffusion nationale, 9 sont des opposants déclarés au
gouvernement. Si l’on étudie le contenu des articles d’opinion publiés
dans quatre d’entre eux au mois de janvier 2007, on obtient les
résultats suivants : pour El Nacional, 112 hostiles, 87 neutres et 6 favorables ; pour El Universal, les chiffres correspondants sont 214, 89 et 9 ; pour Ultimas Noticias, 31, 59 et 18 ; pour El Mundo, 49,
39 et 15. Ce qui ne les empêche pas de recevoir de la publicité des entreprises, des agences et des collectivités publiques.
Prétendre que la liberté d’expression est menacée au
Venezuela
relève donc de la plus insigne mauvaise foi. Il suffit de s’arrêter
devant un kiosque à journaux ou de passer une heure devant un poste de
télévision pour être convaincu du contraire. C’est même sans doute le
seul pays du monde où, dans le passé, des appels publics à l’assassinat
du président n’ont pas entraîné des poursuites judiciaires.


Ajoutons qu’il existe un divorce flagrant entre les idées de la population (63 % ont voté pour
Chavez
en décembre 2006) et le positionnement politique extrême de la plupart des
médias qui se substituent ouvertement aux partis d’opposition [4].
Des
étudiants, chauffés à blanc par la télévision, encouragés par les
réactions de la presse étrangère, réécrivent, peut-être sans le savoir,
un sinistre scénario rôdé au Chili en 1973. Cette année-là, les
Universités privées, la Fédération des Etudiants de l’Université
Catholique appelèrent à défendre la liberté d’apprendre, contre
l’instrument « marxiste de politisation des consciences » qu’ils combattirent dans la rue contre le pouvoir de l’Unité Populaire de Salvador Allende.


L’attribution
du canal hertzien de RCTV à la nouvelle chaîne (TVES) devrait réjouir
les hommes de bonne volonté : elle réduit le divorce politique entre
les
médias
et la population, le déséquilibre entre les secteurs médiatiques privé
et public, elle offre un espace de culture et d’éducation à un pays où
l’analphabétisme vient à peine d’être éradiqué.
Sans l’agitation
artificielle et purement politique qui a entouré la naissance de TVES,
on aurait parlé d’une décision utile à la paix civile. Quoi qu’il en
soit, c’est bien ainsi qu’elle sera vue par l’Histoire. Maxime Vivas, Caracas, 1er juin 2007.


[1] Je cite ici, de mémoire mais fidèlement, des choses que j’ai personnellement entendues à Caracas en zappant sur des chaînes de télévisions privées.
[2]
Avertissement aux esprits sceptiques : je tiens les chiffres à
disposition et ils me viennent d’une source que les anti-chavistes ne
pourront réfuter : RSF.
[3]
Lors de sa conférence de presse du lundi 28 mai à l’hôtel Hilton de
Caracas, Robert Ménard eut quelques difficultés, à répondre à plusieurs
questions dont l’une était : « Vous protestez ici contre la
concentration de la presse. Vous ne l’avez pas fait en France contre la
concentration des médias entre les mains de Dassault et Lagardère.
Est-ce parce que ces oligarques font partie de vos sponsors ? »
[4]
Depuis le 28 mai Globovision, se substitue à RCTV dans l’excitation des
classes moyennes et des étudiants fils à papa qui jouent à faire un mai
68 à l’envers. Le gouvernement a mis en garde cette chaîne, mais aucune
menace de suspension n’a été proférée. Il est certain qu’en France,
elle aurait déjà été au moins sanctionnée pour infraction au Cahier des
Charges et diffusion de fausses informations. La question de savoir si
elle ne recherche pas une décision de fermeture afin de créer un
processus contre-révolutionnaire ne saurait être écartée.
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