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 CADTM et co-développement

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AuteurMessage
mihou
Rang: Administrateur
mihou


Nombre de messages : 8092
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 28/05/2005

CADTM  et co-développement Empty
02062007
MessageCADTM et co-développement

Ce que nous pensons au CADTM du
co-développement dont parlent les présidentiables. La dette publique des pays
en développement n’est-elle pas la vraie cause de la pauvreté de la majorité
des populations de la terre? Le capitalisme financier et les problèmes
d’immigration sont indissociablement liés. Le co-développement n’est-il pas un
attrape gogos pour les angoissés de l’injustice mondiale?














Chez les principaux candidats à l’élection présidentielle française,
l’expression fourre-tout du « co-développement » fait florès. Pourtant,
le terme est particulièrement discutable : en quoi ce co-développement
diffère-t-il de l’aide au développement, qui appartient elle-même à la pensée
néocoloniale ? Car comme l’a écrit l’historien burkinabè Joseph
Ki-Zerbo : « On ne développe pas, on se développe. » Les peuples
africains sont privés de leurs propres richesses au profit d’une minorité qui
s’enrichit démesurément, tant au Nord que sur le continent noir, et toute forme
de développement est impossible dans ces conditions.


La plus belle ambition internationale d’un candidat à l’élection
présidentielle française ne serait-elle pas de permettre aux populations
africaines d’enclencher le développement qu’elles auraient elles-mêmes choisi,
en faisant en sorte que, débarrassées du fardeau de la dette, elles disposent
enfin des leviers de décision les concernant ? Dans ce cas seulement
pourront émerger un réel espoir d’une vie meilleure dans leur pays et la
dignité qui leur est refusé depuis des siècles : les solutions pour
permettre aux peuples du Sud de construire un avenir plus juste sont connues.


L’annulation immédiate de toutes les dettes extérieures publiques, dont
une grande part est illégitime et odieuse, rendrait possible la fin de la
domination subie avec une si grande violence par les populations africaines,
notamment les plus démunies. Asphyxiés par le remboursement de la dette, qui
représente très souvent plus du tiers du budget, et par la captation des
richesses par des dirigeants peu scrupuleux au service des grandes puissances,
les Etats africains sont donc privés des moyens financiers de garantir les
droits humains fondamentaux pour leurs populations.


Un audit des créances de la
France sur ces pays, réalisé par le gouvernement français
avec la participation des mouvements sociaux, permettrait de savoir à qui ont
profité les sommes prêtées. Celles ayant servi à corrompre des dirigeants
africains (et à rétro-corrompre certains responsables politiques français), à
réprimer des populations en quête de justice et de démocratie, à enrichir des
sociétés transnationales ou à élaborer des projets pharaoniques pour le profit
de dirigeants mégalomaniaques et d’entreprises amies soutenues par la France doivent être
annulées.


Les paradis fiscaux sont au cœur du dispositif, permettant une évasion
facile de capitaux ainsi soustraits à l’impôt, ici comme ailleurs. Des
centaines de milliards de dollars, qu’ils aient été acquis illégalement ou non,
sont dissimulés dans ces trous noirs de la finance qui sont moralement
injustifiables. Ces paradis fiscaux sont à nos portes (Monaco, Andorre,
Luxembourg, Suisse, City de Londres et tant d’autres) et le gouvernement
français peut très facilement, si la volonté politique existe, mettre fin à ce
scandale qui dépossède la majorité des humains.


La France, quatrième actionnaire de la Banque mondiale et du FMI,
pourrait utiliser son pouvoir au sein de ces institutions pour placer ces
questions au cœur du débat public et promouvoir un changement radical de ces
deux institutions-clés, au bénéfice des plus démunis. Actuellement, les
conditionnalités qu’elles imposent à ces pays empêchent les Etats du Sud de
mener une politique orientée vers l’amélioration des conditions de vie de leurs
populations. Cette forme de colonisation économique, qu’on a osé appeler
« bonne gouvernance » et dont les dirigeants du Sud sont complices,
prend différentes formes qui frappent de plein fouet les populations
pauvres :


- l’ouverture des frontières aux sociétés transnationales qui
s’approprient une grande part des richesses naturelles africaines et rapatrient
leurs bénéfices en ne laissant en Afrique qu’inégalités et désastres
écologiques. Une taxe sur les bénéfices de ces sociétés et sur les transactions
financières internationales pourrait s’attaquer aux inégalités les plus
flagrantes du modèle économique dominant ;


- le « tout à l’exportation », imposé par les créanciers, au
détriment de l’agriculture vivrière, pour rembourser cette dette dont le
montant n’a plus aucune réalité économique. Les nouveaux prêts servent le plus
souvent à rembourser les anciens... Si l’on sait que la moitié de la population
africaine vit avec moins de 2 dollars par jour, on sait moins que 70% de ces
personnes vivent dans les campagnes et sont les premières touchées par la
sous-alimentation.


- la disparition imposée de toutes barrières douanières de protection
pour l’agriculture des pays du Sud alors que les productions européennes sont
largement subventionnées et particulièrement polluantes. Elles arrivent sur les
marchés africains à des prix inférieurs à ceux des productions locales,
empêchant les petits paysans - du Sud mais aussi du Nord d’ailleurs - de vivre
dignement de leur travail. La
France pourrait promouvoir à l’échelle internationale un
commerce plus équitable et une agriculture paysanne, visant avant tout à la
souveraineté alimentaire de tous les pays.


L’annulation totale et inconditionnelle de la dette des pays du Sud, un
mécanisme de répartition équitable de la richesse, la suppression des paradis
fiscaux et une autre architecture financière internationale seraient de nobles
combats pour une France qui aujourd’hui prend toute sa part dans le puissant
mécanisme d’oppression en place. Question secondaire lors d’une campagne
présidentielle, nous direz-vous ? Rien de plus faux ! Prétendre
gouverner demain la France
dans le respect des valeurs de justice reconnues par le droit international
sans vouloir rompre avec la logique néolibérale actuelle est une erreur
politique majeure.


Nicolas Sersiron, vice-président du CADTM France (www.cadtm.org)


Damien Millet, président du CADTM France, auteur de L’Afrique sans
dette, CADTM/Syllepse, 2005.
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