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Le Devoir
LES ACTUALITÉS, vendredi 1 juin 2007, p. a1
Accord de libre-échange canado-européen
Québec devra attendre son tourLa priorité va au sauvetage du cycle de Doha
Desrosiers, Éric
N'en déplaise au
Québec, son projet d'accord de
libre-échange canado-européen passera en deuxième, soit après les
tentatives de sauvetage du cycle de négociations de Doha à
l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Aussi devra-t-il
probablement se contenter, lors du Sommet Canada-Union européenne qui
se tiendra lundi à Berlin, d'un «engagement politique fort» à un
éventuel resserrement des liens économiques transatlantiques.
«Du point de vue européen, tout accord de
libre-échange bilatéral ou régional est considéré comme secondaire en
comparaison de l'importance de Doha», a déclaré hier l'ambassadeur
d'Allemagne au Canada, Matthias Höpfner, dans un discours présenté
devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).
Comme les deux côtés de l'Atlantique partagent cette opinion, a-t-il
poursuivi, le projet d'un éventuel accord de libre-échange
canado-européen «ne pourra être abordé que dans un environnement
post-Doha».
Ottawa disait précisément la même chose la veille.
La priorité, expliquait-on au Devoir au cabinet du ministre du Commerce
international, David Emerson, est d'arriver à une entente à l'OMC. Ce
n'est qu'après que l'on sera en mesure de voir où sont les besoins et
quel genre d'accord on voudra négocier avec les Européens.
Le premier, cet hiver, à relancer l'idée d'un pacte
de libre-échange nouveau genre entre le Canada et l'Union européenne,
le
Québec ne semble pas comprendre pourquoi on ne pourrait pas mener
les deux projets de front. «Bien sûr, nous souhaitons tous que la ronde
de Doha ait une issue positive, mais cela ne doit pas nous empêcher
d'explorer d'autres avenues complémentaires pour développer les
relations entre l'Union européenne et le Canada», a déclaré hier, après
le discours de l'ambassadeur allemand, François Bouilhac, sous-ministre
adjoint au ministère du Développement économique, de l'Innovation et de
l'Exportation.
Il faut dire que le cycle de Doha dure maintenant
depuis presque six ans, alors que l'on s'était promis de le conclure au
bout de quatre, et que rien n'indique que l'impasse qui persiste pourra
être rompue dans les prochains mois. Le cycle de négociations
précédent, celui de l'Uruguay, avait duré sept ans et demi. Pendant ce
temps, Américains, Européens et Canadiens ne se privent pas pour lancer
toutes sortes de négociations bilatérales de libre-échange avec l'Asie
ou encore l'Amérique latine.
Se gardant bien de voler la primeur à sa
chancelière, Angela Merkel, ainsi qu'à son invité canadien, Stephen
Harper, sur les résultats de leur réunion de lundi, l'ambassadeur
Höpfner a quand même dit hier s'attendre à «un engagement politique
fort pour des relations plus étroites aux résultats concrets». Cela
devrait ressembler, a-t-il dit, à ce qui a été convenu à la fin du mois
dernier lors de la rencontre au sommet entre, cette fois, l'Union
européenne et les États-Unis.
George Bush et Angela Merkel avaient convenu, à
cette occasion, d'organiser chaque année une rencontre au sommet
ressemblant beaucoup à ce qui se fait depuis des années entre le Canada
et l'UE. Comme avec le Canada, le but recherché est de faire la
promotion d'une plus grande intégration transatlantique en matière
d'harmonisation des normes, de propriété intellectuelle,
d'investissement, de marché financier ou encore d'innovation. On avait
également convenu d'une libéralisation du trafic aérien.
«Travail de longue haleine»
Désireux de sortir l'économie québécoise de sa
relation commerciale presque exclusive avec les États-Unis, le premier
ministre Jean Charest a lancé l'idée «d'un accord de libre-échange du
XXIe siècle» entre le Canada et l'Union européenne en marge de sa
participation au Forum de Davos en janvier. L'entente recherchée par
Québec ne vise pas à réduire des quelconques tarifs ou barrières
commerciales qui ont déjà été pratiquement ramené à zéro dans le
commerce des biens entre le Canada et l'Europe. On vise plutôt
l'augmentation de la mobilité de la main-d'oeuvre qualifiée, la
reconnaissance des diplômes, l'harmonisation des réglementations,
l'ouverture des marchés gouvernementaux et la promotion des
investissements.
L'idée de Jean Charest est arrivée au même moment où
Angela Merkel, tout juste investie de la présidence de l'UE pour six
mois, en appelait à la mise en place de nouveaux cadres économiques
transatlantiques «similaires à ceux d'un marché intérieur». Le
Québecs'est immédiatement donné pour mission de rallier à sa cause les autres
gouvernements canadiens et les gens d'affaires. Ces derniers n'ont pas
mis de temps à se laisser convaincre. Le gouvernement fédéral s'est
aussi tout de suite dit favorable à l'idée. «Je ne dirais pas qu'Ottawa
met le coeur de son énergie à monter le projet, mais le jour où le
projet va être monté, il va embarquer», avait déclaré en février le
ministre du Développement économique, Raymond Bachand. Du côté des
provinces, la réaction «est plutôt bonne», disait-il, «il ne reste plus
qu'à la monter en puissance».
Aujourd'hui, en plus d'Ottawa,
Québec peut compter
sur l'appui de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Du côté des
gens d'affaires, il a reçu il y a deux semaines le précieux soutien du
Conseil canadien des chefs d'entreprise ainsi que de son équivalent
européen, le BusinessEurope. «L'idée est devenue un mouvement», s'est
félicitée hier Isabelle Mignault, porte-parole du ministre Bachand. «On
est conscients que ce sera un travail de longue haleine, mais on est
déjà fiers des progrès réalisés.»
La plupart des experts consultés disent douter des
chances de succès de ce genre de projet. L'idée d'un libre-échange
entre l'Europe et le Canada, ou les États-Unis, surgit tous les cinq ou
dix ans, disent-ils. Elle a mené chaque fois à un échec à cause du
manque d'intérêt des principaux acteurs concernés. La dernière
initiative du genre entre le Canada et l'Union européenne a été mise
sur la glace indéfiniment il y a exactement un an à cause du peu de
progrès réalisé et du désir des parties de se concentrer sur les
négociations à l'OMC. L'Union européenne est le deuxième partenaire
commercial du Canada en importance, avec seulement 8,8 % du total. On
connaît le premier.
L'une des principales questions qui pourraient être
litigieuses dans le cadre d'éventuelles négociations entre le Canada et
l'UE est la lutte contre les gaz à effet de serre. L'Union européenne
est prête à s'engager très loin sur cette question, a rappelé hier
l'ambassadeur Höpfner, mais à condition que ses partenaires commerciaux
en fassent autant. «L'énergie et le climat m'apparaissent des enjeux
clés pour augmenter l'intérêt de l'Europe pour le Canada», a-t-il
averti. La question a d'ailleurs bien failli faire capoter le sommet
É.-U.-UE du mois dernier avant qu'on s'entende pour la remettre à plus
tard.
Les gouvernements canadiens, notamment provinciaux,
auraient également tout intérêt, selon lui, à réexaminer la possibilité
d'ouvrir à d'autres leurs appels d'offres. Les entreprises canadiennes
aimeraient sans doute avoir accès, en retour, aux mêmes marchés, mais
cette fois dans une zone comptant 500 millions de consommateurs. Les
Européens voudraient aussi que l'on se montre plus sensible à leurs
différents systèmes d'appellation contrôlée, visant par exemple à
protéger la marque de commerce du fromage parmesan, du saucisson de
Bologne ou du Roquefort. Ils s'impatientent également devant la lenteur
des autorités canadiennes à reconnaître les mêmes droits aux visiteurs
de l'Union européenne, qu'ils viennent de France ou de Pologne.
Catégorie : La Une; Actualités
Sujet(s) uniforme(s) : Politique extérieure et relations internationales
Type(s) d'article : Article
Taille : Long, 864 mots
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