Luis Posada Carriles, le terroriste de la Maison-Blanche Salim Lamrani
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Le 19 avril 2007, la juge de la Cour fédérale d’El Paso (Texas),
Kathleen Cardone, a accepté la mise en liberté conditionnelle de Luis
Posada Carriles, le pire terroriste du continent américain, en échange
d’une caution de 350 000 dollars. Le 12 avril 2007, la Cour d’appel du
Cinquième Circuit de la Nouvelle-Orléans, dans un recours de dernière
minute, avait en vain essayé d’empêcher la libération du criminel
d’origine cubaine, incarcéré depuis mai 20051. Posada Carriles,
responsable de près d’une centaine d’assassinats, est tranquillement
rentré chez lui à Miami, dans l’attente de son procès qui doit débuter
le 11 mai 2007 2.
Le cas Posada Carriles mine singulièrement la crédibilité des
Etats-Unis dans sa « lutte contre le terrorisme ». Le président Bush,
qui avait affirmé à maintes reprises que toute nation qui protègerait
des terroristes serait considérée comme complice, est désormais face à
ses propres contradictions. En effet, Posada Carriles a été mis en
examen pour séjour illégal sur le territoire étasunien. Il y était
entré en mars 2005 à bord du bateau Santrina au su et au vu des
autorités et n’avait été arrêté qu’après avoir tenu une conférence de
presse, se vantant de ne rien craindre de la part du gouvernement
étasunien qu’il avait loyalement servi pendant des décennies. Mais les
sept charges qui pèsent à son encontre ne font en aucun cas référence à
ses activités criminelles, mais concernent uniquement des questions de
fraude migratoire et de faux temoignage3.
Qu’est-il advenu de la Section 412 du Patriot Act qui stipule qu’il
est interdit de relâcher un suspect si « sa libération menace la
sécurité nationale des Etats-Unis ou la sécurité de la communauté ou de
n’importe quelle personne4 » ? Qu’est-il advenu de la résolution 1373
des Nations unies, votée après les attentats du 11 septembre 2001,
précisant que tous les Etats devaient présenter les terroristes à la
justice ?
Dans un article publié le 10 avril 2007, le président Fidel Castro
a affirmé que la décision de libérer Posada Carriles ne pouvait «
provenir que de la Maison-Blanche ». « Ce fut le président Bush
lui-même qui a éludé à tout moment de reconnaître le caractère criminel
et terroriste de l’accusé. On l’a protégé en lui imputant une simple
violation des démarches migratoires ». En effet, Washington, embarrassé
par les possibles déclarations de Posada Carriles, refuse d’évoquer le
passé criminel d’un de ses anciens agents car, comme le souligne le
leader cubain, « accuser Posada Carriles revenait à s’accuser soi-même5
». L’un des plus impitoyables agents de l’histoire de la CIA est
impliqué dans de trop nombreuses affaires secrètes, y compris
l’assassinat du président John F. Kennedy. Posada Carriles en sait trop
et sa remise en liberté était le prix à payer pour acheter son silence.
Une sanglante trajectoire terroriste
Agent de police sous la dictature de Fulgencio Batista, Luis
Posada Carriles a rejoint les rangs de la CIA en février 1961 en
intégrant la brigade 2506. Formé à l’Ecole des Amériques de Fort
Benning en Géorgie, il est devenu un expert en explosifs et a participé
à l’agression militaire étasunienne de la Baie des Cochons en avril
19616. Agent officiel de la CIA entre avril 1965 et 1974, l’Agence a
cependant maintenu « un contact occasionnel avec lui » jusqu’en 19767.
Il convient de rappeler qu’en 1976 George H. W. Bush, père de l’actuel
président, était le directeur de la CIA. Posada Carriles a représenté «
un intérêt opérationnel pour l’Agence8 », qui lui versait un salaire
d’au moins 300 dollars par mois9.
Le 23 juin 1964, Posada Carriles signa une déclaration au FBI à
Polk City, en Floride, dans laquelle il avouait son intention de
perpétrer des attentats terroristes contre Cuba. « Posada a déclaré
qu’on ne leur avait pas dit qu’ils avaient le soutien du gouvernement
des Etats-Unis, mais qu’ils croyaient avoir effectivement la tolérance
du gouvernement des Etats-Unis par le simple fait qu’ils n’avaient été
dérangés par personne lorsqu’ils réalisaient leurs activités
d’entraînement militaire10 ».
Le 17 mai 1965, le FBI déjouait un complot organisé par Roberto
Alejos Arzu, un riche guatémaltèque, destiné à renverser le
gouvernement de son pays d’origine. Posada Carriles faisait partie des
personnes impliquées dans la conspiration, avec l’exilé cubain Luis
Sierra López. Lors de l’opération, les services des douanes étasuniens
avaient confisqué une impressionnante quantité d’armes et de
munitions11.
Posada Carriles a à son actif l’organisation et la réalisation de
nombreux attentats terroristes. Selon le FBI, en juillet 1965, alors
agent de la CIA, il avait reçu 5 000 dollars de Jorge Mas Canosa, alors
dirigeant du groupuscule terroriste RECE (Representación Cubana en el
Exilio) et futur leader de la puissante Fondation nationale
cubano-américaine (FNCA), pour faire exploser un bateau cubain ou
soviétique à Veracruz, au Mexique. Posada Carriles avait fait part de
son intention de se procurer des papiers portoricains pour entrer au
Mexique. Il avait à sa disposition « 100 rouleaux d’explosif C-412 ».
Dans les années 1970, Posada Carriles a œuvré comme responsable de
la division de contre-espionnage des services de renseignements
vénézueliens, la DISIP, participant à la torture et à l’exécution de
nombreux opposants politiques, syndicalistes et militants sociaux,
jusqu’en 197413.
Posada Carriles est, entre autres, l’auteur intellectuel avec
Orlando Bosch du sanglant attentat commis le 6 octobre 1976 contre
l’avion commercial cubain 445 qui a coûté la vie à 73 personnes à la
Barbade, incluant toute l’équipe junior d’escrime cubaine qui venait de
remporter les jeux panaméricains. Selon un rapport secret de la CIA,
rédigé le 22 juin 1976 et portant le titre « Plans possibles
d’extrémistes cubains exilés de faire sauter un avion de Cubana », un
groupe terroriste « dirigé par Orlando Bosch » avait l’intention de
placer une bombe dans un avion civil cubain. L’information avait été
fournie à la CIA par un homme d’affaire très proche de la communauté
cubaine en exil, qualifié « d’informateur fiable ». A aucun moment,
George H. W. Bush ou les autorités étasuniennes n’avaient alerté La
Havane de l’imminence de l’acte terroriste14.
L’attaché du FBI à Caracas était en contact avec le Vénézuelien
Hernan Ricardo Lozano, l’un des terroristes qui, avec Freddy Lugo,
avait placé la bombe dans l’avion le 6 octobre 1976, comme le confirme
un rapport confidentiel de l’agence étasunienne datant du 9 octobre
1976, soit trois jours après l’effroyable crime. Le document affirme
que Lozano était un journaliste free lance employé « par une entreprise
de sécurité industrielle dirigée par Luis Posada ». Le rapport souligne
cependant que Lozano « était en fait au service personnel de Luis
Posada ». Lozano avait fait part au FBI de son intention de réaliser
des attentats contre l’ambassade cubaine à Caracas. Le 30 septembre
1976, il avait sollicité un visa pour se rendre à Porto Rico en vue d’y
faire un reportage. Le FBI remarquait une étrange coïncidence dans son
rapport :
« En révisant le passeport et la demande de visa, Legat [le FBI] a
noté que Ricardo [Lozano] avait voyagé de Caracas à Port-of-Spain,
Trinidad, le 29 août 1976 et était retourné à Caracas le 1 septembre
1976. Legat rappelait que l’attentat à la bombe contre le consulat de
Guyana avait eu lieu approximativement à 10h15 le 1er septembre 1976 et
s’est demandé si au vu de l’association de Ricardo avec Posada sa
présence là-bas, durant cette période, était une coincidence15 ».
Le FBI avait de forts soupçons sur les activités terroristes de
Ricardo Lozano et Posada Carriles mais avait néanmoins accepté
d’octroyer un visa au premier. Lozano avait même indiqué au FBI qu’il
comptait visiter la Barbade. Le 8 octobre 1976, le FBI apprenait par
une source confidentielle que Ricardo Lozano avait été arrêté à
Trinidad pour le meurtre de 73 personnes16.
Un rapport remis au secrétaire d’Etat Henry Kissinger par le
Bureau d’intelligence et de recherche du Département d’Etat, au sujet
de l’attentat du 6 octobre 1976, confirme la culpabilité de Ricardo
Lozano et indique qu’il avait été entraîné dans le maniement
d’explosifs par Posada Carriles. Le poseur de bombe était également un
membre de la DISIP et avait été recruté par Posada Carriles quand ce
dernier occupait le poste de responsable. « Le gouvernement vénézuelien
est inquiet et ferait face à de sérieux problèmes si ces connections
devenaient publiques », notait le rapport17.
Sam 5 Mai - 11:29 par Tite Prout