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 [ATTAC] INFO 565 - LE NOUVEAU MUR DE L’ARGENT

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mihou
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mihou


Nombre de messages : 8092
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 28/05/2005

[ATTAC] INFO 565 - LE NOUVEAU MUR DE L’ARGENT Empty
26022007
Message[ATTAC] INFO 565 - LE NOUVEAU MUR DE L’ARGENT

1. LE NOUVEAU MUR DE L’ARGENT. REALITES DE LA
GLOBALISATION FINANCIERE
Un nouveau « mur de l’argent » est dressé
depuis une dizaine d'années
par les grandes banques internationales qui a
pour résultat de
contrer la volonté des politiques et notamment
des gouvernements
démocratiquement élus.
Par François Morin, professeur de sciences
économiques –
université de Toulouse 1, membre du Conseil de
la Banque de
France (1985-93)

2. A L’AURORE DU SIECLE, OU EST L’ESPOIR ?
En se revendiquant du droit international,
l’émergence du concept
de bien public global ouvre des perspectives pour
la redéfinition de
l’aide internationale et de son corollaire, le
financement du
développement
Par François Lille, Conseil scientifique
d’Attac France, animateur
de « Biens publics à l'échelle mondiale ».

3. MANIFESTE DES SERVICES PUBLICS - SYNTHESE
Les Etats généraux des services publics auront
lieu le 10 mars
prochain, à l’initiative la Convergence des
collectifs de défense et
de promotion des services publics dont Attac est
partie prenante. A
cette occasion sera lancé le Manifeste, dont la
version intégrale est
disponible est sur le site :
http://www.v-s-p.org. Nous en
présentons la synthèse.

4. MANIFESTE D’ATTAC FRANCE : LE SITE
Nous vous invitons à découvrir le site
consacré au Manifeste
altermondialiste d'Attac à l'adresse suivante :
http://manifeste.attac.org/

5. PROBLEMATIQUE ALTERMONDIALISTE DES
MIGRATIONS
Les migrations sont au cœur des transformations
de chaque société
et du système mondial. Les migrations et les
migrants peuvent être
considérés comme des analyseurs de nos
sociétés et du monde.
Nous partirons du principe que l'émergence d'un
mouvement
altermondialiste modifie les perspectives et les
points de vue sur
l'état du monde.
Par le Conseil scientifique d’Attac France
(extrait du rapport «
Migrations et mondialisation »)

______________________________

1. LE NOUVEAU MUR DE L’ARGENT. REALITES DE LA
GLOBALISATION FINANCIERE

Par François Morin, professeur de sciences
économiques –
université de Toulouse 1, membre du Conseil de
la Banque de
France (1985-93). Cet article est un bref exposé
de la thèse
présentée dans le dernier ouvrage de F. Morin :
Le nouveau mur de
l'argent : essai sur la finance globalisée,
Seuil, 2006.
______________________________

Notre hypothèse est que l’histoire monétaire
et financière que la
France a connue dans l’entre-deux guerres (avec
les gouvernements
du Cartel des gauches) est en train de se
répéter, mais, cette fois-ci,
dans une dimension autrement plus importante
puisqu'elle se situe à
l’échelle mondiale : un nouveau « mur de
l’argent » est dressé
depuis une dizaine d'années par les grandes
banques internationales
qui a pour résultat de contrer la volonté des
politiques et
notamment des gouvernements démocratiquement
élus. C’est à
l’architecture, la construction et les dangers
de ce mur que se
rapporte notre analyse.

Comment le processus de globalisation financière
a-t-il pu aboutir à
un tel résultat ?
Le cœur du processus, appuyé sur les
argumentaires des théoriciens
libéraux des années 60, a stratégiquement
visé la libéralisation, de
la tutelle des États, de deux prix de marché :
le taux d’intérêt d’une
part (libéralisation interne), et le taux de
change d’autre part
(libéralisation externe). Ces bases ont donné
aux épargnants, grâce
à des taux d’intérêt réels redevenus
positifs, une place centrale dans
le financement d’économies, dominées
désormais par les marchés
financiers.

Cette libéralisation a d’abord provoqué,
durant les années 80 et au
début des années 90 une montée vertigineuse de
la finance directe
au détriment du crédit bancaire traditionnel.
Mais, l’instabilité des
prix propre à ce type de financement a engendré
également une «
innovation financière », dite foisonnante, mais
destinée
paradoxalement à couvrir, en réalité, les
risques liés au
fonctionnement même de ces marchés. Il faut en
effet se couvrir
contre les variations intempestives des taux
d’intérêt et des taux de
change.

Le résultat ? Une démesure totale des
transactions sur les marchés
monétaires et financiers qui tient à la place
prise non seulement par
la « marchéisation » du financement, mais
surtout par le besoin de
couverture engendré par ce financement, qui,
lui-même, entraîne
mécaniquement des comportements spéculatifs.

Il faut alors proposer une évaluation précise
de l’emprise de la
finance globale sur l’économie réelle. Des
tableaux inédits,
exprimés dans une nouvelle unité de mesure (le
tera-dollar, soit
mille milliards de dollars), offrent une vision
cohérente des flux
financiers (capitaux) et des flux réels (biens
et services) qui
traversent désormais l’économie mondiale*. On
sait qu’une façon
de mesurer l’explosion de ces marchés est de
constater le volume
des liquidités qui transitent sur les marchés
interbancaires : 1155
téra-dollars, à comparer, par exemple, sur la
même période (l’année
2002), au volume des transactions sur biens et
services de la
planète entière : 32,4 téra-dollars.

Cette hypertrophie actuelle des transactions de
la finance globalisée
justifie de parler de « mur de l’argent ». Ce
mur est certes fait de
liquidités énormes qui transitent à
l’intérieur des systèmes de
règlement, ce qui les soumet à un risque
systémique croissant. Mais
surtout, il se bâtit sur des comportements
d’acteurs dont la logique
est celle de prélèvements de valeur sur
l’activité économique :
survaleur actionnariale, coûts de transaction et
plus values
spéculatives sur produits dérivés, ainsi que
surcoûts de financement
en raison du niveau atteint par les taux
d’intérêt réels.

Une des conséquences les plus graves du poids
croissant de cette
finance nouvellement libéralisée est son impact
considérable sur
l’économie réelle. De nouvelles normes de
gestion ont été ainsi
imposées par les investisseurs financiers aux
entreprises,
transférant massivement les risques sur les
salariés et sur les futurs
retraités. Les principes de la nouvelle
gouvernance des firmes sont
là pour rappeler aux chefs d’entreprise que le
profit pour
l’actionnaire doit guider essentiellement leur
action.

La combinatoire de ces différents prélèvements
sur l’activité, et les
transferts de risque qui y sont associés forme,
en quelque sorte, le
ciment de ce mur d’argent, ce que nous avons
aussi appelé le
nouveau paradigme de la finance globalisée.
Celui-ci se caractérise,
sur le plan financier, par l’émancipation de
la liquidité de la tutelle
des banques centrales. Pour le dire autrement,
les Banques
centrales sont, dans ce nouveau régime,
contraintes d’alimenter les
marchés monétaires et financiers de la
liquidité dont ceux-ci ont
continuellement besoin. Autant dire que ce
suivisme leur fait perdre
le pouvoir de régulation qui était le leur
auparavant, et notamment
leur pouvoir d’action sur la gamme des taux
d’intérêt.

Ce nouveau régime d’accumulation se
caractérise alors par des
cycles récursifs qui se combinent à
l’échelle internationale, ce qui
le rend intrinsèquement instable : cycle
financier provoqué par la
prise de risque excessive des firmes sous la
contrainte de la valeur
actionnariale, et cycle récursif des produits
dérivés, alimenté par les
incertitudes de marché, elles-mêmes générant
une bulle qui ne
cesse de grossir.

Cette instabilité est amplifiée, en outre, par
des dérives spéculatives
et mimétiques de certains investisseurs
financiers. Ces
comportements sont souvent à l’origine de
graves
dysfonctionnements, ou de crises monétaires et
financières, à
impact planétaire en raison des effets de
contagion. Ces dérives
actuelles trouvent en partie leur source dans des
logiques
spéculatives particulières, celles notamment de
certains
intervenants qui cherchent à manipuler les
marchés à terme.

Finalement, lorsque l’on cherche à cerner les
forces dirigeantes qui
sont à l’œuvre dans le nouveau régime
d’accumulation, une réalité
émerge fortement, depuis une dizaine d’années
: le pouvoir devenu
considérable des plus grandes banques
internationales. Celles-ci
sont le plus souvent à l’origine de
l’innovation financière liée aux
produits dérivés ; elles dominent le marché
des swaps au point
d’exercer un pouvoir de marché sur la
formation de leur taux, taux
qui sont aujourd’hui les taux référents de
l’ensemble des marchés
monétaires et financiers ; enfin, depuis peu,
elles ont pris le
contrôle des sociétés qui gèrent les fonds
d’investissement pour le
compte de tiers, qui sont à l’origine de la
valeur actionnariale et,
par conséquent, de la financiarisation de la
gestion des firmes.

Depuis les années 1990, quelques dizaines de
banques ont ainsi
conquis le vrai pouvoir de régulation monétaire
: ce sont elles
désormais qui dictent effectivement
l’évolution des taux d’intérêt,
et non plus les banques centrales. En raison de
leur petit nombre
d’une part et de leurs profits financiers
considérables d’autre part,
nous défendons l’idée que ces banques forment
aujourd’hui un
oligopole particulièrement puissant à
l’échelle internationale.
Reléguant les banques centrales au second plan,
c’est-à-dire les
cantonnant à de simples pourvoyeuses de la
liquidité dont il a
besoin, cet oligopole est le véritable
régulateur des marchés
monétaires et financiers mondiaux. C’est lui
qui est le maître
d’ouvrage du mur de l’argent qui se bâtit
sous nos yeux.

Cet oligopole n’est évidemment soumis ni à un
contrôle politique,
ni a fortiori à un contrôle démocratique. Tout
juste est-il contraint
par des règlements prudentiels de portée
limitée et élaborés
pragmatiquement a posteriori, ou encore par des
normes issues
d’une autorégulation professionnelle, une fois
que les difficultés ou
les catastrophes ont été malheureusement
constatées.

La question qui se trouve désormais posée est
donc bien celle d’une
régulation des activités de cette finance
globalisée et de ce noyau
oligopolistique. Comment produire les
contre-pouvoirs efficaces
face aux tentations hégémoniques de cette
sphère et de ses
principaux acteurs, dont le résultat est une
croissance des inégalités
et une instabilité chronique ?

Nous touchons avec cette dernière question, le
contenu
potentiellement explosif des rapports entre cette
finance globalisée
et la démocratie. On peut en faire le constat :
d’un côté, des
sociétés démocratiques en Europe, mais aussi
un peu partout dans
le monde, voient se succéder des majorités
alternantes, avec
souvent des basculements forts, qui traduisent
des
mécontentements profonds (comme en atteste
également
l’installation durable d’extrémismes
nationalistes) ; on y dénonce
l’absence de projets, ou lorsqu’il y en a un,
celui-ci se borne à
demander « l’accompagnement », jugé
inévitable, de la
mondialisation économique ; il faut par
conséquent « s’adapter » à
cette nouvelle donne par des « réformes
indispensables ».

De l’autre côté, une finance libéralisée et
son noyau oligopolistique
de plus en plus puissants, avec ses propres codes
et ses propres
valeurs, ne rencontrent guère d’obstacles sur
leur chemin. Certes,
des bulles et des scandales émaillent son
expansion ; mais,
l’adaptation des règles prudentielles,
l’adoption de chartes de
bonne gouvernance, ou le renforcement des
autorités de régulation
ont pour objectif de pallier les erreurs de
parcours qui sont jugées
seulement regrettables. La question redoutable
posée par cette
expansion est donc en définitive de savoir si la
finance globale
n’exerce pas des effets dissolvants sur nos
sociétés démocratiques.

En conclusion, il faut alors introduire une piste
de réflexion pour
une autre régulation de la finance globale. La
réponse ne peut pas
être seulement partielle comme, par exemple, la
taxe Tobin. Celle-
ci ne s’intéresse qu’aux flux de capitaux à
court terme qui transitent
sur le marché des changes, soit un compartiment
très particulier de
l’un des marchés de cette finance globale. À
question globale, ne
faut-il pas une réponse globale ? D’où notre
proposition principale
concernant une nouvelle architecture de
régulation : la création, à
son sommet, d’un régulateur global, qui sera
en capacité de faire
face à cette finance internationale, non pas à
travers un seul de ses
compartiments, aussi important fût-il, mais
conjointement à
l’ensemble de ses activités. Les dernières
pages de l'ouvrage que
nous avons consacré à ce sujet* s'achèvent par
un exposé précis de
ce nouveau système, mais aussi par celui des
résistances, plus que
probables, qu'il rencontrera.

*Se reporter à l’ouvrage de François Morin,
Le Mur de l’argent :
Essai sur la finance globalisée, Editions du
Seuil, 2006

______________________________

2. A L’AURORE DU SIECLE, OU EST L’ESPOIR ?

Par François Lille (Biens publics à l'échelle
mondiale). Article paru
dans la revue Altermondes, n°8, dec. 2006 –
fev. 2007, Dossier «
Le Sud a-t-il réellement besoin de l’aide du
Nord ? »
_____________________________

En se revendiquant du droit international,
l’émergence du concept
de bien public global ouvre des perspectives pour
la redéfinition de
l’aide internationale et de son corollaire, le
financement du
développement

"Le monde dans lequel nous vivons est à la fois
remarquablement
prospère et parfaitement misérable. C'est un
monde où un contrôle
massif des ressources, des connaissances et des
technologies
côtoient de manière frappante des besoins
extraordinaires et des
inégalités effarantes.
La gravité des divisions mondiales semble aller
à l'encontre de
toute notion selon laquelle nous sommes
influencés, ou pouvons
l'être, par un sentiment opératoire d'identité
mondiale. Si nous
sommes réellement si proches les uns des autres,
comment
pouvons-nous nous montrer si distants ?" (1)

Est-ce un cri de désespoir ? Non. Amartya Sen,
économiste indien,
sait de quoi il parle en matière de misère.
C'est aussi un des
théoriciens de la politique de biens publics
mondiaux, que s'efforce
de promouvoir le PNUD (Programme des Nations
unies pour le
développement) (2). Mais quelle réalité
recouvre ce terme de bien
public, est-ce une potion palliative de plus, ou
une réelle
perspective nouvelle ?

On s'est déjà trop fait avoir. Derrière de
très estimables intentions,
va-t-on nous refaire le coup de l'aide au
développement, de son
niveau ridicule, de son détournement sur des
circuits corrompus et
de sa part dans le gonflement d'une dette odieuse
? Une dette
devenue - quelle dérision ! l'entrave principale
au développement
humain. Et le principal argument du pillage des
richesses des pays
dits "pauvres", de liquidation des biens et
services publics
existants, ou de leur investissement par des
firmes multinationales.
Quant à l'aide elle-même, le peu qui s'en est
finalement investi au
"Sud" a surtout servi à développer des
industries du "Nord",
asservissant ainsi encore plus l'économie des
soi-disant bénéficiaires.
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[ATTAC] INFO 565 - LE NOUVEAU MUR DE L’ARGENT :: Commentaires

Un choix de société
Mais avant tout, il faudrait savoir de quoi on
parle. Chaque société,
chaque civilisation, a développé historiquement
des biens et
services publics, quels que soient les mots
employés et les cadres
culturels dans lesquels ils s’inscrivent. Mais
partout, à notre
époque, ces biens sont menacés par la
convoitise des intérêts
financiers. Simultanément, l’interaction
croissante des sociétés
humaines induit des maux et des besoins nouveaux.

C’est dans ce contexte difficile que la
nécessité de biens publics
mondiaux fait irruption dans le débat sur
l’avenir du monde. Il ne
s’agit pas de substituts aux biens et services
publics menacés
localement, mais de besoins nouveaux, nés de la
prise de
conscience de solidarités et du refus de
l’aggravation des inégalités.
On peut proposer trois définitions basiques : le
bien commun, c'est
ce qui appartient à tout le monde (ou à
personne) au présent et au
futur. Le bien public, c'est ce à quoi tout le
monde doit avoir droit,
ici et maintenant. Le service public, c'est la
manière dont doivent
être gérés, produits et distribués ces biens
communs et publics. Et
ceci, à toutes les échelles, du village à la
planète.

La théorie économique n'est pas le cadre
pertinent pour déterminer
ce que doivent être les biens publics. C'est
pourquoi l'association
BPEM en a proposé la définition suivante : "Les
biens publics
mondiaux sont des choses auxquelles les gens et
les peuples ont
droit, produites et réparties dans les
conditions d'équité et de liberté
qui sont la définition même du service public,
quels que soient les
statuts des entreprises qui assurent cette
mission. Les droits
universels humains et écologiques en sont la
règle, les institutions
internationales légitimes le garant, la
démocratie l'exigence
permanente, et le mouvement social la source".

Partant de là, quels biens publics mondiaux
revendiquer, et quels
sont ceux déjà en voie de reconnaissance ? La
liste, ou mieux la
typologie, en reste à faire sachant qu'un bien
n'est pas public ni
commun en soi. C'est un choix de société, plus
ou moins ancien,
plus ou moins stable. S’il n’y a pas de biens
publics “par nature”, il
en existe de toutes natures : l'eau, l'énergie,
la santé, l'éducation,
la justice, la paix, l'alimentation, la
biodiversité, les
télécommunications voire même la monnaie.

L'édifice des droits
L’idée de biens communs de l’humanité
impose de ne pas sacrifier
le futur pour alimenter le présent (surtout
lorsque ce qu’on alimente
est le profit). L’idée de biens publics
mondiaux ajoute
judicieusement que l’on ne préservera pas non
plus le futur en
sacrifiant le présent, sauf sacrifices
nécessaires librement consentis
et équitablement répartis. Car la liberté du
consentement dépend
aussi de l’équité de la répartition. Et
l’équité dit aussi que “qui
casse les verres les paye”. Autrement dit, pour
prendre le cas
exemplaire du climat, la puissance des nations
qui l’ont déstabilisé
doit être en priorité requise pour le
restabiliser !

C’est à ce double prix que le concept élargi
de développement
durable pourrait prendre tout son sens. Mettre
les biens publics au
centre de tout projet de développement sera la
meilleure garantie de
la sauvegarde des biens communs de l’humanité.
Mais la
sauvegarde des biens et services publics locaux
hérités de l’histoire
des peuples, les efforts en vue d’en construire
de nouveaux à
l’échelle mondiale, se heurtent à la
dynamique aveugle du
capitalisme financier, appuyé sur les
institutions ad hoc que se
fabriquent les États dominants.

Que faire pour que le caractère social des biens
communs et publics
et de leur service dépasse les égoïsmes
nationaux et échappe aux
convoitises multinationales ? Pour qu'il cesse de
couvrir le pillage
éhonté des richesses de peuples dominés, qui
récoltent en échange
des nuisances meurtrières ? La réflexion sur
les biens communs et
publics mondiaux devient d'une urgente
nécessité.

Le droit sur lequel on peut définir et poser
l’exigence des biens
communs et publics mondiaux est l’édifice
croissant des droits
universels, de la Déclaration universelle des
droits humains de
1948 au foisonnement des conventions, en passant
par les deux
pactes généraux sur les droits civils et
politiques d’une part,
économiques sociaux et culturels de l’autre.
Un édifice bien
incomplet encore, peu appliqué surtout... Et le
droit écologique
reste pour l’essentiel à bâtir, pour laisser
autre chose à nos
descendants qu’un champ de ruines.

Ce droit mondial en formation et les institutions
qui l’ont pour loi
fondamentale, sont absolument nécessaires pour
contrer le pouvoir
des institutions de fait que se sont données les
États dominants et
les puissances financières.

Une prochaine étape essentielle pourrait être
la reconnaissance d’un
socle de biens publics mondiaux, nés du droit
des peuples et des
gens du monde à des choses essentielles ou
fondamentales, ou tout
simplement souhaitables. Mais autant la
définition des biens
communs et publics peut et doit être générale,
autant la
configuration concrète qui les fournira devra
s’appuyer d’abord sur
les services publics existants, ou à refonder
localement, à toutes les
échelles. Ce qui redonnera en retour, à toutes
échelles aussi, des
forces à ces services publics menacés.
Ni panacée, ni formule magique
Le passage de l'idée de l'aide à celle des
biens publics, c'est celui de
l'humiliante et trompeuse assistance aux droits
des peuples et des
gens. L'une se quémande, les autres se
revendiquent et s'exigent. Ce
qui implique que la première exigence mondiale
est celle de la
démocratie.
Qu'est-ce donc que la démocratie ? C'est un
ensemble complexe de
règles organisant le droit de tous à participer
aux décisions, soit
passivement en votant, soit activement dans des
mouvements
sociaux ou politiques où la voix de chaque
personne vaut celle
d'une autre, et où les connaissances de l'un
vont à tous. Démocratie
participative et représentative s'y confortent
au lieu de s'opposer.

C'est à l'absolue nécessité d'une alternative
pacifique mais radicale
au projet ultralibéral que nous amène cette
réflexion. Sans être la
panacée, la formule magique qui guérira tous
nos maux, les biens
communs et publics mondiaux sont au cœur de ce
projet.

Rêvons-nous ? Pas tellement, si l'on fait appel
au souvenir et à la
trace juridique de certaines luttes historiques
contre des réalités
"économiquement incontournables", l'esclavage au
XIXème siècle,
le colonialisme au XXème, d'autres auparavant.
Il n'y a au monde
d'autres fatalités humaines que celles
auxquelles on se soumet.
Pour nous, à tous les niveaux, le mouvement
social est le
fondement essentiel du progrès humain, et la
démocratie sa
condition première.

Notes :
(1) Amartya SEN, entretien du 07/09 sur
wwww.courrierdelaplanete.org
(2) PNUD, Rapport mondial sur le développement
humain 2000De
Boeck Université, Bruxelles, Belgique, 2000

____________________________________________________

3. MANIFESTE POUR LES SERVICES PUBLICS –
SYNTHESE, MARS 2007
____________________________________________________

Les Etats généraux des services publics auront
lieu le 10 mars
prochain, à l’initiative la convergence des
collectifs de défense et
de promotion des services publics dont Attac est
partie prenante. A
cette occasion sera présenté le Manifeste, dont
la version intégrale
est disponible est sur le site :
http://www.v-s-p.org

**Des services publics, un choix de société

Le devenir des services publics est un enjeu
stratégique, ils
constituent des éléments déterminants des
politiques économiques
et sociales.

Leur construction est le résultat de luttes
sociales importantes qui
se fondent sur les valeurs fortes de liberté,
égalité et solidarité. Ils
sont une réponse politique et historique aux
besoins des
populations. Leur bon fonctionnement détermine
la qualité de notre
vie quotidienne : le système de protection
sociale, d’éducation pour
ne citer qu’eux. Ils nous accompagnent tout au
long de l’existence :
de la naissance à la fin de la vie.
Directement reliés à la reconnaissance et à la
garantie d’accès aux
droits fondamentaux, ils sont au coeur des
préoccupations des
citoyens sur les revenus, l’emploi et les
statuts, sur l’accès, les prix
et la qualité des services, sur la prise en
compte des écosystèmes,
sur la lutte contre les exclusions, les
inégalités et les
discriminations.
Ils sont administrés à tous les échelons
d’intervention : au niveau
local avec les politiques municipales, au niveau
national avec les
politiques d’aménagement du territoire et de
péréquations, au
niveau européen avec les politiques sectorielles
imposées par les
directives communautaires. Le niveau de leurs
prestations est,
aujourd’hui, directement influencé par les
négociations
internationales sur le commerce des services.
Or, à chacun de ces niveaux, les services
publics doivent garantir :
- les droits fondamentaux des citoyens-usagers
qui ne se résument
pas à la protection des consommateurs.
- l’intérêt général, la cohésion sociale
et territoriale qui ne
s’accommodent pas forcément des règles de
l’économie de marché
- le respect de l’environnement à long terme
qu’il ne faut pas
confondre avec la notion de développement
durable souvent
instrumentalisée par les acteurs du marché
Nous considérons que, quel que soit le niveau de
compétence dont
ils relèvent, les Services Publics
s’inscrivent dans les valeurs de
liberté, d’égalité, de fraternité et de
laïcité qui sont celles de la
République. Ils doivent permettre à toutes et
à tous, sur l’ensemble
du territoire national, un égal accès aux
services rendus,
Ces principes fondent l’identité des Services
Publics. Il faut y
ajouter la proximité, la transparence de gestion
et le contrôle par les
élu(e)s et les usager(e)s ainsi que le respect
du principe de
précaution.
Les Services Publics doivent être organisés et
fonctionner dans le
respect de quatre grands principes

ÉGALITÉ : Se décline par accessibilité,
proximité (maillage
territorial, niveau de service public défini),
gratuité ou juste
redevance nécessitant des compensations
tarifaires et des
péréquations.
CONTINUITÉ : le service doit être assuré en
permanence sur
l’ensemble du territoire.
ADAPTABILITÉ : Il ne s’agit pas de
l’adaptabilité souhaitée par le
MEDEF et les gouvernements visant à détruire
les services publics
mais au contraire la volonté de tenir compte de
l’évolution des
besoins, des techniques, des territoires. Les
Services Publics
doivent constamment intégrer de façon critique
cette évolution dans
le seul but d’améliorer la qualité du service
rendu
SOLIDARITÉ : Issu de la redistribution des
richesses, elle doit
garantir le financement des services publics,
tant par l’impôt
redistributif, que par les cotisations,
redevances, ou les salaires
socialisés dans le cadre du financement de la
protection sociale et
sanitaire. ElIel exige dans son application un
critère
intergénérationnel et interprofessionnel
garantissant des cotisations
selon les moyens et une redistribution selon les
besoins.

**Résister aux politiques de privatisation et de
démantèlement
Les missions de service public sont passées à
travers le prisme de
l’Accord Général sur le Commerce des Services
(AGCS), dans le
cadre de l’ Organisation Mondiale du Commerce
(OMC) et de bien
d’autres institutions. Cette stratégie de
mondialisation libérale mise
en oeuvre et imposée par les politiques des
gouvernements des pays
les plus riches à grands coups de réformes
dites « audacieuses »,
n’a pour objectif que de rogner toujours un peu
plus le minimum
social et de soumettre l’ensemble des
activités humaines, dont
l’important secteur des Services, aux règles
du Marché et de la
rentabilité financière. En Europe, la politique
appliquée depuis le
traité de Rome, appuyée par une jurisprudence
fournie et des règles
« communautaires » contraignantes veille à une
libéralisation où le
marché est la règle et le service public
l’exception avec l’intérêt
général pour alibi. Cette politique est
appuyée par les conclusions
des conseils européens, notamment celui de
Lisbonne en 2001 qui
vise à « exploiter les atouts du modèle social
et économique de
l'Europe » pour créer « l'économie la plus
dynamique, la plus
cohésive et la plus durable du monde ». Il
s’agit bien à travers cette
profusion de règlementations de limiter le
pouvoir des Etats et les
« abus de pouvoir économique », autrement dit
les monopoles que
peuvent représenter les services publics.
Au sein de cette stratégie, des Services Publics
«a minima», conçus
uniquement en terme de « filet de sécurité »
(voir la notion de
« services universels » si chère à l’ Union
Européenne) trouvent
naturellement leur place. Ils doivent pourtant
répondre à des
besoins que le Marché ne peut ni ne veut
satisfaire, vu le peu de
profits à réaliser et le poids des
investissements.

Cette stratégie de marchandisation globale n’a
pas répondu, loin de
là, à l’intérêt général.
En France même, les politiques de privatisation
et de
déréglementation, auxquelles il faut ajouter un
désengagement
systématique de l’Etat dans les domaines de
l’économie et du
social, notamment au travers de la loi
particulièrement néfaste, dite
« de décentralisation », conduisent à ce que
dans les faits, le
principe d’égalité d’accès aux services
essentiels soit de moins en
moins respecté. Télécommunications, Eau,
Transports, Santé ou
Services Postaux, les exemples abondent. Les
Collectivités locales,
et donc les habitant-e-s, sont de plus en plus
amenés à financer les
investissements que le Privé, installé par
l’état lui-même, délaisse
pour cause de rentabilité insuffisante.

Résister : La résistance à une telle
stratégie de régression sociale et
ségrégative ne s’est pas construite aisément
et les forces engagées
n’ont pas réussi à lui opposer des ripostes
suffisantes. Avec la
remise en cause de l’OMC à Seattle (1999), le
rejet croissant de
l’Etat de guerre endémique globale, en Europe
les sursauts autour
de la Directive Services et du Traité
Constitutionnel, les forces
politicoéconomiques qui soutiennent et dominent
le Marché
peinent davantage à convaincre les peuples de
ses vertus
humanistes. En France, ces dernières années ont
été marquées par
les énormes mobilisations de décembre 95,
d’avril-mai 2003, et
encore du Printemps 2006. Cependant, les
gouvernements
successifs ont pourtant pratiqué en grand des
privatisations
franches ou rampantes et la droite actuellement
au pouvoir tente
d’accélérer encore le processus (cf
l’Energie et la fusion SUEZ-
GAZ DE France). Au niveau mondial, le G8 et
l’OMC préparent
déjà le prochain cycle de la globalisation
sauvage, nous serons au
rendez-vous !.
**Reconquérir et développer des services
publics de qualité
Nous nous situons résolument dans une
perspective de
développement des services publics et
d’amélioration de leur
fonctionnement antérieur. Il s’agit de ne pas
se résigner aux reculs
et aux abandons que les gouvernements leur font
subir depuis des
années. Des besoins nouveaux sont apparus et les
Services Publics
doivent montrer leur aptitude à les satisfaire.
Certains
dysfonctionnements passés ou plus récents dans
les secteurs de la
santé, de l’école, de la justice…, prouvent
également que la «
nature publique » du service ne nous dispense
d’aucune vigilance et
que l’exigence démocratique de qualité doit
être permanente chez
les citoyen(e)s.
Des Services Publics démocratisés et mis en
capacité de répondre
aux besoins actuels, joueront un rôle éminent
pour libérer
l’initiative citoyenne et pour qu’ensemble,
usagers et associations,
salariés et syndicats, organisations politiques,
dans des procédures
nouvelles d’appropriation sociale, construisent
des dynamiques
économiques et sociales orientées vers la
satisfaction des besoins
essentiels des populations et l’exercice de
leurs droits. Pour une
société plus égalitaire, plus solidaire, plus
soucieuse des équilibres
écologiques, l’ensemble des services et des
entreprises de réseaux
privatisés ou en voie de privatisation
(Télécoms, énergie,
transports, autoroutes…) doivent revenir dans
le secteur public. En
outre il est indispensable d’étendre les
Services Publics à de
nouveaux domaines.
A l’échelle européenne
Les Services Publics sont très présents et
comparables à l’échelle
communautaire, contrairement à ce que la pensée
libérale essaie de
nous faire croire depuis des décennies. Par
delà la diversité des
modèles nationaux (en France, une seule
entreprise publique pour
gérer l’énergie, en Allemagne il en existe
environ 1000 au niveau
local ou régional), ils relèvent tous
d’autres règles que les lois
générales du « marché où la concurrence est
libre et non faussée ».
Partout, ils sont fondés sur des solidarités
géographiques et / ou
intergénérationnelles et jouent un rôle
essentiel dans la réponse aux
besoins populaires et la cohésion sociale,
économique, territoriale.
Ils constituent une partie de ce qui devrait
être un véritable modèle
social européen. C’est pourquoi ils doivent
être soustraits à la
concurrence et considérablement développés
avec une
reconnaissance légale par les institutions
européennes. Ce cadre
règlementaire devra prendre en compte et
favoriser la coopération
bi ou multilatérale entre services publics
nationaux ou locaux, sur
tout l’espace européen. Il devra également
contribuer à la création
de véritables services publics en Europe dans
des domaines comme
le fret ferroviaire et le ferroutage, la
sécurité maritime et aérienne et
alimentaire. Cette politique devra évidemment
disposer des moyens
financiers nécessaires, alloués indépendamment
du carcan
antidémocratique du Pacte « de stabilité »
communautaire. Cela
exige la réorientation, sous contrôle
parlementaire et citoyen, des
missions de la Banque Centrale Européenne pour
en faire un
véritable instrument public de crédit et de
soutien à
l’investissement public dans l’intérêt
général.
Nous estimons donc que les activités suivantes,
considérées comme
des droits, doivent figurer dans le champ de
compétence du service
public :
- L’éducation, la formation initiale et
continue et l’aide aux études,
les services jeunesse et sport
- la recherche
- la santé : la prévention, l’hôpital, la
couverture par les personnels
de santé des besoins dans les milieux ruraux,
les soins et aides à la
personne de la petite enfance à la fin de la
vie, dont les pompes
funèbres, l’industrie pharmaceutique.
- L’orientation et la recherche d’emploi
- la sécurité sociale
- les transports des personnes et des
marchandises : réseau routier,
ferroviaire, aérien.
- le logement
- l’énergie :
- l’eau : gestion publique des ressources, de
la distribution et du
recyclage
- la culture
- la poste et les télécommunications
- l’information : service public de
l’audio-visuel avec garanties
déontologiques
- des instruments publics de crédit
- un service public de l’Environnement pour
assurer la protection
des ressources naturelles , la lutte contre la
pollution, et pour
organiser la mise en synergie des Services
Publics travaillant sur
des enjeux environnementaux
- Justice, sécurité, défense

**Les Services Publics doivent s’appuyer sur
une autre politique

REFONDER
Fiscalité : Une réorientation radicale de la
Fiscalité pour des impôts
fortement progressifs touchant davantage les
hautes tranches de
revenus, les gros patrimoines et les fortunes.
Une taxation des
produits financiers, une réforme de l’impôt
sur le foncier et sur les
sociétés qui permette de taxer les gâchis
économiques et
environnementaux ainsi qu’une réforme de la
fiscalité locale, pour
mieux assurer l’égalité fiscale d’une part
et la péréquation entre
régions riches et à faibles ressources
d’autre part. .
Le contrôle démocratisé des Fonds Publics :
avec la remise en
cause du pacte européen de stabilité monétaire
et un secteur
financier public et semi public tourné vers
l’intérêt général..
PROTEGER
il faut, au nom du Bien Commun et de
l’Intérêt Général, protéger
les Services Publics et agir pour que soit
reconnue, y compris au
niveau européen, la nécessité de Monopoles
publics dans un certain
nombre de secteurs tels l’énergie, les
transports, la poste, les
autoroutes…qu’il appartient au débat
démocratique et au
législateur de définir. Il doit être clair en
revanche que le statut de
monopole appelle un effort permanent de contrôle
démocratique et
d’évaluation du fonctionnement et de
l’efficacité du Service afin
que les missions et leur exécution répondent
bien aux besoins des
usagers et à l’intérêt général La question
du statut des agents, des
personnels est inséparable de la réflexion sur
la qualité et la
protection des Services Publics. La précarité
ne fait pas bon
ménage avec la réponse aux besoins et en
premier lieu à ceux des
plus démunis. De même le statut est garant de
l’intérêt général,
dans une nécessaire indépendance des agents
vis-à-vis de l’autorité
politique et des pouvoirs économiques. C’est
pourquoi la défense
du statut se conjugue avec la qualité du service
public.

DEMOCRATISER
Il s’agit de donner aux Citoyen(ne)s
-usager(e)s, salarié(e)s,
élu(e)s- de nouveaux droits pour exercer une
démocratie effective
avec pour objectifs une véritable égalité dans
l’accès à ces services
sur tout le territoire, la garantie de leur
qualité et à leur efficacité,
ainsi qu’une vraie collégialité dans les
décisions et la fixation des
tarifs. Cela implique de renforcer sérieusement
le statut de l’élu-e
et les structures permettant à tous les niveaux
un fonctionnement
plus démocratique tant dans la représentation
que dans la
participation.

Pour ce faire :
- Nous EXIGEONS l’abrogation des lois et
directives qui guident
ces politiques libérales française et
européenne.
- Nous EXIGEONS du gouvernement français qu’il
retire pour
l’ensemble des Services Publics toutes les
mesures entraînant une
régression des moyens matériels et humains.
- Nous EXIGEONS qu’il stoppe les procédures de
transfert de
charges décidées par la politique actuelle dite
de décentralisation
qui frappe, à tous les échelons, les
Collectivités Territoriales.
- Nous EXIGEONS la reconnaissance des missions
spécifiques de
la Fonction Publique appuyée sur le respect des
statuts, des métiers
et des personnels

Et dans l’immédiat :
- Nous nous opposons à la privatisation de gaz
de France, nous
exigeons la fusion EDF
GDF, 100 % publique, nous refusons l’ouverture
du marché au 1er
juillet2007
- Nous exigeons le maintien à la Poste du
monopole du courrier de
– de 50 grammes et la réorientation des
nombreuses missions du
service postal vers la satisfaction des besoins
de la collectivité
- Nous exigeons l’arrêt du transfert de
compétences elles préparent
le désengagement progressif de l’Etat, la
dégradation du service
public, la privatisation
- Nous exigeons l’arrêt des exonérations de
cotisations sociales qui
loin de faire reculer la pauvreté et la
précarité, préparent de fait la
privatisation de la protection sociale
- Nous exigeons l’arrêt de tout projet
d’autonomisation du
financement des universités, le retour des TOS
dans la fonction
publique d’Etat.
- L’arrêt de la mise en concurrence du
transport ferroviaire et sa
régulation par d’autres mécanismes que ceux
du marché

Lire le Manifeste en version intégrale sur
http://www.v-s-p.org
Siège social de Convergence : Hotel de Ville
GUERET 23000
________________________________

4 MANIFESTE D’ATTAC FRANCE : LE SITE
________________________________

Nous vous invitons à découvrir le site
consacré au Manifeste
altermondialiste d'Attac à l'adresse suivante :
http://manifeste.attac.org/

Le site est constitué de plusieurs espaces :

- Un espace consacré aux "7 piliers" du
Manifeste. Chaque pilier
est accompagné d'une vidéo d'introduction
réalisée par une des
personnes ayant contribué à la rédaction du
document.

- Un espace "Contributions" qui accueillera des
textes, zooms
thématiques, fiches explicatives et qui
permettra
l'approfondissement des travaux liés au
Manifeste.

- Un espace regroupe toutes les "Vidéos"
réalisées au cours de la
dernière CNCL (Conférence Nationale des
Comités Locaux)
d'Attac.

- Un "Espace militants" qui sera alimenté par
des contributions,
tracts, supports de communication et documents
d'analyse (voir
explications en fin de ce message) créés et
pouvant être utilisés par
les militants d'Attac dans le cadre de la
campagne Manifeste.

Bonne visite.

______________________________

5. PROBLEMATIQUE ALTERMONDIALISTE DES
MIGRATIONS

Extrait du rapport du Conseil scientifique
d’Attac France
« Migrations et mondialisation »
______________________________

Problématique altermondialiste des migrations

1.
Les migrations sont au cœur des transformations
de chaque société
et du système mondial. Les migrants sont des
acteurs des sociétés
et du monde. On ne peut comprendre notre
société sans prendre en
compte les migrations et les migrants. Parler de
la société française
en négligeant l'immigration, c'est parler d'une
société française
irréelle. Les migrations et les migrants peuvent
être considérés
comme des analyseurs de nos sociétés et du
monde. Nous partirons
aussi du principe que l'émergence d'un mouvement
altermondialiste
modifie les perspectives et les points de vue sur
l'état du monde.

2.
Quatre entrées sont proposées :
_ Remettre en perspective les rapports entre
migrations et
mondialisation
_ Penser les migrations à partir d'une
déconstruction du discours
dominant et des évidences
_ Mettre en évidence les pratiques des migrants
en tant qu'acteurs
des sociétés et du monde
_ Définir les propositions portées par le
courant altermondialiste

Les rapports entre migrations et mondialisation

3.
Les migrations précèdent de loin la
mondialisation. Elles sont
consubstantielles de l'histoire de l'Humanité.
Elles charrient encore
les représentations des anciennes contradictions
entre nomades et
sédentaires. Elles prennent un tour nouveau avec
l'émergence des
Etats et des Nations et la transformation due aux
rapports sociaux
capitalistes dans l'industrie et l'agriculture.
L'étranger n'est plus
seulement l'autre par rapport au groupe ou à la
communauté, la
nationalité et la citoyenneté modifient les
perceptions de l'identité
et la formalisation des droits. Elles sont
marquées par les
déplacements massifs de population, les grandes
traites
esclavagistes, les colonisations, etc. et le
travail forcé. Les
migrations intérieures, dans un même pays, ou
extérieures, les
migrations alternantes ou permanentes sont
constitutives de la
nature des classes sociales dans chacune des
formations sociales
nationales.

4.
Les formes et les modalités des migrations
actuelles ont aussi leur
histoire. Citons les diasporas qui structurent le
système monde
planétaire ; les réfugiés suite aux guerres ou
aux catastrophes «
naturelles » ; les migrations économiques ; les
regroupements
familiaux ; les exodes de cerveaux ; les «
assistances techniques » ;
la nouvelle classe dominante mondialisée
(grandes entreprises,
institutions internationales, financiers,
médias, etc.)

5.
Mais, si les migrations sont ancrées dans le
passé, elles sont aussi
historiquement situées. Elles s'inscrivent
aujourd'hui dans la phase
néo libérale de la mondialisation. Les
migrations sont fortement
déterminées par les politiques néo libérales
qui donnent la primauté
à la croissance et subordonnent la croissance au
marché mondial.
La transformation sociale est conçue comme
l'ajustement structurel
de chaque société au marché mondial passant
par le champ libre
laissé aux entreprises mondiales considérées
comme les seules
porteuses de modernité ; à la libéralisation
des économies livrées à
la rationalité du marché mondial des capitaux.
Cette logique
conduit à la prédominance du droit des affaires
et de la concurrence
dans le droit international et dans le droit de
chaque pays ; aux
privatisations et à l'abandon de la notion de
service public entendu
au sens du droit égal d'accès pour tous.
Concernant l'immigration :
le bas coût de la main d'œuvre, les économies
sur les frais
d'éducation, la précarité des statuts, la
docilité, la non connaissance
des droits ou leur non application...

6.
Ces politiques ont des effets dramatiques pour
chacune des sociétés
et pour le monde.
_ La croissance monétaire réelle dans de
nombreuses sociétés et
dans le monde se traduit par un élargissement de
la pauvreté et un
approfondissement des inégalités sociales dans
chaque société. Les
inégalités sont structurellement liées aux
discriminations. La
prolétarisation frappe de plein fouet les
immigrés.
_ Les inégalités Nord-Sud sont de plus en plus
fortes, malgré
l'émergence de quelques zones industrialisées.
Elles s'appuient sur
la dette et le contrôle des matières
premières. Elles se traduisent par
la généralisation des conflits et des guerres
et la montée des
fondamentalismes et des évangélismes. Elles
produisent des masses
croissantes d'émigrés (mais les migrations
sud-sud sont plus
importantes...)
_ Le modèle productiviste remet en cause les
limites des
écosystèmes et de l'écosystème planétaire
multipliant les
catastrophes majeures et mettant en danger les
droits des
générations futures.
_ Les réponses dominantes à l'insécurité
sociale et écologique
accroissent les formes de répression appuyées
sur des idéologies
sécuritaires ; elles construisent l'intolérance
et mettent en danger les
libertés et la démocratie.

7.
Les migrants supportent directement les
conséquences de cette
situation. Les guerres, les catastrophes, les
changements de régime
se traduisent par des exodes massifs. Les pays
riches verrouillent
leurs frontières et s'enferment dans leurs
territoires. La purification
ethnique et la ségrégation sociale deviennent
un modèle d'évolution
sociale et nationale. Les migrants sont
massivement précarisés ;
leurs droits sont remis en cause et ignorés
quand ils ne sont pas
simplement niés. La planète se couvre de camps
de réfugiés et de
refoulés. Nous assistons à un véritable
apartheid planétaire.
8.
Les migrants prennent dans les imaginaires la
place des classes
laborieuses et dangereuses attachée au
prolétariat. Accepter de faire
des étrangers et des migrants les boucs
émissaires de cette situation
est dangereux et illusoire. Comme ils ne sont ni
la cause ni la
solution à cette situation, leur stigmatisation
ne fera qu'augmenter
les craintes, alimentera le racisme et
entraînera toute la société dans
une spirale régressive. La défense des droits
des étrangers et des
migrants est essentielle. Non seulement parce que
leurs droits sont
particulièrement contestés ; mais aussi parce
que ces droits
s'inscrivent dans l'ensemble des droits et que
leur remise en cause
se traduira par une atteinte à tous les droits
et aux droits de tous.

La dé-construction du discours dominant et des
évidences

9.
Pour penser les migrations, il faut commencer par
dé construire le
discours dominant. C'est la première étape de
la bataille des idées.
Le discours dominant s'appuie sur trois
propositions :
_ Pour maîtriser les flux migratoires, il faut
fermer les frontières et
passer des accords d'Etat à Etat.
_ L'intégration des réguliers et la lutte
contre le racisme passent par
la lutte contre les clandestins.
_ Pour arrêter l'émigration, il suffit de
développer les pays et les
régions d'origine.
Chacune de ces propositions s'affirme comme une
évidence
irréfutable, appuyée sur le bon sens. Certes,
il y a du « vrai » dans
chacune de ces propositions, mais ce « vrai »
sert à construire du
« faux ». Chacune des propositions est
contestable, et l'ensemble du
raisonnement est faux et conduit à une impasse.

10.
Il est difficile d'opposer, par principe, le
laissez-faire à la maîtrise
en matière d'évolution. Encore faut-il savoir
quels sont les objectifs
de cette maîtrise et quelles formes elle peut
prendre. La fermeture
des frontières renvoie à un fantasme, celui de
figer une situation
pour préserver un équilibre statique, celui de
stabiliser à un instant
donné une population formée par une évolution
constante. La
notion d'équilibre des caractéristiques fondée
sur de subtils seuils
de tolérance peut conduire par glissements
progressifs à une
conception ethnique de l'identité. La
proposition de n'accepter que
les éléments déterminés par les intérêts
immédiats d'une économie
française ne peut ignorer la nature de cette
économie tournée vers
l'exportation et le renforcement de positions
dominantes. La
maîtrise des flux migratoires ne peut faire
l'économie d'une prise en
compte de la distribution des richesses et des
peuplements. Comme
le disait si bien Alfred Sauvy, « si les
richesses ne vont pas aux
hommes, les hommes iront aux richesses et rien ne
pourra l'en
empêcher!»

11.
La fermeture des frontières est mise en avant
pour refuser la liberté
de circulation. Or, la liberté de circulation
fait partie des droits
fondamentaux reconnus par la Déclaration
Universelle des Droits
de l'Homme. On peut imaginer de la réglementer
et de l'organiser
en fonction des situations ; on ne saurait la
nier et la rendre
impossible. La liberté d'établissement qui fait
partie de la liberté de
circulation peut être régulée en fonction des
droits des populations
résidentes et de la préservation du droit du
travail. Dans tous les
cas, la fermeture des frontières est illusoire.
Actuellement, plus de
soixante millions de personnes entrent chaque
année en France,
comme touristes, pour la plupart sans visas. Les
visas sont réservés
aux habitants de ce que la France définit,
comble du cynisme,
comme ceux de sa « zone de coopération
prioritaire ». La politique,
la pratique des visas dans les consulats de
France, arrogante et
humiliante, est un scandale absolu. La fermeture
des frontières
renforce les fantasmes, les peurs et
l'insécurité. Elle alimente la
phobie de l'invasion des barbares. Certes, il y a
des risques de
déséquilibre dans des périodes de grande
crise. Mais, toutes les
expériences montrent que les habitants du monde
n'attendent pas de
se déverser en Europe ; ils préfèrent
massivement rester chez eux.
L'élargissement de l'Europe à l'Espagne, au
Portugal et à la Grèce a
même démontré que l'ouverture des frontières
s'était traduite par un
rééquilibrage et un retour pour de nombreux
émigrés. Les murs que
l'on élève peuvent vous rendre prisonnier. Ce
n'est pas sans raison
que la Fédération Internationale des Droits de
l'Homme milite pour
la suppression des visas de courte durée dans le
monde, et
particulièrement en Europe.

12.
L'idée que l'intégration des réguliers et la
lutte contre le racisme
passe par la lutte contre les clandestins peut
paraître logique. Et
pourtant c'est l'inverse qui peut être observé.
La lutte contre les
clandestins insécurise de manière permanente
les immigrés en
situation régulière. Elle est conduite dans cet
objectif. Elle s'attaque
aux victimes, les clandestins et n'inquiète pas
ceux qui en profitent.
La lutte contre les clandestins produit sans
cesse de nouveaux
clandestins. Les règlements font passer sans
discontinuer des
immigrés réguliers dans l'irrégularité. Ils
les projettent ensuite dans
l'illégalité et les transforment en
délinquants, emplissant les prisons
de personnes qui sont passées sans même s'en
rendre compte en
situation irrégulière.

13.
La mise au ban des migrants et des étrangers
fait partie d'une
politique de précarisation généralisée. Cette
précarisation se traduit
par les licenciements et le chômage, la
marginalisation des emplois
stables, la remise en cause des statuts sociaux
et des systèmes de
protection sociale. La négation des droits pour
une partie de la
population fragilise l'ensemble. Progressivement,
les droits des
catégories successives sont remis en cause. Nous
avons pu vérifier
que l'atteinte à l'accès des étrangers aux
services publics est une
première étape pour restreindre l'accès de
tous aux services et
subordonner cet accès à des mécanismes de
marché
discriminatoires en fonction de revenus. Aucune
politique reposant
sur la division et l'exclusion ne peut assurer un
progrès social et
démocratique ; elle se traduit toujours par une
exclusion en chaîne.
La précarisation généralisée est le résultat
recherché des politiques
de libéralisation menée dans le cadre de la
mondialisation. Elle
accroît aussi l'insécurité réelle qui
résulte de la remise en cause des
statuts sociaux par la précarisation, des
solidarités et des identités
par la modernité, de la paix par les conflits.
Elle permet les
manipulations qui renforcent les idéologies
sécuritaires.

14.
Le discours dominant prétend s'attaquer aux
causes. Il s'appuie sur
ce qui prend l'apparence d'une évidence. Puisque
l'émigration
résulte du sous-développement et des
inégalités de développement,
il suffirait pour arrêter l'émigration de
développer les pays et les
régions d'origine. Si le constat de départ
n'est pas faux, il sous-
estime la complexité du rapport entre
émigration et développement
et la réflexion sur la nature du développement.
En fait, l'expérience
historique constante le confirme ; dans une
première phase, le
développement accentue l'émigration. La raison
en est que tout
développement, toute transformation sociale
produit des
déséquilibres ; l'accroissement de la
productivité du travail « libère
» une partie du travail qui alimente
l'émigration. C'est bien
longtemps après que les flux se tarissent, voire
s'inversent. Toute
l'histoire de l'Europe et de la Méditerranée
est marquée par cette
dialectique. Encore récemment, l'Espagne est
passée en moins
d'une génération d'une situation de pays
d'émigration à celle d'un
pays d'immigration en provenance du Maghreb.

15.
La simplification outrancière du rapport entre
migrations et
développement n'est pas anodine. Le discours
dominant affirme
ainsi, avec cynisme et hypocrisie, qu'il
suffirait d'accroître l'aide et
les investissements vers les pays d'émigration
et, dans le même
temps d'interdire l'immigration, sans se
préoccuper plus avant de la
différence de temporalité dans la relation
entre migrations et
développement. On a vu ainsi se multiplier les
rapports d'Etat à
Etats transformant les régimes des pays
d'émigration en police des
frontières des pays riches. Les libertés sont
bafouées ; le droit
d'asile est remis en cause systématiquement.
L'Europe se couvre de
camps de rétention pour les immigrés «
clandestins » et maintenant,
les camps d'attente sont directement implantés
dans les pays du
pourtour européen.

16.
La déconstruction du discours dominant est une
des étapes de la
définition des positions à prendre sur les
migrations. Nous
retiendrons qu'il convient d'organiser
différemment les différentes
propositions : l'évolution des flux migratoires,
le rôle des frontières
dans la régulation de la mondialisation, la
place des discriminations
et du racisme, le rôle des réglementations dans
l'illégalité et la
situation des clandestins, la continuité entre
les clandestins, les
immigrés en situation régulière et les autres
catégories de citoyens,
les rapports entre développement et migrations.
La définition des
politiques migratoires dépend des situations.
Dans le contexte de la
phase actuelle de la mondialisation, nous devons
définir les
principes qui permettent de fonder des
alternatives en termes de
propositions et de politiques. Avant cela, il
convient de s'interroger
sur les pratiques des migrants et sur les
nouvelles perspectives
qu'elles ouvrent dans la compréhension des
transformations
sociales et de la mondialisation.
Les migrants acteurs des sociétés et du monde

17.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation sociale dans le
pays d'accueil et dans le pays d'origine. Les
migrations sont
déterminées par les fondements de la phase
actuelle de la
mondialisation : les inégalités sociales et les
discriminations, les
inégalités entre pays et la domination du Sud
par le Nord. Les
migrants sont au cœur de ces questions, mais ils
ne se contentent
pas de les subir. Ils développent des pratiques
qui sont aussi des
réponses à ces situations. Dans des conditions
difficiles, ils ouvrent
de nouvelles voies de l'évolution des
sociétés. Inutile de rappeler ici
la contribution du travail des migrants à la
richesse des sociétés qui
les accueillent ; même s'ils en sont bien mal
récompensés. Ils
participent de mille autres manières à
l'évolution de ces sociétés, à
leurs équilibres démographiques et sociaux, à
leur diversité et à
leur enrichissement culturel.

18.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation de leur société
d'origine. Ils contribuent à desserrer les
contraintes
démographiques et sociales. Les transferts de
fonds envoyés à leur
famille sont considérables. Au niveau
macroéconomique, les flux
financiers des migrants sont du même ordre de
grandeur que l'Aide
Publique au Développement : environ 8 milliards
d'euros par an
pour la France. Les conséquences sont majeures
pour les revenus
des ménages et la balance des paiements des pays
d'origine. Les
projets soutenus par les migrants correspondent
à une demande
locale et à des besoins de proximité. Enfin et
surtout, les flux
arrivent directement à la base, dans les
ménages les plus pauvres,
avec un minimum de " dérivation ".

19.
Les migrants ont esquissé des réponses,
partielles mais très
intéressantes, à la conception dominante du
développement. La
coopération des migrants est inscrite dans une
conception endogène
du développement. Elle concerne au premier chef
le
développement local, la mobilisation de
l'épargne domestique, la
création de services locaux de proximité dans
les villages et les
quartiers, l'élévation du niveau de
qualification et d'ouverture des
groupes locaux. Certes, les difficultés et les
contre-effets ne
manquent pas (gaspillage de ressources tournées
plus vers la
consommation que la production, plus vers des
objectifs sociaux
qu'économique, détournements d'objectifs et de
moyens, etc.), mais
ils peuvent être corrigés. Et surtout ils
n'empêchent pas l'intérêt
majeur de ces actions. Cette coopération,
révélée par la place des
flux migratoires (diasporas, réfugiés,
migrations économiques,
demandeurs d'asile, exode des cerveaux et
assistance technique...)
correspond à une demande populaire et à des
dynamiques internes.
Elle est une réponse au développement, à
l'échelle mondiale,
mettant en avant le développement à la base et
la participation.

20.
Les migrants sont aussi des acteurs des rapports
internationaux et
de la transformation du monde. Les migrants sont
porteurs des
rapports entre les sociétés et d'une valeur
nouvelle, la solidarité
internationale entre les sociétés et les
citoyens. Les migrants sont
un vecteur stratégique et privilégié de la
sensibilisation des sociétés
à la solidarité internationale, en France, en
Europe et dans les pays
d'origine. Les enjeux sont multiples. Dans le cas
de la France, c'est
permettre à une partie importante de la
population française et
vivant en France de s'investir activement dans
des actions de
solidarité internationale. S'appuyer sur la
richesse et la diversité des
habitants et des citoyens d'un pays, c'est ancrer
la solidarité
internationale dans la réalité des quartiers,
des communes et des
régions, c'est construire un niveau supérieur
d'identité et d'unité
dans ce pays ; c'est l'ouvrir au monde. La
coopération des migrants
illustre de mille façons l'intérêt et le rôle
stratégique du partenariat
entre des groupes et des associations, objectif
et moyen de la
coopération entre les sociétés comme
alternative à un système
international fondé sur la domination.


Nous estimons donc que les activités suivantes,
considérées comme
des droits, doivent figurer dans le champ de
compétence du service
public :
- L’éducation, la formation initiale et
continue et l’aide aux études,
les services jeunesse et sport
- la recherche
- la santé : la prévention, l’hôpital, la
couverture par les personnels
de santé des besoins dans les milieux ruraux,
les soins et aides à la
personne de la petite enfance à la fin de la
vie, dont les pompes
funèbres, l’industrie pharmaceutique.
- L’orientation et la recherche d’emploi
- la sécurité sociale
- les transports des personnes et des
marchandises : réseau routier,
ferroviaire, aérien.
- le logement
- l’énergie :
- l’eau : gestion publique des ressources, de
la distribution et du
recyclage
- la culture
- la poste et les télécommunications
- l’information : service public de
l’audio-visuel avec garanties
déontologiques
- des instruments publics de crédit
- un service public de l’Environnement pour
assurer la protection
des ressources naturelles , la lutte contre la
pollution, et pour
organiser la mise en synergie des Services
Publics travaillant sur
des enjeux environnementaux
- Justice, sécurité, défense

**Les Services Publics doivent s’appuyer sur
une autre politique

REFONDER
Fiscalité : Une réorientation radicale de la
Fiscalité pour des impôts
fortement progressifs touchant davantage les
hautes tranches de
revenus, les gros patrimoines et les fortunes.
Une taxation des
produits financiers, une réforme de l’impôt
sur le foncier et sur les
sociétés qui permette de taxer les gâchis
économiques et
environnementaux ainsi qu’une réforme de la
fiscalité locale, pour
mieux assurer l’égalité fiscale d’une part
et la péréquation entre
régions riches et à faibles ressources
d’autre part. .
Le contrôle démocratisé des Fonds Publics :
avec la remise en
cause du pacte européen de stabilité monétaire
et un secteur
financier public et semi public tourné vers
l’intérêt général..
PROTEGER
il faut, au nom du Bien Commun et de
l’Intérêt Général, protéger
les Services Publics et agir pour que soit
reconnue, y compris au
niveau européen, la nécessité de Monopoles
publics dans un certain
nombre de secteurs tels l’énergie, les
transports, la poste, les
autoroutes…qu’il appartient au débat
démocratique et au
législateur de définir. Il doit être clair en
revanche que le statut de
monopole appelle un effort permanent de contrôle
démocratique et
d’évaluation du fonctionnement et de
l’efficacité du Service afin
que les missions et leur exécution répondent
bien aux besoins des
usagers et à l’intérêt général La question
du statut des agents, des
personnels est inséparable de la réflexion sur
la qualité et la
protection des Services Publics. La précarité
ne fait pas bon
ménage avec la réponse aux besoins et en
premier lieu à ceux des
plus démunis. De même le statut est garant de
l’intérêt général,
dans une nécessaire indépendance des agents
vis-à-vis de l’autorité
politique et des pouvoirs économiques. C’est
pourquoi la défense
du statut se conjugue avec la qualité du service
public.

DEMOCRATISER
Il s’agit de donner aux Citoyen(ne)s
-usager(e)s, salarié(e)s,
élu(e)s- de nouveaux droits pour exercer une
démocratie effective
avec pour objectifs une véritable égalité dans
l’accès à ces services
sur tout le territoire, la garantie de leur
qualité et à leur efficacité,
ainsi qu’une vraie collégialité dans les
décisions et la fixation des
tarifs. Cela implique de renforcer sérieusement
le statut de l’élu-e
et les structures permettant à tous les niveaux
un fonctionnement
plus démocratique tant dans la représentation
que dans la
participation.

Pour ce faire :
- Nous EXIGEONS l’abrogation des lois et
directives qui guident
ces politiques libérales française et
européenne.
- Nous EXIGEONS du gouvernement français qu’il
retire pour
l’ensemble des Services Publics toutes les
mesures entraînant une
régression des moyens matériels et humains.
- Nous EXIGEONS qu’il stoppe les procédures de
transfert de
charges décidées par la politique actuelle dite
de décentralisation
qui frappe, à tous les échelons, les
Collectivités Territoriales.
- Nous EXIGEONS la reconnaissance des missions
spécifiques de
la Fonction Publique appuyée sur le respect des
statuts, des métiers
et des personnels

Et dans l’immédiat :
- Nous nous opposons à la privatisation de gaz
de France, nous
exigeons la fusion EDF
GDF, 100 % publique, nous refusons l’ouverture
du marché au 1er
juillet2007
- Nous exigeons le maintien à la Poste du
monopole du courrier de
– de 50 grammes et la réorientation des
nombreuses missions du
service postal vers la satisfaction des besoins
de la collectivité
- Nous exigeons l’arrêt du transfert de
compétences elles préparent
le désengagement progressif de l’Etat, la
dégradation du service
public, la privatisation
- Nous exigeons l’arrêt des exonérations de
cotisations sociales qui
loin de faire reculer la pauvreté et la
précarité, préparent de fait la
privatisation de la protection sociale
- Nous exigeons l’arrêt de tout projet
d’autonomisation du
financement des universités, le retour des TOS
dans la fonction
publique d’Etat.
- L’arrêt de la mise en concurrence du
transport ferroviaire et sa
régulation par d’autres mécanismes que ceux
du marché

Lire le Manifeste en version intégrale sur
http://www.v-s-p.org
Siège social de Convergence : Hotel de Ville
GUERET 23000
________________________________

4 MANIFESTE D’ATTAC FRANCE : LE SITE
________________________________

Nous vous invitons à découvrir le site
consacré au Manifeste
altermondialiste d'Attac à l'adresse suivante :
http://manifeste.attac.org/

Le site est constitué de plusieurs espaces :

- Un espace consacré aux "7 piliers" du
Manifeste. Chaque pilier
est accompagné d'une vidéo d'introduction
réalisée par une des
personnes ayant contribué à la rédaction du
document.

- Un espace "Contributions" qui accueillera des
textes, zooms
thématiques, fiches explicatives et qui
permettra
l'approfondissement des travaux liés au
Manifeste.

- Un espace regroupe toutes les "Vidéos"
réalisées au cours de la
dernière CNCL (Conférence Nationale des
Comités Locaux)
d'Attac.

- Un "Espace militants" qui sera alimenté par
des contributions,
tracts, supports de communication et documents
d'analyse (voir
explications en fin de ce message) créés et
pouvant être utilisés par
les militants d'Attac dans le cadre de la
campagne Manifeste.

Bonne visite.

______________________________
5. PROBLEMATIQUE ALTERMONDIALISTE DES
MIGRATIONS

Extrait du rapport du Conseil scientifique
d’Attac France
« Migrations et mondialisation »
______________________________

Problématique altermondialiste des migrations

1.
Les migrations sont au cœur des transformations
de chaque société
et du système mondial. Les migrants sont des
acteurs des sociétés
et du monde. On ne peut comprendre notre
société sans prendre en
compte les migrations et les migrants. Parler de
la société française
en négligeant l'immigration, c'est parler d'une
société française
irréelle. Les migrations et les migrants peuvent
être considérés
comme des analyseurs de nos sociétés et du
monde. Nous partirons
aussi du principe que l'émergence d'un mouvement
altermondialiste
modifie les perspectives et les points de vue sur
l'état du monde.

2.
Quatre entrées sont proposées :
_ Remettre en perspective les rapports entre
migrations et
mondialisation
_ Penser les migrations à partir d'une
déconstruction du discours
dominant et des évidences
_ Mettre en évidence les pratiques des migrants
en tant qu'acteurs
des sociétés et du monde
_ Définir les propositions portées par le
courant altermondialiste

Les rapports entre migrations et mondialisation

3.
Les migrations précèdent de loin la
mondialisation. Elles sont
consubstantielles de l'histoire de l'Humanité.
Elles charrient encore
les représentations des anciennes contradictions
entre nomades et
sédentaires. Elles prennent un tour nouveau avec
l'émergence des
Etats et des Nations et la transformation due aux
rapports sociaux
capitalistes dans l'industrie et l'agriculture.
L'étranger n'est plus
seulement l'autre par rapport au groupe ou à la
communauté, la
nationalité et la citoyenneté modifient les
perceptions de l'identité
et la formalisation des droits. Elles sont
marquées par les
déplacements massifs de population, les grandes
traites
esclavagistes, les colonisations, etc. et le
travail forcé. Les
migrations intérieures, dans un même pays, ou
extérieures, les
migrations alternantes ou permanentes sont
constitutives de la
nature des classes sociales dans chacune des
formations sociales
nationales.

4.
Les formes et les modalités des migrations
actuelles ont aussi leur
histoire. Citons les diasporas qui structurent le
système monde
planétaire ; les réfugiés suite aux guerres ou
aux catastrophes «
naturelles » ; les migrations économiques ; les
regroupements
familiaux ; les exodes de cerveaux ; les «
assistances techniques » ;
la nouvelle classe dominante mondialisée
(grandes entreprises,
institutions internationales, financiers,
médias, etc.)

5.
Mais, si les migrations sont ancrées dans le
passé, elles sont aussi
historiquement situées. Elles s'inscrivent
aujourd'hui dans la phase
néo libérale de la mondialisation. Les
migrations sont fortement
déterminées par les politiques néo libérales
qui donnent la primauté
à la croissance et subordonnent la croissance au
marché mondial.
La transformation sociale est conçue comme
l'ajustement structurel
de chaque société au marché mondial passant
par le champ libre
laissé aux entreprises mondiales considérées
comme les seules
porteuses de modernité ; à la libéralisation
des économies livrées à
la rationalité du marché mondial des capitaux.
Cette logique
conduit à la prédominance du droit des affaires
et de la concurrence
dans le droit international et dans le droit de
chaque pays ; aux
privatisations et à l'abandon de la notion de
service public entendu
au sens du droit égal d'accès pour tous.
Concernant l'immigration :
le bas coût de la main d'œuvre, les économies
sur les frais
d'éducation, la précarité des statuts, la
docilité, la non connaissance
des droits ou leur non application...

6.
Ces politiques ont des effets dramatiques pour
chacune des sociétés
et pour le monde.
_ La croissance monétaire réelle dans de
nombreuses sociétés et
dans le monde se traduit par un élargissement de
la pauvreté et un
approfondissement des inégalités sociales dans
chaque société. Les
inégalités sont structurellement liées aux
discriminations. La
prolétarisation frappe de plein fouet les
immigrés.
_ Les inégalités Nord-Sud sont de plus en plus
fortes, malgré
l'émergence de quelques zones industrialisées.
Elles s'appuient sur
la dette et le contrôle des matières
premières. Elles se traduisent par
la généralisation des conflits et des guerres
et la montée des
fondamentalismes et des évangélismes. Elles
produisent des masses
croissantes d'émigrés (mais les migrations
sud-sud sont plus
importantes...)
_ Le modèle productiviste remet en cause les
limites des
écosystèmes et de l'écosystème planétaire
multipliant les
catastrophes majeures et mettant en danger les
droits des
générations futures.
_ Les réponses dominantes à l'insécurité
sociale et écologique
accroissent les formes de répression appuyées
sur des idéologies
sécuritaires ; elles construisent l'intolérance
et mettent en danger les
libertés et la démocratie.

7.
Les migrants supportent directement les
conséquences de cette
situation. Les guerres, les catastrophes, les
changements de régime
se traduisent par des exodes massifs. Les pays
riches verrouillent
leurs frontières et s'enferment dans leurs
territoires. La purification
ethnique et la ségrégation sociale deviennent
un modèle d'évolution
sociale et nationale. Les migrants sont
massivement précarisés ;
leurs droits sont remis en cause et ignorés
quand ils ne sont pas
simplement niés. La planète se couvre de camps
de réfugiés et de
refoulés. Nous assistons à un véritable
apartheid planétaire.

8.
Les migrants prennent dans les imaginaires la
place des classes
laborieuses et dangereuses attachée au
prolétariat. Accepter de faire
des étrangers et des migrants les boucs
émissaires de cette situation
est dangereux et illusoire. Comme ils ne sont ni
la cause ni la
solution à cette situation, leur stigmatisation
ne fera qu'augmenter
les craintes, alimentera le racisme et
entraînera toute la société dans
une spirale régressive. La défense des droits
des étrangers et des
migrants est essentielle. Non seulement parce que
leurs droits sont
particulièrement contestés ; mais aussi parce
que ces droits
s'inscrivent dans l'ensemble des droits et que
leur remise en cause
se traduira par une atteinte à tous les droits
et aux droits de tous.

La dé-construction du discours dominant et des
évidences

9.
Pour penser les migrations, il faut commencer par
dé construire le
discours dominant. C'est la première étape de
la bataille des idées.
Le discours dominant s'appuie sur trois
propositions :
_ Pour maîtriser les flux migratoires, il faut
fermer les frontières et
passer des accords d'Etat à Etat.
_ L'intégration des réguliers et la lutte
contre le racisme passent par
la lutte contre les clandestins.
_ Pour arrêter l'émigration, il suffit de
développer les pays et les
régions d'origine.
Chacune de ces propositions s'affirme comme une
évidence
irréfutable, appuyée sur le bon sens. Certes,
il y a du « vrai » dans
chacune de ces propositions, mais ce « vrai »
sert à construire du
« faux ». Chacune des propositions est
contestable, et l'ensemble du
raisonnement est faux et conduit à une impasse.

10.
Il est difficile d'opposer, par principe, le
laissez-faire à la maîtrise
en matière d'évolution. Encore faut-il savoir
quels sont les objectifs
de cette maîtrise et quelles formes elle peut
prendre. La fermeture
des frontières renvoie à un fantasme, celui de
figer une situation
pour préserver un équilibre statique, celui de
stabiliser à un instant
donné une population formée par une évolution
constante. La
notion d'équilibre des caractéristiques fondée
sur de subtils seuils
de tolérance peut conduire par glissements
progressifs à une
conception ethnique de l'identité. La
proposition de n'accepter que
les éléments déterminés par les intérêts
immédiats d'une économie
française ne peut ignorer la nature de cette
économie tournée vers
l'exportation et le renforcement de positions
dominantes. La
maîtrise des flux migratoires ne peut faire
l'économie d'une prise en
compte de la distribution des richesses et des
peuplements. Comme
le disait si bien Alfred Sauvy, « si les
richesses ne vont pas aux
hommes, les hommes iront aux richesses et rien ne
pourra l'en
empêcher!»

11.
La fermeture des frontières est mise en avant
pour refuser la liberté
de circulation. Or, la liberté de circulation
fait partie des droits
fondamentaux reconnus par la Déclaration
Universelle des Droits
de l'Homme. On peut imaginer de la réglementer
et de l'organiser
en fonction des situations ; on ne saurait la
nier et la rendre
impossible. La liberté d'établissement qui fait
partie de la liberté de
circulation peut être régulée en fonction des
droits des populations
résidentes et de la préservation du droit du
travail. Dans tous les
cas, la fermeture des frontières est illusoire.
Actuellement, plus de
soixante millions de personnes entrent chaque
année en France,
comme touristes, pour la plupart sans visas. Les
visas sont réservés
aux habitants de ce que la France définit,
comble du cynisme,
comme ceux de sa « zone de coopération
prioritaire ». La politique,
la pratique des visas dans les consulats de
France, arrogante et
humiliante, est un scandale absolu. La fermeture
des frontières
renforce les fantasmes, les peurs et
l'insécurité. Elle alimente la
phobie de l'invasion des barbares. Certes, il y a
des risques de
déséquilibre dans des périodes de grande
crise. Mais, toutes les
expériences montrent que les habitants du monde
n'attendent pas de
se déverser en Europe ; ils préfèrent
massivement rester chez eux.
L'élargissement de l'Europe à l'Espagne, au
Portugal et à la Grèce a
même démontré que l'ouverture des frontières
s'était traduite par un
rééquilibrage et un retour pour de nombreux
émigrés. Les murs que
l'on élève peuvent vous rendre prisonnier. Ce
n'est pas sans raison
que la Fédération Internationale des Droits de
l'Homme milite pour
la suppression des visas de courte durée dans le
monde, et
particulièrement en Europe.

12.
L'idée que l'intégration des réguliers et la
lutte contre le racisme
passe par la lutte contre les clandestins peut
paraître logique. Et
pourtant c'est l'inverse qui peut être observé.
La lutte contre les
clandestins insécurise de manière permanente
les immigrés en
situation régulière. Elle est conduite dans cet
objectif. Elle s'attaque
aux victimes, les clandestins et n'inquiète pas
ceux qui en profitent.
La lutte contre les clandestins produit sans
cesse de nouveaux
clandestins. Les règlements font passer sans
discontinuer des
immigrés réguliers dans l'irrégularité. Ils
les projettent ensuite dans
l'illégalité et les transforment en
délinquants, emplissant les prisons
de personnes qui sont passées sans même s'en
rendre compte en
situation irrégulière.

13.
La mise au ban des migrants et des étrangers
fait partie d'une
politique de précarisation généralisée. Cette
précarisation se traduit
par les licenciements et le chômage, la
marginalisation des emplois
stables, la remise en cause des statuts sociaux
et des systèmes de
protection sociale. La négation des droits pour
une partie de la
population fragilise l'ensemble. Progressivement,
les droits des
catégories successives sont remis en cause. Nous
avons pu vérifier
que l'atteinte à l'accès des étrangers aux
services publics est une
première étape pour restreindre l'accès de
tous aux services et
subordonner cet accès à des mécanismes de
marché
discriminatoires en fonction de revenus. Aucune
politique reposant
sur la division et l'exclusion ne peut assurer un
progrès social et
démocratique ; elle se traduit toujours par une
exclusion en chaîne.
La précarisation généralisée est le résultat
recherché des politiques
de libéralisation menée dans le cadre de la
mondialisation. Elle
accroît aussi l'insécurité réelle qui
résulte de la remise en cause des
statuts sociaux par la précarisation, des
solidarités et des identités
par la modernité, de la paix par les conflits.
Elle permet les
manipulations qui renforcent les idéologies
sécuritaires.

14.
Le discours dominant prétend s'attaquer aux
causes. Il s'appuie sur
ce qui prend l'apparence d'une évidence. Puisque
l'émigration
résulte du sous-développement et des
inégalités de développement,
il suffirait pour arrêter l'émigration de
développer les pays et les
régions d'origine. Si le constat de départ
n'est pas faux, il sous-
estime la complexité du rapport entre
émigration et développement
et la réflexion sur la nature du développement.
En fait, l'expérience
historique constante le confirme ; dans une
première phase, le
développement accentue l'émigration. La raison
en est que tout
développement, toute transformation sociale
produit des
déséquilibres ; l'accroissement de la
productivité du travail « libère
» une partie du travail qui alimente
l'émigration. C'est bien
longtemps après que les flux se tarissent, voire
s'inversent. Toute
l'histoire de l'Europe et de la Méditerranée
est marquée par cette
dialectique. Encore récemment, l'Espagne est
passée en moins
d'une génération d'une situation de pays
d'émigration à celle d'un
pays d'immigration en provenance du Maghreb.
15.
La simplification outrancière du rapport entre
migrations et
développement n'est pas anodine. Le discours
dominant affirme
ainsi, avec cynisme et hypocrisie, qu'il
suffirait d'accroître l'aide et
les investissements vers les pays d'émigration
et, dans le même
temps d'interdire l'immigration, sans se
préoccuper plus avant de la
différence de temporalité dans la relation
entre migrations et
développement. On a vu ainsi se multiplier les
rapports d'Etat à
Etats transformant les régimes des pays
d'émigration en police des
frontières des pays riches. Les libertés sont
bafouées ; le droit
d'asile est remis en cause systématiquement.
L'Europe se couvre de
camps de rétention pour les immigrés «
clandestins » et maintenant,
les camps d'attente sont directement implantés
dans les pays du
pourtour européen.

16.
La déconstruction du discours dominant est une
des étapes de la
définition des positions à prendre sur les
migrations. Nous
retiendrons qu'il convient d'organiser
différemment les différentes
propositions : l'évolution des flux migratoires,
le rôle des frontières
dans la régulation de la mondialisation, la
place des discriminations
et du racisme, le rôle des réglementations dans
l'illégalité et la
situation des clandestins, la continuité entre
les clandestins, les
immigrés en situation régulière et les autres
catégories de citoyens,
les rapports entre développement et migrations.
La définition des
politiques migratoires dépend des situations.
Dans le contexte de la
phase actuelle de la mondialisation, nous devons
définir les
principes qui permettent de fonder des
alternatives en termes de
propositions et de politiques. Avant cela, il
convient de s'interroger
sur les pratiques des migrants et sur les
nouvelles perspectives
qu'elles ouvrent dans la compréhension des
transformations
sociales et de la mondialisation.

Les migrants acteurs des sociétés et du monde

17.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation sociale dans le
pays d'accueil et dans le pays d'origine. Les
migrations sont
déterminées par les fondements de la phase
actuelle de la
mondialisation : les inégalités sociales et les
discriminations, les
inégalités entre pays et la domination du Sud
par le Nord. Les
migrants sont au cœur de ces questions, mais ils
ne se contentent
pas de les subir. Ils développent des pratiques
qui sont aussi des
réponses à ces situations. Dans des conditions
difficiles, ils ouvrent
de nouvelles voies de l'évolution des
sociétés. Inutile de rappeler ici
la contribution du travail des migrants à la
richesse des sociétés qui
les accueillent ; même s'ils en sont bien mal
récompensés. Ils
participent de mille autres manières à
l'évolution de ces sociétés, à
leurs équilibres démographiques et sociaux, à
leur diversité et à
leur enrichissement culturel.

18.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation de leur société
d'origine. Ils contribuent à desserrer les
contraintes
démographiques et sociales. Les transferts de
fonds envoyés à leur
famille sont considérables. Au niveau
macroéconomique, les flux
financiers des migrants sont du même ordre de
grandeur que l'Aide
Publique au Développement : environ 8 milliards
d'euros par an
pour la France. Les conséquences sont majeures
pour les revenus
des ménages et la balance des paiements des pays
d'origine. Les
projets soutenus par les migrants correspondent
à une demande
locale et à des besoins de proximité. Enfin et
surtout, les flux
arrivent directement à la base, dans les
ménages les plus pauvres,
avec un minimum de " dérivation ".

19.
Les migrants ont esquissé des réponses,
partielles mais très
intéressantes, à la conception dominante du
développement. La
coopération des migrants est inscrite dans une
conception endogène
du développement. Elle concerne au premier chef
le
développement local, la mobilisation de
l'épargne domestique, la
création de services locaux de proximité dans
les villages et les
quartiers, l'élévation du niveau de
qualification et d'ouverture des
groupes locaux. Certes, les difficultés et les
contre-effets ne
manquent pas (gaspillage de ressources tournées
plus vers la
consommation que la production, plus vers des
objectifs sociaux
qu'économique, détournements d'objectifs et de
moyens, etc.), mais
ils peuvent être corrigés. Et surtout ils
n'empêchent pas l'intérêt
majeur de ces actions. Cette coopération,
révélée par la place des
flux migratoires (diasporas, réfugiés,
migrations économiques,
demandeurs d'asile, exode des cerveaux et
assistance technique...)
correspond à une demande populaire et à des
dynamiques internes.
Elle est une réponse au développement, à
l'échelle mondiale,
mettant en avant le développement à la base et
la participation.

20.
Les migrants sont aussi des acteurs des rapports
internationaux et
de la transformation du monde. Les migrants sont
porteurs des
rapports entre les sociétés et d'une valeur
nouvelle, la solidarité
internationale entre les sociétés et les
citoyens. Les migrants sont
un vecteur stratégique et privilégié de la
sensibilisation des sociétés
à la solidarité internationale, en France, en
Europe et dans les pays
d'origine. Les enjeux sont multiples. Dans le cas
de la France, c'est
permettre à une partie importante de la
population française et
vivant en France de s'investir activement dans
des actions de
solidarité internationale. S'appuyer sur la
richesse et la diversité des
habitants et des citoyens d'un pays, c'est ancrer
la solidarité
internationale dans la réalité des quartiers,
des communes et des
régions, c'est construire un niveau supérieur
d'identité et d'unité
dans ce pays ; c'est l'ouvrir au monde. La
coopération des migrants
illustre de mille façons l'intérêt et le rôle
stratégique du partenariat
entre des groupes et des associations, objectif
et moyen de la
coopération entre les sociétés comme
alternative à un système
international fondé sur la domination.



5. PROBLEMATIQUE ALTERMONDIALISTE DES
MIGRATIONS

Extrait du rapport du Conseil scientifique
d’Attac France
« Migrations et mondialisation »
______________________________

Problématique altermondialiste des migrations

1.
Les migrations sont au cœur des transformations
de chaque société
et du système mondial. Les migrants sont des
acteurs des sociétés
et du monde. On ne peut comprendre notre
société sans prendre en
compte les migrations et les migrants. Parler de
la société française
en négligeant l'immigration, c'est parler d'une
société française
irréelle. Les migrations et les migrants peuvent
être considérés
comme des analyseurs de nos sociétés et du
monde. Nous partirons
aussi du principe que l'émergence d'un mouvement
altermondialiste
modifie les perspectives et les points de vue sur
l'état du monde.

2.
Quatre entrées sont proposées :
_ Remettre en perspective les rapports entre
migrations et
mondialisation
_ Penser les migrations à partir d'une
déconstruction du discours
dominant et des évidences
_ Mettre en évidence les pratiques des migrants
en tant qu'acteurs
des sociétés et du monde
_ Définir les propositions portées par le
courant altermondialiste

Les rapports entre migrations et mondialisation

3.
Les migrations précèdent de loin la
mondialisation. Elles sont
consubstantielles de l'histoire de l'Humanité.
Elles charrient encore
les représentations des anciennes contradictions
entre nomades et
sédentaires. Elles prennent un tour nouveau avec
l'émergence des
Etats et des Nations et la transformation due aux
rapports sociaux
capitalistes dans l'industrie et l'agriculture.
L'étranger n'est plus
seulement l'autre par rapport au groupe ou à la
communauté, la
nationalité et la citoyenneté modifient les
perceptions de l'identité
et la formalisation des droits. Elles sont
marquées par les
déplacements massifs de population, les grandes
traites
esclavagistes, les colonisations, etc. et le
travail forcé. Les
migrations intérieures, dans un même pays, ou
extérieures, les
migrations alternantes ou permanentes sont
constitutives de la
nature des classes sociales dans chacune des
formations sociales
nationales.

4.
Les formes et les modalités des migrations
actuelles ont aussi leur
histoire. Citons les diasporas qui structurent le
système monde
planétaire ; les réfugiés suite aux guerres ou
aux catastrophes «
naturelles » ; les migrations économiques ; les
regroupements
familiaux ; les exodes de cerveaux ; les «
assistances techniques » ;
la nouvelle classe dominante mondialisée
(grandes entreprises,
institutions internationales, financiers,
médias, etc.)

5.
Mais, si les migrations sont ancrées dans le
passé, elles sont aussi
historiquement situées. Elles s'inscrivent
aujourd'hui dans la phase
néo libérale de la mondialisation. Les
migrations sont fortement
déterminées par les politiques néo libérales
qui donnent la primauté
à la croissance et subordonnent la croissance au
marché mondial.
La transformation sociale est conçue comme
l'ajustement structurel
de chaque société au marché mondial passant
par le champ libre
laissé aux entreprises mondiales considérées
comme les seules
porteuses de modernité ; à la libéralisation
des économies livrées à
la rationalité du marché mondial des capitaux.
Cette logique
conduit à la prédominance du droit des affaires
et de la concurrence
dans le droit international et dans le droit de
chaque pays ; aux
privatisations et à l'abandon de la notion de
service public entendu
au sens du droit égal d'accès pour tous.
Concernant l'immigration :
le bas coût de la main d'œuvre, les économies
sur les frais
d'éducation, la précarité des statuts, la
docilité, la non connaissance
des droits ou leur non application...

6.
Ces politiques ont des effets dramatiques pour
chacune des sociétés
et pour le monde.
_ La croissance monétaire réelle dans de
nombreuses sociétés et
dans le monde se traduit par un élargissement de
la pauvreté et un
approfondissement des inégalités sociales dans
chaque société. Les
inégalités sont structurellement liées aux
discriminations. La
prolétarisation frappe de plein fouet les
immigrés.
_ Les inégalités Nord-Sud sont de plus en plus
fortes, malgré
l'émergence de quelques zones industrialisées.
Elles s'appuient sur
la dette et le contrôle des matières
premières. Elles se traduisent par
la généralisation des conflits et des guerres
et la montée des
fondamentalismes et des évangélismes. Elles
produisent des masses
croissantes d'émigrés (mais les migrations
sud-sud sont plus
importantes...)
_ Le modèle productiviste remet en cause les
limites des
écosystèmes et de l'écosystème planétaire
multipliant les
catastrophes majeures et mettant en danger les
droits des
générations futures.
_ Les réponses dominantes à l'insécurité
sociale et écologique
accroissent les formes de répression appuyées
sur des idéologies
sécuritaires ; elles construisent l'intolérance
et mettent en danger les
libertés et la démocratie.

7.
Les migrants supportent directement les
conséquences de cette
situation. Les guerres, les catastrophes, les
changements de régime
se traduisent par des exodes massifs. Les pays
riches verrouillent
leurs frontières et s'enferment dans leurs
territoires. La purification
ethnique et la ségrégation sociale deviennent
un modèle d'évolution
sociale et nationale. Les migrants sont
massivement précarisés ;
leurs droits sont remis en cause et ignorés
quand ils ne sont pas
simplement niés. La planète se couvre de camps
de réfugiés et de
refoulés. Nous assistons à un véritable
apartheid planétaire.

8.
Les migrants prennent dans les imaginaires la
place des classes
laborieuses et dangereuses attachée au
prolétariat. Accepter de faire
des étrangers et des migrants les boucs
émissaires de cette situation
est dangereux et illusoire. Comme ils ne sont ni
la cause ni la
solution à cette situation, leur stigmatisation
ne fera qu'augmenter
les craintes, alimentera le racisme et
entraînera toute la société dans
une spirale régressive. La défense des droits
des étrangers et des
migrants est essentielle. Non seulement parce que
leurs droits sont
particulièrement contestés ; mais aussi parce
que ces droits
s'inscrivent dans l'ensemble des droits et que
leur remise en cause
se traduira par une atteinte à tous les droits
et aux droits de tous.

La dé-construction du discours dominant et des
évidences

9.
Pour penser les migrations, il faut commencer par
dé construire le
discours dominant. C'est la première étape de
la bataille des idées.
Le discours dominant s'appuie sur trois
propositions :
_ Pour maîtriser les flux migratoires, il faut
fermer les frontières et
passer des accords d'Etat à Etat.
_ L'intégration des réguliers et la lutte
contre le racisme passent par
la lutte contre les clandestins.
_ Pour arrêter l'émigration, il suffit de
développer les pays et les
régions d'origine.
Chacune de ces propositions s'affirme comme une
évidence
irréfutable, appuyée sur le bon sens. Certes,
il y a du « vrai » dans
chacune de ces propositions, mais ce « vrai »
sert à construire du
« faux ». Chacune des propositions est
contestable, et l'ensemble du
raisonnement est faux et conduit à une impasse.

10.
Il est difficile d'opposer, par principe, le
laissez-faire à la maîtrise
en matière d'évolution. Encore faut-il savoir
quels sont les objectifs
de cette maîtrise et quelles formes elle peut
prendre. La fermeture
des frontières renvoie à un fantasme, celui de
figer une situation
pour préserver un équilibre statique, celui de
stabiliser à un instant
donné une population formée par une évolution
constante. La
notion d'équilibre des caractéristiques fondée
sur de subtils seuils
de tolérance peut conduire par glissements
progressifs à une
conception ethnique de l'identité. La
proposition de n'accepter que
les éléments déterminés par les intérêts
immédiats d'une économie
française ne peut ignorer la nature de cette
économie tournée vers
l'exportation et le renforcement de positions
dominantes. La
maîtrise des flux migratoires ne peut faire
l'économie d'une prise en
compte de la distribution des richesses et des
peuplements. Comme
le disait si bien Alfred Sauvy, « si les
richesses ne vont pas aux
hommes, les hommes iront aux richesses et rien ne
pourra l'en
empêcher!»
11.
La fermeture des frontières est mise en avant
pour refuser la liberté
de circulation. Or, la liberté de circulation
fait partie des droits
fondamentaux reconnus par la Déclaration
Universelle des Droits
de l'Homme. On peut imaginer de la réglementer
et de l'organiser
en fonction des situations ; on ne saurait la
nier et la rendre
impossible. La liberté d'établissement qui fait
partie de la liberté de
circulation peut être régulée en fonction des
droits des populations
résidentes et de la préservation du droit du
travail. Dans tous les
cas, la fermeture des frontières est illusoire.
Actuellement, plus de
soixante millions de personnes entrent chaque
année en France,
comme touristes, pour la plupart sans visas. Les
visas sont réservés
aux habitants de ce que la France définit,
comble du cynisme,
comme ceux de sa « zone de coopération
prioritaire ». La politique,
la pratique des visas dans les consulats de
France, arrogante et
humiliante, est un scandale absolu. La fermeture
des frontières
renforce les fantasmes, les peurs et
l'insécurité. Elle alimente la
phobie de l'invasion des barbares. Certes, il y a
des risques de
déséquilibre dans des périodes de grande
crise. Mais, toutes les
expériences montrent que les habitants du monde
n'attendent pas de
se déverser en Europe ; ils préfèrent
massivement rester chez eux.
L'élargissement de l'Europe à l'Espagne, au
Portugal et à la Grèce a
même démontré que l'ouverture des frontières
s'était traduite par un
rééquilibrage et un retour pour de nombreux
émigrés. Les murs que
l'on élève peuvent vous rendre prisonnier. Ce
n'est pas sans raison
que la Fédération Internationale des Droits de
l'Homme milite pour
la suppression des visas de courte durée dans le
monde, et
particulièrement en Europe.
12.
L'idée que l'intégration des réguliers et la
lutte contre le racisme
passe par la lutte contre les clandestins peut
paraître logique. Et
pourtant c'est l'inverse qui peut être observé.
La lutte contre les
clandestins insécurise de manière permanente
les immigrés en
situation régulière. Elle est conduite dans cet
objectif. Elle s'attaque
aux victimes, les clandestins et n'inquiète pas
ceux qui en profitent.
La lutte contre les clandestins produit sans
cesse de nouveaux
clandestins. Les règlements font passer sans
discontinuer des
immigrés réguliers dans l'irrégularité. Ils
les projettent ensuite dans
l'illégalité et les transforment en
délinquants, emplissant les prisons
de personnes qui sont passées sans même s'en
rendre compte en
situation irrégulière.

13.
La mise au ban des migrants et des étrangers
fait partie d'une
politique de précarisation généralisée. Cette
précarisation se traduit
par les licenciements et le chômage, la
marginalisation des emplois
stables, la remise en cause des statuts sociaux
et des systèmes de
protection sociale. La négation des droits pour
une partie de la
population fragilise l'ensemble. Progressivement,
les droits des
catégories successives sont remis en cause. Nous
avons pu vérifier
que l'atteinte à l'accès des étrangers aux
services publics est une
première étape pour restreindre l'accès de
tous aux services et
subordonner cet accès à des mécanismes de
marché
discriminatoires en fonction de revenus. Aucune
politique reposant
sur la division et l'exclusion ne peut assurer un
progrès social et
démocratique ; elle se traduit toujours par une
exclusion en chaîne.
La précarisation généralisée est le résultat
recherché des politiques
de libéralisation menée dans le cadre de la
mondialisation. Elle
accroît aussi l'insécurité réelle qui
résulte de la remise en cause des
statuts sociaux par la précarisation, des
solidarités et des identités
par la modernité, de la paix par les conflits.
Elle permet les
manipulations qui renforcent les idéologies
sécuritaires.

14.
Le discours dominant prétend s'attaquer aux
causes. Il s'appuie sur
ce qui prend l'apparence d'une évidence. Puisque
l'émigration
résulte du sous-développement et des
inégalités de développement,
il suffirait pour arrêter l'émigration de
développer les pays et les
régions d'origine. Si le constat de départ
n'est pas faux, il sous-
estime la complexité du rapport entre
émigration et développement
et la réflexion sur la nature du développement.
En fait, l'expérience
historique constante le confirme ; dans une
première phase, le
développement accentue l'émigration. La raison
en est que tout
développement, toute transformation sociale
produit des
déséquilibres ; l'accroissement de la
productivité du travail « libère
» une partie du travail qui alimente
l'émigration. C'est bien
longtemps après que les flux se tarissent, voire
s'inversent. Toute
l'histoire de l'Europe et de la Méditerranée
est marquée par cette
dialectique. Encore récemment, l'Espagne est
passée en moins
d'une génération d'une situation de pays
d'émigration à celle d'un
pays d'immigration en provenance du Maghreb.

15.
La simplification outrancière du rapport entre
migrations et
développement n'est pas anodine. Le discours
dominant affirme
ainsi, avec cynisme et hypocrisie, qu'il
suffirait d'accroître l'aide et
les investissements vers les pays d'émigration
et, dans le même
temps d'interdire l'immigration, sans se
préoccuper plus avant de la
différence de temporalité dans la relation
entre migrations et
développement. On a vu ainsi se multiplier les
rapports d'Etat à
Etats transformant les régimes des pays
d'émigration en police des
frontières des pays riches. Les libertés sont
bafouées ; le droit
d'asile est remis en cause systématiquement.
L'Europe se couvre de
camps de rétention pour les immigrés «
clandestins » et maintenant,
les camps d'attente sont directement implantés
dans les pays du
pourtour européen.

16.
La déconstruction du discours dominant est une
des étapes de la
définition des positions à prendre sur les
migrations. Nous
retiendrons qu'il convient d'organiser
différemment les différentes
propositions : l'évolution des flux migratoires,
le rôle des frontières
dans la régulation de la mondialisation, la
place des discriminations
et du racisme, le rôle des réglementations dans
l'illégalité et la
situation des clandestins, la continuité entre
les clandestins, les
immigrés en situation régulière et les autres
catégories de citoyens,
les rapports entre développement et migrations.
La définition des
politiques migratoires dépend des situations.
Dans le contexte de la
phase actuelle de la mondialisation, nous devons
définir les
principes qui permettent de fonder des
alternatives en termes de
propositions et de politiques. Avant cela, il
convient de s'interroger
sur les pratiques des migrants et sur les
nouvelles perspectives
qu'elles ouvrent dans la compréhension des
transformations
sociales et de la mondialisation.

Les migrants acteurs des sociétés et du monde

17.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation sociale dans le
pays d'accueil et dans le pays d'origine. Les
migrations sont
déterminées par les fondements de la phase
actuelle de la
mondialisation : les inégalités sociales et les
discriminations, les
inégalités entre pays et la domination du Sud
par le Nord. Les
migrants sont au cœur de ces questions, mais ils
ne se contentent
pas de les subir. Ils développent des pratiques
qui sont aussi des
réponses à ces situations. Dans des conditions
difficiles, ils ouvrent
de nouvelles voies de l'évolution des
sociétés. Inutile de rappeler ici
la contribution du travail des migrants à la
richesse des sociétés qui
les accueillent ; même s'ils en sont bien mal
récompensés. Ils
participent de mille autres manières à
l'évolution de ces sociétés, à
leurs équilibres démographiques et sociaux, à
leur diversité et à
leur enrichissement culturel.

18.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation de leur société
d'origine. Ils contribuent à desserrer les
contraintes
démographiques et sociales. Les transferts de
fonds envoyés à leur
famille sont considérables. Au niveau
macroéconomique, les flux
financiers des migrants sont du même ordre de
grandeur que l'Aide
Publique au Développement : environ 8 milliards
d'euros par an
pour la France. Les conséquences sont majeures
pour les revenus
des ménages et la balance des paiements des pays
d'origine. Les
projets soutenus par les migrants correspondent
à une demande
locale et à des besoins de proximité. Enfin et
surtout, les flux
arrivent directement à la base, dans les
ménages les plus pauvres,
avec un minimum de " dérivation ".

19.
Les migrants ont esquissé des réponses,
partielles mais très
intéressantes, à la conception dominante du
développement. La
coopération des migrants est inscrite dans une
conception endogène
du développement. Elle concerne au premier chef
le
développement local, la mobilisation de
l'épargne domestique, la
création de services locaux de proximité dans
les villages et les
quartiers, l'élévation du niveau de
qualification et d'ouverture des
groupes locaux. Certes, les difficultés et les
contre-effets ne
manquent pas (gaspillage de ressources tournées
plus vers la
consommation que la production, plus vers des
objectifs sociaux
qu'économique, détournements d'objectifs et de
moyens, etc.), mais
ils peuvent être corrigés. Et surtout ils
n'empêchent pas l'intérêt
majeur de ces actions. Cette coopération,
révélée par la place des
flux migratoires (diasporas, réfugiés,
migrations économiques,
demandeurs d'asile, exode des cerveaux et
assistance technique...)
correspond à une demande populaire et à des
dynamiques internes.
Elle est une réponse au développement, à
l'échelle mondiale,
mettant en avant le développement à la base et
la participation.

20.
Les migrants sont aussi des acteurs des rapports
internationaux et
de la transformation du monde. Les migrants sont
porteurs des
rapports entre les sociétés et d'une valeur
nouvelle, la solidarité
internationale entre les sociétés et les
citoyens. Les migrants sont
un vecteur stratégique et privilégié de la
sensibilisation des sociétés
à la solidarité internationale, en France, en
Europe et dans les pays
d'origine. Les enjeux sont multiples. Dans le cas
de la France, c'est
permettre à une partie importante de la
population française et
vivant en France de s'investir activement dans
des actions de
solidarité internationale. S'appuyer sur la
richesse et la diversité des
habitants et des citoyens d'un pays, c'est ancrer
la solidarité
internationale dans la réalité des quartiers,
des communes et des
régions, c'est construire un niveau supérieur
d'identité et d'unité
dans ce pays ; c'est l'ouvrir au monde. La
coopération des migrants
illustre de mille façons l'intérêt et le rôle
stratégique du partenariat
entre des groupes et des associations, objectif
et moyen de la
coopération entre les sociétés comme
alternative à un système
international fondé sur la domination.


15.
La simplification outrancière du rapport entre
migrations et
développement n'est pas anodine. Le discours
dominant affirme
ainsi, avec cynisme et hypocrisie, qu'il
suffirait d'accroître l'aide et
les investissements vers les pays d'émigration
et, dans le même
temps d'interdire l'immigration, sans se
préoccuper plus avant de la
différence de temporalité dans la relation
entre migrations et
développement. On a vu ainsi se multiplier les
rapports d'Etat à
Etats transformant les régimes des pays
d'émigration en police des
frontières des pays riches. Les libertés sont
bafouées ; le droit
d'asile est remis en cause systématiquement.
L'Europe se couvre de
camps de rétention pour les immigrés «
clandestins » et maintenant,
les camps d'attente sont directement implantés
dans les pays du
pourtour européen.
16.
La déconstruction du discours dominant est une
des étapes de la
définition des positions à prendre sur les
migrations. Nous
retiendrons qu'il convient d'organiser
différemment les différentes
propositions : l'évolution des flux migratoires,
le rôle des frontières
dans la régulation de la mondialisation, la
place des discriminations
et du racisme, le rôle des réglementations dans
l'illégalité et la
situation des clandestins, la continuité entre
les clandestins, les
immigrés en situation régulière et les autres
catégories de citoyens,
les rapports entre développement et migrations.
La définition des
politiques migratoires dépend des situations.
Dans le contexte de la
phase actuelle de la mondialisation, nous devons
définir les
principes qui permettent de fonder des
alternatives en termes de
propositions et de politiques. Avant cela, il
convient de s'interroger
sur les pratiques des migrants et sur les
nouvelles perspectives
qu'elles ouvrent dans la compréhension des
transformations
sociales et de la mondialisation.

Les migrants acteurs des sociétés et du monde

17.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation sociale dans le
pays d'accueil et dans le pays d'origine. Les
migrations sont
déterminées par les fondements de la phase
actuelle de la
mondialisation : les inégalités sociales et les
discriminations, les
inégalités entre pays et la domination du Sud
par le Nord. Les
migrants sont au cœur de ces questions, mais ils
ne se contentent
pas de les subir. Ils développent des pratiques
qui sont aussi des
réponses à ces situations. Dans des conditions
difficiles, ils ouvrent
de nouvelles voies de l'évolution des
sociétés. Inutile de rappeler ici
la contribution du travail des migrants à la
richesse des sociétés qui
les accueillent ; même s'ils en sont bien mal
récompensés. Ils
participent de mille autres manières à
l'évolution de ces sociétés, à
leurs équilibres démographiques et sociaux, à
leur diversité et à
leur enrichissement culturel.

18.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation de leur société
d'origine. Ils contribuent à desserrer les
contraintes
démographiques et sociales. Les transferts de
fonds envoyés à leur
famille sont considérables. Au niveau
macroéconomique, les flux
financiers des migrants sont du même ordre de
grandeur que l'Aide
Publique au Développement : environ 8 milliards
d'euros par an
pour la France. Les conséquences sont majeures
pour les revenus
des ménages et la balance des paiements des pays
d'origine. Les
projets soutenus par les migrants correspondent
à une demande
locale et à des besoins de proximité. Enfin et
surtout, les flux
arrivent directement à la base, dans les
ménages les plus pauvres,
avec un minimum de " dérivation ".

19.
Les migrants ont esquissé des réponses,
partielles mais très
intéressantes, à la conception dominante du
développement. La
coopération des migrants est inscrite dans une
conception endogène
du développement. Elle concerne au premier chef
le
développement local, la mobilisation de
l'épargne domestique, la
création de services locaux de proximité dans
les villages et les
quartiers, l'élévation du niveau de
qualification et d'ouverture des
groupes locaux. Certes, les difficultés et les
contre-effets ne
manquent pas (gaspillage de ressources tournées
plus vers la
consommation que la production, plus vers des
objectifs sociaux
qu'économique, détournements d'objectifs et de
moyens, etc.), mais
ils peuvent être corrigés. Et surtout ils
n'empêchent pas l'intérêt
majeur de ces actions. Cette coopération,
révélée par la place des
flux migratoires (diasporas, réfugiés,
migrations économiques,
demandeurs d'asile, exode des cerveaux et
assistance technique...)
correspond à une demande populaire et à des
dynamiques internes.
Elle est une réponse au développement, à
l'échelle mondiale,
mettant en avant le développement à la base et
la participation.

20.
Les migrants sont aussi des acteurs des rapports
internationaux et
de la transformation du monde. Les migrants sont
porteurs des
rapports entre les sociétés et d'une valeur
nouvelle, la solidarité
internationale entre les sociétés et les
citoyens. Les migrants sont
un vecteur stratégique et privilégié de la
sensibilisation des sociétés
à la solidarité internationale, en France, en
Europe et dans les pays
d'origine. Les enjeux sont multiples. Dans le cas
de la France, c'est
permettre à une partie importante de la
population française et
vivant en France de s'investir activement dans
des actions de
solidarité internationale. S'appuyer sur la
richesse et la diversité des
habitants et des citoyens d'un pays, c'est ancrer
la solidarité
internationale dans la réalité des quartiers,
des communes et des
régions, c'est construire un niveau supérieur
d'identité et d'unité
dans ce pays ; c'est l'ouvrir au monde. La
coopération des migrants
illustre de mille façons l'intérêt et le rôle
stratégique du partenariat
entre des groupes et des associations, objectif
et moyen de la
coopération entre les sociétés comme
alternative à un système
international fondé sur la domination.



5. PROBLEMATIQUE ALTERMONDIALISTE DES
MIGRATIONS

Extrait du rapport du Conseil scientifique
d’Attac France
« Migrations et mondialisation »
______________________________

Problématique altermondialiste des migrations

1.
Les migrations sont au cœur des transformations
de chaque société
et du système mondial. Les migrants sont des
acteurs des sociétés
et du monde. On ne peut comprendre notre
société sans prendre en
compte les migrations et les migrants. Parler de
la société française
en négligeant l'immigration, c'est parler d'une
société française
irréelle. Les migrations et les migrants peuvent
être considérés
comme des analyseurs de nos sociétés et du
monde. Nous partirons
aussi du principe que l'émergence d'un mouvement
altermondialiste
modifie les perspectives et les points de vue sur
l'état du monde.
2.
Quatre entrées sont proposées :
_ Remettre en perspective les rapports entre
migrations et
mondialisation
_ Penser les migrations à partir d'une
déconstruction du discours
dominant et des évidences
_ Mettre en évidence les pratiques des migrants
en tant qu'acteurs
des sociétés et du monde
_ Définir les propositions portées par le
courant altermondialiste

Les rapports entre migrations et mondialisation

3.
Les migrations précèdent de loin la
mondialisation. Elles sont
consubstantielles de l'histoire de l'Humanité.
Elles charrient encore
les représentations des anciennes contradictions
entre nomades et
sédentaires. Elles prennent un tour nouveau avec
l'émergence des
Etats et des Nations et la transformation due aux
rapports sociaux
capitalistes dans l'industrie et l'agriculture.
L'étranger n'est plus
seulement l'autre par rapport au groupe ou à la
communauté, la
nationalité et la citoyenneté modifient les
perceptions de l'identité
et la formalisation des droits. Elles sont
marquées par les
déplacements massifs de population, les grandes
traites
esclavagistes, les colonisations, etc. et le
travail forcé. Les
migrations intérieures, dans un même pays, ou
extérieures, les
migrations alternantes ou permanentes sont
constitutives de la
nature des classes sociales dans chacune des
formations sociales
nationales.

4.
Les formes et les modalités des migrations
actuelles ont aussi leur
histoire. Citons les diasporas qui structurent le
système monde
planétaire ; les réfugiés suite aux guerres ou
aux catastrophes «
naturelles » ; les migrations économiques ; les
regroupements
familiaux ; les exodes de cerveaux ; les «
assistances techniques » ;
la nouvelle classe dominante mondialisée
(grandes entreprises,
institutions internationales, financiers,
médias, etc.)

5.
Mais, si les migrations sont ancrées dans le
passé, elles sont aussi
historiquement situées. Elles s'inscrivent
aujourd'hui dans la phase
néo libérale de la mondialisation. Les
migrations sont fortement
déterminées par les politiques néo libérales
qui donnent la primauté
à la croissance et subordonnent la croissance au
marché mondial.
La transformation sociale est conçue comme
l'ajustement structurel
de chaque société au marché mondial passant
par le champ libre
laissé aux entreprises mondiales considérées
comme les seules
porteuses de modernité ; à la libéralisation
des économies livrées à
la rationalité du marché mondial des capitaux.
Cette logique
conduit à la prédominance du droit des affaires
et de la concurrence
dans le droit international et dans le droit de
chaque pays ; aux
privatisations et à l'abandon de la notion de
service public entendu
au sens du droit égal d'accès pour tous.
Concernant l'immigration :
le bas coût de la main d'œuvre, les économies
sur les frais
d'éducation, la précarité des statuts, la
docilité, la non connaissance
des droits ou leur non application...
6.
Ces politiques ont des effets dramatiques pour
chacune des sociétés
et pour le monde.
_ La croissance monétaire réelle dans de
nombreuses sociétés et
dans le monde se traduit par un élargissement de
la pauvreté et un
approfondissement des inégalités sociales dans
chaque société. Les
inégalités sont structurellement liées aux
discriminations. La
prolétarisation frappe de plein fouet les
immigrés.
_ Les inégalités Nord-Sud sont de plus en plus
fortes, malgré
l'émergence de quelques zones industrialisées.
Elles s'appuient sur
la dette et le contrôle des matières
premières. Elles se traduisent par
la généralisation des conflits et des guerres
et la montée des
fondamentalismes et des évangélismes. Elles
produisent des masses
croissantes d'émigrés (mais les migrations
sud-sud sont plus
importantes...)
_ Le modèle productiviste remet en cause les
limites des
écosystèmes et de l'écosystème planétaire
multipliant les
catastrophes majeures et mettant en danger les
droits des
générations futures.
_ Les réponses dominantes à l'insécurité
sociale et écologique
accroissent les formes de répression appuyées
sur des idéologies
sécuritaires ; elles construisent l'intolérance
et mettent en danger les
libertés et la démocratie.

7.
Les migrants supportent directement les
conséquences de cette
situation. Les guerres, les catastrophes, les
changements de régime
se traduisent par des exodes massifs. Les pays
riches verrouillent
leurs frontières et s'enferment dans leurs
territoires. La purification
ethnique et la ségrégation sociale deviennent
un modèle d'évolution
sociale et nationale. Les migrants sont
massivement précarisés ;
leurs droits sont remis en cause et ignorés
quand ils ne sont pas
simplement niés. La planète se couvre de camps
de réfugiés et de
refoulés. Nous assistons à un véritable
apartheid planétaire.

8.
Les migrants prennent dans les imaginaires la
place des classes
laborieuses et dangereuses attachée au
prolétariat. Accepter de faire
des étrangers et des migrants les boucs
émissaires de cette situation
est dangereux et illusoire. Comme ils ne sont ni
la cause ni la
solution à cette situation, leur stigmatisation
ne fera qu'augmenter
les craintes, alimentera le racisme et
entraînera toute la société dans
une spirale régressive. La défense des droits
des étrangers et des
migrants est essentielle. Non seulement parce que
leurs droits sont
particulièrement contestés ; mais aussi parce
que ces droits
s'inscrivent dans l'ensemble des droits et que
leur remise en cause
se traduira par une atteinte à tous les droits
et aux droits de tous.

La dé-construction du discours dominant et des
évidences

9.
Pour penser les migrations, il faut commencer par
dé construire le
discours dominant. C'est la première étape de
la bataille des idées.
Le discours dominant s'appuie sur trois
propositions :
_ Pour maîtriser les flux migratoires, il faut
fermer les frontières et
passer des accords d'Etat à Etat.
_ L'intégration des réguliers et la lutte
contre le racisme passent par
la lutte contre les clandestins.
_ Pour arrêter l'émigration, il suffit de
développer les pays et les
régions d'origine.
Chacune de ces propositions s'affirme comme une
évidence
irréfutable, appuyée sur le bon sens. Certes,
il y a du « vrai » dans
chacune de ces propositions, mais ce « vrai »
sert à construire du
« faux ». Chacune des propositions est
contestable, et l'ensemble du
raisonnement est faux et conduit à une impasse.

10.
Il est difficile d'opposer, par principe, le
laissez-faire à la maîtrise
en matière d'évolution. Encore faut-il savoir
quels sont les objectifs
de cette maîtrise et quelles formes elle peut
prendre. La fermeture
des frontières renvoie à un fantasme, celui de
figer une situation
pour préserver un équilibre statique, celui de
stabiliser à un instant
donné une population formée par une évolution
constante. La
notion d'équilibre des caractéristiques fondée
sur de subtils seuils
de tolérance peut conduire par glissements
progressifs à une
conception ethnique de l'identité. La
proposition de n'accepter que
les éléments déterminés par les intérêts
immédiats d'une économie
française ne peut ignorer la nature de cette
économie tournée vers
l'exportation et le renforcement de positions
dominantes. La
maîtrise des flux migratoires ne peut faire
l'économie d'une prise en
compte de la distribution des richesses et des
peuplements. Comme
le disait si bien Alfred Sauvy, « si les
richesses ne vont pas aux
hommes, les hommes iront aux richesses et rien ne
pourra l'en
empêcher!»

11.
La fermeture des frontières est mise en avant
pour refuser la liberté
de circulation. Or, la liberté de circulation
fait partie des droits
fondamentaux reconnus par la Déclaration
Universelle des Droits
de l'Homme. On peut imaginer de la réglementer
et de l'organiser
en fonction des situations ; on ne saurait la
nier et la rendre
impossible. La liberté d'établissement qui fait
partie de la liberté de
circulation peut être régulée en fonction des
droits des populations
résidentes et de la préservation du droit du
travail. Dans tous les
cas, la fermeture des frontières est illusoire.
Actuellement, plus de
soixante millions de personnes entrent chaque
année en France,
comme touristes, pour la plupart sans visas. Les
visas sont réservés
aux habitants de ce que la France définit,
comble du cynisme,
comme ceux de sa « zone de coopération
prioritaire ». La politique,
la pratique des visas dans les consulats de
France, arrogante et
humiliante, est un scandale absolu. La fermeture
des frontières
renforce les fantasmes, les peurs et
l'insécurité. Elle alimente la
phobie de l'invasion des barbares. Certes, il y a
des risques de
déséquilibre dans des périodes de grande
crise. Mais, toutes les
expériences montrent que les habitants du monde
n'attendent pas de
se déverser en Europe ; ils préfèrent
massivement rester chez eux.
L'élargissement de l'Europe à l'Espagne, au
Portugal et à la Grèce a
même démontré que l'ouverture des frontières
s'était traduite par un
rééquilibrage et un retour pour de nombreux
émigrés. Les murs que
l'on élève peuvent vous rendre prisonnier. Ce
n'est pas sans raison
que la Fédération Internationale des Droits de
l'Homme milite pour
la suppression des visas de courte durée dans le
monde, et
particulièrement en Europe.

12.
L'idée que l'intégration des réguliers et la
lutte contre le racisme
passe par la lutte contre les clandestins peut
paraître logique. Et
pourtant c'est l'inverse qui peut être observé.
La lutte contre les
clandestins insécurise de manière permanente
les immigrés en
situation régulière. Elle est conduite dans cet
objectif. Elle s'attaque
aux victimes, les clandestins et n'inquiète pas
ceux qui en profitent.
La lutte contre les clandestins produit sans
cesse de nouveaux
clandestins. Les règlements font passer sans
discontinuer des
immigrés réguliers dans l'irrégularité. Ils
les projettent ensuite dans
l'illégalité et les transforment en
délinquants, emplissant les prisons
de personnes qui sont passées sans même s'en
rendre compte en
situation irrégulière.

13.
La mise au ban des migrants et des étrangers
fait partie d'une
politique de précarisation généralisée. Cette
précarisation se traduit
par les licenciements et le chômage, la
marginalisation des emplois
stables, la remise en cause des statuts sociaux
et des systèmes de
protection sociale. La négation des droits pour
une partie de la
population fragilise l'ensemble. Progressivement,
les droits des
catégories successives sont remis en cause. Nous
avons pu vérifier
que l'atteinte à l'accès des étrangers aux
services publics est une
première étape pour restreindre l'accès de
tous aux services et
subordonner cet accès à des mécanismes de
marché
discriminatoires en fonction de revenus. Aucune
politique reposant
sur la division et l'exclusion ne peut assurer un
progrès social et
démocratique ; elle se traduit toujours par une
exclusion en chaîne.
La précarisation généralisée est le résultat
recherché des politiques
de libéralisation menée dans le cadre de la
mondialisation. Elle
accroît aussi l'insécurité réelle qui
résulte de la remise en cause des
statuts sociaux par la précarisation, des
solidarités et des identités
par la modernité, de la paix par les conflits.
Elle permet les
manipulations qui renforcent les idéologies
sécuritaires.

14.
Le discours dominant prétend s'attaquer aux
causes. Il s'appuie sur
ce qui prend l'apparence d'une évidence. Puisque
l'émigration
résulte du sous-développement et des
inégalités de développement,
il suffirait pour arrêter l'émigration de
développer les pays et les
régions d'origine. Si le constat de départ
n'est pas faux, il sous-
estime la complexité du rapport entre
émigration et développement
et la réflexion sur la nature du développement.
En fait, l'expérience
historique constante le confirme ; dans une
première phase, le
développement accentue l'émigration. La raison
en est que tout
développement, toute transformation sociale
produit des
déséquilibres ; l'accroissement de la
productivité du travail « libère
» une partie du travail qui alimente
l'émigration. C'est bien
longtemps après que les flux se tarissent, voire
s'inversent. Toute
l'histoire de l'Europe et de la Méditerranée
est marquée par cette
dialectique. Encore récemment, l'Espagne est
passée en moins
d'une génération d'une situation de pays
d'émigration à celle d'un
pays d'immigration en provenance du Maghreb.
15.
La simplification outrancière du rapport entre
migrations et
développement n'est pas anodine. Le discours
dominant affirme
ainsi, avec cynisme et hypocrisie, qu'il
suffirait d'accroître l'aide et
les investissements vers les pays d'émigration
et, dans le même
temps d'interdire l'immigration, sans se
préoccuper plus avant de la
différence de temporalité dans la relation
entre migrations et
développement. On a vu ainsi se multiplier les
rapports d'Etat à
Etats transformant les régimes des pays
d'émigration en police des
frontières des pays riches. Les libertés sont
bafouées ; le droit
d'asile est remis en cause systématiquement.
L'Europe se couvre de
camps de rétention pour les immigrés «
clandestins » et maintenant,
les camps d'attente sont directement implantés
dans les pays du
pourtour européen.

16.
La déconstruction du discours dominant est une
des étapes de la
définition des positions à prendre sur les
migrations. Nous
retiendrons qu'il convient d'organiser
différemment les différentes
propositions : l'évolution des flux migratoires,
le rôle des frontières
dans la régulation de la mondialisation, la
place des discriminations
et du racisme, le rôle des réglementations dans
l'illégalité et la
situation des clandestins, la continuité entre
les clandestins, les
immigrés en situation régulière et les autres
catégories de citoyens,
les rapports entre développement et migrations.
La définition des
politiques migratoires dépend des situations.
Dans le contexte de la
phase actuelle de la mondialisation, nous devons
définir les
principes qui permettent de fonder des
alternatives en termes de
propositions et de politiques. Avant cela, il
convient de s'interroger
sur les pratiques des migrants et sur les
nouvelles perspectives
qu'elles ouvrent dans la compréhension des
transformations
sociales et de la mondialisation.

Les migrants acteurs des sociétés et du monde

17.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation sociale dans le
pays d'accueil et dans le pays d'origine. Les
migrations sont
déterminées par les fondements de la phase
actuelle de la
mondialisation : les inégalités sociales et les
discriminations, les
inégalités entre pays et la domination du Sud
par le Nord. Les
migrants sont au cœur de ces questions, mais ils
ne se contentent
pas de les subir. Ils développent des pratiques
qui sont aussi des
réponses à ces situations. Dans des conditions
difficiles, ils ouvrent
de nouvelles voies de l'évolution des
sociétés. Inutile de rappeler ici
la contribution du travail des migrants à la
richesse des sociétés qui
les accueillent ; même s'ils en sont bien mal
récompensés. Ils
participent de mille autres manières à
l'évolution de ces sociétés, à
leurs équilibres démographiques et sociaux, à
leur diversité et à
leur enrichissement culturel.

18.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation de leur société
d'origine. Ils contribuent à desserrer les
contraintes
démographiques et sociales. Les transferts de
fonds envoyés à leur
famille sont considérables. Au niveau
macroéconomique, les flux
financiers des migrants sont du même ordre de
grandeur que l'Aide
Publique au Développement : environ 8 milliards
d'euros par an
pour la France. Les conséquences sont majeures
pour les revenus
des ménages et la balance des paiements des pays
d'origine. Les
projets soutenus par les migrants correspondent
à une demande
locale et à des besoins de proximité. Enfin et
surtout, les flux
arrivent directement à la base, dans les
ménages les plus pauvres,
avec un minimum de " dérivation ".

19.
Les migrants ont esquissé des réponses,
partielles mais très
intéressantes, à la conception dominante du
développement. La
coopération des migrants est inscrite dans une
conception endogène
du développement. Elle concerne au premier chef
le
développement local, la mobilisation de
l'épargne domestique, la
création de services locaux de proximité dans
les villages et les
quartiers, l'élévation du niveau de
qualification et d'ouverture des
groupes locaux. Certes, les difficultés et les
contre-effets ne
manquent pas (gaspillage de ressources tournées
plus vers la
consommation que la production, plus vers des
objectifs sociaux
qu'économique, détournements d'objectifs et de
moyens, etc.), mais
ils peuvent être corrigés. Et surtout ils
n'empêchent pas l'intérêt
majeur de ces actions. Cette coopération,
révélée par la place des
flux migratoires (diasporas, réfugiés,
migrations économiques,
demandeurs d'asile, exode des cerveaux et
assistance technique...)
correspond à une demande populaire et à des
dynamiques internes.
Elle est une réponse au développement, à
l'échelle mondiale,
mettant en avant le développement à la base et
la participation.

20.
Les migrants sont aussi des acteurs des rapports
internationaux et
de la transformation du monde. Les migrants sont
porteurs des
rapports entre les sociétés et d'une valeur
nouvelle, la solidarité
internationale entre les sociétés et les
citoyens. Les migrants sont
un vecteur stratégique et privilégié de la
sensibilisation des sociétés
à la solidarité internationale, en France, en
Europe et dans les pays
d'origine. Les enjeux sont multiples. Dans le cas
de la France, c'est
permettre à une partie importante de la
population française et
vivant en France de s'investir activement dans
des actions de
solidarité internationale. S'appuyer sur la
richesse et la diversité des
habitants et des citoyens d'un pays, c'est ancrer
la solidarité
internationale dans la réalité des quartiers,
des communes et des
régions, c'est construire un niveau supérieur
d'identité et d'unité
dans ce pays ; c'est l'ouvrir au monde. La
coopération des migrants
illustre de mille façons l'intérêt et le rôle
stratégique du partenariat
entre des groupes et des associations, objectif
et moyen de la
coopération entre les sociétés comme
alternative à un système
international fondé sur la domination.


6.
Ces politiques ont des effets dramatiques pour
chacune des sociétés
et pour le monde.
_ La croissance monétaire réelle dans de
nombreuses sociétés et
dans le monde se traduit par un élargissement de
la pauvreté et un
approfondissement des inégalités sociales dans
chaque société. Les
inégalités sont structurellement liées aux
discriminations. La
prolétarisation frappe de plein fouet les
immigrés.
_ Les inégalités Nord-Sud sont de plus en plus
fortes, malgré
l'émergence de quelques zones industrialisées.
Elles s'appuient sur
la dette et le contrôle des matières
premières. Elles se traduisent par
la généralisation des conflits et des guerres
et la montée des
fondamentalismes et des évangélismes. Elles
produisent des masses
croissantes d'émigrés (mais les migrations
sud-sud sont plus
importantes...)
_ Le modèle productiviste remet en cause les
limites des
écosystèmes et de l'écosystème planétaire
multipliant les
catastrophes majeures et mettant en danger les
droits des
générations futures.
_ Les réponses dominantes à l'insécurité
sociale et écologique
accroissent les formes de répression appuyées
sur des idéologies
sécuritaires ; elles construisent l'intolérance
et mettent en danger les
libertés et la démocratie.

7.
Les migrants supportent directement les
conséquences de cette
situation. Les guerres, les catastrophes, les
changements de régime
se traduisent par des exodes massifs. Les pays
riches verrouillent
leurs frontières et s'enferment dans leurs
territoires. La purification
ethnique et la ségrégation sociale deviennent
un modèle d'évolution
sociale et nationale. Les migrants sont
massivement précarisés ;
leurs droits sont remis en cause et ignorés
quand ils ne sont pas
simplement niés. La planète se couvre de camps
de réfugiés et de
refoulés. Nous assistons à un véritable
apartheid planétaire.

8.
Les migrants prennent dans les imaginaires la
place des classes
laborieuses et dangereuses attachée au
prolétariat. Accepter de faire
des étrangers et des migrants les boucs
émissaires de cette situation
est dangereux et illusoire. Comme ils ne sont ni
la cause ni la
solution à cette situation, leur stigmatisation
ne fera qu'augmenter
les craintes, alimentera le racisme et
entraînera toute la société dans
une spirale régressive. La défense des droits
des étrangers et des
migrants est essentielle. Non seulement parce que
leurs droits sont
particulièrement contestés ; mais aussi parce
que ces droits
s'inscrivent dans l'ensemble des droits et que
leur remise en cause
se traduira par une atteinte à tous les droits
et aux droits de tous.

La dé-construction du discours dominant et des
évidences

9.
Pour penser les migrations, il faut commencer par
dé construire le
discours dominant. C'est la première étape de
la bataille des idées.
Le discours dominant s'appuie sur trois
propositions :
_ Pour maîtriser les flux migratoires, il faut
fermer les frontières et
passer des accords d'Etat à Etat.
_ L'intégration des réguliers et la lutte
contre le racisme passent par
la lutte contre les clandestins.
_ Pour arrêter l'émigration, il suffit de
développer les pays et les
régions d'origine.
Chacune de ces propositions s'affirme comme une
évidence
irréfutable, appuyée sur le bon sens. Certes,
il y a du « vrai » dans
chacune de ces propositions, mais ce « vrai »
sert à construire du
« faux ». Chacune des propositions est
contestable, et l'ensemble du
raisonnement est faux et conduit à une impasse.
10.
Il est difficile d'opposer, par principe, le
laissez-faire à la maîtrise
en matière d'évolution. Encore faut-il savoir
quels sont les objectifs
de cette maîtrise et quelles formes elle peut
prendre. La fermeture
des frontières renvoie à un fantasme, celui de
figer une situation
pour préserver un équilibre statique, celui de
stabiliser à un instant
donné une population formée par une évolution
constante. La
notion d'équilibre des caractéristiques fondée
sur de subtils seuils
de tolérance peut conduire par glissements
progressifs à une
conception ethnique de l'identité. La
proposition de n'accepter que
les éléments déterminés par les intérêts
immédiats d'une économie
française ne peut ignorer la nature de cette
économie tournée vers
l'exportation et le renforcement de positions
dominantes. La
maîtrise des flux migratoires ne peut faire
l'économie d'une prise en
compte de la distribution des richesses et des
peuplements. Comme
le disait si bien Alfred Sauvy, « si les
richesses ne vont pas aux
hommes, les hommes iront aux richesses et rien ne
pourra l'en
empêcher!»

11.
La fermeture des frontières est mise en avant
pour refuser la liberté
de circulation. Or, la liberté de circulation
fait partie des droits
fondamentaux reconnus par la Déclaration
Universelle des Droits
de l'Homme. On peut imaginer de la réglementer
et de l'organiser
en fonction des situations ; on ne saurait la
nier et la rendre
impossible. La liberté d'établissement qui fait
partie de la liberté de
circulation peut être régulée en fonction des
droits des populations
résidentes et de la préservation du droit du
travail. Dans tous les
cas, la fermeture des frontières est illusoire.
Actuellement, plus de
soixante millions de personnes entrent chaque
année en France,
comme touristes, pour la plupart sans visas. Les
visas sont réservés
aux habitants de ce que la France définit,
comble du cynisme,
comme ceux de sa « zone de coopération
prioritaire ». La politique,
la pratique des visas dans les consulats de
France, arrogante et
humiliante, est un scandale absolu. La fermeture
des frontières
renforce les fantasmes, les peurs et
l'insécurité. Elle alimente la
phobie de l'invasion des barbares. Certes, il y a
des risques de
déséquilibre dans des périodes de grande
crise. Mais, toutes les
expériences montrent que les habitants du monde
n'attendent pas de
se déverser en Europe ; ils préfèrent
massivement rester chez eux.
L'élargissement de l'Europe à l'Espagne, au
Portugal et à la Grèce a
même démontré que l'ouverture des frontières
s'était traduite par un
rééquilibrage et un retour pour de nombreux
émigrés. Les murs que
l'on élève peuvent vous rendre prisonnier. Ce
n'est pas sans raison
que la Fédération Internationale des Droits de
l'Homme milite pour
la suppression des visas de courte durée dans le
monde, et
particulièrement en Europe.

12.
L'idée que l'intégration des réguliers et la
lutte contre le racisme
passe par la lutte contre les clandestins peut
paraître logique. Et
pourtant c'est l'inverse qui peut être observé.
La lutte contre les
clandestins insécurise de manière permanente
les immigrés en
situation régulière. Elle est conduite dans cet
objectif. Elle s'attaque
aux victimes, les clandestins et n'inquiète pas
ceux qui en profitent.
La lutte contre les clandestins produit sans
cesse de nouveaux
clandestins. Les règlements font passer sans
discontinuer des
immigrés réguliers dans l'irrégularité. Ils
les projettent ensuite dans
l'illégalité et les transforment en
délinquants, emplissant les prisons
de personnes qui sont passées sans même s'en
rendre compte en
situation irrégulière.

13.
La mise au ban des migrants et des étrangers
fait partie d'une
politique de précarisation généralisée. Cette
précarisation se traduit
par les licenciements et le chômage, la
marginalisation des emplois
stables, la remise en cause des statuts sociaux
et des systèmes de
protection sociale. La négation des droits pour
une partie de la
population fragilise l'ensemble. Progressivement,
les droits des
catégories successives sont remis en cause. Nous
avons pu vérifier
que l'atteinte à l'accès des étrangers aux
services publics est une
première étape pour restreindre l'accès de
tous aux services et
subordonner cet accès à des mécanismes de
marché
discriminatoires en fonction de revenus. Aucune
politique reposant
sur la division et l'exclusion ne peut assurer un
progrès social et
démocratique ; elle se traduit toujours par une
exclusion en chaîne.
La précarisation généralisée est le résultat
recherché des politiques
de libéralisation menée dans le cadre de la
mondialisation. Elle
accroît aussi l'insécurité réelle qui
résulte de la remise en cause des
statuts sociaux par la précarisation, des
solidarités et des identités
par la modernité, de la paix par les conflits.
Elle permet les
manipulations qui renforcent les idéologies
sécuritaires.

14.
Le discours dominant prétend s'attaquer aux
causes. Il s'appuie sur
ce qui prend l'apparence d'une évidence. Puisque
l'émigration
résulte du sous-développement et des
inégalités de développement,
il suffirait pour arrêter l'émigration de
développer les pays et les
régions d'origine. Si le constat de départ
n'est pas faux, il sous-
estime la complexité du rapport entre
émigration et développement
et la réflexion sur la nature du développement.
En fait, l'expérience
historique constante le confirme ; dans une
première phase, le
développement accentue l'émigration. La raison
en est que tout
développement, toute transformation sociale
produit des
déséquilibres ; l'accroissement de la
productivité du travail « libère
» une partie du travail qui alimente
l'émigration. C'est bien
longtemps après que les flux se tarissent, voire
s'inversent. Toute
l'histoire de l'Europe et de la Méditerranée
est marquée par cette
dialectique. Encore récemment, l'Espagne est
passée en moins
d'une génération d'une situation de pays
d'émigration à celle d'un
pays d'immigration en provenance du Maghreb.
15.
La simplification outrancière du rapport entre
migrations et
développement n'est pas anodine. Le discours
dominant affirme
ainsi, avec cynisme et hypocrisie, qu'il
suffirait d'accroître l'aide et
les investissements vers les pays d'émigration
et, dans le même
temps d'interdire l'immigration, sans se
préoccuper plus avant de la
différence de temporalité dans la relation
entre migrations et
développement. On a vu ainsi se multiplier les
rapports d'Etat à
Etats transformant les régimes des pays
d'émigration en police des
frontières des pays riches. Les libertés sont
bafouées ; le droit
d'asile est remis en cause systématiquement.
L'Europe se couvre de
camps de rétention pour les immigrés «
clandestins » et maintenant,
les camps d'attente sont directement implantés
dans les pays du
pourtour européen.

16.
La déconstruction du discours dominant est une
des étapes de la
définition des positions à prendre sur les
migrations. Nous
retiendrons qu'il convient d'organiser
différemment les différentes
propositions : l'évolution des flux migratoires,
le rôle des frontières
dans la régulation de la mondialisation, la
place des discriminations
et du racisme, le rôle des réglementations dans
l'illégalité et la
situation des clandestins, la continuité entre
les clandestins, les
immigrés en situation régulière et les autres
catégories de citoyens,
les rapports entre développement et migrations.
La définition des
politiques migratoires dépend des situations.
Dans le contexte de la
phase actuelle de la mondialisation, nous devons
définir les
principes qui permettent de fonder des
alternatives en termes de
propositions et de politiques. Avant cela, il
convient de s'interroger
sur les pratiques des migrants et sur les
nouvelles perspectives
qu'elles ouvrent dans la compréhension des
transformations
sociales et de la mondialisation.

Les migrants acteurs des sociétés et du monde

17.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation sociale dans le
pays d'accueil et dans le pays d'origine. Les
migrations sont
déterminées par les fondements de la phase
actuelle de la
mondialisation : les inégalités sociales et les
discriminations, les
inégalités entre pays et la domination du Sud
par le Nord. Les
migrants sont au cœur de ces questions, mais ils
ne se contentent
pas de les subir. Ils développent des pratiques
qui sont aussi des
réponses à ces situations. Dans des conditions
difficiles, ils ouvrent
de nouvelles voies de l'évolution des
sociétés. Inutile de rappeler ici
la contribution du travail des migrants à la
richesse des sociétés qui
les accueillent ; même s'ils en sont bien mal
récompensés. Ils
participent de mille autres manières à
l'évolution de ces sociétés, à
leurs équilibres démographiques et sociaux, à
leur diversité et à
leur enrichissement culturel.

18.
Les migrants sont des acteurs de la
transformation de leur société
d'origine. Ils contribuent à desserrer les
contraintes
démographiques et sociales. Les transferts de
fonds envoyés à leur
famille sont considérables. Au niveau
macroéconomique, les flux
financiers des migrants sont du même ordre de
grandeur que l'Aide
Publique au Développement : environ 8 milliards
d'euros par an
pour la France. Les conséquences sont majeures
pour les revenus
des ménages et la balance des paiements des pays
d'origine. Les
projets soutenus par les migrants correspondent
à une demande
locale et à des besoins de proximité. Enfin et
surtout, les flux
arrivent directement à la base, dans les
ménages les plus pauvres,
avec un minimum de " dérivation ".

19.
Les migrants ont esquissé des réponses,
partielles mais très
intéressantes, à la conception dominante du
développement. La
coopération des migrants est inscrite dans une
conception endogène
du développement. Elle concerne au premier chef
le
développement local, la mobilisation de
l'épargne domestique, la
création de services locaux de proximité dans
les villages et les
quartiers, l'élévation du niveau de
qualification et d'ouverture des
groupes locaux. Certes, les difficultés et les
contre-effets ne
manquent pas (gaspillage de ressources tournées
plus vers la
consommation que la production, plus vers des
objectifs sociaux
qu'économique, détournements d'objectifs et de
moyens, etc.), mais
ils peuvent être corrigés. Et surtout ils
n'empêchent pas l'intérêt
majeur de ces actions. Cette coopération,
révélée par la place des
flux migratoires (diasporas, réfugiés,
migrations économiques,
demandeurs d'asile, exode des cerveaux et
assistance technique...)
correspond à une demande populaire et à des
dynamiques internes.
Elle est une réponse au développement, à
l'échelle mondiale,
mettant en avant le développement à la base et
la participation.

20.
Les migrants sont aussi des acteurs des rapports
internationaux et
de la transformation du monde. Les migrants sont
porteurs des
rapports entre les sociétés et d'une valeur
nouvelle, la solidarité
internationale entre les sociétés et les
citoyens. Les migrants sont
un vecteur stratégique et privilégié de la
sensibilisation des sociétés
à la solidarité internationale, en France, en
Europe et dans les pays
d'origine. Les enjeux sont multiples. Dans le cas
de la France, c'est
permettre à une partie importante de la
population française et
vivant en France de s'investir activement dans
des actions de
solidarité internationale. S'appuyer sur la
richesse et la diversité des
habitants et des citoyens d'un pays, c'est ancrer
la solidarité
internationale dans la réalité des quartiers,
des communes et des
régions, c'est construire un niveau supérieur
d'identité et d'unité
dans ce pays ; c'est l'ouvrir au monde. La
coopération des migrants
illustre de mille façons l'intérêt et le rôle
stratégique du partenariat
entre des groupes et des associations, objectif
et moyen de la
coopération entre les sociétés comme
alternative à un système
international fondé sur la domination.

 

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