Question de franchise entre Martin Hirsch et Nicolas SarkozyMartin Hirsch, un des symboles de l'ouverture du gouvernement.
(Photo : AFP)
Mais qu’allait-il faire dans cette galère ! C’est ce que certains murmurent déjà dans l’entourage de Martin Hirsch,
ancien président d’Emmaüs France et tout nouveau Haut commissaire aux
solidarités actives contre la pauvreté : nommé seulement la semaine
dernière, le voilà déjà en porte-à-faux avec le gouvernement à propos
de l’instauration d’une franchise santé, ce forfait annuel de soins que
chaque patient devra acquitter et qui ne sera remboursé ni par la
sécurité sociale, ni par les assurances complémentaires et autres
mutuelles.
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Car Martin Hirsch est clair : cela ne lui
paraissait pas une bonne mesure pendant la campagne électorale, il
l’avait longuement explicité sur son blog (
martinhirsch.blogs.nouvelobs.com/),
et cela ne lui paraît toujours pas une bonne chose. Il l’a redit
publiquement ce lundi en réponse à des auditeurs qui l’interrogeaient
lors d’une émission de radio, provoquant un certain émoi; la mesure
figure en effet en très bonne place dans le programme du gouvernement
où il vient de faire son entrée…
Les systèmes de santé publique (avec l’Etat providence) sont l’une
des principales caractéristiques du modèle social européen. Mais
l’apparition du célèbre «trou de la Sécu» dans les années 1980 a changé
la donne. Alors que pendant 40 ans la seule cotisation des actifs
suffisait à financer la santé de tous, aujourd’hui les décideurs
doivent résoudre une équation infernale : une population française qui
vieillit et qui donc consomme plus de soins, une population active
insuffisante pour abonder la caisse d’assurance maladie (notamment en
raison d’un trop grand nombre de chômeurs qui ne cotisent donc pas).
Le problème n’est pas typiquement français, et presque tous les pays
européens ont pris conscience qu’il fallait associer les patients à la
maîtrise des dépenses de santé. Certains ont augmenté le ticket
modérateur (Allemagne), la part laissée à la charge du patient mais que
souvent les assurances complémentaires remboursent. D’autres ont choisi
d’instaurer une franchise (Belgique, Suisse) : une participation
forfaitaire annuelle aux soins, non remboursée par la sécurité sociale,
non remboursée non plus par les assurances complémentaires. C’est cette
solution que Nicolas Sarkozy préconise pour sauver le système français
de la faillite.
Une mesure très contestéeSi son programme mentionnait simplement la nécessité de «
responsabiliser» les Français pour lutter contre l’augmentation massive des dépenses de santé (
www.u-m-p.org/propositions/index.php?id=franchise_sante),
on commence à en savoir plus sur les détails. La franchise serait
quadruple : elle recouvrirait les premiers euros annuels sur les
examens biologiques, les médicaments, les visites médicales, et les
hospitalisations.
Quel montant ? Rien n’a été officiellement annoncé, le sujet est
terriblement explosif à la veille des élections législatives, d’autant
que les Français sont très attachés au maintien de leur système de
sécurité sociale. Mais ici et là des chiffres circulent; cela pourrait
être 25 euros par franchise, soit un forfait total annuel de 100 euros,
ce qui représente 3 jours de salaire d’un smicard. Il semble que les
chiffres pourraient être revus à la baisse ou à la hausse selon les
années, pour tenter d’accompagner au mieux les variations des dépenses
de santé.
Et c’est parce que le forfait pourrait représenter de véritables
sommes pour les moins fortunés, qui risquent de ce fait de moins bien
se soigner, que la riposte a commencé de s’organiser. Des médecins
d’abord ont lancé une pétition (
http://www.appelcontrelafranchise.org/),
avec à leur tête les médiatiques Martin Winckler et Christian Lehmann,
tous les deux médecins et écrivains; leur appel contre la franchise a
déjà réuni quelque 30 000 signatures, dont celle de Ségolène Royal.
Pour eux c’est un nouveau pas vers une médecine à deux vitesses, la
franchise est un signe de régression sociale, les plus pauvres
hésiteront à consulter, et on risque de voir de petits maux mal soignés
se transformer en vraies maladies, le contraire d’une bonne politique
de santé publique. Des spécialistes ont pris le relais, rappelant que
70% des dépenses de soins étaient le fait de 10% de très grands
malades, et que l’instauration d’une franchise ne changerait pas
grand-chose à ces frais. Dernier coup de griffe en date, celui donc de
Martin Hirsch.
«Un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne»C’était
Jean-Pierre Chevènement qui avait prononcé ces mots devenus célèbres
pour expliquer son départ du gouvernement lors de la première guerre du
golfe, en 1983. Martin Hirsch devrait-il partir ? D’abord il n’est pas
ministre, ensuite il vient tout juste d’être nommé, et sa présence fait
partie des signes de l’ouverture vers la gauche et vers la société
civile affichée par le gouvernement de François Fillon. Aujourd’hui
l’histoire se termine bien : Roselyne Bachelot la ministre de la Santé
a expliqué, après avoir rencontré Martin Hirsch, que l’instauration du
forfait serait accompagnée des exonérations nécessaires en cas de
situation sociale très dégradée, ce qui ne figurait pas dans le
programme de Nicolas Sarkozy. Et Philippe Bertrand le ministre du
Travail a répété qu’«
on ne demandait à personne de renier ses idées».
Mais le sujet reste brûlant, on le verra dès demain mercredi : on
attend les prochains chiffres de l’assurance maladie, qui, dit-on, sont
bien mauvais.
par Catherine
Frammery
Article publié le 22/05/2007 Dernière mise à jour le 22/05/2007 à 15:21 TU