Les OGM : pour ou contre ?
I) une rÉvolution scientifique ultra rÉcente
1) Définition
Tout commence en 1953 avec la découverte de la structure de l’ADN, support de l’information génétique. Cette révélation bouleverse la biologie, ouvrant la voie à des progrès dans la connaissance du vivant.
Le génie génétique se développe. On apprend à isoler, " découper " et " transférer " les gènes héréditaires.
Les premiers Organismes Génétiquement Modifiés sont des microbes, en particulier le colibacille, longtemps l’être vivant le mieux connu. Les généticiens imaginent de modifier cette bactérie afin de lui faire fabriquer des cellules comme l’insuline humaine qu’un diabétique ne produit pas en quantité suffisante. Pour schématiser, il s’agit d’isoler le gène humain qui produit l’insuline puis de l’introduire dans le colibacille.
Vers 1988-89, on commence à envisager une application au monde végétal. Pendant des siècles, la sélection qui prévaut dans le monde agricole reste relativement empirique : on conserve les individus qui présentent naturellement un avantage. Il faut quinze à vingt ans pour obtenir un nouveau blé… La sélection variétale réalisée par les agronomes utilise des techniques plus élaborées mais la logique reste la même.
Avec les cultures transgéniques, on tire le gène recherché d’une espèce vivante et on l’introduit dans une autre.
2) Trois générations d’OGM
• La première génération vise à améliorer les rendements agricoles.
Le coût des pesticides et insecticides est particulièrement lourd. En introduisant un gène porteur de protéines toxiques pour les insectes dans la plante cultivée, on offre une solution alternative à l’emploi des insecticides.
• La seconde vague a consisté à développer des OGM pour les consommateurs eux-mêmes, par exemple des variétés de riz contenant du fer ou du carotène, permettant de pallier les déficiences du régime alimentaire.
• La troisième vague vise à transformer les plantes en usines à produire certaines substances pharmacologiques, notamment des anticorps.
Les techniques du génie génétique apportent la promesse de cultures résistantes aux virus, endurantes à la sécheresse et plus nutritives.
3) Une technique américaine
En quatre ans, la surface agricole mondiale en OGM est passée de 1 ou 2 millions (1996) à 44 millions d’hectares
Cette culture se répartit comme suit :
•30 millions d’hectares aux États-Unis
• 10 millions en Argentine
• 3 millions au Canada
• 1 million dans les autres pays, notamment en Afrique du Sud et en Chine.
Aux États-Unis, l’opinion publique se divise entre 50 % de " pour " et 50 % d’opinion mitigée.
Aux États-Unis, les deux tiers du soja produit sont transgéniques. Or l’Europe importe massivement des oléo-protéagineux d’Amérique pour nourrir son bétail, faute d’une production suffisante…
4) Les OGM : une agriculture incomplète
La plupart des plantes OGM est destinée au bétail ou à l’industrie. Mais il y a peu de plantes OGM directement destinées à l’alimentation humaine. Il a quelques riz OGM mais aucun blé OGM. Même pas de recherche sur le sujet.
II) La rÉaction hostile des EuropÉens
1) Les OGM nous rendent dépendants des E. U. d’Amérique
Les OGM vont-ils changer l’agriculture mondiale ? Oui… sauf dans l’Union Européenne.
Dans l’Union européenne, 75 % de la population se déclare hostile aux OGM. C’est le reflet d’une difficulté de compréhension à une question scientifique complexe et d’une réaction de peur face à une évolution extrêmement rapide.
Mollesse européenne ? Manque de dynamisme d’un continent trop riche, trop attaché à la culture littéraire, pas assez réceptif vis-à-vis des vagues migratoires ?
L’Europe est en train de se marginaliser par rapport au reste du monde où les OGM, dont l’apparition constitue une troisième révolution agricole, ont connu une progression rapide.
La situation européenne est d’autant plus paradoxale que l’on peut y importer et y consommer des OGM mais non en produire…
Prenons la production alimentaire. En Europe, les ventes de maïs, de tomates et de pommes de terre génétiquement modifiés ont été gelées en raison de risques potentiels concernant la santé dont la preuve n'a pas été faite.
En Europe, le fait que les grandes compagnies commercialisant les OGM soient américaines accroît le sentiment de méfiance : crainte de la dépendance économique, valorisation du terroir face au spectre de la malbouffe… Nationalisme, chauvinisme, antiaméricanisme. Hostilité à tout ce qui n’est pas « nous ».
La décision de produire et consommer des OGM ne peut passer que par le vote. C’est ce qui s’est produit en Europe, et l’Europe a dit " non ".
Mais il y a un danger, celui de tuer la recherche en Europe, au profit des Etats-Unis.
2) La dépendance vis-à-vis des grandes firmes
N’y a-t-il pas des considérations économiques – et pas seulement écologiques et scientifiques – à ce choix de la voie OGM ?
On craint que les OGM ne soient le nouveau " power food ", qu’ils accroissent la dépendance des pays en voie de développement. Mauvaise conscience post-coloniale ? Huit ou dix groupes agro-alimentaires dominent le monde, ce qui est également vrai pour l’industrie pharmacologique. Cela s’explique par le coût de ces technologies, notamment pour ce qui est de la recherche sur la gestion des risques.
Confiscation d’un bien universel au profit de quelques grands groupes agro-alimentaires.
C’est une voie juteuse pour les grands groupes. A se demander si la lutte contre le risque de dissémination du pollen, véhicule des gènes transformés vers d’autres plantes, n’est pas en fait un moyen pour les producteurs de rester " maîtres de leurs semences ".
Pour les firmes, le coût élevé de la mise au point de ces produits implique en effet un refus de diffusion.
La question des OGM pose le problème du partage des connaissances, problème qui n’est pas sans rappeler celui posé récemment en Afrique du Sud concernant la thérapie du sida…
3) La peur de l’uniformité
Une technique nouvelle devrait toujours être l’objet de concertations. Le développement est un processus complexe avec ses dimensions sociales, et ses dimensions culturelles, concernant notamment le rapport homme-nature.
De plus en plus, l’homme se révolte contre les grandes idéologies prométhéennes des XIXe et XXe s qui ont fait tant de dégâts. On veut désormais construire une sociabilité fait d’interconnections passagères entre des individualismes soignés, esthétisés et mis en évidence. Le rapport entre le collectif et l’individuel a changé. La science et la raison reculent face aux sentiments. Mais « reculer » ne signifie pas « disparaître », d’ailleurs. Davantage d’écoute et de respect, peut-être ? Voir les analyses de Michel Maffesoli.
D’un côté un modèle, de l’autre une diversité socio-culturelle.
Imposer le modèle OGM n’est-il pas une sorte de " réductionnisme technique " ?
L’humanité a besoin de manger mais elle a également besoin d’autre chose. Or, derrière un modèle unique de production se profile le risque d’un modèle unique de consommation… et de vie.
Lun 12 Fév - 22:24 par mihou