1. LE NOUVEAU MUR DE L’ARGENT. REALITES DE LA
GLOBALISATION FINANCIERE
Un nouveau « mur de l’argent » est dressé
depuis une dizaine d'années
par les grandes banques internationales qui a
pour résultat de
contrer la volonté des politiques et notamment
des gouvernements
démocratiquement élus.
Par François Morin, professeur de sciences
économiques –
université de Toulouse 1, membre du Conseil de
la Banque de
France (1985-93)
2. A L’AURORE DU SIECLE, OU EST L’ESPOIR ?
En se revendiquant du droit international,
l’émergence du concept
de bien public global ouvre des perspectives pour
la redéfinition de
l’aide internationale et de son corollaire, le
financement du
développement
Par François Lille, Conseil scientifique
d’Attac France, animateur
de « Biens publics à l'échelle mondiale ».
3. MANIFESTE DES SERVICES PUBLICS - SYNTHESE
Les Etats généraux des services publics auront
lieu le 10 mars
prochain, à l’initiative la Convergence des
collectifs de défense et
de promotion des services publics dont Attac est
partie prenante. A
cette occasion sera lancé le Manifeste, dont la
version intégrale est
disponible est sur le site :
http://www.v-s-p.org. Nous en
présentons la synthèse.
4. MANIFESTE D’ATTAC FRANCE : LE SITE
Nous vous invitons à découvrir le site
consacré au Manifeste
altermondialiste d'Attac à l'adresse suivante :
http://manifeste.attac.org/
5. PROBLEMATIQUE ALTERMONDIALISTE DES
MIGRATIONS
Les migrations sont au cœur des transformations
de chaque société
et du système mondial. Les migrations et les
migrants peuvent être
considérés comme des analyseurs de nos
sociétés et du monde.
Nous partirons du principe que l'émergence d'un
mouvement
altermondialiste modifie les perspectives et les
points de vue sur
l'état du monde.
Par le Conseil scientifique d’Attac France
(extrait du rapport «
Migrations et mondialisation »)
______________________________
1. LE NOUVEAU MUR DE L’ARGENT. REALITES DE LA
GLOBALISATION FINANCIERE
Par François Morin, professeur de sciences
économiques –
université de Toulouse 1, membre du Conseil de
la Banque de
France (1985-93). Cet article est un bref exposé
de la thèse
présentée dans le dernier ouvrage de F. Morin :
Le nouveau mur de
l'argent : essai sur la finance globalisée,
Seuil, 2006.
______________________________
Notre hypothèse est que l’histoire monétaire
et financière que la
France a connue dans l’entre-deux guerres (avec
les gouvernements
du Cartel des gauches) est en train de se
répéter, mais, cette fois-ci,
dans une dimension autrement plus importante
puisqu'elle se situe à
l’échelle mondiale : un nouveau « mur de
l’argent » est dressé
depuis une dizaine d'années par les grandes
banques internationales
qui a pour résultat de contrer la volonté des
politiques et
notamment des gouvernements démocratiquement
élus. C’est à
l’architecture, la construction et les dangers
de ce mur que se
rapporte notre analyse.
Comment le processus de globalisation financière
a-t-il pu aboutir à
un tel résultat ?
Le cœur du processus, appuyé sur les
argumentaires des théoriciens
libéraux des années 60, a stratégiquement
visé la libéralisation, de
la tutelle des États, de deux prix de marché :
le taux d’intérêt d’une
part (libéralisation interne), et le taux de
change d’autre part
(libéralisation externe). Ces bases ont donné
aux épargnants, grâce
à des taux d’intérêt réels redevenus
positifs, une place centrale dans
le financement d’économies, dominées
désormais par les marchés
financiers.
Cette libéralisation a d’abord provoqué,
durant les années 80 et au
début des années 90 une montée vertigineuse de
la finance directe
au détriment du crédit bancaire traditionnel.
Mais, l’instabilité des
prix propre à ce type de financement a engendré
également une «
innovation financière », dite foisonnante, mais
destinée
paradoxalement à couvrir, en réalité, les
risques liés au
fonctionnement même de ces marchés. Il faut en
effet se couvrir
contre les variations intempestives des taux
d’intérêt et des taux de
change.
Le résultat ? Une démesure totale des
transactions sur les marchés
monétaires et financiers qui tient à la place
prise non seulement par
la « marchéisation » du financement, mais
surtout par le besoin de
couverture engendré par ce financement, qui,
lui-même, entraîne
mécaniquement des comportements spéculatifs.
Il faut alors proposer une évaluation précise
de l’emprise de la
finance globale sur l’économie réelle. Des
tableaux inédits,
exprimés dans une nouvelle unité de mesure (le
tera-dollar, soit
mille milliards de dollars), offrent une vision
cohérente des flux
financiers (capitaux) et des flux réels (biens
et services) qui
traversent désormais l’économie mondiale*. On
sait qu’une façon
de mesurer l’explosion de ces marchés est de
constater le volume
des liquidités qui transitent sur les marchés
interbancaires : 1155
téra-dollars, à comparer, par exemple, sur la
même période (l’année
2002), au volume des transactions sur biens et
services de la
planète entière : 32,4 téra-dollars.
Cette hypertrophie actuelle des transactions de
la finance globalisée
justifie de parler de « mur de l’argent ». Ce
mur est certes fait de
liquidités énormes qui transitent à
l’intérieur des systèmes de
règlement, ce qui les soumet à un risque
systémique croissant. Mais
surtout, il se bâtit sur des comportements
d’acteurs dont la logique
est celle de prélèvements de valeur sur
l’activité économique :
survaleur actionnariale, coûts de transaction et
plus values
spéculatives sur produits dérivés, ainsi que
surcoûts de financement
en raison du niveau atteint par les taux
d’intérêt réels.
Une des conséquences les plus graves du poids
croissant de cette
finance nouvellement libéralisée est son impact
considérable sur
l’économie réelle. De nouvelles normes de
gestion ont été ainsi
imposées par les investisseurs financiers aux
entreprises,
transférant massivement les risques sur les
salariés et sur les futurs
retraités. Les principes de la nouvelle
gouvernance des firmes sont
là pour rappeler aux chefs d’entreprise que le
profit pour
l’actionnaire doit guider essentiellement leur
action.
La combinatoire de ces différents prélèvements
sur l’activité, et les
transferts de risque qui y sont associés forme,
en quelque sorte, le
ciment de ce mur d’argent, ce que nous avons
aussi appelé le
nouveau paradigme de la finance globalisée.
Celui-ci se caractérise,
sur le plan financier, par l’émancipation de
la liquidité de la tutelle
des banques centrales. Pour le dire autrement,
les Banques
centrales sont, dans ce nouveau régime,
contraintes d’alimenter les
marchés monétaires et financiers de la
liquidité dont ceux-ci ont
continuellement besoin. Autant dire que ce
suivisme leur fait perdre
le pouvoir de régulation qui était le leur
auparavant, et notamment
leur pouvoir d’action sur la gamme des taux
d’intérêt.
Ce nouveau régime d’accumulation se
caractérise alors par des
cycles récursifs qui se combinent à
l’échelle internationale, ce qui
le rend intrinsèquement instable : cycle
financier provoqué par la
prise de risque excessive des firmes sous la
contrainte de la valeur
actionnariale, et cycle récursif des produits
dérivés, alimenté par les
incertitudes de marché, elles-mêmes générant
une bulle qui ne
cesse de grossir.
Cette instabilité est amplifiée, en outre, par
des dérives spéculatives
et mimétiques de certains investisseurs
financiers. Ces
comportements sont souvent à l’origine de
graves
dysfonctionnements, ou de crises monétaires et
financières, à
impact planétaire en raison des effets de
contagion. Ces dérives
actuelles trouvent en partie leur source dans des
logiques
spéculatives particulières, celles notamment de
certains
intervenants qui cherchent à manipuler les
marchés à terme.
Finalement, lorsque l’on cherche à cerner les
forces dirigeantes qui
sont à l’œuvre dans le nouveau régime
d’accumulation, une réalité
émerge fortement, depuis une dizaine d’années
: le pouvoir devenu
considérable des plus grandes banques
internationales. Celles-ci
sont le plus souvent à l’origine de
l’innovation financière liée aux
produits dérivés ; elles dominent le marché
des swaps au point
d’exercer un pouvoir de marché sur la
formation de leur taux, taux
qui sont aujourd’hui les taux référents de
l’ensemble des marchés
monétaires et financiers ; enfin, depuis peu,
elles ont pris le
contrôle des sociétés qui gèrent les fonds
d’investissement pour le
compte de tiers, qui sont à l’origine de la
valeur actionnariale et,
par conséquent, de la financiarisation de la
gestion des firmes.
Depuis les années 1990, quelques dizaines de
banques ont ainsi
conquis le vrai pouvoir de régulation monétaire
: ce sont elles
désormais qui dictent effectivement
l’évolution des taux d’intérêt,
et non plus les banques centrales. En raison de
leur petit nombre
d’une part et de leurs profits financiers
considérables d’autre part,
nous défendons l’idée que ces banques forment
aujourd’hui un
oligopole particulièrement puissant à
l’échelle internationale.
Reléguant les banques centrales au second plan,
c’est-à-dire les
cantonnant à de simples pourvoyeuses de la
liquidité dont il a
besoin, cet oligopole est le véritable
régulateur des marchés
monétaires et financiers mondiaux. C’est lui
qui est le maître
d’ouvrage du mur de l’argent qui se bâtit
sous nos yeux.
Cet oligopole n’est évidemment soumis ni à un
contrôle politique,
ni a fortiori à un contrôle démocratique. Tout
juste est-il contraint
par des règlements prudentiels de portée
limitée et élaborés
pragmatiquement a posteriori, ou encore par des
normes issues
d’une autorégulation professionnelle, une fois
que les difficultés ou
les catastrophes ont été malheureusement
constatées.
La question qui se trouve désormais posée est
donc bien celle d’une
régulation des activités de cette finance
globalisée et de ce noyau
oligopolistique. Comment produire les
contre-pouvoirs efficaces
face aux tentations hégémoniques de cette
sphère et de ses
principaux acteurs, dont le résultat est une
croissance des inégalités
et une instabilité chronique ?
Nous touchons avec cette dernière question, le
contenu
potentiellement explosif des rapports entre cette
finance globalisée
et la démocratie. On peut en faire le constat :
d’un côté, des
sociétés démocratiques en Europe, mais aussi
un peu partout dans
le monde, voient se succéder des majorités
alternantes, avec
souvent des basculements forts, qui traduisent
des
mécontentements profonds (comme en atteste
également
l’installation durable d’extrémismes
nationalistes) ; on y dénonce
l’absence de projets, ou lorsqu’il y en a un,
celui-ci se borne à
demander « l’accompagnement », jugé
inévitable, de la
mondialisation économique ; il faut par
conséquent « s’adapter » à
cette nouvelle donne par des « réformes
indispensables ».
De l’autre côté, une finance libéralisée et
son noyau oligopolistique
de plus en plus puissants, avec ses propres codes
et ses propres
valeurs, ne rencontrent guère d’obstacles sur
leur chemin. Certes,
des bulles et des scandales émaillent son
expansion ; mais,
l’adaptation des règles prudentielles,
l’adoption de chartes de
bonne gouvernance, ou le renforcement des
autorités de régulation
ont pour objectif de pallier les erreurs de
parcours qui sont jugées
seulement regrettables. La question redoutable
posée par cette
expansion est donc en définitive de savoir si la
finance globale
n’exerce pas des effets dissolvants sur nos
sociétés démocratiques.
En conclusion, il faut alors introduire une piste
de réflexion pour
une autre régulation de la finance globale. La
réponse ne peut pas
être seulement partielle comme, par exemple, la
taxe Tobin. Celle-
ci ne s’intéresse qu’aux flux de capitaux à
court terme qui transitent
sur le marché des changes, soit un compartiment
très particulier de
l’un des marchés de cette finance globale. À
question globale, ne
faut-il pas une réponse globale ? D’où notre
proposition principale
concernant une nouvelle architecture de
régulation : la création, à
son sommet, d’un régulateur global, qui sera
en capacité de faire
face à cette finance internationale, non pas à
travers un seul de ses
compartiments, aussi important fût-il, mais
conjointement à
l’ensemble de ses activités. Les dernières
pages de l'ouvrage que
nous avons consacré à ce sujet* s'achèvent par
un exposé précis de
ce nouveau système, mais aussi par celui des
résistances, plus que
probables, qu'il rencontrera.
*Se reporter à l’ouvrage de François Morin,
Le Mur de l’argent :
Essai sur la finance globalisée, Editions du
Seuil, 2006
______________________________
2. A L’AURORE DU SIECLE, OU EST L’ESPOIR ?
Par François Lille (Biens publics à l'échelle
mondiale). Article paru
dans la revue Altermondes, n°8, dec. 2006 –
fev. 2007, Dossier «
Le Sud a-t-il réellement besoin de l’aide du
Nord ? »
_____________________________
En se revendiquant du droit international,
l’émergence du concept
de bien public global ouvre des perspectives pour
la redéfinition de
l’aide internationale et de son corollaire, le
financement du
développement
"Le monde dans lequel nous vivons est à la fois
remarquablement
prospère et parfaitement misérable. C'est un
monde où un contrôle
massif des ressources, des connaissances et des
technologies
côtoient de manière frappante des besoins
extraordinaires et des
inégalités effarantes.
La gravité des divisions mondiales semble aller
à l'encontre de
toute notion selon laquelle nous sommes
influencés, ou pouvons
l'être, par un sentiment opératoire d'identité
mondiale. Si nous
sommes réellement si proches les uns des autres,
comment
pouvons-nous nous montrer si distants ?" (1)
Est-ce un cri de désespoir ? Non. Amartya Sen,
économiste indien,
sait de quoi il parle en matière de misère.
C'est aussi un des
théoriciens de la politique de biens publics
mondiaux, que s'efforce
de promouvoir le PNUD (Programme des Nations
unies pour le
développement) (2). Mais quelle réalité
recouvre ce terme de bien
public, est-ce une potion palliative de plus, ou
une réelle
perspective nouvelle ?
On s'est déjà trop fait avoir. Derrière de
très estimables intentions,
va-t-on nous refaire le coup de l'aide au
développement, de son
niveau ridicule, de son détournement sur des
circuits corrompus et
de sa part dans le gonflement d'une dette odieuse
? Une dette
devenue - quelle dérision ! l'entrave principale
au développement
humain. Et le principal argument du pillage des
richesses des pays
dits "pauvres", de liquidation des biens et
services publics
existants, ou de leur investissement par des
firmes multinationales.
Quant à l'aide elle-même, le peu qui s'en est
finalement investi au
"Sud" a surtout servi à développer des
industries du "Nord",
asservissant ainsi encore plus l'économie des
soi-disant bénéficiaires.
Lun 26 Fév - 10:35 par mihou