Courrier international, no. 836
Dossier, jeudi 9 novembre 2006, p. 12
Québec
VU DE BEYROUTH
Le français comme langue de combat
Rania Massoud
L'Orient-Le Jour (Beyrouth)
Au Québec, indépendantisme et francophonie font souvent cause commune, comme a pu le constater une journaliste libanaise.
Etre francophone et survivre sur le continent nord-américain, tel a été le principal défi des Québécois. Tout comme les Flamands, les Irlandais, les Croates et les Basques, les Canadiens francophones ont développé leur propre nationalisme linguistique et culturel contre l'anglais, langue dominante dans le reste du continent. Des années 1960 jusqu'à nos jours, le nationalisme québécois n'a cessé de prendre de l'ampleur, et l'idée d'un Québec souverain, dont la langue commune serait le français, continue d'alimenter le rêve de toute une nation. Pour les Canadiens français, défendre leur langue c'est surtout défendre leur avenir. Au Canada, seulement 18 % de la population est parfaitement bilingue et 13 % exclusivement francophone. Au Québec, seulement 5 % de la population québécoise est exclusivement anglophone et un peu plus de 40 % se déclare parfaitement bilingue. Plus de 95 % des Canadiens francophones résident aujourd'hui au Québec.
Par ailleurs, vu le faible taux de fécondité de sa population, le Canada accueille chaque année des dizaines de milliers d'immigrants qui s'intègrent plus aisément dans la communauté anglophone du pays, affaiblissant ainsi le statut de la langue française au Canada, en général, et au Québec en particulier. Tous ces défis majeurs ont contribué à donner au projet souverainiste une nouvelle dimension, plus mature. Pour le philosophe Michel Seymour, ancien président d'Intellectuels pour la souveraineté (IPSO), seule l'indépendance du Québec permettrait de contrôler pleinement l'ensemble des aspects de la survie linguistique des Canadiens francophones.
La souveraineté du Québec "créerait un pôle d'attraction pour les francophones qui aimeraient s'installer en Amérique du Nord, étant donné que le pays aurait pour langue officielle et unique le français". "Aujourd'hui, le mouvement souverainiste doit relever le défi de bâtir un pays francophone qui véhiculera les valeurs de solidarité, de démocratie et d'équité. Le Québec serait un pays accueillant pour tous ceux et celles qui décideront d'y vivre, peu importe leur langue d'origine", affirme de son côté Monique Richard, présidente du conseil exécutif du Parti québécois. A chaque peuple ses spécificités, et l'identité culturelle des Québécois est d'abord caractérisée par leur langue et leur patrimoine français. La francophonie dans cette province nord-américaine n'est certainement pas une simple langue de communication, c'est toute une raison d'être, un réel combat pour l'indépendance.