Dieudonné & Co : Tant de bruit pour une campagne Zénithentielle ?
05/12/2006
Embrassé le code noir par la ficelle d’un très hypothétique scénario de film, l’histoire négrière prise à bras les biceps, le recours un temps compulsif à la loi Taubira, les grandes envolées contre les ventes aux enchères, la lutte contre le Front national, la liste est longue … Que reste t-il au gênant saltimbanque de tout cela ? Une position officielle … contre la loi Taubira, un peu d’Euro-Palestine, des déclarations vrombissantes d’anticommunautarisme voire d’anticommunautarité en ayant soigneusement laissé croire à tous les orphelins abandonnés d’un leadership noir qu’ils avaient trouvé enfin une tête de proue, et désormais une passion irrépressible pour «aller discuter», tendre la main, avoir une attitude d’ouverture, à l’égard du diabolisé Front national. Liste non exhaustive d’incohérences [d’incompréhensions selon l’auteur] devenues fruit naturel du conditionnement sos-racismien, dont le révélé, born again a enfin su se sortir, pour clamer la parole dédiabolisante et même dieu-donnante.
Une chose et son contraire, une affirmation permanente de son métier d’humoriste, insuffisante manifestement à attirer suffisamment médias et peut-être grand public, expliquant que tout en se réclamant de l’hilarité, le riant Dieudonné s’échine à se faire remarquer pour des aspérités n’ayant rien à voir avec l’humour. Il faut bien, comme depuis toujours [?], par tous les moyens attirer le chaland, et assurer une autopromo que le champ audiovisuel renâcle à accorder à un amuseur imprudent, aventuré dans des zones interdites de l’incorrect politique, du commun indicible. Mais quand il y a du fait divers, de l’antisémitisme réel ou supposé, là les pavloviens accourent avec caméras et stylos. Justement c’était le but !
Rien donc de bien consistant de toutes ces causes apparentes malaxées dans des agendas personnels, un art consommé de s’appuyer sur des clientèles mouvantes, pour capter des nouveaux publics, déçus de ci et de là, et illusionnés un temps par quelque courage vrai ou feint, et un charisme qui fait souvent mouche un moment. Au fait ce serait intéressant d’interroger les associations et personnes qui ont tant soutenu l’humoriste, de faire le bilan des «luttes», des contributions de chacun, la moisson pourrait bien être réduite à sa plus simple expression, dossier par dossier, projets par projets, annonces par annonces. Le mérite d’avoir bousculé les immobilismes et permis d’aborder en publicité nationale des questions sourdes et douloureuses, la question noire, se comptant entre autre au crédit du retiré de la politique, Dieudonné le néo missionnaire de l’anticommunauriste.
Mais voilà, la république et ses institutions centrales, centralisées aux égards du genre bien souvent, mais de la race [perçue] également, reste fermée à la diversité effective, tout en clamant le contraire, contrainte d’afficher, patte blanche levée, des dispositifs-papiers à vocation humaniste que toute l’Europe adopte sous l’impulsion des instances de l’Union. Le racisme, les discriminations, la visibilité des Noirs dans l‘encadrement français demeurent impossibles à aborder par la classe politique classique de façon sereine et intelligible, gardes-chiourmes et hurleurs-aboyeurs rétribués guettant l’opportunité de brancher le cacophone de communautarisme. Les crimes et génocides françafricains, les réparations négrières, l’égalité de condition des citoyens, tous les citoyens, la sortie de l’indigénat de fait, sont de vrais écueils dans la jouissance pleine de la difficile concrétude républicaine. Faute de disposer d’un guichet politique dévoué à ces blessures ouvertes du corps de la nation, ou de l’inscription de ces questions au centre de la vie collective, de celles des partis et organisations politiques de gouvernement, elles échoient naturellement aux quelques-uns qui, pas nécessairement plus outillés que d’autres, ni davantage investis, y prêtent, au moins médiatiquement, une attention ostensible.
Pendant ce temps Georges Frêche, Finkielkrault et Bruckner, sans contradicteurs consistants, restent impunément encroûtés sur le même registre de basses vibrations, celui de la France Black, Black, Black, des Antillais assistés, de l’anti-repentance, et l’impunité accueille toujours de largesses diverses les propos et attitudes notoirement négrophobes.
Entre-temps, un nègre, policier mais nègre d’abord s’est interposé alors que des hooligans du PSG tentaient d’en découdre avec un jeune juif, supporter d’une équipe israélienne Hapoël Tel Aviv, tuant en légitime défense un assaillant des Ultras, ces groupes de supporters ouvertement racistes défendant au vu et au su de tous l’idéologie nazie. Contrairement aux usages lorsqu’il s’agit d’un policier blanc, toute la presse a dévoilé son nom et s’étend désormais sur les déboires qu’il aurait avec la justice, entretenant une confusion nauséeuse sur les causes de la mort de l’assaillant blanc, l’antisémitisme et peut-être le racisme, qui auraient selon toute vraisemblance conduit à la mort du supporter juif. Le racisme subtil à la française prend très nettement le pas sur la déontologie si souvent invoquée et les grandes manifestations de hauteur professionnelle lorsque des peccadilles sont en jeu.
De ces questions qui puent la longue tradition européenne du lynchage, de la négrophobie, il n’est guère de leadership noir et antiraciste pour en parler. On en est à reprocher de façon détournée au «Noir», à l’«Antillais» d’avoir pris le risque de sauver un citoyen en détresse, au motif que l’agent n’était pas dans son rayon d’action, affecté à la surveillance des transports collectifs publics ! Plus qu’un comble, une chute. Une double chute, celle des commentateurs, et celle des silencieux.
Un fait divers, pas si divers que cela, rappelant autant les Anciens combattants noirs, arabes humiliés et spoliés alors qu’ils avaient sauvé la patrie d’une fin probable, annexée par l’ennemi, ou ces Ultramarins et Afrocaribéens responsables de la prospérité de la nation par leur servitude et esclavisation, traités aujourd’hui d’assistés, de parasites, de surnuméraires de la métropole. Le policier antillais, noir aurait été autre chose qu’un Mélanoderme enfermé dans sa condition excluant toute considération d’égalité, qu’il serait , gageons, traité en héros, salué pour avoir courageusement, et au mépris des consignes administratives rigides, volé au secours de l’humanisme bafoué, de la république attaquée. Il ne s’agit que d’un Noir, et c’est cela toute la question, Zénith, Dieudo, BBR ou pas.
Modification le 05.12.06
Pierre Kassenti
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